par Baron Percy » Samedi 03 Novembre 2007 01:25:31
Kamikaze signifie "vent divin" en japonais.
L'excellent documentaire auquel j'ai fait référence a cherché à répondre à cette question basique : qu'est-ce qui a pu pousser tant d'hommes à se suicider de la sorte ? Ont-ils subi un lavage de cerveau ou avaient-ils une foi inébranlable dans l'amour de leur pays et de ses traditions samouraïs ?
Pour y répondre, il faut situer les faits dans leur contexte de l'époque.
Au printemps '45, le Japon est au bord de la défaite : 1300 navires alliés se préparent à envahir son territoire et le pays, étranglé par le blocus économique, est au bord de la ruine.
Les autorités japonaises en viennent rapidement à la conclusion qu'il leur sera impossible de gagner la guerre en utilisant des techniques de combat classiques.
L'état-major élabore alors une stratégie inédite : utiliser les pilotes japonais en tant que bombes humaines.
L'amiral Ugaki est chargé de la constitution de ces unités suicide.
En mars, l'USS Randolph est le premier navire touché par ce type d'attaque. Bilan : 26 morts et 105 blessés.
Au delà des victimes, c'est la méthode utilisée qui choque les Américains qui réalisent que plus aucun de leurs navires n'est en sécurité.
Du côté de l'Empire du Soleil levant, on a recours à la contrainte sociale pour dénicher des volontaires : le poids de la tradition, l'appel au patriotisme et la crainte de passer pour un lâche suffisent à convaincre les plus indécis.
Les scientifiques sont mis à contribution et conçoivent l'Oka (fleur de cerisier), un mini avion équipé de bombes explosives qui est fixé sous un bombardier avant d'être largué pour piquer à plus de 1000 km/h sur les navires ennemis.
Le premier raid de ce type est déclenché sur Okinawa le 21 mars, mais les bombardiers surchargés et insuffisamment protégés par quelques chasseurs d'escorte sont totalement détruits avant d'avoir pu entrer en action.
Alors que la flotte américaine est bloquée à Okinawa en raison de la résistance des troupes japonaises stationnées dans l'île, c'est la flotte britannique d'appui qui subit la seconde attaque kamikaze avec un succès mitigé.
Les pilotes japonais sont alors formés aux techniques d'attaques en piqué afin d'optimiser les résultats.
Leurs cibles prioritaires sont les porte-avions, puis les cuirassiers et enfin les croiseurs.
Les volontaires ne sont informés qu'un jour ou deux avant leur mission afin de leur éviter de ruminer et de douter. Ils sont alors autorisés à écrire une dernière lettre à leur famille à laquelle ils joignent généralement une mèche de cheveux ou des rognures d'ongles.
Le 6 avril marque le début des attaques massives qui dureront deux mois.
Quatre cents avions participent à la première mais moins d'un sur dix atteint sa cible. Cependant, ils parviennent à ébranler psychologiquement leurs adversaires qui ne parviennent pas à comprendre la mentalité de ces candidats au suicide.
Le principe des attaques kamikaze est étendu à la marine japonaise et toute une escadre est envoyée dans ce but avec le cuirassier "Yamato" en fer de lance. Mais les Américains sont avertis de cette offensive et ils envoient une puissante escadrille et des sous-marins pour l'intercepter.
Tous les navires japonais sont coulés et plus de 4250 hommes y laissent la vie.
Cette victoire est ressentie comme la revanche de Pearl Harbor.
Désormais, c'est une guerre psychologique qui s'engage : les attaques des kamikazes se succèdent de jour comme de nuit, ébranlant le moral des troupes alliées.
Le 11 mai marque une grande première pour l'aviation japonaise : ce jour-là, l'USS Bunkerhill est le premier porte-avion à être touché de plein fouet. 400 victimes sont à déplorer et les avaries sont telles que le navire est contraint d'évacuer la zone de combats.
Mais au bout de deux mois d'attaques incessantes, le Japon se trouve à court d'avions et de pilotes.
Au total, 1900 Kamikazes ont fait le sacrifice de leur vie pour couler 27 navires.
Le 21 juin, l'île d'Okinawa tombe aux mains des Américains qui disposent désormais d'une base leur permettant d'envisager l'invasion du Japon.
Mais 12.600 soldats US sont morts et quelque 200.000 militaires et civils japonais sont décédés en défendant leur territoire pied à pied.
Il n'est donc pas difficile d'imaginer ce que donnerait une invasion du Japon : le fanatisme des nippons est tel que toute la population est mise à contribution et on exige d'elle le même esprit de sacrifice.
La décision de larguer la première bombe atomique est alors prise.
On peut donc en conclure que la stratégie kamikaze a fait entrer le monde dans l'ère de la terreur nucléaire.
Le 14 août, alors que l'empereur Hiro-Hito vient de prononcer le discours par lequel il communique aux troupes la capitulation du Japon, l'amiral Ugaki décide de connaître le sort de ses hommes et s'envole pour la dernière mission kamikaze de la guerre.
Il s'envole avec 22 volontaires avec l'intention de se précipiter sur des navires américains stationnés au large d'Okinawa.
Mais il n'atteindra jamais sa cible. Son escadrille a disparu sans laisser de traces.
"Les erreurs du passé sont les faiblesses de l'avenir"