La Soupe ! Qu'elle entre...

[BRH]

Très bonne émission sur l'arrestation et les poursuites intentées contre Sacha Guitry superbement incarné par Jean-François Balmer (FR 3).

J'avoue que j'ai beaucoup appris car je pensais Sacha légèrement coupable de "collaboration mondaine"...

Or, l'émission nous apprend qu'il n'en était rien. Motif de l'arrestation: "ignorée" !

Des mises en cause de différents prétendus témoins qui s'avéraient après enquête reposer sur de vulgaires ragots.

Un anti-sémitisme imaginaire, alors que Sacha fit libérer Tristan Bernard et son épouse (ce que j'ignorais), et qu'il intervint pour Bergson et plusieurs de ses amis juifs, devant à l'admiration du général allemand Turner d'avoir obtenu la libération de 11 autres juifs...

Son associé, son avocat étaient juifs. Bref, rien qui ne résiste à une analyse sérieuse.

Mais le climat de la Libération était tel qu'il fallut 18 mois après son arrestation pour qu'un non-lieu fut enfin prononcé. Le 1er juge d'instruction Angéras avoue crument qu'il n'ose prendre sur lui de le prononcer. Il faudra l'intervention du colonel Rémy et d'une résistante nommée Gacouin (décorée de la croix de guerre par de Gaulle), pour mettre un terme à ces palinodies judiciaires, dont on se demande si elles ne furent pas alimentées par les adversaires littéraires de Sacha, du journaliste Brisson à l'auteur raté Pierre des Cars, suspect lui-même de sympathie avec le nazisme avant-guerre.

Et Sacha Guitry passa 60 jours en prison, de la Santé au Vél d'Hiv, ce qui lui permit de narrer ensuite ses déboires. Il croisa dans la même cellule le ministre Carcopino, Berthollet, autre ministre (des communications) et le député Taittinger, pourtant patriote avéré (celui qui avait tenté en vain d'alerter Gamelin sur la faiblesse de nos défenses à Sedan) !

On y croise Alerty, une soeur très charitable et pleine d'humanité, et un ex-milicien russe qui se conduisit comme une brute, s'étant -par quelle dérision- transformé en FTP et se comportant en parfait bourreau.

Sacha aura à se reprocher de l'avoir dénoncé par une pétition qui conduira l'imposteur illico au poteau...

Très bonne émission sur cette période pourtant lumineuse, mais qui porte elle-aussi ses ombres... C'est une véritable réhabilitation posthume !

[Baron Percy]

J'ai également visionné ce téléfilm de qualité et apprécié la prestation de J-F Balmer dans le rôle phare.
Le réalisateur brosse une belle évocation de cette période sombre qui vit l'éclosion de bon nombre de réglements de compte.
Dès août 1944, une chasse aux sorcières poursuit plusieurs artistes dont le réalisateur Henri-Georges Clouzot et Sacha Guitry.
On reprochait à ce dernier ses contacts avec la Kommandantur pour tenter de délivrer des proches, ainsi que sa volonté de présenter des spectacles et de réaliser des longs métrages pendant l'Occupation.
L'accusé se défendit en arguant que la plupart des metteurs en scène avaient agi de même, certains acceptant l'aide de La Continentale, maison de production allemande dont il avait, lui, repoussé les avances.
Cela n'empêcha pas le dramaturge d'être interpellé. Fidèle à son esprit incisif, il dira : "Ils m'ont emmené menotté à la mairie, j'ai cru qu'on allait me marier de force !".
Sa captivité lui inspira le livre "60 jours de prison".
Au dehors, personne ne fut capable de prouver sa culpabilité. Deux juges délivrèrent un non-lieu.
L'innocenté solliloqua : "Si j'ai bénéficié de deux non-lieux, c'est qu'il n'y avait pas lieu !"
Ces répliques sarcastiques cachaient en fait une profonde amertume : son patriotisme et son refus de laisser ses créations être jouées en Germanie n'avaient pas été pris en considération.
Il s'éteindra, amer, le 24 juillet 1957.
François Truffaut dira de lui : "Sa seule faute aura été de vouloir divertir les gens. Maintenant, il n'a plus d'ennemi puisqu'on lui reprochait avant tout d'être vivant."

[BRH]

Sacha Guitry en visite chez les Rétif de La Bretonne (les contempteurs de la perfide Albion géorgienne).

[Baron Percy]

Emouvant cliché qui démontre que les thèses de Rétif ne laissaient pas Guitry indifférent.
Il est sans doute bon de rappeler que cet aristocrate populaire né en 1885 était le filleul du tsar Alexandre III.
Face aux attaques diffamatoires dont il faisait l'objet, il répliqua par cette jolie gifle verbale : "Si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage !".

[rapentat]

Bonjour,

De cette triste affaire, avec sa verve coutumière il dira : la Libération, je fus le premier prévenu !!

Cordialement.