par BRH » Lundi 16 Juillet 2012 09:14:35
le témoignage de l'oberleutnant Meder, publié pages 174 à 176 de l'ouvrage "Division Sintzenich", relatif aux combats de la 33ème division d'infanterie de l'armée de terre allemande (33.ID) lors de la campagne de France.
Ce livre a été publié en allemand en 1941.
Les combats pour la tête de pont d’Orléans
Les brumes matinales recouvrent encore les forêts de la vallée de la Seine lorsque vers 6 heures du matin nous quittons la corne du bois à 8 km au sud ouest de Melun. Comme la veille la 2. Compagnie est en tête de l’avant-garde. Aujourd’hui notre objectif est Orléans. Nous devons y établir une tête de pont de l’autre côté de la Loire. « Est-ce que c’est un grande rivière ? » demande notre chauffeur et comme nous lui répondons oui, il ajoute « Alors nous allons encore avoir du brouillard »
Le déroulement de la matinée lui donne d’abord tort. Rapidement nous progressons vers le sud , devant les motos-mitrailleuses et un canon de 2 cm. La grande forêt de Fontainebleau et son célèbre château s’éloignent sur notre gauche. Nous passons Milly et Tousson. Sur la route la même chose qu’hier : Des fossés et des fermes sortent des groupes de Français au teint basané, qui étonnés lèvent les mains et jettent très vite arme, ceinturon et casque. Dans les bois en bord de route nous débusquons des compagnies et des sections entières qui se rendent. De nombreuses armes légères et de petit calibre tombent entre nos mains. Partout des réfugiés se sont mêlés aux soldats français et il n’est pas rare que nous assistions à des scènes d’adieu touchantes.
Malesherbes est bourré de fuyards. Ils nous acclament et se réjouissent lorsque nous leur demandons de retourner dans leur pays. Nous avons fait déjà plus de mille prisonniers. Que l’ennemi envisage de faire sauter les ponts de la Loire est quasiment sûr. Seule une action décidée peut les faire tomber entre nos mains. Le commandant de division se réserve cette décision. Un petit arrêt après Pithiviers est prévu. Avant Pithiviers l’ennemi résiste encore. De notre droite claquent soudain des tirs de mitrailleuses françaises. Les nôtres répliquent et après que le canon de 2 cm ait tiré quelques obus, l’ennemi se tait. De petits groupes de Français apparaissent bientôt en bordure du parc et sont ramenés par les motards.
Mais sur la gauche un groupe ennemi s’est replié dans les bois. Le commandant que nous avons averti envoi 3 moto-mitrailleuses, des lance rockets et une mitrailleuse de 2 cm à sa poursuite. Bravement les motos s’élancent vers le bois. Alors les mitrailleuses ennemies se mettent à cracher semant la mort. Le pilote de la première moto, le caporal A. est touché et meurt. De même son passager, un sous-officier d’une autre compagnie, l’adjudant L. Le chef d’un autre groupe échappe de justesse au même sort. Les lance-rockets prennent la lisière du bois sous leur feu. Comme toujours ils font effet. L’ennemi rend les armes. Pendant ce temps notre détachement principal a progressé mais il doit de nouveau s’arrêter. Une moto-mitrailleuse de pointe a essuyé des coups de feu de très près. Conducteur et passager y laissent leur vie. Nous engageons des pourparlers avec l’ennemi. Leur résultat est la capitulation d’une section d’artillerie. Sur la place du marché de Pithiviers ils ont tous là rassemblés: des Français blancs, bruns et noirs de toutes sortes. Nous les mettons en ordre de marche. Et nous repartons vers le sud ouest. Nous devons avant tout prendre Orléans et contrôler les ponts de Loire afin que l’ennemi ne puisse reprendre pied de l’autre côté de la Loire. Nous faisons halte après Pithiviers à environ 30 km d’Orléans. Le chef de division ordonne à un groupe d’assaut, composé de quelques motos-mitrailleuses, d’une mitrailleuse de 2 cm et de deux lance-rockets, d’ atteindre la Loire à Orléans pour tenir tous les ponts ou au moins l’un d‘eux.
Sous la direction du sous-lieutenant M. Le petit groupe s’élance. Il dépasse de la cavalerie et de l’artillerie françaises. Des visages médusés regardent l’intrépide détachement. Doit-on exécuter l’ordre de déposer les armes ou tirer ? Mais sur quoi ? Le petit nombre d’engins motorisés à déjà disparu devant. Un unique coup de feu part. Le groupe traverse Orléans et atteint la Loire. On répare en vitesse un trou de bombe qui pourrait gêner. Des mitrailleuses ennemies crépitent. « En selle! » et à 60 km à l’heure on traverse le pont du milieu. Après le passage du dernier canon, une arche du pont explose. Le pont aval saute dans un bruit d’enfer. Une pluie de balles accueille le valeureux commando de l’autre côté de la Loire. Est-ce qu’on avait fait tout cela pour rien ? L’ennemi allait-il aussi réussir à faire sauter le pont du chemin de fer 600m en amont ? Immédiatement après le pont le commando tourne et emprunte le chemin de berge. A toute allure le sous-lieutenant M. se dirige vers le pont ferroviaire. Il réussit à bousculer le groupe chargé de faire exploser l’ouvrage et à détruire les fils reliant la charge explosive.
Pendant ce temps la mitrailleuse de 2cm et les deux lance-roquettes ont ouvert le feu sur l’ennemi qui mitraillent de toutes parts. D’abord les deux lance-grenades tirent en direction de la rue principale. Elle est pleine de véhicules militaires et civils. Comme les Français tirent en se cachant derrière les maisons et les voitures, on ne peut pas épargner les civils. L’effet des grenades explosives est dévastateur.
Le caporal M. de la batterie Mönig qui a déjà été blessé à une jambe pendant la traversée du pont, reçoit un projectile dans le dos lorsqu’il descend de l’avant-train. Le soldat Sch. de la même batterie, saute sur l’avant-train pour prendre des munitions lorsqu’il est lui aussi touché par le tireur caché. Il meurt sur le champ. Le commandant de batterie, le tireur n° 2 et le conducteur continuent à servir le canon. La batterie Fink s’est mise en position juste derrière le terre-plein central de la rue. Soudain le tireur n°2, le caporal R. tombe du longeron. L’ennemi caché lui a tiré de côté dans la bouche. Le commandant de batterie prend aussitôt la place du deuxième servant. Une balle mortelle l’atteint au dos. Le caporal M. gravement blessé, réussit enfin à faire savoir à son chef de batterie ,le Sous-officier M., que le soldat ennemi est dissimulé derrière une tôle de la structure gauche du pont. Un fantassin venu avec la batterie M. lui tire une balle dans la tête avant qu’il ait tué d’autres personnes dans le dos.
De droite aussi, du pont aval, les Français tirent. Ma batterie M. dirige son canon vers les maisons bordant la voie de berge et fait taire le feu ennemi.
La mitrailleuse de 2 cm a entre temps entrepris d’assurer la protection aérienne car des avions ennemis attaquent. Lorsque les deux batteries qui ne sont plus servies que par deux hommes et un chauffeur cessent le feu, les rues alentour offrent une vision d’horreur. De nombreux véhicules sont en flammes. Des voitures de munitions ont été touchées. Leur chargement est parti dans les airs. Rues et trottoirs sont couverts de cadavres d’hommes et d’animaux. Ici un fils d’Afrique lutte avec la mort, là gémit une petite fille dont un éclat d’obus a déchiqueté le bras.
Entre temps l’avant-garde a suivi les éclaireurs de pointe. Le nombre des prisonniers grossit. A Orléans on fait demi-tour devant le pont détruit. Il faut envoyer des renforts de l’autre côté. Le pont ferroviaire doit être sécurisé et les canons ont besoin de munitions. Difficilement nous faisons passer le pont aux canons du premier train. Le premier canon se met en position près d’un train de marchandises sur un talus d’environ 6m de haut. Le second canon assure la protection à gauche. Les deux autres sont transportés vers le pont médian et avec les deux qui s’y trouvent déjà ils étoffent la tête de pont. La jonction est assurée avec les deux canons qui restent du troisième train et deux canons de la 14ème compagnie. En outre, deux compagnie d’infanterie sont amenées sur la rive sud par le pont de chemin de fer. Dans Orléans, le deuxième train garde les prisonniers qui sont environ 500.
On a l’impression que l’ennemi s’est retiré, pourtant vers le soir éclatent des tirs nourris de mitrailleuses et de fusils. Le canon le plus éloigné est la cible de tirs venant d’un bois à gauche de la voie. Le caporal Th. est touché à la cuisse. Le chef de batterie, l’adjudant S., veut faire un rapport à l’état-major de compagnie lorsque une balle l’atteint à l’avant-bras. L’état-major de compagnie lui-même et le pont ferroviaire sont sous le feu de mitrailleuses. Les canons 9 et 10 sont aussi des cibles, mais on ne peut savoir d’où viennent les tirs. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que le feu s’estompe. Dans la nuit une compagnie de mitrailleurs du régiment d’infanterie du Palatinat, sous la conduite du commandant T., passe le pont de chemin de fer et arrive en renfort. Le lendemain matin, le premier canon, qui n’est plus servi que par deux hommes, est de nouveau sous les balles provenant du petit bois distant de 50m. Tourner le canon vers la gauche est impossible à cause des voies. Ce n’est que lorsque la deuxième batterie, épaulée par deux lanceurs de grenades, vient à la rescousse, que le premier canon peut tirer à gauche. Les grenades explosives font fuir les Noirs se trouvant dans le petit bois.
Le 17 juin, le pont de chemin de fer est adapté au passage de véhicules terrestres et d’autres renforts sont acheminés sur la rive sud de la Loire. La tête de pont s’en trouve agrandie. Dans la nuit du 18 juin, deux voitures blindées ennemies tentent par le sud ouest de pénétrer le Loiret. Elles se heurtent à la batterie M. Une voiture est détruite, l’autre s’enfuit grâce à l’obscurité. Le caporal D. qui a touché le véhicule est légèrement blessé. Le matin du 18 juin une grande partie de la division se trouve sur la rive sud de la Loire. Vers 11 h arrivent enfin nos chariots avant-train.
« Attelage! À vos places! Marche! » Nous nous recueillons quelques instants sur la tombe de nos camarades F. et Sch. puis nous reprenons notre marche vers le sud. Notre objectif est le Cher.
Oberleutnant Meder
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !
Napoléon