Mitterrand à Vichy

Les Totalitarismes à l'assaut de l'Europe !

Mitterrand à Vichy

Message par Baron Percy » Samedi 19 Avril 2008 15:24:11

Tel est le titre du docu-fiction de Serge Moati que proposera France 2 ce mardi 22 avril.
Le réalisateur se propose de retracer la trajectoire peu commune d'un jeune homme de province, prisonnier de guerre, évadé à 24 ans, qui se re trouve à Vichy, capitale de l'Etat français.
Pétainiste convaincu, il deviendra progressivement un résistant de premier plan.
A regarder avec intérêt... :wink:
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par rapentat » Samedi 19 Avril 2008 19:51:58

Bonsoir,

Comme toujours j'attends votre compte rendu (merci pour ceux qui n'ont pas de tv) avec intérêt, car le personnage est digne que l'on se penche sur son cas. Juste une petite question, le mot fiction me chagrine, le dictionnaire dit pour ce mot " création, invention de choses imaginaires " Je ne doute pas du professionnalisme de monsieur Moati, mais que peut-il " inventer " sur la vie de Miterrand à Vichy ?? Ceci dit sans malignité de ma part. Juste par curiosité!!!

Cordialement
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par BRH » Samedi 19 Avril 2008 20:13:48

Hahaha ! Avec beaucoup d'intérêt !!! J'ai rencontré le personnage qui a été plutôt bienveillant à mon égard. Si j'avais pris ma carte au Ps, il est certain qu'une voie "royale" se serait ouverte devant moi ! :mrgreen:
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Baron Percy » Samedi 19 Avril 2008 22:58:05

Comme toujours j'attends votre compte rendu (merci pour ceux qui n'ont pas de tv)


Vous pouvez compter sur moi, je n'y manquerai pas. :wink:
Quant à l'appellation "docu-fiction", elle est devenue commune et n'est pas à prendre au sens strict.
J'imagine que le fait que le personnage de Mitterrand soit interprété par un comédien (en l'occurence, il s'agit de Mathieu Bisson) explique sans doute en parte cet intitulé.
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Daniel Laurent » Dimanche 20 Avril 2008 12:36:20

Bonjour,
C'est dimanche et j'ai commis l'erreur de boire une biere ne lisant cela :
Baron Percy a écrit :il deviendra progressivement un résistant de premier plan

Apres avoir projete ma biere sur le tapis en toussant comme un tuberculeux, au grand dam de mon entourage, j'attends avec impatience de savoir ce que la TV va dire du celebre porteur de la francisque et grand ami du collaborateur Bousquet...
Cordialement
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par rapentat » Dimanche 20 Avril 2008 18:06:10

Bonsoir,
Daniel Laurent a écrit :Apres avoir projete ma biere sur le tapis en toussant comme un tuberculeux, au grand dam de mon entourage, j'attends avec impatience de savoir ce que la TV va dire du celebre porteur de la francisque et grand ami du collaborateur Bousquet...


J'espère qu'il restait une gorgée de bière dans votre bouteille!!! Il me semble qu'il a toujours gardé des contacts avec Papon aussi.
Attendons le résumé de notre ami Percy, mais à l'époque beaucoup de personnages ont commencé par être pétainistes pour finir dans la résistance. Je n'en suis pas sûr, mais il me semble que Mitterand a eut la Légion d'Honneur à titre militaire pour faits de résistance...??? Et pourtant le personnage ne m'a jamais été très sympathique!!

Cordialement.
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Baron Percy » Dimanche 20 Avril 2008 18:27:48

Je tiens à préciser que la phrase qui a fait avaler de travers Daniel Laurent n'est pas de moi, mais que je l'ai reprise in-extenso de la rubrique de présentation du docu-fiction publiée dans mon hebdo télé.
Reste à voir si la réalisation de Moati la confirmera ou non... :wink:
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par BRH » Dimanche 20 Avril 2008 20:52:09

Messieurs,

N'oublions jamais que la France a compté 40 millions de "Pétainistes", au moins du 17 juin au 10 juillet 1940, mis à part les gaullistes de la 1ère heure (quelques milliers) et les "cabochards", genre jacobins farouches (un peu comme mon grand-père paternel) et la plupart des communistes.

Le 11 juillet a réveillé certains républicains, mais, reconnaissons que la plupart des Français étaient pétainistes, au moins jusqu'à Montoire.

Il faut être capable d'imaginer la détresse d'un peuple dont l'armée -qu'il croyait la 1ère du monde- a été pulvérisée en cinq semaines ! Imaginez aussi celle des populations qui n'avaient pas connu d'invasions depuis la guerre de Cent ans, comme en Charente !

Le prestige du vainqueur de Verdun était tel que l'on peut bien parler d'adhésion unanime envers sa personne, alors que tous avaient bien conscience que le désastre était dû au Régime ! La propagande maréchaliste aidant, il ne faut donc pas s'étonner que nos compatriotes soient restés longtemps insensibles aux appels du général... :?

L'hiver 1941 commença à déssiller les yeux aux plus optimistes. 8)
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Daniel Laurent » Lundi 21 Avril 2008 04:50:15

Bonjour,
Baron Percy a écrit :Je tiens à préciser que la phrase qui a fait avaler de travers Daniel Laurent n'est pas de moi, mais

Je m'en doutais bien
:D

Bruno, je sais bien que, comme vous le dite, la quasi-totalite des Francais ont ete pro-Marechal au moins jusqu'a Montoire.
Mais c'est le terme qui classifie Mitterrand de "resistant de premier plan" qui me surprend, voire pire.
Cordialement
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par duc de Raguse » Mardi 22 Avril 2008 22:30:30

Sans vouloir me substituer au compte-rendu habituel du baron, je tiens tout de même à placer mon sentiment quant à cette fiction.
Premièrement, celle-ci replace bien le jeune Mitterrand dans le contexte de l'époque et nous fait comprendre le destin particulier, laborieux, voire même paradoxal de cet opportuniste courageux.
On comprend mieux son parcours et on peut juger sur pièces, sans se laisser emporter par la critique facile.
Deuxièmement, si les images d'archives offrent une illustration crédible au contexte environnant, il me semble que certains points sont de l'ordre du cliché ou de la caricature : De Gaulle y est présenté souvent comme un fanfaron s'agitant inutilement pour un oui ou un non, fin politique n'agissant que par finalité personnelle. Il en est de même pour Vichy : on nous présente un Pétain tout gentillet, alors que le sombre Laval oeuvre en coulisses.

Enfin, je reste perplexe sur le mutisme de Mitterrand concernant les déportations de Juifs et de leur statut, lorsqu'il répond par "on ne savait pas !", ce que la fiction semble confirmer ... :?
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Baron Percy » Mercredi 23 Avril 2008 00:13:10

Je confirme en tous points l'impression du Duc : cette émission était riche, bien construite et elle mérite de longs développements.
Je vais donc m'efforcer d'en rendre compte avec un maximum de détails.

Après un an et demi de captivité et deux tentatives d'évasion avortées, François Mitterrand réussit à s'échapper de son stalag allemand.
L'évadé a besoin de papiers et de travail.
A l'époque, il croit encore en Pétain et à la révolution nationale et se rend donc à Vichy en janvier 1942.
Ses convictions d'avant-guerre (milieu catholique de droite) le poussent à s'engager aux côtés du Maréchal. Il est indéniablement pétainiste en ce sens qu'il pense qu'il faut d'abord redresser la France avant d'obtenir la revanche militaire.
Il est d'ailleurs proche des nationalistes et des Croix de Feu du colonel de la Rocque.
Il se voit ainsi confier un travail obscur au service de fichage des anti-nationaux : communistes, gaullistes et adversaires du Maréchal.
En avril 42, il passe au Commissariat aux prisonniers et son travail est apprécié par le régime de Vichy qui lui décerne la Francisque.
C'est l'époque où le port de l'étoile jaune est imposé aux Juifs et celle de la raffle du Vel'd'Hiv', une opération dirigée par René Bousquet, le patron de la police française.
Mais Mitterrand affiche une certaine indifférence face à l'antisémitisme d'Etat qui s'affiche alors partout.
Il reçoit peu après une lettre de son meilleur ami Georges Dayan, un avocat juif réfugié à Alger auquel on a retiré sa nationalité française et le droit d'exercer sa profession.
Cela l'amène à se questionner sur le régime qu'il sert.
Il commence alors à s'adonner à la fabrication clandestine de faux papiers.
Le 11 novembre 42, la zone ibre est envahie par les Allemands et Laval, revenu aux affaires impose "la relève", un troc sinistre par lequel l'Etat français s'engage à envoyer 3 ouvriers en Allemagne pour chaque prisonnier libéré.
Face au silence du Maréchal, Mitterrand s'indigne et démissionne.
Il rejoint à Montmaur le Mouvement des Prisonniers de guerre et se sert de sa francisque comme couverture à son action au service de la résistance.
Opposé à Caillaud, le neveu du général de Gaulle, il fait allégeance au général Giraud qui a gagné Alger. Il a ainsi le sentiment de ne pas tout à fait trahir le Maréchal Pétain.
Entré dans la clandestinité, il prend le pseudo de Morland et se rend à Londres pour y rencontrer de Gaulle. Mais celui-ci est à Alger et c'est là-bas qu'il le rejoint.
A l'issue de leur entrevue, Mitterrand se voit confier la mission de réunir les mouvements de prisonniers sous sa houlette.
Devenu le capitaine Monnier, il regagne Paris et fonde le Mouvement National des Prisonniers de guerre et Déportés (MNPGD).
Recherché par l'occupant, il doit se cacher pour échapper à son arrestation.
Après le débarquement, il donne ses consignes à son mouvement pour aider les réseaux de résistance.
A la libération, il devient rédacteur en chef du journal "Libres" et épouse Danielle Gouze, une jeune résistante.
En 1947, il accède au poste de ministre des Anciens Combattants et entame la carrière politique que l'on connaît.

Le docu-fiction a été suivi de plusieurs témoignages d'écrivains, d'historiens, de journalistes et du réalisateur Serge Moati.
Il en est surtout ressorti ceci :
A l'été 1994, la sortie du livre "Une jeunesse française" de Pierre Péan fit l'effet d'un véritable séïsme.
Ce fut le choc d'une révélation pour le peuple de gauche qui apprit l'itinéraire vichyste du président qui avait cherché à le taire jusque là.
Il faut néanmoins savoir que s'il s'est vu décerner la francisque et s'est tu à propos des dérives du régime de Vichy, Mitterrand n'a jamais été antisémite.
C'est l'invasion de la zone libre qui délégitimisa Pétain et fit basculer François Mitterrand dans la résistance. Il est ainsi dépeint sous les traits d'un "vichysto-résistant".
Chargé d'unifier les mouvements de prisonniers, il assura la présidence de cet organisme et à la libération fut frustré de voir la résistance de Londres évincer la résistance de l'intérieur. Il en garda rancune à de Gaulle.
Lorsque la question juive revint au premier plan, elle mit en évidence le rôle de Vichy et la collaboration de l'Etat français à la mise en oeuvre de la solution finale.
Or, celui qui personnalisa cette collaboration, c'est René Bousquet, ami de Mitterrand.
Quitte à se mettre en porte-à-faux avec l'opinion publique, le président préféra assumer tout son passé sans repentance plutôt que de présenter ses excuses, ce qui aurait pu permettre d'assimiler son passé vichyste à une erreur de jeunesse que beaucoup de jeunes gens de son âge avaient commise.
C'est donc sur cette image quelque peu tronquée qu'il fut jugé.
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par duc de Raguse » Mercredi 23 Avril 2008 08:36:34

Le docu-fiction a été suivi de plusieurs témoignages d'écrivains, d'historiens, de journalistes et du réalisateur Serge Moati.

Ces témoignages étaient excellents et pour une fois les grands spécialistes (Azéma, Rousso, Laborie...) de la 2ème GM en France étaient présents.

Il est ainsi dépeint sous les traits d'un "vichysto-résistant".

Effectivement. Ce sont ces résistants qui ont changé de cap lorsque les Allemands sont entrés en zone libre, que le gouvernement du maréchal n'était plus qu'une fiction et que le STO est entré en application au début de l'année 1943.
Après, c'est une question bien délicate - comme l'on rappelé les historiens - de dire : "il fallait y aller avant !".

Mitterrand n'a jamais été antisémite.

Je ne pense pas non plus. Mais, lorsqu'il est étudiant, il manifeste avec des amis des Croix de Feu contre la venue d'étudiants étrangers en France. Il appartient manifestement entre 1936 et 1938 à la mouvance de la droite nationale, pour ne pas dire l'extrême-droite. Dommage que la fiction n'ait pas relevé ce point.

c'est René Bousquet, ami de Mitterrand.

Je regrette que cette amitié ne fut pas davantage "dépiotée"... :(
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par BRH » Mercredi 23 Avril 2008 11:04:03

Mon cher Percy, je vais reprendre votre brillant résumé pour le compléter:

Le documentaire présenté hier soir et réalisé par Serge Moati m'a paru assez complet:

François Mitterrand est effectivement capturé à Lunéville, après avoir combattu près de Verdun et blessé, le 14 juin 1940. Il est indiqué qu'il aurait vu des avions italiens attaquer en piqué la troupe à laquelle il appartenait...
Mitterrand réussit à s'échapper de son stalag allemand après un an et demi de captivité et deux tentatives d'évasion avortées. La 1ère fois en compagnie d'un prêtre, ils échouent après une marche de 500 km en 20 jours, près de la frontière suisse. La seconde, il parvient jusqu'à Metz, mais sera dénoncé par l'hôtelière qui l'héberge et lui fait payer sa chambre...

L'évadé, en effet, a besoin de papiers et de travail. Sa situation à Jarnac où il a rejoint sa famille n'est pas sûre. Grâce à son père qui a des relations à Vichy, il est affecté comme documentaliste à la Légion des Volontaires de la Révolution Nationale en décembre 1941, sous les ordres du commandant Fabre de Thiérens. Il est certain qu'il croit encore en Pétain et adhère à la révolution nationalede par ses convictions d'avant-guerre (milieu catholique de droite). Il est incontestablement pétainiste en ce sens qu'il pense qu'il faut d'abord redresser la France avant d'obtenir la revanche militaire, comme vous l'écrivez, mais encore par cette adhésion au mythe de l'union sacrée derrière le maréchal et également, sa foi dans un retour à la terre, axe idéologique du nouveau régime.

Proche des nationalistes et des Croix de Feu du colonel de la Rocque et probablement membre un temps de l'Action Française jusqu'en 1936. Le comte de Paris a toujours dit avoir rencontré Mitterrand en Belgique en 1936, à l'occasion d'un rassemblement royaliste.

Il n'a pas alors de lourdes responsabilités, se contentant d'un travail obscur au service de fichage des anti-nationaux : communistes, gaullistes principalement. Mitterrand aperçoit le maréchal une 1ère fois à l'opéra de Vichy et note sa prestance: "une statue de marbre", selon l'expression consacrée... A la même époque, en mars 1942, en compagnie de Simon Arbellot, il rencontre Gabriel Jeantet qui connaissait son père. Sur proposition de ce dernier, il écrit dans le journal "France Revue de l'Etat Nouveau", une feuille très pétainiste. Il est ainsi remarqué des hiérarques proches du maréchal. Il aurait commencé alors à afficher son scepticisme face à la Révolution Nationale...

En avril 42, il passe au Commissariat aux prisonniers, sous la direction de Maurice Pinot: son travail est apprécié par les proches du maréchal, ce qui lui vaudra plus tard la Francisque. C'est l'époque où le port de l'étoile jaune est imposé aux Juifs en zone occupée, le retour de Laval au pouvoir dont il dit "apprécier les méthodes"et celle de la terrible rafle du Vel'd'Hiv', une opération dirigée par René Bousquet.
Est-ce que Mitterrand fait véritablement preuve d'indifférence face à l'antisémitisme d'Etat prôné par Vichy ? En tout cas, ceci ne semble pas retenir son attention. Il ressort de ses justifications ultérieures que le sort des juifs étrangers ne le touche pas, au milieu des malheurs subis par les Français de toutes confessions et qu'il ignore alors comme la plupart des Français le terrible destin qui attend les déportés.

C'est au printemps 1942 qu'il aurait assisté pour la 1ère fois à une réunion organisée par le célèbre commandant Antoine Mauduit, au chateau de Montmaur (près de Gap), ce dernier s'engageant alors dans une forme de résistance: assistance pour l'évasion des prisonniers et protection de certains juifs, comme Serge Klarsfeld. Mitterrand y aurait affirmé qu' il n'était nullement anti-sémite. Il reçoit peu après une lettre de son meilleur ami Georges Dayan, un avocat juif réfugié à Alger auquel on a retiré sa nationalité française et le droit d'exercer sa profession. Se questionne-t-il alors vraiment sur le régime qu'il sert ? En tout cas, il adhère à l'un des clans qui se disputent le pouvoir et l'influence à Vichy: celui dont on a appelé ses membres "les vichysto-résistants". Pour ces derniers, Laval est devenu l'homme des Allemands et ils espèrent encore que le maréchal saura se débarrasser de ce traitre.

C'est alors qu'il commence la fabrication clandestine de faux papiers, destinés surtout aux prisonniers évadés à qui lui et ses amis font également parvenir des plans de l'Allemagne, tout en s'occupant de fournir des effets chauds à leurs camarades moins chanceux. Le documentaire le montre sur le point d'être pris en flagrant délit par des miliciens qui le suspectent et le menacent... Il est probable que la protection de ses "parrains", Gabriel Jeantet et Maurice Pinot, dissuadent les hommes de mains de Laval de pousser plus loin.

Le 15 octobre 1942, Mitterrand rencontre le maréchal Pétain et lui serre la main. Une photo prise dans le service des prisonniers immortalise la scène qui ne sera révélée qu'en 1994... A cette date, il respecte encore le maréchal et espère une évolution favorable du régime !

Le 11 novembre 42, la zone libre est envahie. Laval neutralise toute vélléité de résistance et parvient à dissuader Pétain de s'envoler pour Alger. "L'homme à la cravate blanche" impose "la relève", un troc cynique par lequel Vichy s'engage à envoyer 3 ouvriers en Allemagne pour chaque prisonnier libéré.Face à ces palinodies, Mitterrand comprend que l'heure du maréchal est passée, qu'il ne pourra plus éviter de glisser sur la pente de la collaboration. S'il s'indigne, il ne démissionne pas. Il faut attendre que Maurice Pinot soit chassé du commissariat aux prisonniers en janvier 1943, remplacé par le servile Masson, pour que Mitterrand fasse sienne cette remarque de Pinot à ses anciens collaborateurs: "Pétain règne, mais ne gouverne plus !"

En février 1943, il se rend de nouveau à Montmaur et participe à la constitution du Mouvement des Prisonniers de guerre (RNPG). Déjà, il se heurte à Michel Cailliau, neveu du général de Gaulle. La francisque qui lui est officiellement attribuée (n° 2202), il l'a revendique alors comme une couverture à son action. D'instinct, il s'oppose à Cailliau, car il pressent déjà que la Résistance risque d'être accaparée par les Gaullistes et les Communistes. Aussi fonde-t-il son propre réseau, grâce à ses connaissances et aux documents du Commissariat aux Prisonniers. Il a les fiches et les adresses de tous ceux qui sont revenus en France.

Son premier contact avec la véritable Résistance se déroule en mars 1943, quand il rencontre Henri Frenay et Bertie Albrecht. Il propose l'aide de son Mouvement au réseau Combat, le mouvement des résistants le plus développé en zone "ex-libre". Là encore, il se justifie de l'attribution de la Francisque. Frenay accepte son concours, car lui aussi a été un moment un vichysto-résistant. Mitterrand -en somme- aurait compris tardivement la situation que le capitaine Frenay aurait lucidement analysé dès le retour de Laval au pouvoir... Mitterrand et Frenay partage d'ailleurs un autre point commun: ils sont plutôt favorables au général Giraud qui dirige à Alger les nouveaux territoires rentrés dans la lutte contre l'Allemagne, alors que de Gaulle se morfond encore à Londres. Et puis, pour Mitterrand, Giraud, c'est aussi un prisonnier évadé, comme lui.

Le coup d'éclat de Mitterrand, c'est en mai 1943, quand il interrompt à Paris, le discours d'André Masson, le commissaire qui a succédé à Pinot. Ceci lui vaut un brevet de résistance et cette brillante intervention est commentée à la Radio de Londres. Mitterrand va vraiment entrer dans la clandestinité. Et pourtant -quasiment au même moment- Pétain envisage de confier au jeune et brillant Mitterrand d'importantes fonctions, notamment un poste de directeur au commissariat des Prisonniers où il aurait "neutralisé" le trop lavaliste Masson. Mitterrand a bien compris que la Révolution Nationale est morte, que les heures de Pétain sont comptées; c'est la fin de son double-jeu ! Il entre définitivement dans la clandestinité et va prendre l'identité de "Morland".

C'est alors qu'il se rend à Londres pour y rencontrer de Gaulle. Mais celui-ci est à Alger et c'est là-bas qu'il le rejoint. L'accueil est plutôt froid. De Gaulle veut imposer Cailliau, son neveu. Mitterrand ne l'entend pas de cette oreille. Il repart un peu frustré, mais sans avoir rien lâché. Il profite de sa présence à Alger en décembre 1943, pour y rencontrer Giraud et revoit son ami juif Georges Dayan. Grâce à l'influence de Frenay, à l'issue d'une nouvelle entrevue avec de Gaulle, Mitterrand se voit confier la mission de réunir les mouvements de prisonniers sous sa direction. Son plan est réalisé ! Devenu le capitaine Monnier, il regagne Paris et fonde le Mouvement National des Prisonniers de guerre et Déportés (MNPGD). Il parvient à se débarrasser de Cailliau, qui est mis en minorité, suite aux propres ordres du général et écarte sans peine le malheureux Maurice Pinot, trop marqué par son passé vichyste...
Recherché par l'occupant, il manque plusieurs fois de se faire arrêter. Après le débarquement, il donne ses consignes à son mouvement pour appuyer la résistance. Après la libération de Paris, Mitterrand est nommé secrétaire général aux prisonniers. C'est une sorte de gouvernement intérimaire. C'est à ce titre qu'il rencontre encore de Gaulle. Peut-être a-t-il espéré secrètement sa nomination comme ministre des prisonniers. Mais c'est Henri Frenay qui est nommé. Un autre combat commence...
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par Baron Percy » Mercredi 23 Avril 2008 21:00:10

Je vous remercie d'avoir apporté ces indispensables éclaircissements à mon compte-rendu.
Je n'avais pour toutes armes qu'une feuille de papier et un crayon et la prise de notes au vol n'est pas toujours aisée.
Il était donc fatal que certaines de mes remarques soient incomplètes ou que j'aie manqué de relever certains éléments.
Grâce à votre intervention, c'est désormais chose réparée.
J'en profite pour m'incliner devant la remarquable qualité de vos sources, ce qui fait de votre synthèse un modèle du genre. :wink:
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Re: Mitterrand à Vichy

Message par BRH » Mercredi 23 Avril 2008 22:05:48

Cher Percy, je n'ai fait que compléter votre trame et j'ai travaillé comme vous. Mais c'est utile pour bien cerner les faits. Si déjà on est d'accord sur ceux-ci, les commentaires seront plus objectifs (du moins, on peut l'espérer). Ceci dit, je ne suis sans-doute pas tout à fait impartial envers Mitterrand... :wink:
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