Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Les Totalitarismes à l'assaut de l'Europe !

Weygand croit-il encore la résistance possible ?

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Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Samedi 27 Janvier 2007 10:39:11

Extrait de mon article dans la Revue "Histoire de Guerre", n°48

Le 1er juin 1940, à l’issue des vingt premiers jours de combat, la situation militaire peut paraître désespérée aux chefs français en charge de l’avenir du pays. Le premier d’entre-eux, Maxime Weygand, âgé de 73 ans, en sa qualité de généralissime, doit répondre du destin de la Nation. Brillant second de Foch durant la Grande Guerre, éminence grise du Maréchal Pilsudski qui contre-attaque brillamment autour de Varsovie en 1920 pour repousser les bolcheviques, est-il encore en mesure d’épargner à la France l’invasion qui la menace ?

Après 20 jours de guerre-éclair, les gros de l’armée Française ont été cantonnés sur la Somme et l’Aisne. Le front ayant volé en éclat à Sedan, dix divisions de panzers se sont engouffrées dans la brèche, appuyées par une aviation formidable. Depuis le 21 mai, Weygand –il a remplacé l’incapable Gamelin- s’efforce de ressaisir la bataille pour tenter d’enrayer l’invasion du nord de la France. Mais il n’y parviendra pas, ne pouvant empêcher l’encerclement des meilleures troupes alliées et leur anéantissement en tant que forces militaires organisées et utilisables.

Espoirs et craintes de Weygand

Au cours du comité de guerre du 25 mai 1940 (1), en présence du président de la République Albert Lebrun, de Paul Reynaud (président du Conseil), du maréchal Pétain et des ministres de la défense nationale (guerre, air, marine), le nouveau généralissime résume la situation : « Un front continu est en voie d’achèvement. Pour tenir ce front, 36 divisions sont engagées, 3 sont en réserve, 9 sont en mouvement avant de prendre position, soit au total 48 divisions auxquelles il faut ajouter les 10 divisions de forteresse pratiquement immobilisées dans la ligne Maginot. En plus, les disponibilités en réserve du GQG sont constituées par 2 divisions venant d’Afrique du Nord, en cours de déplacement. Le transport d’une autre division est à l’étude. Enfin, une division sera prélevée sur le front des Alpes. A l’intérieur du territoire, on procède à la mise sur pied de 7 divisions (en partie récupérées sur les débris de Corap). Elles seront prêtes entre le 1er et le 15 juin.»

Au 1er juin, les forces se répartiront ainsi : de la mer à Longuyon –soit sur 360 km de front- une quarantaine de divisions (42 exactement, dont 3 Dcr très réduites et 3 Dlc également affaiblies). 6 divisions étant susceptibles d’agir en renfort.

De Longuyon au Jura, sur la ligne Maginot et derrière le Rhin, 17 divisions (après le prélèvement de 25 divisions et d’une Dlc). Mais ce chiffre ne tient pas compte des équipages de la ligne Maginot, ni des troupes d’intervalles, soit 37 régiments d’infanterie de forteresse, regroupés sous l’appellation de secteurs fortifiés « SF », ou de divisions d’infanterie de forteresse « DIF », au total, plus de 220 000 hommes (2) !

S’exagérant le péril, le généralissime avance « qu’en face de nous, nous avons de 130 à 150 divisions allemandes. Nous sommes donc appelés à lutter à 1 contre 3. » (3)
Weygand ne retient que trois solutions dans la stratégie à adopter, qu’il présente ainsi :

1°/ Manœuvre en retraite : pivotant de l’aile gauche de la ligne Maginot et se rétablissant sur des lignes successives, après un coup d’arrêt sur le front Somme-Aisne, les armées de gauche et du centre prendraient position sur la Basse-Seine, l’Oise, la position nord de Paris, la Marne et l’Argonne jusqu’à la position fortifiée de Metz.

« Mais, déclare-t-il, une telle solution est impossible, car nous n’avons pas assez de forces pour garnir les échelons de recueil des postions successives. Nous n’avons de forces que pour nous battre sur une seule position. De plus, aucune organisation profonde du territoire n’existe, aucun réduit n’est préparé. »

2°/ Raccourcir le front : en fait, c’est purement hypothétique. Car si l’on tient une ligne partant de la mer et couvrant Paris, puis rejoignant la Loire pour se couvrir à droite, vers l’Est, ceci impliquerait l’abandon de la ligne Maginot. L’autre option, c’est de conserver cette forteresse, puis de se rabattre vers le Massif Central, en abandonnant la région parisienne. C’est évidemment exclu !

3°/ Tenir sur place, soit sur la position Somme-Aisne et y lutter sans esprit de recul. C’est naturellement celle-ci que préconise Weygand. Pourtant, il lui avait été suggéré de se battre derrière la Basse –Seine. Cette variante avait le désavantage d’allonger le front et de livrer à l’ennemi une vaste portion de territoire sans combattre…

Quoiqu’il en soit, le comité de guerre devait approuver cette solution. Il est vrai qu’il n’y avait guère d’alternative. On est obligé de constater que le généralissime ne peut que s’en tenir à la doctrine de l’époque : le front continu, abrité –autant que possible- derrière des lignes d’eaux ! Il introduit toutefois un correctif tactique : le front se présentera comme une suite de points d’appui, baptisés « hérissons », censés quadrillés le terrain , et non plus comme des lignes de résistances continues successives, trop facilement tournées, une fois qu’elles ont été « crevées »…

Tenir ou manœuvrer ?

Que représentent donc ces « hérissons » ? Il s’agit de transformer en réduit fortifié les villages, les bois qui parsèment la « ligne principale de résistance » (LPR) et ses arrières immédiats, de manière à ce que leurs garnisons puissent faire usage de leurs armes « tous azimuts ». A cette fin, toutes les armes anti-chars (canons de 25 ou de 37, canons de 47 mm) et les 75 (qui restent l’atout principal de l’armée Française), seront employées pour interdire la pénétration des colonnes blindées de l’ennemi ainsi que celles de son infanterie motorisée !

Le problème se pose à propos des intervalles : aura-t-on assez de mines anti-chars, de réseaux de fils barbelés pour en interdire l’accès ? Les « trous », entre deux villages, ou entre un village et un bois seront-ils suffisamment battus par les feux des « hérissons » pour constituer un barrage infranchissable ? L’artillerie lourde -basée à l’arrière- sera-t-elle d’un poids suffisant pour organiser des contre-batteries efficaces et surtout matraquer les colonnes de l’ennemi qui parviendraient à s’infiltrer dans le dispositif ?

En réalité, cette tactique des hérissons n’est pas la panacée. Car les garnisons –une fois encerclées- risquent de succomber au bout de deux ou trois jours. Seront-elles secourues, et Par qui ? Pour être efficace, il faudrait pouvoir lancer de puissantes contre-attaques locales afin de dégager les garnisons et les renforcer. Or, il ne reste que 1200 blindés modernes à la France pour faire face à la ruée de plus de 2 000 panzers, soit cette fois une proportion de 1 char contre 2 panzers.

De plus, on ne voit pas très bien quel est la nécessité de s’organiser en hérissons derrière des lignes d’eaux suffisamment larges pour interdire un franchissement facile aux panzers. L’infanterie allemande devra coûte que coûte conquérir une tête de pont d’au moins un km de profondeur sur deux de large (4) pour faire passer ses blindés. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’elle tentera le passage à l’endroit justement où les feux seront les plus distendus : entre deux garnisons. La logique voudrait que l’on conserve un dispositif linéaire derrière les rivières, susceptible de jouer un rôle d’alerte afin d’y diriger dès que possible des groupements d’interventions de réserve mobiles possédant des blindés (5).

Le temps manque évidemment pour intégrer cette nouvelle tactique aux différents échelons de commandement de l’armée. Certes, il ne dépendait pas du généralissime de changer le rapport des forces tragiquement obéré au cours des combats de mai : tenir 360 km de front avec –au mieux- une cinquantaine de divisions face à quatre vingt-dix allemandes (6). On ne sortait pas de cette terrible équation. Dans le meilleur des cas, on se battrait à un contre deux !

Au reste, Weygand ne se fait aucune illusion. Devant le comité de guerre, il conclut par ces paroles prophétiques : « nous pourrions être crevés (…), dans ce cas, chacune des parties de l’armée se battrait dans les môles jusqu’à épuisement, pour sauver l’honneur du pays. »

Notes:

1/ Weygand : Mémoires, appendice IX, Flammarion, 1950.

2/ En fait, si on laisse de côté les RIF du SF de Montmédy, on compte 16 GU (Grandes Unités de Forteresse), composées par 37 régiments d’infanterie de forteresse, soit plus de 220 000 hommes, dont 25 000 constituent l’équipage des ouvrages et des casemates de la Ligne Maginot. 195 000 hommes environ composent le fond de ce qu’il est convenu d’appeler « les troupes d’intervalles », très bien dotées en armes automatiques, mortiers et autres pièces anti-chars, mais ne disposant d’aucune mobilité, ce qui représente tout de même l’équivalent de 13 divisions d’infanterie. A cela s’ajoute les 17 divisions de campagne, encore présentes au 1er juin, derrière la ligne Maginot. Suite au retrait de 2 d’entre-elles le 4 juin, puis 2 autres le 10, elles seront encore 13 : ce qui aboutit à un total de 26 unités, face aux 20 divisions du groupe d’armée C de Von Leeb…

3/ Weygand ne comptabilisant que 48 DI susceptibles d’agir face au Nord, de la mer à Montmédy, il s’imagine une force colossale déferlant contre lui de 130 à 150 divisions. Mais, il convient de retirer de ce total les 20 unités de Von Leeb et les 10 divisions nécessaires à l’occupation des Pays-Bas et de la Belgique. Le voici donc en présence de 120 divisions. Par une réflexion stratégique hardie –comme on le verra- il était susceptible de porter le total de nos forces sur le front Somme-Aisne à 60 divisions : la proportion n’était plus alors que de 1 contre 2, ce qui était encore beaucoup, sans doute…

4/ c’est la superficie minimum pour permettre au génie allemand de lancer un pont de bateaux relativement à l’abri du tir des défenseurs, l’opération se déroulant la nuit, de préférence. Le plus souvent, ces têtes de pont seront plus importantes, par exemple, celle de Pont-Avert, le 9 juin au-delà de l’Aisne.

5/ Avec une compagnie de chars, au minimum, soit dix engins. Ce sera précisément le cas, à l’est de Rethel, quand la 14ème DI commandée par de Lattre, rejettera les assaillants dans l’Aisne, ce même 9 juin, en capturant plus de 800 prisonniers.

6/ Ce sont celles effectivement mises en ligne pour pénétrer au cœur de la France. Les autres divisions ne combattront pas, se contentant d’occuper le territoire et le littoral français.
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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BRH
 
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Message par Menteur » Samedi 27 Janvier 2007 15:19:00

Je ne le pense pas. A un contre trois, avec une armée de l'air moins puissante qualitativement et quantitativement, des forces terrestres moins rapides, qui peut croire en la victoire ?

Ses trois solutions sont vouées à l'échec, et il le sait. Il est obligé de laisser du terrain à l'ennemi, sinon ses effectifs seront trop dispersés. Les hérissons ne sont évidemment pas capables de lutter contre une attaque de forte puissance, à moins d'être immédiatement renforcés par des unités de réserve. Unités en trop faible nombre, et peu rapides. Laisser du terrain, encore faut-il établir une ligne de défense rapidement, sachant que les troupes ennemies sont plutôt à mobilité rapide...

Aurait-il été possible d'attaquer massivement les positions allemandes en Luxembourg/Belgique/Pays-Bas par la ligne Maginot afin d'encercler les troupes ennemies, tout en faisant acte de présence sur la Somme et l'Aisne ? Pour ce faire, redéployer le gros des troupes vers l'Alsace et effectuer une percée le long des frontières entre l'Allemagne, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. Un coup de poker, car il n'aurait rien resté en réserve...
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Message par BRH » Dimanche 28 Janvier 2007 22:58:26

Pour suivre:


La Royal Air Force : espoir suprême et suprême pensée

En vérité, un élément était de nature à changer la donne : l’intervention de la Royal Air Force ! L’aviation française, surclassée, essayait tant bien que mal de disputer à la Lutwaffe, la maîtrise des airs qui se traduisait surtout par le bombardement des positions françaises et des voies de communication. De plus, sous la protection d’une chasse souveraine, les appareils d’observations coopérant avec la Wehrmacht signalaient le moindre mouvement des troupes françaises…

Si Churchill acceptait de lancer les 10 « squadrons » qu’il avait promis le 15 mai (7), alors tout n’était pas perdu ! Surtout, ce renfort tant de fois promis, mais jamais envoyé, pouvait permettre une action des escadrilles de bombardiers anglais. Alors, les concentrations de panzers nécessaires pour réaliser le « Schweerpunkt » devenaient vulnérables. Ceci, d’autant que les deux aviations parviendraient à une répartition des tâches : à la R.A.F le secteur de la Somme (où devaient combattre une ou deux divisions anglaise), et celui de l’Aisne à notre aviation.

En vérité, il semble bien que Weygand, soutenu par le maréchal Pétain, subordonnait l’efficacité de la résistance à l’intervention de la R.A.F. Si celle-ci ne se produisait pas, la lutte –coûteuse en hommes- ne pourrait aboutir qu’à l’invasion de tout le territoire… C’est ce qui transparaît, dès le 29 mai, dans sa note à Paul Reynaud :

« Il paraît nécessaire que le gouvernement britannique sache qu’il peut venir un moment à partir duquel la France se trouverait dans l’impossibilité de continuer une lutte efficace pour protéger son sol. Ce moment serait marqué par la rupture définitive des positions sur lesquelles les armées françaises ont reçu l’ordre de se battre sans esprit de recul. »

Comme le note le colonel Goutard : « Quand le front Aisne-Somme sera crevé (…), il n’y aura plus de défense possible ! Cette bataille avec mission de sacrifice est donc perdue d’avance, et les troupes qui auront échappé à la capture ne pourront qu’entamer une retraite précipitée, sans avoir la possibilité de se regrouper en masse de manœuvre (8). »

Les éléments d’une réflexion stratégique

Cependant, ne convenait-il pas de mener une réflexion stratégique sur la suite de la campagne ? Weygand –l’élève et le second de Foch- n’avait-il pas le devoir de mener cette réflexion ? Ne se rappelait-il donc pas la bataille de la Marne en septembre 1914 ?

Ne doit-on pas donner raison au général de Gaulle quand il déclarait à Londres à l’automne 1940 : « il ne fallait donc pas se contenter d’organiser sur la Somme une nouvelle bataille défensive sur une ligne à la manière de 1918. Il fallait renoncer au front continu, manœuvrer, manœuvrer ! »

A dire vrai, de Gaulle ira même jusqu’à proposer au généralissime de regrouper nos forces en deux masses blindées de 600 engins chacune, de manière à prendre en flanc les colonnes allemandes qui exploiteraient leur percée initiale. Cette proposition sera partiellement retenue, mais le temps manquera pour la parfaire (9). Pour l’exécuter convenablement, il aurait fallu regrouper tous les chars ensemble, quel que soit leur type. Il est certain que de telles masses auraient provoqué de gros dégâts et la stupeur chez l’ennemi, après ses premiers progrès sur nos arrières. Ainsi, la 7ème Panzer de Rommel aurait pu être anéantie, le 8 juin 1940, alors qu’elle dévalait les côtes de Normandie vers les berges de la Seine (10) ; ainsi, les 6ème et 8ème panzer auraient pu subir le même sort après avoir percé en Champagne : on sait que la contre-attaque du groupement Buisson causa quelques frayeurs à Guderian. Mais la masse employée ne dépassait pas 300 engins (11)…

L’expérience de la seconde guerre mondiale l’a démontré : vouloir tenir à tout prix un front continu avec des forces inférieures en nombre, aboutira toujours à une catastrophe. Inversement, la manœuvre en retraite donnera souvent des résultats positifs. On rappelle les manœuvres anglaises et de Rommel en Libye (12), celle des Allemands après Stalingrad (13), et surtout, celle menée par Kesselring en Italie, au moment où il dut faire face à la rupture de la Ligne Gustav (Cassino) avec des forces quatre fois moins nombreuses que celles des Alliés !

Ceux-ci mirent tout de même deux mois et demi pour progresser de 350 km vers le nord et atteindre la ligne de l’Arno en juillet 1944. Plus tard, Weygand objectera qu’il ne pouvait mener une telle manœuvre, faute de forces disponibles suffisantes pour garnir les échelons de recueil sur des positions successives ! Mais, Kesselring en avait-il davantage ? Certainement pas. A la décharge de Weygand, il faut reconnaître que l’armée française de 1940, telle qu’elle était équipée, commandée et entraînée, se trouvait infiniment moins mobile que les troupes allemandes en Italie, trois ou quatre ans plus tard. Et qu’avant le Massif Central et les Alpes, il n’y avait guère de montagnes pour ralentir les colonnes motorisées des Allemands !

Toutefois, ce n’était pas spécifiquement pour aboutir à une retraite qu’il fallait manœuvrer : mais bien pour surprendre l’ennemi et se donner l’occasion d’une contre-attaque d’envergure, susceptible de bousculer et d’amoindrir une grande partie de ses moyens, ce qui renvoie à la stratégie à adopter. Sur ce point, de Gaulle n’avait pas été le seul à préconiser un changement de méthode. Le 27 mai, le général Burher, commandant des troupes coloniales, expliquait à Mandel les dangers de la ligne continue : « l’ennemi percerait aisément ce faible cordon et nos éléments dissociés seraient cernés, sans arrêter sensiblement la marche de l’ennemi. ». Il ajoutait qu’il ne fallait à aucun prix s’accrocher à la Ligne Maginot, puisqu’elle était déjà tournée vers le nord…

La Ligne Maginot, un atout inexploité !

Justement, ce faux rempart à l’abri duquel les Français s’étaient crû à l’abri de l’invasion, ne devenait pas inutile pour autant. Car il allait épargner momentanément des combats et de l’occupation la Lorraine et l’Alsace : le 14 juin, quand Paris tomberait, Metz et Strasbourg seraient encore tenues par nos troupes… Pourtant le généralissime n’allait pas utiliser à fond sa valeur d’obstacle. Il est vrai que la chute de l’ouvrage de La Ferté, le 19 mai, avait traumatisé l’Etat-Major qui avait douté –dès ce moment-là- de son rôle stratégique.

C’était encore une erreur d’appréciation : La Ferté, ouvrage d’importance secondaire, situé en bout de chaîne, mal flanqué par des casemates pas assez nombreuses, avait vu son équipage succomber suite à des circonstances très favorables aux Allemands (14). Pourtant, cette ligne Maginot attaquée sérieusement du 14 au 24 juin allait résister à toute leurs tentatives. Comme l’a bien démontré Roger Bruges, seuls des ouvrages secondaires –encore moins importants que celui de La Ferté- succomberaient, étant assaillis de front et surtout par leurs arrières…

Weygand pouvait certainement retirer l’équivalent de trois à quatre E.O.C.A et six à huit divisions (15) pour renforcer opportunément le front de la Somme, si faible et si peu étayé (les DI y tenaient 17 km de front et l’ennemi y disposait de plusieurs têtes de pont). Il pouvait surtout récupérer l’usage de quatre bataillons de chars modernes (190 R.35), laissés à la disposition du général Prételat et qui ne joueront quasiment aucun rôle dans la calamiteuse retraite des armées de l’Est ordonnée trop tard !

En admettant que le généralissime ait préféré attendre de connaître l’exact point d’application de l’offensive allemande, il devait –dès le 7 juin- après avoir constaté que l’effort principal de l’ennemi se portait bien sur la Somme et sur l’Aisne (comme c’était prévisible), il devait donc puiser dans cette ultime réserve pour contre-attaquer ou songer à se rétablir sur la Marne et sur la Seine.

Tactique et stratégie politique.

Le choix du terrain où on allait affronter l’ennemi n’était guère judicieux au niveau de la Somme. Weygand avait décidé d’y jouer son va-tout, mais curieusement, ne s’en donnait pas les moyens : trois têtes de pont importantes obéraient sa capacité défensive (Abbeville, Amiens, Péronne) et sans compter d’autres de moindre importance… Et c’est là que le nombre de nos divisions en 1ère ligne était le plus faible. Certes, le temps avait manqué, puisque l’ennemi reprenait l’offensive dès le 5 juin (empêchant de mettre en ligne les renforts en cours d’organisation et qui devaient être prêt le 15 juin) ! Et les subordonnés comme Altmayer et Frère, avaient encore trop tendance à maintenir certaines divisions en réserve, comme pour une défense dans la profondeur. Il semble d’ailleurs que ces choix délibérés aient pour auteur le général Besson, commandant le 3ème groupe d’armées qui parviendra à imposer son point de vue à Weygand, le 7 juin, au cours d’une conférence d’état-major dramatique.

Concernant celle-ci, le « major général », le général Doumenc, appuya de tout son poids la position de Besson, ce qui revenait à abandonner les fameux hérissons. François Delpla estime que Besson et Doumenc ont ainsi prolongé la résistance : c’est ignorer que l’armée allemande –une fois saisie une tête de pont- était capable de faire déferler ses panzers sans que l’infanterie française soit en mesure de stopper leur avance. Et des divisions placées en recueil, ne pouvaient guère changer l’issue de la lutte. Il avance que Weygand était résigné à l’armistice et qu’au fond, il aurait orienté son dispositif militaire dans la perspective d’une capitulation à brève échéance (16).

Cet auteur considère que –dès le 25 mai- le gouvernement Français avait été saisi d’une offre de paix par Göring et que Weygand en était parfaitement informé. Paul Reynaud ne voulant pas se désolidariser de l’Angleterre, cette offre serait devenue caduque, tout en facilitant le miracle de Dunkerque. Weygand aurait alors estimé de son devoir de ne pas sacrifier inutilement la jeunesse Française, en amenant rapidement le gouvernement à consentir un armistice séparé, à moins que Churchill ne consente à donner le secours de ces fameux squadrons de la R.A.F.

Comme il est difficile de démêler cette question, nous nous bornerons à constater que le front de la Somme n’était pas suffisamment garni de troupes pour pouvoir tenir. Que le groupement de 600 blindés modernes préconisé par le général de Gaulle ne sera pas constitué. A sa place, deux sous-groupements (Petiet et Audet), totalisant moins de 300 chars et qui ne joueront qu’un rôle secondaire. Qu’il en sera de même avec le front de l’Aisne à son tour attaqué le 9 juin avec un groupement Buisson de 300 chars seulement en soutien !

Les trois erreurs de Weygand, après le 5 juin

En admettant que le généralissime ait tenté de tout mettre en œuvre pour assurer le succès de la tactique des « hérissons », il faut se demander s’il voyait plus loin que cette impossibilité : « tenir, sans esprit de recul » ! Sa réponse à de Gaulle (17) a le mérite d’être claire :

-Vous le voyez, je ne m’étais pas trompé quand je vous ai, il y a quelques jours, annoncé que les Allemands attaqueraient sur la Somme le 6 juin. Ils attaquent en effet. En ce moment, ils passent la rivière. Je ne puis les en empêcher.
-Soit ! Ils passent la Somme. Et après ?
-Après ? c’est la Seine et la Marne.
-Oui. Et après ?
-Après ? Mais c’est fini !
- Comment ? Fini ? Et le monde ? Et l’Empire ?

Weygand aurait alors éclaté d’un rire désespéré : « l’Empire, mais c’est de l’enfantillage ! Quand au monde, lorsque j’aurai été battu ici, l’Angleterre n’attendra pas huit jours pour négocier avec le Reich ! »

Y avait-il des réserves susceptibles d’alimenter le combat sur ces larges cours d’eaux dont cette fois nous tiendrions toutes les rives ? Oui : en Normandie, où l’on reformait tant bien que mal sept divisions à partir des rescapés de Dunkerque. Et toujours ce potentiel qui ne servait à rien derrière la Ligne Maginot. A cet égard, le généralissime a commis trois erreurs :

1°/ Weygand a estimé que la ligne Maginot, non seulement ne pouvait pas se passer des troupes d’intervalles, mais encore qu’elle ne pourrait être tenue sans le secours des divisions en réserve (18). Sans sous-estimer la possibilité d’une attaque sur Montmédy, la Sarre ou sur le Rhin, il a laissé treize divisions correctement équipées, de Thionville à Belfort, avec quatre bataillons de chars modernes en soutien ! Au total, au moins vingt six grandes unités qui n’avaient en face d’elles que les vingt divisions de Von Leeb, de qualité assez médiocre…

Il est certain que ces divisions ont manqué ailleurs, sur la Somme et sur l’Aisne. En faisant preuve d’audace, cinq pouvaient renforcer le secteur de la Somme, si vulnérable ; et trois, celui de l’Aisne.

2°/ Autre erreur : Weygand envisage l’ordre d’abandonner la ligne Maginot et les secteurs fortifiés du Rhin, le 11 juin au moment où le front de Champagne est sur le point de s’écrouler, ouvrant un boulevard aux panzers. Ce faisant, il accepte de livrer toutes les régions de l’Est à l’ennemi, sous prétexte de faire reculer les armées de l’Est jusqu’au Morvan et le Jura, de manière à garantir la droite des armées. Mais vu les délais nécessaires pour exécuter ces ordres, c’était prendre le risque insensé de voir cette retraite empêchée par la ruée des blindés de Gudérian, alors qu’un front aurait pu être constitué sur la Meuse et la Moselle, avec les zones fortifiées de Verdun, Toul, Epinal, Belfort comme points d’appui.

3°/ Enfin, dernière erreur fatale, Weygand ne donne cet ordre que lorsque le front est enfoncé et Gudérian sur le point de pénétrer dans Saint-Dizier, c’est à dire le 12 juin. Dans sa propre logique, il eût dû donné cet ordre le 10, avec effet immédiat, à condition de laisser les équipages dans les ouvrages et les casemates. Il est évident qu’un repli des armées de l’Est en Bourgogne était illusoire, compte-tenu du peu de mobilité des divisions d’infanterie et notamment, des régiments d’infanterie de forteresse (R.I.F), sans compter la perte de potentiel de divisions conçues pour manœuvrer autour et à l’abri du béton !

Cet ordre est vraiment irresponsable car il a entraîné d’importantes destructions d’armes et de munitions sans profit pour la défense du territoire et il a conduit des troupes très vite harassées (car elles se déplaçaient à pied, bien entendu), sans mobilité et sans moyens sérieux, à se battre en rase campagne, face à une ennemi au moral dopé par ses victoires faciles !

7/ « Daladier et Gamelin décident de télégraphier à Churchill pour lui demander l’appui plus intensif de l’aviation britannique. Le Premier britannique promit d’envoyer des renforts aériens au continent, écrit Langer. Mais cette promesse n’eût pas de suite, car le Cabinet de Guerre en repoussa l’exécution (soixante jours qui ébranlèrent l’Occident, par Benoist-Méchin, collection bouquins, p.105)»
Gamelin insiste à nouveau, le 16 mai, par un télégramme adressé à Churchill :
« Je me permets d’insister à nouveau pour vous demander l’envoi immédiat de 10 squadrons de chasse envisagé.
Situation très sérieuse. Naturellement, ces 10 squadrons seraient basés sur la Basse-Seine où ils sont à l’abri, et d’où vous pourrez facilement les reprendre. »
Le soir du 16 mai, rendu à Paris, en présence de Reynaud et de Gamelin, Churchill annonce que « la R.A.F consent à mettre 10 squadrons supplémentaires à la disposition du Haut-Commandement. »
Cette mesure n’étant pas suivie d’effet, Reynaud s’envole pour Londres le 26 mai : d’après William langer, il souleva la question de savoir si – les Anglais se déclarant incapables d’apporter un soutien plus grand de leur aviation à la France- il n’était pas de l’intérêt commun que la France conclue un armistice, avant l’occupation de la zone côtière de la Manche !

8/ Colonel Alphonse Goutard : « 1940 : la guerre des occasions perdues », Hachette , 1956, p.338 .

9/ en gros, on aura simplement 2 paquets de 300, à l’ouest et à l’est de Paris et 12 paquets de 45, réparties sur tout le front. Encore, ce regroupement au sud de la Somme (ouest de Paris), ne sera pas effectué à temps, d’où l’impossible contre-attaque des blindés Français contre Rommel.

10/ Sa 7ème panzer perce les minces lignes Françaises entre Hornoy et Conti en direction de Formerie, le 7 juin 1940. Au lieu d’une masse blindée la prenant de flanc par sa gauche, Besson envoie la 17ème DLI (de formation récente) pour tenter de colmater la brèche : mal éclairée, elle est surprise encore en convoi avant d’avoir pu se déployer… la moitié de la division est détruite ou capturée avant d’avoir été en mesure de tirer pour se défendre !

11/ Le groupement Buisson comprenait la 3ème DCR et la 7ème DLM, soutenues par la 3ème DIM. Mais, là encore, les 2 divisions agiront isolément : la 3ème DCR tentant une attaque de flanc alors que la 7ème DLM agissait en portant un coup d’arrêt de front. Une préparation d’artillerie tardive, la position de la division reconnue par les mouchards allemands permettront à ceux-ci de se prémunir du coup qui les menaçait. Ils feront des pertes sensibles, du fait des B1bis, mais ils parviendront à monter une embuscade anti-chars.

12/ leur front enfoncé, les Anglais –après le désastre de Tobrouk- réalise une retraite de grande ampleur jusqu’aux lignes de El-Alamein (juin 1942). Cette manœuvre avait été réalisée au préalable par Rommel qui avait pu redresser la situation.

13/ Après l’échec de leur contre-offensive pour secourir Stalingrad, les Allemands se résignèrent à évacuer le Caucase et à se replier derrière le Donetz, ce qui leur permit de bloquer l’offensive de printemps des Soviétiques en mars-avril 1943.

14/ La prise de l’ouvrage de la Ferté provoqua une crise au sein du commandement français : on craignit de plus vastes actions d’envergure contre la ligne Maginot qui semblait faire preuve de son insuffisance : en fait, les casemates qui flanquaient l’ouvrage de la Ferté avaient été abandonnées prématurément et quasiment sans combat ; de plus, La Ferté était mal protégé par les tirs de l’ouvrage voisin de Margut. Par une attaque très audacieuse, le comando allemand parvint à glisser une charge creuse sous la coupole de 47 qui dominait l’ouvrage : cette coupole, faussée par un tir d’artillerie heureux, s’était trouvée bloquée, sans pouvoir être éclipsée totalement ; par cette faible brèche, les Allemands avaient pu introduire cette charge creuse qui avait totalement déséquilibrée la tourelle. Ils avaient continué à lancer des charges dans le conduit de la tourelle, ce qui provoqua des incendies à l’intérieur de l’ouvrage. L’équipage périt, asphyxié par les gaz, le commandement ayant interdit à son chef, le lieutenant Bourguignon de se rendre ou même, d’évacuer son poste !

15/ Voici la liste de ces unités disponibles :

de Longwy à la frontière suisse :

3ème armée Condé {6ème CA Loizeau : 26ème Di
56ème Di
42ème CA Renondeau :51ème Di
58ème Di

5ème armée Bourret {12ème CA Champon : 70ème Di
30ème Dia

8ème armée Laure {45ème CA Daille : 67ème Di
2ème Dp (division polonaise)

16/ nous n’évoquerons que brièvement la polémique à propos du « haltbefehl » : pour François Delpla, Reynaud aurait reçu –via le consul suédois Nordling- une proposition de paix séparée, précédée d’un ordre d’arrêt des panzers sur le point d’investir Dunkerque. Cette proposition aurait été évoquée au cours du fameux comité de guerre du 25 mai ! ce qui est certain, c’est que la possibilité d’un armistice avec l’Allemagne a été envisagée et que Churchill en a écarté l’application, Reynaud ne concevant pas encore un armistice sans l’Angleterre. (Cf. François Delpla, « la ruse nazie », éditions FX.de Guibert, 2002).

17/ Charles de Gaulle, mémoires de Guerre, T.I : l’Appel, p.44. Plon, 1954

18/ treize divisions d’infanterie, les éléments organiques de huit corps d’armées (GRCA, RAL, etc.). ceci s’ajoutant –il faut le souligner- aux 37 R.I.F, équivalents à treize Di. 4 bataillons de chars modernes (180 engins), 8 bataillons de chars Renault Ft.17 (512 engins).

Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Message par duc de Raguse » Mercredi 04 Avril 2007 11:37:49

Mon cher Bruno,

Je me pose toujours la question de savoir ce qui était possible après la "crevaison" du front Somme-Aisne aux alentours du 10 juin ?
Est-ce que la France pouvait évacuer le reste de ses troupes vers l'Afrique du Nord via le sud de la France, limitant ainsi la débacle à une capitulation militaire et non à un armistice qui engage les pouvoirs publics ? Armistice et appel de Pétain à cesser le combat le précédant, qui jette plus d'un million de prisonniers aux Allemands.

Bien à vous,

duc de Raguse.
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Message par BRH » Mercredi 04 Avril 2007 12:02:14

duc de Raguse a écrit :Je me pose toujours la question de savoir ce qui était possible après la "crevaison" du front Somme-Aisne aux alentours du 10 juin ?


Avec quelques unités de plus -étant admis qu'elles n'auraient pas été employées au préalable (ce qui conduirait à revoir nos possibilités au 5 juin)- il était certainement possible de tenir ferme sur une ligne Marne-Seine.

Ceci ne put se réaliser, faute d'unités fraîches en nombre suffisant. Mais on doit noter que la Xème armée -par exemple- tint le cours de la Seine, puis ses abords immédiats, du 10 au 14 juin.

Est-ce que la France pouvait évacuer le reste de ses troupes vers l'Afrique du Nord via le sud de la France, limitant ainsi la débacle à une capitulation militaire et non à un armistice qui engage les pouvoirs publics ? Armistice et appel de Pétain à cesser le combat le précédant, qui jette plus d'un million de prisonniers aux Allemands.


Je pense que vous connaissez mon opinion, à cet égard. Oui, la France pouvait évacuer ses troupes vers l'AFN. Elle pouvait même -dans la configuration que nous avons connue- tenir ferme en Bretagne et sur la Loire, à condition que le gouvernement marque clairement ses intentions et obtienne enfin tous les secours possibles de l'Angleterre.

Je rappelle -élément capital- qu'il n'y aura aucun panzer sur le cours de la Loire, du 16 au 23 juin 1940, de Nevers exclu à Nantes !!! Je rappelle également que la Bretagne tombât en deux jours aux mains des Allemands qui n'alignaient que la 5ème PzD et une division motorisée, face à plusieurs divisions alliées, dont certaines finirent par se rendre après le 25 juin, sans vraiment avoir été encerclées, étant comme "oubliées" par l'ennemi. Yves Buffetaut, dans un n° récent de la revue Militaria analyse bien ces évènements, même s'il n'en tire pas tout à fait les mêmes conclusions que moi...

Le chiffre d'un million de prisonniers après le 17 juin, est évidemment trop élevé. On peut le situer raisonnablement autour de 750 000 hommes, ceci dû principalement à l'encerclement des armées de l'Est...

En supposant la Loire forcée, de Gaulle avait prévu un combat retardateur sur les lignes de la Charente/Vienne, puis de la Dordogne, tout en supposant que l'Armée des Alpes tiendrait ferme sur le Rhône.

Sur ce point, malgré l'abandon de Lyon, prématuré et criminel, il ne se trompa pas, puisque cette armée, commandée par le général Olry, tînt toutes ses espérances !
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Message par duc de Raguse » Mercredi 04 Avril 2007 12:50:30

Merci pour ces chiffres et ces repères chronologiques mon cher Bruno ! :wink:

Je rappelle -élément capital- qu'il n'y aura aucun panzer sur le cours de la Loire, du 16 au 23 juin 1940

Est-ce que l'appel des politiques - du maréchal - le 17 juin entraîna une fin de la plupart des combats du côté français ?
Si je vous entend bien, il restait des armées et des officiers supérieurs "solides", prêts à poursuivre le combat plus au Sud, voire de résister aux Allemands.
Attendu que la blitzkrieg devenait de plus en plus inefficace du fait de l'agrandissement de la zone des combats, les Allemands - dont la logistique suivait très mal - auraient-ils encore pu être stoppés ?
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Message par BRH » Mercredi 04 Avril 2007 13:09:43

duc de Raguse a écrit :Est-ce que l'appel des politiques - du maréchal - le 17 juin entraîna une fin de la plupart des combats du côté français ?


Incontestablement, l'appel du maréchal a contribué pour une bonne part à la disparition de l'esprit combatif des armées: personne ne veut être le dernier mort avant l'armistice.

Ce fut une faute -politique et militaire- de prononcer ces paroles: "c'est le coeur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat" !

Le reste du discours est ce qu'il est. C'était une décision de haute politique, mais cette phrase aurait pu -AURAIT DÛ- ne pas y figurer ! L'ennemi s'empressa partout de profiter de cette faille pour pousser ses unités et pour obtenir la reddition d'unités entières sans combat !


Si je vous entend bien, il restait des armées et des officiers supérieurs "solides", prêts à poursuivre le combat plus au Sud, voire de résister aux Allemands.


C'est certain, même si nos troupes étaient harassées, au bout du rouleau... Il y avait l'espoir d'un rétablissement sur la Loire et il était possible momentanément.

Attendu que la blitzkrieg devenait de plus en plus inefficace du fait de l'agrandissement de la zone des combats, les Allemands - dont la logistique suivait très mal - auraient-ils encore pu être stoppés ?


Ils pouvaient l'être, sur une ligne Loire/Allier/Beaujolais/Rhône. Ceci ne pouvait être que provisoire, de l'ordre d'une semaine à dix jours. Le temps en tout cas de donner les ordres nécessaires pour une évacuation vers l'AFN.
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Message par duc de Raguse » Mercredi 04 Avril 2007 13:34:58

Incontestablement, l'appel du maréchal a contribué pour une bonne part à la disparition de l'esprit combatif des armées: personne ne veut être le dernier mort avant l'armistice.

Ce fut une faute -politique et militaire- de prononcer ces paroles: "c'est le coeur serré que je vous dis qu'il faut cesser le combat" !

Le reste du discours est ce qu'il est. C'était une décision de haute politique, mais cette phrase aurait pu -AURAIT DÛ- ne pas y figurer ! L'ennemi s'empressa partout de profiter de cette faille pour pousser ses unités et pour obtenir la reddition d'unités entières sans combat !


Merci Bruno ! :wink:
C'est bien ce qu'il me semblait et attendu que vous avez effectué de nombreuses recherches sur la question, je voulais en avoir le coeur net...
Je suppose que personne n'a fait le décompte exact de ceux - ou des régiments - qui ont cessé le combat après cet ordre ?

Ils pouvaient l'être, sur une ligne Loire/Allier/Beaujolais/Rhône. Ceci ne pouvait être que provisoire, de l'ordre d'une semaine à dix jours. Le temps en tout cas de donner les ordres nécessaires pour une évacuation vers l'AFN.

C'est aussi ce qu'il me semblait. Weygand semblait - et Pétain aussi - refuser de croire en cette solution. Pourquoi ? Parce qu'il était persuadé que les carottes étaient cuites et que les Anglais ne tiendraient pas longtemps après lui ?
Comment pouvait-il être aussi certain de cela ? La rapidité avec laquelle l'armée française avait été bousculée ?
duc de Raguse
 

Message par BRH » Mercredi 04 Avril 2007 13:44:58

duc de Raguse a écrit :Je suppose que personne n'a fait le décompte exact de ceux - ou des régiments - qui ont cessé le combat après cet ordre ?


Pratiquement toute la Xème armée ! Toutefois, comme déjà dit, plusieurs divisions sont restées autour de Rennes au bivouac, sans être désarmées, ni encerclées, comme si les Allemands ignoraient leur existence ! La Loire franchie, de nombreuses unités ont été rattrapées par les avant-gardes allemandes et se sont rendues sans combattre. Un bataillon par-ci, un régiment par-là... Je ne connais pas de listes exhaustives, mais ceci doit exister...

Weygand semblait - et Pétain aussi - refuser de croire en cette solution. Pourquoi ? Parce qu'il était persuadé que les carottes étaient cuites et que les Anglais ne tiendraient pas longtemps après lui ?
Comment pouvait-il être aussi certain de cela ? La rapidité avec laquelle l'armée française avait été bousculée ?


Pétain et Weygand croyaient -en effet- que l'Angleterre allait s'arranger avec le Reich et ils craignaient que ce fût aux dépens de la France ! Ils pensaient probablement que l'Angleterre -malgré sa flotte- ne pourrait pas résister à une tentative de débarquement.

Dès lors, la lutte en AFN leur semblait stérile, à supposer qu'elle fut possible. De plus, tout les portait à croire que l'Espagne de Franco allait rejoindre l'Axe... Ils ne croyaient pas au succès possible de Churchill.
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Mercredi 06 Janvier 2010 09:25:03

Daniel Laurent a écrit :On sait aujourd'hui que pour Weygand l'ordre donné le 5 juin à ses unités de lutter "sur place sans esprit de recul" signifiait que la guerre devait s'arrêter là, pour négocier avec Hitler tant que la France a une armée. Weygand refusait alors toute idée de repli vers la Bretagne ou l’Afrique du Nord et rien n’est donc fait en ce sens.
Mais l'armée française oppose, au délà de tout espoir, à l'attaque allemande du 5 juin, une résistance remarquable - et remarquée - sur la Ligne Weygand, contrastant avec ce qui s’est passé en mai.
Cette nouvelle donne ne modifie pas le cours de la bataille mais Weygand finit par céder sans conviction le 6 et autorise la retraite. Son plan d’armistice est mort et lorsque l’Armée Française se battra jusqu’au bout.
Après le rembarquement réussi de Dunkerque, ce sursaut français aidera également Churchill à convaincre les britanniques que l’on peut se battre contre Hitler et continuer la guerre.
Il trace aussi la voie dans laquelle s’engagera de Gaulle, devenu le 6 juin Secrétaire d’Etat à la Guerre du gouvernement Reynaud.


Je suis surpris de retrouver cette légende d'un Weygand souhaitant avant tout l'armistice et imposant donc une bataille sans esprit de recul pour mieux aboutir à ses fins. Le sursaut de notre infanterie aurait alors torpillé son plan d'armistice.

Je sais que Daniel a théorisé là-dessus, mais cette fois, je n'ai pas été convaincu. Je ne crois pas à un Weygand capitulard au point de brader l'armée. Je préfère la thèse d'un Weygand mauvais stratège. Il laisse en effet 8 belles divisions dans l'Est qui ne serviront à rien et se prive ainsi de tout espoir de succès sur la Somme.

Ou alors, il y a bel et bien une complicité Reynaud/Weygand pour la recherche d'un armistice, mais alors, Churchill dissocie ce bel attelage, contraignant Weygand au combat. Ses subordonnés (Besson), s'étant aperçus du danger de son plan, ils obtiennent d'appliquer de préférence une défense en profondeur, ce qui -sans changer effectivement le cours de la bataille- va la prolonger jusqu'au 12 juin.

Mais, si on regarde de près les combats, on s'aperçoit que les DI destinées à cette défense en profondeur sont en réalité celles qui devaient contre-attaquer pour rétablir l'intégrité des lignes de défense (40ème Di, 27ème Di, 17ème Dil), dans l'esprit de Weygand. Ces effectifs, insuffisants pour s'établir sur une ligne de défense intermédiaire (solution Besson), seront emportés dans la retraite qui tournera à la débâcle, empêchant tout espoir sérieux de rétablissement sur la Seine.

Est-ce que Weygand pouvait vouloir précipiter l'invasion pour imposer un armistice ? Français Delpla semble le croire. Mais nous n'avons pas d'éléments suffisants pour l'accréditer, de mon point de vue.
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par Daniel Laurent » Vendredi 29 Janvier 2010 12:54:37

Bonjour,
Tiens, Bruno qui ressort des vieux fils de son forum et des vieux textes du pere Laurent !
:lol:

Il y a un element important qui manque dans mon texte et tout ce que j'ai pu ecrire a ce sujet : Hitler veut la paix a l'Ouest et ce depuis Dunkerque. Il le fait savoir, a sa facon, via divers canaux plus ou moins secrets.
Weygand le sait et pense avant tout a sauver les meuble de la France, ce qui n'est pas deshonorant ni preuve de defaitisme. Cela montre peut-etre qu'il n'a pas tout compris des veritables intentions d'Hitler, mais ce reproche peut etre fait a 90% (voire plus...) des dirigeants du monde a l'epoque.

Donc le baroud d'honneur sur la Somme et le gouvernement demande les conditions d'Hitler, voila ce a quoi il pensait, craignant, avec raison, que les retraites ne feraient que se succeder jusqu'a la Mediterrannee. Dans la mesure ou il fait partie de ceux qui n'ont pas envisage une seconde un repli sur l'Empire, sa position est moralement defendable, enfin, presque, car, dans le fond, elle faisait le jeu d'Hitler mais, j'insiste, ca, il ne pouvait pas le comprendre a ce moment-la
Cordialement
Daniel
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Samedi 30 Janvier 2010 11:53:03

Certes, Weygand a été informé des propositions allemandes. En qualité de généralissime, il doit conduire la bataille et faire en sorte de la remporter. Or, il ne s'en donne pas les moyens. Manque d'imagination, de talent ? Ou volonté délibérée ? Voilà la question. S'il entend conduire le gouvernement à une demande d'armistice, il doit perdre sur la Somme. Donc, éviter tout ce qui pourrait prolonger la lutte. Mais l'alternative mise en place par Besson ne résout pas le problème. Elle se fait d'ailleurs malgré Weygand, mis devant le fait accompli.
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Samedi 18 Août 2012 11:07:41

Comment apprécier la personnalité de Weygand ? Il existe un mythe Weygand, encore aujourd'hui. J'en ai été moi-même victime, ayant un oncle très weygandiste. A l'époque, on se souvenait du brillant second de Foch. Ajoutons à cela que le pays a pu croire à un nouveau miracle de la Marne, pendant une quinzaine de jours (du 20 mai 1940 au 5 juin). Mais Weygand n'était pas Foch. Les comparer, c'est vouloir rapprocher une épée à deux mains et à double-tranchant avec un fleuret moucheté ! Ainsi, Foch se souciait fort peu des pertes : "Je ne connais que deux manières de faire la guerre, disait-il, attaquer ou foutre le camp" ! A ceux qui lui en firent la remarque plus tard, il répondait : "Je préfère compter 1 400 000 morts et la France victorieuse, plutôt que moitié moins et la France vaincue". Ce n'était pas du Mangin, mais la différence était ténue...

Weygand était très intelligent. Trop, peut-être. Ce n'était pas une brute galonnée. Ajoutons à cela qu'il fît un pétainiste très convenable après la Libération et qu'il marquât sa sympathie envers les milieux favorables à l'Algérie Française. Comme il était un anti-gaulliste forcené et qu'il le demeurât jusqu'au bout, tous ceux qui partageaient sa hargne contre le Grand-Maître (de l'Ordre de la Libération), ne pouvaient que louanger son attitude et son personnage tout au long de la IIème guerre mondiale.

C'est pourquoi aujourd'hui encore on assiste à une levée de boucliers lorsqu'on prend le risque de critiquer ses choix et ses positions le temps qu'il fût généralissime...
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Mardi 21 Août 2012 11:40:14

3ème armée Condé {6ème CA Loizeau :
26ème Di
56ème Di (orientée par Prételat, le 13 juin, pour jonction entre IIème armée et IVème armée)

42ème CA Renondeau :
51ème Di
58ème Di

5ème armée Bourret {12ème CA Champon :
70ème Di
30ème Dia

8ème armée Laure {45ème CA Daille :
67ème Di
2ème Dp (division polonaise)

Exemple de 6 DI transportées du 4 au 14 juin de la zone Est vers l'Ouest (pour illustrer la faisabilité des transports par voies ferrées) :

Le 4 juin, la 82ème DIA est en cours de transport vers la zone arrière de la IVème armée, venant de Lorraine.
La 82e DIA est en réserve de GQG depuis le 25 mai. Elle n'est donc pas retirée au GA2 après le 5 juin.

Le 7 juin, la 57ème DI est en cours de transport du secteur de Belfort vers la VIème armée.

Le 8 juin, la 41ème DI est en cours de transport du secteur de la Meuse vers la VIème armée.
La 41e DI est en réserve de la IIe Armée, elle passe ensuite en réserve de GQG pour être affectée au 17e CA (VIe Armée) : GQG au GA4.

Le 9 juin, la 20ème DI est en cours de transport, venant de Lorrraine, vers la VIème armée.

Le 11 juin, la 59ème DLI est en cours de transport, venant de la Meuse, vers Montmirail, pour effectuer la liaison entre la VIème armée et la IVème armée, qui passent derrière la Marne.
La 59e DLI est en formation à la IIe Armée. (donc GA4 au 5 juin). Elle est affectée ensuite au 7e CA (VIe Armée - GA 4) : jonction ex GA2 - ex GA3. Elle passe donc du GA4 au GA4, en théorie. Elle pouvait difficilement être mise en ligne plus tôt.

Le 13 juin, la 56ème DI est destinée à faire la jonction entre la IIème Armée et la IVème Armée. Les éléments sur route sont cisaillés à hauteur de Chaumont et les transports par VF arrêtés avant Chaumont, du fait de l'irruption du corps blindé de Guderian dans la région.
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Re: Le 25 mai 1940: Weygand croit-il encore à la victoire ?

Message par BRH » Mardi 21 Août 2012 12:16:56

DI non touchées :

20ème DI (retirée au profit de la VIIème armée, à compter du 9 juin)
52ème DI (20ème CA)
1ère DIp (20èm CA)
103ème DIF
62ème DI
104ème DIF
105ème DIF
54ème DI
63ème DI
57ème DI (retirée au profit de la VIème armée, à compter du 7 juin)
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