par boisbouvier » Lundi 16 Juin 2014 10:42:23
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Chute (de Chamberlain)
Début 1940, les Alliés approuvent un projet visant à prendre le contrôle du nord de la Norvège, autour du port majeur de Narvik, ainsi que peut-être des mines de fer suédoises de Gällivare, source principale d’approvisionnement du Reich166. La mer Baltique étant gelée l’hiver, le trafic transite par Narvik durant cette période. Le projet des Alliés débute par une opération de minage des eaux norvégiennes, afin de susciter une réaction allemande en Norvège et de permettre l’occupation de la majeure partie du pays. Les Alliés ignorent toutefois que l’Allemagne a son propre plan d’invasion de la Norvège, et le 9 avril, la Wehrmacht occupe le Danemark, puis envahit la Norvège. Le pays est rapidement occupé presque entièrement par l’Allemagne167. Les quelques troupes envoyées par les Alliés ne rencontrent guère de succès, et le Cabinet de guerre ordonne leur retrait le 26 avril167. Les adversaires du Premier ministre décident de faire du débat d’ajournement pour les vacances de Pentecôte une charge contre Chamberlain. Celui-ci est furieux lorsqu’il apprend la chose, puis décide de contre-attaquer168.
Le « débat norvégien » s’ouvre le 7 mai et dure deux jours. Les premiers discours, dont celui de Chamberlain, restent neutres, mais l’amiral Roger Keyes (en), député de Portsmouth North, monte à la tribune en uniforme et se lance dans une violente attaque contre la conduite de la campagne de Norvège, épargnant toutefois Churchill dans son blâme. Leo Amery conclut son propre discours en paraphrasant Oliver Cromwell dissolvant le Long Parlement : « Vous êtes restés trop longtemps ici pour le bien que vous avez fait. Partez, dis-je, et puissions-nous être débarrassés de vous. Au nom de Dieu, partez169 ! » Lorsque les travaillistes annoncent qu’ils vont demander une division, Chamberlain appelle ses « amis — et il me reste quelques amis dans cette Chambre — à soutenir le gouvernement ce soir170 ». Bien que le mot « ami » soit couramment employé pour désigner des camarades de parti, Chamberlain commet une « erreur stratégique » en faisant appel à la loyauté envers un parti « alors que la gravité du conflit exige l’unité nationale171 ». Lloyd George rallie les assaillants, et Churchill conclut la séance avec un discours vigoureux en faveur du gouvernement171. Le gouvernement dispose normalement de plus de 200 voix de majorité, mais il n’a que 81 votes d’avance lors de la division, 38 députés conservateurs votant à l’encontre des consignes du parti et une vingtaine s’abstenant172.
Chamberlain passe une bonne partie de la journée du 9 mai en réunions avec les membres de son gouvernement. De nombreux députés conservateurs, même ceux ayant voté contre le gouvernement, affirment durant ces quelques jours qu’ils ne souhaitent pas le départ de Chamberlain, plutôt un remaniement ministériel173. Cependant, Chamberlain décide de démissionner, à moins que les travaillistes acceptent de rejoindre son gouvernement. Attlee, qu’il rencontre plus tard dans la journée, est réticent, mais accepte de consulter le Comité national du Parti travailliste, qui se réunit au même moment à Bornemouth. Chamberlain souhaiterait que Halifax lui succède, mais ce dernier ne se montre guère empressé d’avancer ses propres pions, et le choix se porte finalement sur Churchill. Le lendemain, l’Allemagne envahit le Benelux, et Chamberlain envisage de conserver son poste. Toutefois, Attlee lui confirme qu’aucun travailliste ne collaborera avec lui, et Chamberlain se rend à Buckingham Palace pour remettre sa démission au roi et lui conseiller de faire appel à Churchill174. Par la suite, Churchill remerciera Chamberlain de ne pas avoir conseillé au roi de faire appel à Halifax, qui aurait reçu le soutien de la plupart des députés membres du gouvernement175. S’exprimant à la radio le soir même, Chamberlain déclare à la nation :
« Car l’heure est venue à présent de notre mise à l’épreuve, tandis que les peuples innocents de Hollande, de Belgique et de France la subissent d’ores et déjà. Et vous, comme moi, devez rallier notre nouveau chef, et avec l’union de nos forces, et avec un courage inébranlable, nous lutterons et œuvrerons jusqu’à ce que cette bête sauvage, qui a jailli de son repaire pour fondre sur nous, soit finalement désarmée et renversée176. »
La reine déclare à Chamberlain que sa fille, la princesse Élisabeth, a pleuré en entendant sa déclaration174. Churchill lui écrit pour le remercier de se tenir à ses côtés en ces moments périlleux, et Stanley Baldwin, le dernier ancien Premier ministre encore en vie avec Lloyd George et Chamberlain, lui écrit : « Vous avez passé l’épreuve du feu depuis notre dernière rencontre, il y a quinze jours à peine, et vous en êtes ressorti couvert d’or177 ».