Cuchlainn a écrit :Cependant, quelque chose m'échappe : pourquoi avoir tué Himmler (un imbécile, parlant par respect) et non Göring ? Pourquoi avoir laissé celui-ci faire son numéro de propagande devant ses juges - qui lui vaudront des flots de télégrammes de sympathie de la population allemande ?
Churchill était donc sûr qu'à cette date tout danger était écarté ?
Je vois au moins trois raisons :
-en zone américaine, il ne craint rien;
-il ne va pas à Flensburg tourner autour de Dönitz;
-il n'a pas à sa disposition, du moins officiellement, l'appareil SS et le Wehrwolf, une organisation dont la propagande nazie a dit qu'elle allait pratiquer des vengeances au long cours en cas de chute du Reich.
Pour mieux éclairer les choses, je peux prendre un exemple internautique.
Ce débat a lieu simultanément sur plusieurs forums. Il y en a où je peux m'exprimer librement, sans crainte d'une modération partiale à mon encontre, d'autres non : je passe mon temps à materner les modérateurs en me demandant où va se situer la frontière entre leur bon sens et leur partialité.
Par exemple ici je viens de me faire censurer :
http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=36309
On me reproche, en un e-mail type, un manquement à la charte qui n'est pas précisé, et pour cause. Il est vrai qu'on ne dit pas carrément que j'y ai manqué, mais qu'il en a été jugé ainsi, ce que je ne saurais contester ! Mon crime ? pour une fois je ne répondais pas à mon contradicteur attitré mais prenais à témoin les autres visiteurs en leur signalant que, tant qu'ils toléraient les attaques personnelles en renvoyant dos à dos leurs auteurs et leurs cibles, il ne fallait pas s'étonner qu'elles se perpétuassent.
Eh bien l'Allemagne en 1945, c'est pareil, on ne peut pas tout se permettre partout.
Churchill était fort mécontent qu'on offrît à Göring la tribune de Nuremberg. Il a fini cependant, après coup, par estimer que le procès avait été une bonne chose. Voici ce que j'en dis dans mon livre, p. 241 :
Winston Churchill, qui aurait voulu laisser aux historiens la charge entière de la preuve, reconnaît, lors d’un déjeuner chez lord Mountbatten, le 30 juillet 1946:
qu’il n’avait eu aucune idée, pendant la guerre, de l’échelle des crimes allemands telle que l’ont révélée les preuves produites à Nuremberg et que, bien qu’il ait eu des doutes sur ce procès au commencement, il pensait maintenant qu’il était tout à fait justifié. Cela était dû pour une bonne part à l’attitude lamentable des accusés. S’il avait été dans le box (et il y aurait certainement été si la guerre avait tourné autrement), il aurait eu pour ligne de défense : ’Nous ne reconnaissons pas la compétence de votre tribunal. Nous attendons notre jugement du peuple allemand, au service duquel nous étions, d’ici vingt ou trente ans. Vous avez gagné la guerre, vengez-vous de nous comme vous l’entendez. Nous ne vous reconnaissons aucune autorité pour juger des droits de l’Etat allemand’. Mais sans doute l’ampleur des crimes a surpris les accusés eux-mêmes .
On ne saurait mieux dire. Le fait que tous, sans exception, d’une part aient reconnu que de grands massacres, sans nécessité militaire, avaient été commis par des ressortissants allemands sur l’ordre de leur gouvernement, d’autre part aient désavoué ces actes en les imputant au couple Hitler-Himmler (avec une infinité de variantes sur l’initiative de chacun), est riche d’enseignements sur la nature de ce régime et sur les faits eux-mêmes.