[b]La mémoire:
http://www.michel-elbaze.fr/v1/128-Batt ... -1940.html
Chef de Bataillon Désidéri
Commandant la 26ème D.B.C.A
44° Division d’infanterie
26ème D.B.C.A.
Les événements du 22 mai 1940 au 23 juin 1940
Le 22 mai 1940, je fus nommé, par une lettre de service du Général Boisseau, commandant la 44° D.I., au commandement de la 26° Demi-Brigade en remplacement du Lt. Colonel Montet, évacué pour maladie. Cette prise de commandement fut régularisée par décision du G.Q.G., en date du 28 mai 1940. Situation : La 26° D.B.C.A. tenait le canal de l’Ailette, depuis son confluent avec l’Aisne (à droite), jusqu’à Braye en Laonnois, (à gauche), ce dernier point exclus. Dispositif : 22° B.C.A. (à droite) S/Q de Soupir avec P.A. Pont Arcy. 62° B.C.A. (à gauche) S/Q de la ferme Soupir. 64° B.C.A. sur la ligne d’arrêt jalonné par la côte 171, Vieil Arcy - Moulin de Bas, avec réduit à la cour des Moines (Sud de Dhuizel). Liaison : à droite avec le 6ème R.I., à gauche avec le 99° I. L’ennemi, depuis deux ou trois jours, avait fait son apparition sur le canal mais son artillerie ne paraissait pas encore en place. Des militaires isolés français appartenant à toutes formations se présentaient dans nos lignes, venant de la région de Laon. Dans la nuit du 21 au 22 mai L’ennemi se montre agressif sur le Canal, notamment dans le P.A. de Pont-Arcy. La Compagnie Minot est attaquée mais par une défense vigilante évite toute infiltration. Dans le quartier de la ferme de Soupir, la même activité de l’ennemi est enregistrée. Des infiltrations venant de la gauche de sous secteur sont jugulées par le 62° B.C.A., qui a deux officiers blessés (Lieutenants Lions et Forgues), 1 chasseur tué, 2 blessés. Devant cette situation, notamment à droite où le P.A. de Pont-Arcy pouvait être considéré, à juste raison, comme le point névralgique du S/secteur, je suggère au général commandant la D.I. un renforcement de cette position par des éléments de la ligne d’arrêt (64° B.C.A.) Le général prescrit alors un raccourcissement du front du 22° B.C.A. par l’entrée en secteur du 64° B.C.A. Celui-ci relève la Compagnie Minot à Pont-Arcy par la Compagnie Becq. A la date du 24 mai: le dispositif de la demi-brigade est ainsi réalisé: P.C. à Chavonne. 64° B.C.A. (à droite) une compagnie en ligne (P.A. de Pont-Arcy), deux compagnies sur la ligne d’arrêt. 22° B.C.A. (au centre), deux compagnies en ligne une compagnie en réserve à Chavonne et Cys la Commune, à la disposition du Commandant du S/secteur pour boucher la trouée de Soupir, entre cette localité et l’Aisne. 62° B.C.A.: sans changement. Commandement A la suite de ma prise de commandement, le Capitaine Diot commandant le 62° est désigné pour prendre le 64° (P.C. la Roche) et le Capitaine Ottavi, Adjudant-Major au 62° pour commander ce même Bataillon, avec le Capitaine Griolet comme Adjudant-Major. L’ennemi s’est renforcé, son artillerie est en place. Le canal est bombardé par les minen et les arrières sont copieusement arrosés par l’artillerie dont le réglage est effectué par un avion divisionnaire. Le bombardement devient, chaque jour plus intense sur Soupir, Pont Arcy, Vieil Arcy, Chavonne, St Mard. Nombreuses pertes. Un groupement d’artillerie ami se constitue pour la défense du S/secteur sous le commandement du chef d’escadrons Remusat du 91° R.A.M. (2 batteries) Le 26 mai, le Caporal-chef Giacomoni (2° Compagnie du 22°) ramène une mitraillette et divers papiers pris sur un allemand tué et qui permettent d’établir que nous avons en face de nous le 14° R.I. Le 29 mai, un officier est blessé au 62° (Lieutenant d’Allard) et 2 chefs de section sont tués, un autre chef de section blessé, nombreuses pertes. Au 64°, 3 officiers blessés (Lieutenant Vincent, s/Lieutenant Roumegoux, s/Lieutenant Germain), 5 autres blessés. Le 31 mai, le P.C. de la 26° D.B. et celui du Commandant du groupement d’appui direct se juxtaposent à la Ferme de la Montagne (sortie N de St Mard). Dans la nuit du 1er au 2 juin, la 26° D.B. est relevée par la 25° D.B. (Lieutenant colonel Bel) de la 28° D.I. Le 2 juin la situation de la demi-brigade s’établit comme suit P.C. à Blanzy. valeur combative
Unités
Stationnement
Offic
Troupe
F.M
Mitr
Mort
Engins
22°
Paars
62°
Dhuizel
14
820
36
16
2
2
64°
Courlandon
La 25° D.B., après nous avoir relevé, tenait un front plus étendu que le notre, avec seulement deux bataillons en ligne. Le résultat de cette disproportion ne devait pas tarder à se faire sentir Le 3 juin Le 22° B.C.A. est placé à Bazoches en réserve de D.I. Le 64° B.C.A. part à Savigny s/Ardres en réserve du 7° C.A. Le 62° B.C.A. s’installe à Longueval avec une compagnie sur la ligne d’arrêt du 6° R.I. Dans la nuit du 4 juin, l’ennemi réussit à enlever une section dans le P.A. de Pont-Arcy (47° B.C.A., 25° D.B.). Dans le quartier de la Ferme Soupir, le 27° B.C.A. est fortement pressé par l’ennemi. Le 5 juin, Bombardements intenses sur Longueval, nombreux tués et blessés au 62° B.C.A. L’officier de la C.R.E. blessé (Lieutenant Giraud). A 14 heures un ordre de relever le 47° est envoyé au 62°. Le 64° retourne de Savigny pour Blanzy et St Mard. Le 6 juin Le P.C. de la D.B. se transporte de Blanzy les Fismes à Vauxcére. Le commandement décide l’abandon du Canal de l’Ailette. Une Compagnie du 47° B.C.A. monte aux Grinons pour parer aux infiltrations venant de la Ferme Soupir encore tenue par le 27°. Le 47° glisse à St Mard et tous ses éléments sont relevés. Le 62° s’installe sur l’Aisne à Vieil Arcy, 2 compagnies en ligne: une au P.A. de Pont Arcy (Compagnie Ciaudo) l’autre devant Bourg & Comin (Compagnie Garzulino). Une autre compagnie (Andréis) sur la ligne d’arrêt à Vieil Arcy. P.C. à la Roche. Liaison assurée à droite avec le 6° R.I. Le 64° B.C.A. après avoir laissé la 1° Compagnie (Lieutenant Fumas) à la disposition du 6° R.I. dans le bois 2 km N de longueval installe une compagnie en ligne dans la boucle de l’Aisne à l’O de Pont Arcy (Becq) et l’autre compagnie à St Mard et Cys-la-Commune. Ce dispositif fut réalisé dans la nuit du 6 après une marche pénible de 38 kilomètres. Le 22ème B.C.A. demeure en réserve de D.I. Le 7 juin Le P.C. de la D.B. se transporte à Dhuizel. Le 62° B.C.A. est fortement éprouvé par de puissants bombardements d’artillerie. Le 64° dont le P.C. se trouve à St Mard a 5 tués, 2 disparus et 10 blessés sous un violent martèlement de 105. A 22 heures, le 6° R.I. contre-attaque vainement pour réoccuper les bords de l’Aisne que les éléments avancés du 47° B.C.A. avaient perdus la veille. Le bombardement ennemi augmente d’intensité sur les arrières. Il se fait de plus en plus puissant par minen sur Pont Arcy. A gauche, la situation de la 28° D.I. parait assez critique. Dans l’éventualité d’un repli de cette G.U., le général commandant la 44° D.I. prend ses dispositions et envisage un repli partiel de ses éléments qui formeraient une bretelle face à l’ouest. Le Capitaine Dupassage, officier de liaison venant de l’I.D., me met au courant de ce projet et j’établis alors un contre-projet contenant 3 paragraphes correspondant à des éventualités diverses. Ce contre-projet est envoyé à l’I.D. et porté en même temps à la connaissance du 64° et du 62°. Le 8 juin, le P.C. de la D.B. se transporte à Vauxtin à côté de celui du commandant de l’artillerie d’appui direct. Les 2 compagnies d’État-major doivent rejoindre le soir. La préparation d’artillerie Des bombardements intensifs d’artillerie plus puissants que jamais commencent le matin sur Dhuizel, le bois de Dhuizel, Vieil Arcy, St Mard, faisant présager une attaque prochaine. L’après-midi, des bombardements massifs par vagues d’avions se succédant à un quart d’heure d’intervalle sur la Roche, Vieil Arcy, Dhuizel (complètement rasé) bois de Dhuizel, St Mard. Nombreuses pertes aux deux bataillons en ligne et aux deux compagnies d’État-major à Dhuizel. L’officier blessé (s/Lieutenant Masse). L’aumônier divisionnaire détaché à la 6° D.B. et le Capitaine Bessy, Commandant la C.R.E., procèdent eux-mêmes sous le bombardement d’avions et malgré leurs attaques à la bombe et à la mitrailleuse, au périlleux sauvetages des blessés de la C.R.E. Un sous-officier et un chasseur sont ainsi sauvés par eux d’une mort certaine sous les décombres où ils étaient enfouis, avec plusieurs de leurs camarades tués sur place. La division de gauche se replie Je fais alors demander au Commandant de la 25° D.B. de faire tout son possible pour que ses unités ne se replient pas avant la tombée de la nuit. Mais vers 14 heures, les unités de cette D.B. installées à Chavonne et Cys la Commune, abandonnent l’Aisne et se replient. Vers 15 heures, le Lieutenant Colonel Bel, m’envoie un mot conçu en ces termes : "Mon cher ami, j’ai presque honte de le dire, mes chasseurs ont F... le camp en désordre!" Le 64e tourné à l’ouest Complètement découverte à sa gauche, la Compagnie Becq (64°) qui occupait la boucle de l’Aisne, en liaison à droite avec le P.A. de Pont Arcy (62°) et à sa gauche avec le 47° B.C.A. (28° D.I.) est contournée sur sa gauche par des éléments venant de St Mard. A 16 heures, de forts contingents allemands sont signalés sur le plateau de Brenelle, derrière St Mard. (confirmation faite par le Colonel Lacaze, commandant le 99° R.I.) Attaque frontale A partir de 16 heures, la Compagnie Becq est en même temps attaquée de front. Menacée à la fois sur sa gauche, elle fait face résolument à l’adversaire et résiste victorieusement jusqu’à 22 h 30 en infligeant à l’ennemi, qui attaque par vagues successives, des pertes considérables. Cette compagnie très éprouvée, est complètement encerclée, et le Capitaine Becq lui-même ne réussit à se dégager avec 29 chasseurs que grâce à la protection des deux sections du s/Lieutenant Josson qui tiennent les pentes nord de la cote 171 (ligne d’arrêt). Cette position est à son tour menacée par des contingents allemands qui venant des bois de St Mard ont contourné la cote 171. Le s/Lieutenant Josson y fait face, mais doit se replier à son tour en direction du P.C. Laroche. Le 62°, lui, reçoit l’attaque directe dès 14 heures. Sur une poussée allemande, la Compagnie Ciaudo contre-attaque. Le Lieutenant Ciaudo est porté disparu. 30 survivants sont ramenés par le Sergent chef Rolland. La 1er Compagnie (Lieutenant Andréis) reçoit l’ordre de tenir à tout prix la ligne l’arrêt qui est attaquée à 17 heures et bientôt contournée par la gauche. Le Lieutenant Andréis est porté disparu. La 2° section de canons de 25 ne peut récupérer qu’un canon, avec le seul cheval survivant. Les autres pièces sont rendues inutilisables. Le chef de pièce Hughes est blessé d’une balle à sa pièce. Le Capitaine Griolet quitte le P.C. à minuit trente après avoir fait sauter le dépôt de munitions. Ordres donnés après le repli 62° B.C.A.: s’installer sur la ligne allant de la cour des Moines incluse à 600 m ouest de Longueval. 64° B.C.A.: tenir les lisières sud de Longueval, en liaison à gauche avec le 62°, à droite avec la 1° Compagnie du 64°, déjà installé sur la ligne de réduit du 6° R.I. à qui elle avait été prêtée. Le P.C. de la D.B. a assuré pendant tout ce temps la défense de Vauxtin en liaison avec le G.R.D. Après avoir protégé le repli de l’artillerie, il se rend à Vauxcére, village continuellement bombardé, où il trouve le P.C. du G.R.D. Une liaison téléphonique est établie entre le P.C. de la D.B. et le général commandant la D.I. Le général me donne l’ordre d’appliquer les paragraphes B et C d’une proposition que je lui avais faite pour le cas d’un repli. Il s’agissait des ordres ci-dessus précisés et déjà communiqués aux commandants des 62° et 64° B.C.A. Le P.C. de la D.B. est fixé par le général à Blanzy les Fismes, et il s’y rend à la pointe du jour.
Situation des effectifs et du matériel en fin de journée (8 juin)
22° B.CA. réserve de D.I. 62° B.C.A. 9 officiers/280 chasseurs/16 F.M./3 M. 64° B.C.A. 11 off/327 chass./16 F.M/2 M. et 2 autres ramassés sur le champ de bataille par la C.R.E. (Capitaine Bessy). Le 9 juin Le 64° s’installe sur la ligne de repli qui lui avait été fixée à Longueval et entre en liaison avec la 1ère Compagnie détachée au 6° R.I. (liaison effectuée par le Capitaine Becq lui-même). Dispositif réalisé à 5 heures du matin. A 9 heures, sous la pression très forte de l’ennemi, le 64° se repli des lisières de Longueval à la ferme Pinçon, où il trouve une compagnie du 6° R.I. La 1ère Compagnie du 64° B.C.A., installé sur la ligne de réduit du 6° R.I., s’y défend énergiquement, mais submergée par le nombre, disparaît complètement avec ses chefs: Lieutenant Fumas (présumé tué). 62° B.C.A.: dispositif mis en place à 6 heures du matin: 1ère Compagnie (Lieutenant Bodin) à Cour des Moines, 2ème Compagnie, à droite. 3ème Compagnie, en réserve à la corne Ouest du bois ouest de la Ferme Pinçon, avec le P.C. et 3 mitrailleuses. Ce dispositif s’avère impossible à tenir. Une menace d’encerclement se dessine à gauche. Le repli s’effectue sur la route allant de la ferme Pinçon à Vauxcére. Contre-attaque vers Dhuizel Le général commandant la D.I., vient me voir à Blanzy, un peu avant midi. Il ordonne de pousser les éléments du 64° jusqu’à Longueval et de faire contre-attaquer le 62° en direction de Dhuizel. Le 64° B.C.A., parvient, après de grosses difficultés à faire réoccuper les lisières sud de Longueval par son groupe franc et une section de F.V. jusqu’à 15 h et subit quelques pertes. Le 62° B.C.A. amorce son mouvement, lorsque vers 15 heures une violente attaque allemande repousse les éléments de ces deux B.C.A. Nombreux tués et blessés au 62° : Capitaine Rullier, grièvement blessé et disparu, s/Lieutenant Bodin, blessé et évacué, Lieutenant Pactus, disparu et présumé tué. Une cinquantaine de tués et blessés. De nombreux disparus. A signaler: pendant cet épisode, la belle conduite du Capitaine Diot, à la ferme Pinçon, qui resta le dernier sur la position après avoir assuré le repli de la compagnie du 6° d’abord, des éléments de son bataillon ensuite, et après avoir détruit le dépôt de munitions qui se trouvait dans cette ferme. La défense de Blanzy les Fismes A 17 heures, les deux bataillons refluent vers Blanzy. Installé personnellement au carrefour (sortie W de Blanzy), j’arrête ce repli et installe le 62° face à l’ouest, le 64° face au nord. Dans la soirée du 9, je reçois successivement deux ordres du général Commandant la D.I. Dans le 1er ordre, la 26° D.B., avec le bataillon de la 173 D.B. installée en ce point devait tenir Blanzy les Fismes "coûte que coûte". Dans le 2ème ordre, verbal, et transmis par le Capitaine Dewatre, Blanzy les Fismes devait être défendu par la 26° D.B. et un bataillon du 6° R.I. Des éléments de la 26° D.B. pouvaient, le cas échéant, être installés sur les pentes est de Perles. Cette dernière solution a été adoptée, le 64° restant à Blanzy et le 62° détaché sur les pentes sud-est de Perles, en liaison avec le G.R.D. Le P.C. de la D.B. s’installe vers minuit, dans un boqueteau au sud-est de Perles.
Situation des effectifs et du matériel en fin de journée: (9 juin)
22° B.C.A. : Toujours en réserve de division, s’est battu à Bazoches et se replie sur Fismes à minuit. 62° B.C.A. : 4 officiers/90 chasseurs/5 F.M. 64° B.C.A. : 10 officiers/297 chasseurs/13 F.M./1 canon de 37. Le 10 juin A la pointe du jour, le bataillon du 6° qui tenait Blanzy, se présente au pont de Fismes, pour traverser le Vesle, entraînant avec lui le 64°. Le chef de bataillon commandant le 6° lui interdit de franchir le pont. Ce bataillon du 6° fait demi-tour, longe la Vesle, sur la rive nord, et passe la rivière plus à l’est. Le 62°, venant derrière lui, passe la Vesle, et s’installe dans un petit bois à la sortie sud de Fismes. Le 62° B.C.A., constitue en quelque sorte une tête de pont sur la Vesle, en avant de Fismettes. La tête de pont de Fismes A 7 heures du matin, un ordre du général commandant la D.I. me prescrit "de constituer en avant de Fismes sur la Vesle, une tête de pont solide, en vue de barrer à l’adversaire la route Soissons - Reims. Le 22° B.C.A. est remis à la disposition de la D.B. Le G.R.D. sera retiré du Pont de Fismes pour être investi d’une autre mission". Vers 9 heures du matin, le 64° reçoit mon ordre de rallier le pont de Fismes. Le 22° ne peut mettre à ma disposition que la Compagnie Latruffe. Vers 10 heures, la tête de pont était constituée dans les conditions suivantes : Les éléments restant du 62° B.C.A. sont renforcés par la Compagnie Latruffe qui occupent les crêtes N.O. de Fismes et par les éléments du 64° B.C.A. qui prennent position sur un mamelon au N. de Fismes, clé de la tête de pont. 1 section du 22° B.C.A. (Compagnie Combet) est envoyé à la cote 62 pour y prendre position et protéger efficacement la tête de pont contre une attaque allemande venant de l’Est. L’Adjudant-chef Coré, commandant cette section prend pied sur la position assignée malgré un feu violent de mitraillettes allemandes et s’y maintient en prenant à son tour à partie l’ennemi qui dévale les pentes Est de Perles, en lui infligeant de lourdes pertes. A 10 heures 30, une puissante attaque allemande se déclenche; la Section Gesta elle-même fortement pressée par l’ennemi. C’est à l’arrivée de l’Adjudant chef Coré que le s/Lieutenant Gesta, commandant le groupe franc du 64° B.C.A., au cours d’une défense héroïque tombe frappé à mort d’une salve de mitraillette. A signaler la belle conduite du Capitaine Griolet à qui j’avais confié le commandement des éléments avancés de la tête de pont. Cet officier, debout en avant du pont, assura le repli de tous ses éléments et partit le dernier avant la destruction du pont. Destruction du pont de Fismes Vers 11 h 30, en effet, le groupe franc du 64°, privé de son chef, et la Section Coré se replient après avoir épuisé toutes leurs munitions. Les Allemands s’installent au coude de la route de Merval et prennent sous leur feu le carrefour du pont. D’autre part, les éléments de la Compagnie Latruffe du 22° B.C.A. sont refoulés également par l’ennemi très supérieur en nombre. Étant donné la situation, à midi, je fais replier les éléments de la tête de pont du chemin de fer. Une fois le repli total effectué j’ordonne la mise de feu. Défense de Fismes et l’ordre de repli Tous les éléments repliés sont alors placés sur la défensive sur les bords de la Vesle. Le Capitaine Diot installe sur le pont de chemin de fer une partie de ses éléments avec 2 F.M. prenant à parties d’importants contingents ennemis qui descendent vers Fismes et leur infligea des pertes massives. Le Chef de Bataillon Ardisson est légèrement blessé à la main d’un éclat de minen. Le Capitaine Pourchier prend le commandement du 22° B.C.A. et exécute l’ordre donné par son chef, avant son évacuation : "Repli sur St Gilles". Le Capitaine Bussat, commandant la C.A. du 22°, précédant sa compagnie à bicyclette, disparaît. Cet officier n’a plus donné signe de vie depuis ce jour. Il aurait été vu le 11 juin à Troyes où il serait arrivé en auto (renseignement donné par le Chef de Bataillon Anneau Commandant le bataillon régional) Avec lui se trouvait au départ de Fismes le Médecin-auxiliaire de réserve Sidi, du 22°, qui a rejoint, lui, son bataillon à Oeuilly sur Marne, le 12 juin. Après que le pont de Fismes eut sauté, j’établis le P.C. de la D.B. à la mairie de Fismes. Vers 13 heures, le Lieutenant Abeille, officier de liaison, arrive au P.C. porteur d’un ordre de repli général, en direction de Lhéry et Faverolles pour la demi-brigade. Des ordres en ce sens sont aussitôt donnés. Les chasseurs privés de tout ravitaillement sont exténués de fatigue. L’ordre de repli parvient au 22° à St-Gilles. J’assure ensuite le repli des 62° et 64° B.C.A.. Je mets au courant une compagnie isolée du 6° R.I. (Capitaine Dommange) de la nouvelle situation et je laisse sur place le Capitaine Bessy qui quitte Fismes le dernier, à 15 h 15. A 16 heures le 62° B.C.A. assure la protection du repli des batteries du 91° R.A. par le groupe franc avec le S/Lieutenant Fritsch. Celui-ci rejoint le bataillon à Sacy où il est autorisé, ainsi que ses hommes, à faire le trajet jusqu’à Tramery avec les camionnettes du T.R. C’est par une nouvelle étape très pénible que les chasseurs regagnent leurs nouveaux points de stationnement, où, dans la nuit, le Capitaine Bessy assure le ravitaillement en munitions.
Situations des effectifs et du matériel en fin de journée (10 juin)
22° B.C.A.: 16 officiers/400 chasseurs/30 F.M./9 mitr. 62° B.C.A.: 4 officiers/80 chasseurs/ 64° B.C.A.: 10 officiers/271 chasseurs/11 F.M. Le 11 juin, vers 2 heures du matin Le Capitaine Dupassage, venant de l’I.D., arrive au P.C., à Lhéry, porteur d’un ordre de repli immédiat en direction de Violaine où les éléments de la D.B. devaient attendre le ravitaillement et de nouveaux ordres. A 5 heures, la D.B. est groupée à Violaine. A 7 heures, le Lieutenant de Cardaillac est envoyé au Q.G. de la division pour provoquer de nouveaux ordres et y demander du ravitaillement en vivres. Parti à motocyclette, le Lieutenant de Cardaillac se heurte à sa sortie nord du village à une colonne motorisée allemande. Il fait demi-tour brusquement et revient me prévenir. Puis, par un autre chemin, il se rend à la D.I. où il explique la situation. Installation défensive sur la Marne Je décide alors d’emmener la D.B. en direction de la Marne, en prenant comme axe de marche la route de Châtillon (64° à droite, 62° et 22° à gauche. Des éléments du 22° en arrière-garde). Grâce à des mouvements de terrains prononcés, les éléments de la D.B. parviennent à échapper à l’emprise de la colonne motorisée allemande. Mais à 2 kilomètres avant d’arriver à Châtillon, des salves de mitraillettes allemandes sont tirées venant de ce village sur mes éléments de tête. Presque en même temps, une forte explosion se fait entendre : le pont en arrière de Châtillon (Port à Binson) vient de sauter. Je détache aussitôt la Compagnie Minot (22°) en direction des bois d’où venaient les coups de feu allemands, et, à l’abri de cette protection, j’oriente la marche de la D.B. vers Reuil que nous atteignons sans encombre. Avec un Compagnie du 22°, j’établis en ce point une tête de pont et fais franchir la coupure à tous mes éléments que j’installe aussitôt défensivement à Oeuilly, rives sud de la Marne. Je prends contact avec le Capitaine Pluchot, commandant la 1ère Compagnie du 21/46 B.I. qui tenait le secteur de la Marne depuis Port à Binson (exclus) jusqu’à Boursau (inclus), front très large avec trois sections disséminées sur les berges sud de la Marne, sans aucune homogénéité. Après avoir donné le commandement du 22° B.C.A. au Capitaine Griolet (à midi), et pris la défense de ce secteur à mon compte j’adopte le dispositif suivant: 22° B.C.A.: Village d’Oeuilly, pont de Reuil. 64° B.C.A. : En réserve dans le bois à 300 mètres S. d’Oeuilly. 62° B.C.A. : Très éprouvé ne compte plus que 60 hommes et 2 officiers. Il est chargé de construire des barricades dans Oeuilly. Le Lieutenant Fritsch, et le groupe franc n’ont pas rejoint. Un compte-rendu est envoyé à l’I.D. au sujet de cette installation et un premier ravitaillement en munitions est effectué par le Capitaine Bessy qui arrive en chenillettes. La journée du 11 se passe sans incidents. Le contact est réalisé dans la journée, avant la tombée de la nuit, par l’apparition des Allemands sur la Marne. Un deuxième ravitaillement en munitions est effectué dans la nuit par les soins de la C.R.E. Le ravitaillement en vivres n’arrive toujours pas.
Situation des effectifs et du matériel en fin de journée (11 juin)
22° B.C.A.: 17 officiers/400 chasseurs/30 F.M./9 mitr. 64° B.C.A.: 10 officiers/271 chasseurs/11 F.M./ 62° B.C.A.: 2 officiers/ 60 chasseurs(la plupart sans armes). Une lettre du Colonel Delmas: Le rétablissement de la 26° Demi-Brigade sur la Marne dans des conditions aussi pénibles devait, le lendemain, motiver de la part du Colonel Delmas commandant l’I.D. la lettre de félicitations suivantes:
"Mon cher Désidéri Je vous fais mes compliments pour la façon dont vous avez ramené et réinstallé la 26° Demi-Brigade sur la Marne. Amitié le 12.VI 1940 Signé: Delmas"
Le 12 juin, dans la matinée D’importants contingents ennemie dévalent les pentes surplombant Reuil et de nombreux véhicules blindés entrent dans cette localité. Un ordre de la D.I. parvenu dans le milieu de la journée à la 26° D.B. prescrit l’entrée en secteur sur la Marne de la 44° D.I. dans la nuit du 12 au 13. Les éléments des bataillons d’instruction se trouvant sur la Marne doivent être laissés sur place. Secteur de la 26° D.B. : de Port à Binson exclus, au pont de Reuil inclus, en liaison à gauche avec la 45° D.I., à droite avec le 6° R.I. Le groupement d’artillerie d’appui direct de la 26° D.B. n’étant pas encore en place, j’envoies le s/Lieutenant Causeret à un P.C. d’artillerie voisin pour demander un tir sur Reuil. Ce tir est effectué aussitôt. A 13 heures je reçois l’ordre de faire présenter mon adjoint, le Commandant Faraut à la visite du médecin divisionnaire. Celui-ci est évacué sur l’arrière pour raisons de santé. Je désigne le Capitaine Bessy pour le remplacer dans ses fonctions d’adjoint. Le Lieutenant de Cardaillac remplace le Capitaine Bessy au commandement de la C.R.E. Les Allemands s’infiltrent à Port à Binson A 16 heures le Colonel Serre, commandant le groupement d’artillerie arrive au P.C. de la demi-brigade et signale que, depuis 14 heures, son observatoire voit, à l’oeil nu, des Allemands traverser la Marne en barques, sur l’îlot de Port à Binson. Une navette régulière apporte de gros contingents d’une rive à l’autre. Le Colonel Serre repart aussitôt à l’A.D. en vue d’actionner toute l’artillerie de la D.I. sur ce point. En même temps j’envoie le Capitaine Bessy à Port à Binson, avec une voiture de liaison, avec mission de voir ce qui s’y passe et de s’en approcher le plus possible. Le Capitaine Bessy arrive à Port à Binson vers 16 h 30 et prend contact avec le Lieutenant Chataignier du 48° B.I. qui, avec sa section, était en train d’abandonner le pont qu’il était chargé de défendre. Interrogé, cet officier affirmait que de forts contingents ennemis (plus d’un millier) avaient franchi la Marne et pris position dans le bois en arrière de Port à Binson. Le Capitaine Bessy, qui n’avait du reste rien remarqué d’anormal, ordonna au Lieutenant Chataignier de réoccuper ses emplacements de défense. Cet ordre ayant reçu un commencement immédiat d’exécution, le Capitaine Bessy revint me rendre compte de sa mission.
Dispositions défensives
A 17 heures, je prends les dispositions suivantes portées à la connaissance du général, commandant la D.I., par voie de C.R. Ordre au 64° B.C.A.
Se porter à la lisière du Bois de Misey avec - Mission de s’opposer à toute avance ennemie au cas où les Allemands auraient franchi à Marne à Port à Binson. - De couvrir à l’ouest le village d’Oeuilly. - De s’installer à la tombée de la nuit sur la rive sud de la Marne et le talus de chemin de fer, en liaison à gauche avec la 45° D.I. qui doit venir à Port à Binson et à droite avec le 22° B.C.A. qui doit étendre son secteur par l’intégration de la Compagnie Latruffe dans le système de défense à l’ouest d’Oeuilly.
Le Capitaine Diot, commandant le 64° B.C.A., dont les unités avaient été jusqu’ici fortement éprouvée, accepta résolument cette mission s’exprimant en ces termes : "Cette fois-ci, mon commandant, c’est le coup de grâce que vous nous donnez". Ordre au 22° B.C.A. :
- Porter la Compagnie Latruffe à la gauche de la Compagnie Combet sur la Marne et la voie ferrée et prendre liaison à gauche avec le 64° B.C.A. - Placer les éléments restants de la Compagnie Minot (très réduite) dans le boqueteau derrière la Compagnie Latruffe pour barrer le couloir compris entre cette compagnie et le 64° B.C.A. au cas ou celui-ci n’aurait pu déboucher du bois de Misey pour se porter sur la Marne.
Ordre au 62° B.C.A.:
- Continuer dès la tombée de la nuit les barricades dans Oeuilly.
Le capitaine, commandant la Compagnie du 46° B.I. est prévenu de ces dispositions et ordre lui est donné de laisser ses éléments en place à ma disposition. A 18 heures, le Capitaine Juguin, Commandant la Compagnie d’Instruction de Port à Binson (48° B.I.) arrive avec un chef de section au P.C. et rend compte qu’il s’est replié avec 2 sections devant une forte attaque allemande. Ordre lui est donné aussitôt de repartir pour reprendre ses emplacements, avec une section du 22° B.C.A. mise à sa disposition. Le Capitaine Juguin s’arma lui-même d’un fusil et partit résolument à la tête de sa troupe. Mais il fut rendu compte au bout d’une demi heure, au P.C., qu’il n’avait pu aller jusqu’au bout, arrêté par d’importants contingents ennemis qui avaient déjà franchi la Marne. Un officier du génie se disant être le commandant d’un groupe de 2 compagnies du génie vient au P.C. vers 18 H 30 pour rendre compte de ce que ses 2 unités réinstallées sur le plateau derrière le bois de Misey, s’étaient repliées et qu’il ne savait pas où elles étaient passées. Je lui donnais l’ordre d’aller à leur recherche et de les regrouper. Je n’ai plus revu cet officier. Préparation d’artillerie ennemie - Arrêt du tir de l’artillerie amie Depuis 16 heures un violent tir de destruction s’est abattu sur Oeuilly. Ce tir s’est poursuivi presque sans arrêt jusqu’à 21 h 30. Pendant tout ce temps la Marne était franchie largement du côté de Port à Binson d’une part, et d’autre part des éléments ennemis commençaient à partir de 20 heures à passer cette coupure à 1 km de l’est d’Oeuilly. Cette situation est portée à la connaissance du général commandant la D.I. dans un C.R. par lequel je fais ressortir qu’il n’y a rien à ma droite ni à ma gauche pour s’opposer au franchissement de la rivière et demande que des dispositions soient prises pour en diriger l’avance allemande en ces deux points. Des éléments du G.R.D. sont envoyés en direction de Port à Binson et entrent en liaison avec le 64° B.C.A. au bois de Misey. L’attaque atteint une violence extrême entre 19 heures et 21 h 30 tout un groupe d’artillerie ennemie tire sur Oeuilly sans interruption. Pendant ce temps là aucun tir n’a pu être obtenu de notre artillerie qui fut décrochée pour des raisons inconnues de 17 h 30 à 21 heures passées (C.R. apporté par le Capitaine Fossat) L’attaque devant le 22° B.C.A. Le 22° B.C.A. résiste avec vigueur à cette attaque et mitraille les embarcations pneumatiques allemandes qui passent la rivière à 700 mètres ou 800 mètres sur sa droite. Sur sa gauche la Compagnie Latruffe, fortement pressée par des forces élevées ennemies venant de Port à Binson, est contournée à l’ouest. Un ordre de résistance sur place est donné à tous les éléments de la 26° D.B. de Chasseurs Alpins qui défendent la Marne. Vers 20 heures un officier de liaison du 6° R.I. venant de Boursault arrive au P.C. de la D.B., son régiment devant prendre le secteur à la droite de la demi-brigade à la nuit. Je lui explique la situation dont il parait se rendre compte lui-même par la violence du bombardement qui ne cesse de croître en intensité. A 21 h 30, arrêt brusque du tir ennemi. Des fusées blanches de l’ennemi partent des directions nord, est et ouest. C’est le moment où les Allemands devant encercler Oeuilly ont largement dépassé la coupure et signalent à leur artillerie de ne plus tirer. La Compagnie Combet est débordée vers la droite. La Section Merpillat est encerclée et ne réussit pas à se dégager. Le Capitaine Combet fait replier ses autres sections dans Oeuilly où l’ennemi avait déjà pris pied par endroit. La Compagnie Latruffe contournée vers sa gauche se défend énergiquement et se replie à son tour en faisant un prisonnier (blessé évacué). Devant le 64° B.C.A. D’autre part le 64° B.C.A. se bat depuis 20 heures dans le bois de Misey contre une forte patrouille ennemie. Il fait un prisonnier qui est envoyé à la D.I. La patrouille allemande du début s’est renforcée progressivement par des éléments nouveaux qui aux dires du prisonnier s’élèvent à 6 compagnies. Les éléments du G.R.D. 41 en liaison avec le 64° B.C.A. luttent courageusement côte à côte. Ils se trouvent dans l’obligation de se replier vers 23 heures après avoir combattu avec énergie et infligé à l’adversaire de lourdes pertes. Le 64° B.C.A. dégage deux officiers d’artillerie encerclés dans leur observation. Repli dans l’ordre et nouvelle installation défensive A 22 h 30, je donne l’ordre de repli qui se fait dans l’ordre le plus parfait. La demi-brigade derrière moi, en colonne par 3, et à des distances appropriées. Je décide de me défendre sur les lisières nord et ouest du bois de la ferme des Chênes à travers lesquels passe la route d’Ablois. Je rencontre à 23 h 30 le groupement d’artillerie du Colonel Serre qui venait de se remettre en batterie suivant l’ordre de l’A.D. Je place la Compagnie Latruffe en couverture de l’artillerie et dispose le reste de mes éléments aux lisières du bois. Le Capitaine Bessy chargé d’instruire le général commandant la D.I. de ce repli revient avec un ordre verbal pour la D.B. d’avoir à se reporter en direction d’Oeuilly. Un ordre arrive peu après pour préciser et prescrire de s’installer sur la ligne jalonnée par la ferme de la cense-carrée et la corne ouest du bois des Chênes. La demi-brigade, presque sur place, n’a qu’une petite rectification à faire pour occuper ses emplacements où un ravitaillement en munitions est effectué par le Capitaine Bessy avec les chenillettes de la C.R.E.
Situation des effectifs et du matériel en fin de journée (12 juin)
22° B.C.A. : 10 officiers/150 chasseurs/6 F.M. 62° B.C.A. : 2 officiers/40 chasseurs 64° B.C.A. : 9 officiers/ 219 chasseurs/8 F.M. Le 13 juin A l'aube un ordre prescrivant le repli en direction de Morangis me parvient. Cet ordre indique, en outre, qu’une compagnie du 99° R.I.A. est mise à ma disposition dans la région d’Ablois. Je me mets aussitôt en relations avec le Chef d’Escadron Cardot (303° R.A) commandant le groupe d’appui direct; je règle avec lui les différents arrêts de l’artillerie en vue de son appui et décroche mes éléments sans contact avec l’ennemi. Je rencontre aux environs d’Ablois le commandant de la Compagnie du 6° R.I. et celui-ci me fait connaître qu’il a reçu mission de renforcer le G.R.D.I. 41 pendant ce repli. Je n’ai plus revu, par la suite, cet officier. Avant d’arriver à Morangis, un officier régulateur se disant appartenir au C.A. m’interpelle en criant : "26ème Demi-Brigade! Morangis!" La 26° demi-brigade s’installe à Morangis. La Compagnie Minot du 22° B.C.A. est placée en lisière nord en couverture approchée. Le G.R.D. et la Compagnie du 6° assurent la couverture éloignée. L’état de fatigue des chasseurs, qui, depuis de longs jours, n’avaient ni mangé ni dormi (se déplaçant la nuit pour se battre le jour), était tel qu’il paraissait impossible de leur demander alors le moindre effort. C’est à ce moment que je suis appelé au P.C. de la D.I. Le général commandant la D.I. projette une contre-attaque en direction d’Oeuilly avec l’appui de chars qu’il demande au commandant d’une division voisine, sans pouvoir les obtenir. Pendant l’élaboration de ce plan on me conseille de me reposer un peu et la chambre du général fut mise à ma disposition. Réveillé une heure après vers midi, j’appris du général que les Allemands étant à Ablois, il fallait qu’avec les éléments de la 26° D.B. j’aille occuper le plateau sud de cette localité, en contre-attaquant. Je mis alors le général au courant de l’état de fatigue extrême des chasseurs, mais, comprenant qu’il s’agissait surtout d’une mission de sacrifice devant permettre au reste de la D.I. de se replier, je demandais au général d’envoyer tout de suite de quoi faire manger les hommes de façon à pouvoir assurer cette mission avec plus d’efficacité. Effectivement, je pouvais rapporter du ravitaillement à Morangis, à midi trente. A 14 h 30, le dispositif de contre-attaque composé de quatre compagnies de 3 sections de la D.B. avec 14 F.M. et d’une demie compagnie du 99° R.I.A. est déclenché ayant comme axe de marche la route d’Ablois. Les hommes ont mangé et dormi deux heures. Les éléments d’avant-garde venaient à peine de prendre le contact qu’un ordre très urgent de repli était donné en direction de Bergéres les Vertus. Deux automitrailleuses, mises à la disposition de la demi-brigade s’étaient portées en direction d’Ablois. L’ordre impliquant la rapidité de l’exécution en raison des menaces sérieuses à l’ouest, la 26° D.B. se décroche et commence son repli. Le Capitaine Griolet commandant l’arrière-garde de la 26° D.B. rencontre pendant le repli deux capitaines qui stationnaient, avec leurs chars, sur la route. Après lui avoir appris que les deux automitrailleuses envoyées en avant des éléments de contre-attaque avaient été détruites et brûlées par l’ennemi à la sortie sud d’Ablois, ces deux officiers français firent la réflexion : "Au moins voilà une troupe qui se replie en ordre. pour une fois, cela fait plaisir." A Vertus, la Compagnie Latruffe (22° B.C.A.) est placée en couverture sur les hauteurs qui dominent la localité au nord. Des bouchons sont installés sur la voie ferrée, en direction de l’ouest. Le reste de la demi-brigade, cantonne à la ferme de la Censée où elle subit un bombardement intensif d’aviation. Aucun ravitaillement ce soir-là encore et fatigue accrue des hommes. Le 14 juin A une heure du matin, arrive l’ordre de départ, apporté par un motocycliste. Cet ordre prescrit le passage de la D.B. à 2 heures au point initial fixé par la D.I. à 3 kilomètres de là. La demi-brigade doit se rendre sur la bretelle Maurins le Petit - Ecury le Repos, où de nouveaux ordres seront donnés. Les éléments de la D.B. arrivent vers 6 heures. A 11 heures, le Capitaine Fossat, commandant la section de transmission de la compagnie de commandement, apporte un ordre prescrivant à la 26°D.B. de partir se placer à 600 mètres au nord d’Oeuvy, à l’ouest de la route Fère Champenoise - Oeuvy. Les 2 autres régiments de la D.I. devaient se disposer dans la même région de façon à former un triangle, la pointe au nord avec le 6° R.I. Après une étape, durant laquelle, l’aviation italienne ne cesse d’effectuer des bombardements par vagues successives, créant un intense désarroi parmi les innombrables convois qui sillonnaient la région, la 26° D.B. s’installe, vers 14 heures, aux emplacements prescrits. La liaison recherchée avec le 6° et le 173° permet de constater l’absence de ces unités qui, semble-t-il, n’avaient été touchées par l’ordre. La D.B. essuie de nouveaux bombardements aériens ne provoquant heureusement que des pertes légères. Vers 17 heures, un chauffeur du P.C. de la D.B. prescrivant le repli de la D.B. en 2 bonds : a) Champfleury. - b) Rives sud de la Seine. Les éléments de la D.B. se mettent en route et atteignent Champfleury vers 20 h 30. Aucun ravitaillement en vivres n’est encore arrivé. Et la faim ajoute encore à la fatigue des hommes. A 21 heures, le Capitaine Dupassage, venant de l’I.D., arrive avec un nouvel ordre de repli immédiat sur Pouan (Aube). Le P.C. de la D.I. était fixé pour le lendemain à 8 km S.E. d’Arcis sur Aube. Le Capitaine Dupassage avait expliqué que la poussée ennemie se faisant surtout à l’Ouest, il y aurait lieu de passer la Seine plus au sud, sans autre précision. Et il avait laissé entendre que désormais les ordres parviendraient difficilement. Ce fut le dernier contact que la 26° D.B. eut avec la D.I. Le 15 juin La D.B. franchit l’Aube au pont de Viapres le Petit et atteint Pouan vers 2 heures du matin, toujours sans ravitaillement. Le lieutenant chargé de faire sauter le pont me fit part de son pessimisme en me disant qu’il n’était pas prudent de s’attarder à Pouan. Je pris l’initiative de partir à 4 heures pour traverser la Seine à Villacerf et communiquais cet ordre aux chefs de bataillon. Puis je partis en avant avec ma voiture personnelle et mon adjoint pour reconnaître le passage. Le pont de Villacerf était déjà tenu par des blindés allemands. Je fis alors la reconnaissance de tous les ponts jusqu’à Troyes. L’ennemi était partout. Arrivé à Troyes vers 9 heures, je remarquais que le pont Hube situé un peu plus loin que le pont Ste Marie et coupé par une bombe d’avion, venait d’être à nouveau à la circulation. Je reviens aussitôt à Villacerf croisant d’innombrables camions de réfugiés embouteillant la route latérale à la Seine. A Villacerf j’attendis les éléments de la D.B. et j’expliquais la situation aux chefs de bataillons. Je leur demandais de dire aux hommes que malgré leurs fatigues un nouvel effort s’imposait à eux pour franchir la Seine à Troyes avant que les Allemands n’y arrivent (15 km environ). Je leur fis également part de mon intention de me rendre à Troyes pour y organiser un cantonnement provisoire et du ravitaillement en vivres. L’affaire du Pont Hubert J’arrivais à Troyes avec le Capitaine Bessy, mon adjoint, et s/Lieutenant Causeret. Le pont Hubert est maintenant barré par les Allemands. Et un double convoi civil et militaire, sans conducteur dont la tête arrive jusqu’au pont embouteille la route. Un bombardement de l’aviation italienne ajoute encore au désordre complet qui règne dans ce faubourg. Ayant remarqué la présence de divers éléments épars je les regroupe et les constitue en patrouilles avec mission d’expulser des jardins bordant la route les éléments légers ennemis qui s’y étaient infiltrés. Un capitaine du génie de la 28° D.I., et le Capitaine Bessy, s’offrent pour faire une patrouille ainsi que 2 autres officiers (Lieutenant Potier du 80° R.I.) et un cavalier du G.R.D. Grâce à l’action de ces patrouilles, les jardins ont pu être "nettoyés" aux deux ailes, mais la défense ennemie se concentre sur le pont et dans les maisons environnantes au delà du pont. Deux automitrailleuses se défilent derrière les haies et mitraillent les petits postes que j’avais placés autour du pont. Des minen semblant tirés d'une maison d’habitation, bientôt repérée, tombent en avant du pont balayé en même temps par un feu nourri de mitraillettes. Le Capitaine Bessy découvre un canon de 25 et des munitions dans un convoi de chenillettes abandonné. il le met en batterie et à défaut de personnel, cet officier assure seul le service de la pièce sous le tir des armes automatiques et minen allemands. Avec un mortier de 60, trouvé également sur les lieux, un officier et un sous-officier d’infanterie tirent pendant ce temps sur la maison d’où viennent les minen. Mais le combat s’amplifie. Des renforts allemands surviennent. Deux mitrailleuses d’un régiment de zouaves sont mises en batterie. L’aviation italienne reparaît et bombarde et mitraille le pont. Assurant la direction des opérations je regroupe le plus grand nombre d’hommes dans le but d’essayer de faire une brèche dans le dispositif et de faire passer le pont à l'interminable convoi stationnant à ses abords. Cependant la défense ennemie se renforce de plus en plus et la vanité de nos efforts apparaît malgré l’héroïsme de certaines individualités dont une surtout est à retenir: celle d’un tireur de F.M qui, ayant un mauvais champ de tir pour utiliser sont arme, se dresse debout à l’entrée du pont, mitraillant les Allemands à 150 mètres, il tombe grièvement blessé atteint par une rafale de mitraillette. J’ai rédigé sur le champ un ordre de citation à l’ordre de l’armée pour ce soldat dont j’ai oublié le nom, et j’en ai remis le texte à l’officier du régiment de ce jeune héros. Vers 18 heures ayant acquis la certitude que tout effort de percée en direction de Troyes était vain, la ville étant fortement occupée par l’adversaire, j’abandonne ces opérations de nettoyage et me porte au devant de la 26° D.B. dont les différents éléments venaient d’arriver et de se regrouper dans un bois à l’entrée de Troyes. Je réunis les chefs de bataillon et prends la décision de passer la Seine plus au sud. Au même moment, des vagues successives d’avions italiens, bombardant le bois et l’entrée de la ville. Les faubourgs sont complètement rasés et les convois hippo ou motorisés fortement endommagés. Après avoir consulté une carte Michelin, je donne l’ordre suivant : "La 26° D.B. traversera la Seine à Ville-Moyenne et se regroupera au delà de la coupure au village de Foucarde". Je renvoie alors mes deux voitures de liaison avec le Capitaine Ambrosi de mon E.M. et, suivi de mon adjoint, et du s/Lieutenant Causeret, prends le tête de la D.B., qui ne constitue plus qu’un détachement de 200 hommes. La Compagnie Latruffe du 22° B.C.A. et la Compagnie Combet, fortement réduites et encore dispersées par le dernier bombardement d’avions, furent regroupées par leur chef respectif mais ne rejoindront pas le gros de la D.B. et passeront la Seine, le lendemain à des endroits différents. Affaire de Les Parres Après Villechétif qu’elle quitte à 19 heures, la D.B. traverse une forêt puis débouche sur un vaste champ de blé. Le groupe du 22° B.C.A. est en avant-garde. Devant, à environ 600 mètres, une crête parallèle à la route nationale Troyes, Bar-sur-Seine. Des coups de feu partent de cette crête située à 2 ou 3 km à l’est de Les Parres. Le groupe franc se déploie et prend le contact. Des éléments du 64° B.C.A. le renforcent et le combat s’engage. Je demande un volontaire pour porter un F.M sur un point afin de prendre de flanc l’ennemi. Un s/officier du 22° B.C.A. se présente, enfourche une bicyclette et par une route perpendiculaire à la crête va prendre position au point indiqué, malgré le tir ennemi qui l’oblige à abandonner son vélo. Appuyé par le tir de ce F.M., le groupe franc avance et l’ennemi se replie vers Les Parres, laissant entre nos mains un prisonnier valide du 14° R.I. allemand. La 26° demi-brigade reprend sa marche en avant et sans être inquiétée de la soirée, poursuit sa progression en direction du sud-ouest. A quelques kilomètres plus loin, devant une ferme, nous rencontrons un officier du G.R.D en side-car. Celui-ci m’apprend que sa division (42° D.I.) doit se frayer un passage sur la Seine le lendemain et demande qu’on lui remette le prisonnier. Ce prisonnier interrogé à la D.I. pouvant fournir des renseignements utiles à l’opération projetée, je le remis entre les mains de l’officier du G.R.D. et la demi-brigade reprit sa route, en direction de Ville Moyenne. Arrivé dans une ferme, à environ 7 km du village de Verrières, un s/officier m’a fait connaître que le pont sur la Seine à hauteur de cette localité, était libre. La D.B. s’y dirige et atteint ce pont à 22 h 30. Il avait sauté! Le détachement reprit alors la direction de Clercy bas dans l’espoir de trouver un passage libre. La fatigue des chasseurs Depuis le départ d’Oeuvy, le 14 juin à 18 heures (c’est à dire en 30 heures), le détachement avait parcouru 80 km sans manger ni dormir et avait soutenu deux combats, faisant un prisonnier. Le dernier ravitaillement datait du 13 Juin midi à Morangis où les chasseurs avaient touché du pain et du singe (pas en abondance) avant la contre-attaque amorcée. A Clercy-bas, ce n’étaient plus des chasseurs, mais des fantômes titubant, littéralement épuisés de fatigue, harassés par le manque persistant de sommeil depuis neuf jours.
Situation des effectifs de la demi-brigade
Officiers :
E.M. - Commandant Désidéri, Capitaine Bessy, s/Lieutenant Causeret 22° B.C.A.: Capitaine Griolet, s/Lieutenant Escande, Ballandras, Elerz. 62° B.C.A. néant 64° B.C.A.: Capitaine Diot, Pauly, Becq, Berges, Lieutenant Laurens, s/Lts Georges et Bounias.
Hommes:
150 chasseurs et 200 hommes environ de toutes armes qui s’étaient joints à la demi-brigade.
Le 16 juin L’arrivée à Clercy a lieu à 3 heures du matin. Je prends la décision de donner 2 heures de repos aux hommes et de passer le pont à 5 heures. A 5 heures 30 le détachement se présente à Clercy-pont. Il avait sauté depuis une heure! On recherche alors un gué et, par chance, on en trouve un en amont. Tout le monde passe la Seine, avec de l’eau jusqu'au genoux. Le détachement se reforme dans un bois au sud de la Seine. Les hommes se rhabillent et se chaussent et après une courte halte, la marche est reprise direction sud-ouest à travers champs, en petites colonnes. Accompagné du Capitaine Diot et du Capitaine Bessy et d’un groupe de chasseurs (liaison), je me porte à quelques centaines de mètres en avant, vers les Vaudes. A peine après avoir débouché sur la grande route qui traverse le village, une colonne motorisée ennemie surprend le détachement, le harcèle et le disperse causant 6 blessés qui ont pu être ramenés. Cette colonne allemande venait de Bar sur Seine. Je me trouve, avec un groupe de 7 ou 8 chasseurs, coupé du Capitaine Diot et du Capitaine Bessy qu’ont suivi une quinzaine d’hommes, d’une part, et d’autre part, du gros du détachement où se trouvent les Capitaines Pauly et Becq et les s/Lts Georges, Escande, Causeret, Bounias, Ballandras et Elerz. Malgré nos efforts, nous ne pouvons nous rejoindre. Tous nous progressons dans le bois d’Aumont que nous avons gagné afin de nous soustraire aux Allemands. Malgré toutes les patrouilles organisés dans la matinée, dans cette forêt, immense et touffue, aux rayons sinueux, les groupes demeurent disloqués. C’est le dernier acte de guerre de la 26° Demi-Brigade. Des détachements isolés continueront encore à combattre, mais en dehors du cadre tactique et pour essayer d’éviter de tomber entre les mains de l’ennemi.
Conclusions
La 26ème Demi-Brigade a organisé et tenu pendant prés de quinze jours un sous secteur sur le Canal de l’Ailette à l’Aisne, en repoussant à plusieurs reprises des tentatives isolées de l’ennemi qui cherchait à s’infiltrer à l’intérieur de son dispositif. I. Disposée à gauche de la D.I., elle a toujours eu à subir le premier choc parmi les éléments constitutifs de la 44° D.I. et cela en raison même de la situation créée par la rupture progressive des fronts que les événements de la Somme et de la région de Paris avaient provoquée. Le 8 juin 1940, sur l’Aisne, la 28° D.I. à sa gauche, lâche au début de l’après-midi pendant que la 26° D.B. attaquée sur son flanc gauche et de front résiste pendant toute la journée et ne se replie, encerclée, qu’à la nuit, vers 22 h 30 et même 24 heures pour les derniers éléments. Le 10 juin 1940 devant Fismes, après une défense héroïque sur la tête du pont, la 26° D.B. rétablit la défense sur les bords sud de la Vesle et reçoit l’ordre de se replier en évitant de se laisser couper d’Épernay. Le 11 juin 1940 à Oeuilly-sur-Marne, la 26° D.B. se rétablit sur la Marne, de sa propre initiative, et s’y maintient pendant deux jours alors que, à gauche et à droite, les unités voisines n’étaient pas encore en place le 12 juin à 22 heures 30, heure à laquelle les Allemands prennent pied dans Oeuilly. II. Dans tous les replis effectués, la demi-brigade s’est toujours dégagée en bon ordre pour se rétablir un peu plus loin et faire front à l’ennemi: Ligne Dhuizel - Longueval. Ligne Ferme Pinson - carrefour N.W. de Blanzy les Fismes. Ligne de la Vesles, avec établissement d’une tête de pont sur Fismes qui infligea des pertes sévères à l’ennemi. Ligne de la Marne à Oeuilly (deux prisonniers allemands) Oeuvy, près de Fère Champenoise où la demi-brigade se trouvait seule en position et y subit des bombardements aériens répétés et puissants. Ligne de l’Aube à Pouan. Ligne de la Seine à Troyes et à Les Parres où la demi-brigade se fraya un passage en combattant et en faisant un prisonnier allemand. III. A aucun moment pendant toute la durée des opérations je n’ai perdu le contact avec mes bataillons, ni la liaison avec la D.I. Ce désir constant d’une liaison étroite fut réalisé dans les circonstances les plus difficiles et permit de maintenir une cohésion intime entre tous les éléments de la demi-brigade. Cette cohésion, génératrice de l’ordre, à même provoqué de la part de 2 officiers de chars français, lors du repli après la contre-attaque sur Ablois, cette réflexion encourageante : "Voilà au moins une troupe qui se replie en ordre. Pour une fois cela fait plaisir". En résumé, au cours d’un mois d’opérations, les éléments de la demi-brigade restèrent toujours groupés autour de leur chef et le restèrent jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’au moment où après le franchissement de la Seine, troupe et chefs partageront la même sort dans un camp de prisonniers. Comme commandant de la 26° Demi-Brigade j’ai tenu à souligner dans ce rapport la grande satisfaction que j’ai obtenu dans le commandement de cette troupe dont les efforts collectifs et les actions d’éclat isolées ont contribué à conserver intacte la renommée traditionnelle des chasseurs alpins.
Camp de Mailly;, le 1er août 1940
Capitaine Edmond Griolet
Rentré de captivité militaire le 26.8.1941
Mon rapport d’opérations
Rappel de la situation de la 44e D.I.
Enlevée du front d'Alsace du 11 au 15 Mai 1940, par voie ferré la 44e D.I débarque dans la région de Châlons sur Marne, le 17 Mai, est transportée par camions à 20 Km de l’Aisne, au Nord de Reims. Elle entre en contact avec l’armée allemande qui progresse en direction de cette rivière le 19 Mai sur le canal de l’Ailette à l’Aisne et sur l’Aisne. La 44e D.I. (6e R I et 173e D B C A 26e D B C.A combat sur cette position jusqu’au 1er Juin, date à laquelle elle est partiellement relevée par la 28e D.I. (Général Lestien). Malgré des pertes importantes, la 26e D B C A est engagée à nouveau sur l’Aisne entre Charonne et Bourg et Comin, du 5 au 8 Juin (62e et 64e en premier échelon, 22e B C A Bazoches en réserve de D.I.) Le 9 Juin, après l’enfoncement du front de l’Aisne par les Allemands, la 44e D.I. poursuit le combat sur les plateaux qui dominent la rivière. Le 22e B C A attaqué à Bazoches même, est replier sur Fismes. La 26e D B C A tient une tête de pont en avant de Fismes à Blanzy les Fismes. Le Commandant Ardisson commandant le 22e B.C.A, est blessé le 10 Juin au matin.
9 Juin 19 H. Les Allemands occupent la crête entre le plateau E. de Vauxeiré et Blanzy. Reçus par des feux serrés, ils ne poursuivent pas leur avance jusqu’à la nuit. A 21 H. : Ordre de départ pour Fismettes afin d’y établir une tête de pont. Je suis chargé par le Commandant Désidéri, Commandant la 26e D B C A de protéger jusqu’à 22H., le repli du 6e R.I. et des services de la 26e D.B.C.A. Au moment où je me dispose à rallier Fismettes, un contre-ordre nous faire remonter à Blanzy. Au retour, nous sommes accrochés par les Allemands qui, à la faveur de la nuit, se sont approchés de la route Blanzy - Fismes. A 23 H., nouvel ordre pour la constitution avec le G.R.D. et la 1ère Compagnie du 22ème B.C.A. de la tête de pont de Fismettes. La mise en place se fait en longeant le ruisseau de Blanzy, la route étant tenue par les Allemands. Dans la nuit, la mise en place des éléments du 22 et du 62 est faite par le S/Lieutenant Laroque du G.R.D. et consiste à doubler les F.M. du FRD. Surtout en vue de tenir le carrefour de Fismettes sur la route de Blanzy. Au petit jour, le 64ème B.C.A. passe à Fismettes. Le Commandant Désidéri établit son P.C. dans une villa contre le pont de Fismes, côté Fismes le capitaine du G.R.D. commandant la tête de pont, adopte le même P.C. Le 10 Juin Le jour levé, m’étant rendu compte que seul le carrefour de la route de Blanzy était efficacement tenu, aucune défense n’étant assurée sur les sentiers vers le ruisseau, la route vers cote 162 etc.... je propose au Commandant Désidéri un remaniement de la tête de pont avec le dispositif suivant: 62ème B.C.A. à l’est tenant la route cote 162, les débouchés des sentiers venant de Blanzy, G.R.D. au centre tenant le carrefour de Fismettes, 1ère Compagnie du 22ème B.C.A. à l’Ouest tenant la route vers Bazoches. J’informe en même temps tous ces éléments que je prends le commandement de la tête de pont. A 9 H. le 22ème B.C.A. est attaqué à courte distance par des éléments allemands descendus de l’Ouest en direction du pont de Fismes. Pressés, les chasseurs du 22ème lâchent les lisières de Fismettes, je fais tenir les carrefours par leurs F.M. m’efforçant d’empêcher leur retraite. A 10 H. ordre de la D.I. de réoccuper les emplacements suivants de l’Ouest à l’Est; route venant de Bazoches à Fismettes, carrefour Nord de Fismettes, cote 162. Le Commandant Désidéri me confie le commandement de la tête de pont avec la 1ère Compagnie du 22, 1 Section de la 2ème Compagnie du 22 le G.R.D. motorisé, le 62ème, 1ère Compagnie du 64ème B.C.A. Par la suite, l’escadron moto du G.R.D. sera envoyé pour parer à des infiltrations allemandes du côté de Bazoches et sera remplacé par des F.M. du 64ème B.C.A. La 22ème réoccupe la route Bazoches-Fismettes. La G.R.D. réoccupe le carrefour N. de Fismettes. La 64ème B.C.A. section S/Lieutenant Gesta occupe le carrefour 800 m.E de la route côte 162. Le s/Lieutenant Coré de la 2ème Compagnie , reçût l’ordre d’attaquer avec sa section la cote 162 et de s’y maintenir. Cette section, dès le coude de la route, est prise à partie par les Allemands qui progressent en direction, eux aussi, de la cote 162. Le s/Lieutenant Coré déploie sa section face à l’ennemi, met sa F.M. en batterie et disperse l’ennemi, lui infligeant des pertes. Il se maintiendra jusqu’à épuisement de ses munitions sur cette position, puis repliera sa section en bon ordre sur le coude de la route. A cet endroit, la section du 64 attaquée par les Allemands a subi de lourdes pertes, le s/Lieutenant Gesta a été tué ainsi que de nombreux chasseurs. Le s/Lieutenant Vigneron, officier de liaison du 91ème R.A.D., qui se tient avec moi sur le pont de Fismes, suit le déroulement du combat et prend possession des crêtes au fur et à mesure de leur évacuation. Les tirs d’artillerie causent aux Allemands de lourdes pertes. A 10 H.30, un bataillon du 6ème se présente à la tête de pont. J’organise le passage du pont par petits groupes car les Allemands qui tiennent 162 tirent sans arrêt sur le pont sur lequel ils ont des vues. Les Allemands, à 11 H., ont réussi à s’infiltrer jusqu’au coude de la route vers cote 162 , d’où ils coupent en deux par leurs feux le carrefour N. du pont. D’autre part, ils sont au contact sur la route de Bazoches où ils tentent de s’infiltrer le long de la Vesle au carrefour N. de Fismettes et au ruisseau de Blanzy, ils poussent également nos postes. Progressant du coude de la toute 162, je prévois qu’ils arriveront au carrefour du Pont rendant la retraite impossible aux éléments du 22 et du 62. Après avoir rendu compte de la situation au Commandant Désidéri, je décide de faire replier d’abord la 1ère Compagnie du 22ème , homme par homme. Le 62ème passe le pont à son tour à l’exception du groupe franc du s/Lieutenant Fritsch qui contient l’ennemi face au pont et que je ferai replier à vu au dernier moment. A 11 H. 30, le Commandant Désidéri est venu me retrouver au pont. Les Allemands sont à peu près au carrefour; ils tirent sur le pont même à l’aide de minens. Je fais placer des mitrailleuses du 3ème sur le pont du chemin de fer pour interdire l’accès du pont de la Vesle, dans le cas où la mise de feu raterait. Je fais par signaux rentrer le s/Lieutenant Fritsch et j’attends le débouché des allemands pour faire sauter le pont. Il saute à leur arrivée même. Les bataillons sont mis en place sur la rive Sud de la Vesle. Les Allemands qui arrivent en masse le long de la rivière sont accueillis par des feux nourris et efficaces. A 13 H. dans le sous-sol de la Mairie de Fismes où le Commandant Désidéri a installé son P.C., nous recevons de la D.I. un ordre de repli. Le 62ème B.C.A. devra cantonner à Tramery. Au milieu de l’étape, nous sommes rejoints par le s/Lieutenant Vigneron. Il me demande de lui donner un détachement de protection pour faire décrocher les batteries de son groupe. Je désigne le s/Lieutenant Fritsch et son groupe franc. Nous avons été ravitaillés par le T.R. du bataillon avant le départ de ce détachement du s/Lieutenant Fritsch, en pain, en vin et viande de conserve. Les hommes se restaurent au cours d’une pause pour la première fois depuis trois jours. A Reamery, où j’arrive en même temps que les débris du Bataillon, conduits par le S/Lieutenant Garzulino, nous reclassons les unités. La 1ère Compagnie a, à sa tête, l’Adjudant-chef Grandioli. La 2ème Compagnie , le s/Lieutenant Garzulino. L’effectif total du 62ème bataillon est de cent hommes. Ce reclassement s’opère sur la route encombrée par des éléments de toutes armes, qui retraitent en désordre. Nous n’avons encore pu organiser les postes et le logement que les Allemands sont signalés à l’entrée du village. Je conduis rapidement la 1ère Compagnie à la sortie N. après avoir fait ramasser toutes les munitions des autres chasseurs; cette 1ère Compagnie dispose de cent cartouches par F.M. et cinquante par voltigeur. Les tris dans la nuit sont rendus très délicats par la suite de la présence de nombreux Français qui se replient. A 22 H. 30, le Capitaine Dupassage nous apporte un ordre de repli pour O H. sur Olizy-Violaine où le bataillon arrive à 5 H. du matin. Le 11 Juin Il y retrouve la 26ème D.B.C.A. qui cantonnera toute entière dans ce village. A l’arrivée, le Commandant Désidéri me fait appeler pour me demander de prendre effectivement le commandement du 22ème B.C.A., commandement qui m’avait été confié la veille. Le cantonnement est reparti entre les Bataillons. A 7 heures, les automitrailleuse et les chars allemands défilent sous nos yeux, sur la route d’Olizy. Ordre de repli sur la Marne, par Bataillon, est donne par le Commandant Désidéri sur Chatillon, Port à Binson. Départ à travers champs, les routes sont obstruées par des convoi d’artillerie, à la recherche d’un pont. Le bataillon, survolé et bombardé par avions, arrive en vue du Pont de Port à Binson attaqué par avions et chars ennemis lorsque ce pont saute. Force est de rechercher un autre passage. Nous nous dirigeons en amont vers le pont de Reuil-Oeuilly distant de 4 km environ. Sur la rive Sud le Commandant Désidéri rassemble les bataillons. Il les dirige sur le plateau au sud du village, laissant le pont et le village à la garde de la 1ère Compagnie du 22ème B.C.A.
Le Bataillon a l’encadrement suivant :
E.M.
Capitaine Griolet Commandant le Bataillon Capitaine Fourchier, Adjudant-Major
Lieutenant Ricatte officier de renseignements.
C.A.
S/Lieutenant Agard
S/Lieutenant Elorz.
1ère Compagnie
Capitaine Latruffe S/Lieutenant Lajous
S/Lieutenant Ballandras
2ème Compagnie
Capitaine Combet S/Lieutenant Merpillat
S/Lieutenant Beau.
3ème Compagnie
Lieutenant Minot S/Lieutenant Escande S/Lieutenant Renaudo
S/Lieutenant Darmont.
Il reste neuf mitrailleuses utilisables, ainsi que les deux tiers des F.M. Les compagnies sont toutes à trois sections. Il n’existe aucune voiture de liaison. Par la suite, j’utiliserai la moto du Service de Santé; elle me laissera en panne le 13. Après, plus rien. A 14 H., ordre d’assurer la défense du Pont de Reuil - Oeuilly à l’aide d’une compagnie qui relèvera la section de la 1ère Compagnie . Je trouve au pont une section de la 22ème Compagnie du 46ème R.I. (Bataillon d’Instruction). Ce bataillon est commandé par le Capitaine Leclercq et la Compagnie par le Capitaine Pluchot. Ils défendent le pont de Reuil - Oeuilly avec une section et le village d’Oeuilly avec le reste de la compagnie . Ils sont vaguement en liaison avec une 22ème Compagnie du 48ème R.I. (Bataillon d’Instruction également) qui tient le pont de Port à Binson. Quant à leur liaison à droite, ils l’ignorent. Une visite au capitaine Pluchot dans Oeuilly me donne les moyens et la mission de la compagnie de garde du pont. Les hommes sont des permissionnaires de tous corps et des récupérés récents, il ne faut pas faire fond sur cette unité. Compte-rendu verbal de cette situation étant fait au Commandant Désidéri, la 2ème Compagnie du 22ème B.C.A. prend le dispositif suivant : 1 section sur la rive Sud de la Marne, au pont de Reuil - Oeuilly, 2 sections sur la voie ferré parallèle à la Marne, de part et d’autre du pont de la route Reuil - Oeuilly. En outre, I.S.M. complète commandée par le s/Lieutenant Elorz s’établira en caponnière à la croupe 600 m. S.O. du pont tirant sur ce pont 36 caisses de cartouches. Les deux autres compagnies du 22ème B.C.A. s’installeront dans le bois sur le plateau N. d’Oeuilly. le dispositif est mis en place immédiatement. A 18 H. les Allemands se présentent devant le pont que fait sauter le Lieutenant Vétroff du 46ème. Jusqu’à la nuit, des coups de feu sont échangés de part et d’autre. Je rends compte de l’activité des Allemands dans Reuil où ils se sont emparés d’un dépôt du Génie important; le Lieutenant Vétroff avait à différentes reprises, demandé le transport de ce matériel sur la rive Sud de la Marne. A la nuit, je descends sur la rivière, on entend nettement l’ennemi travailler, vraisemblablement à la construction de passerelles. A 23 H., je reçois par chenillette, 3 caisses de grenades, 3 caisses de cartouches de F.M. ainsi qu’un ravitaillement de cinq boules de pain et vingt boîtes de viande de conserve par compagnie . Ordre d’alerte est donné pour tout le monde à 3 H. du matin, afin de parer à une attaque possible au lever du jour. Malgré de nombreuses alertes et bombardements d’avions qui ont mis le feu à une partie du village, aucune attaque d’