Jean Zay : déserteur ou résistant ?

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Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par BRH » Mercredi 26 Février 2014 11:58:50

La question paraît brûlante. Raison de plus pour l'aborder ici.

Le dossier contre Zay n'est pas complètement vide. Mais ça rappelle l'Âne de la fable (les animaux malades de la peste, Lafontaine).

http://books.google.fr/books?id=bndoYaE ... ay&f=false

En fait, Jean Zay ne fut ni l'un, ni l'autre. S'il ne mérite pas d'entrer au Panthéon comme résistant, il y entre comme élu de la République martyr de l'iniquité du régime de Vichy. Mais alors, pourquoi lui et pas Mandel ?
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par norodom » Jeudi 27 Février 2014 18:50:09

Bonsoir Bruno,

Permettez cette remarque en préambule :
Le titre de votre sujet "déserteur ou résistant ? " est interrogatif... et vous écrivez d'entrée
<< Jean Zay ne fut ni l'un, ni l'autre >>
Ce qui permet de penser qu'une réponse qui ne va pas dans ce sens, pourrait vous contrarier ?

Ceci écrit, je vous rassure, je vous suis...
Néanmoins il est bon de développer...

Déserteur ?

Vous et moi sommes des juges en 2014, informés que nous sommes par les avancées historiques...
Nous ne sommes pas au temps où Joseph Barthélémy, garde des Sceaux n'eut aucun mal à persuader le Maréchal Pétain de la nécessité de traduire en justice les parlementaires qui sont partis sur le "Massilia" alors qu'ils étaient encore mobilisés. Jean Zay se trouvait donc parmi eux.
Ils tombaient sous le coup de la loi du 23 juillet 1940 les qualifiant de "dissidents" passibles de la déchéance de nationalité.
Ce qui est curieux dans cette affaire, c'est qu'après avoir été encouragés par Laval et Darlan à rejoindre les pouvoirs publics qui devaient se replier sur Alger, il furent transformés en "fuyards" et "déserteurs"

Jean Zay s'était inquiété de sa situation militaire auprès du général François à Rabat et il fut rassuré sur sa démobilisation incessante. Donc pas de délit de désertion.
Et puis à partir du 16 août 1940 où un mandat d'arrêt daté du 27 juillet, lui est remis, commence alors la série des incarcérations. A Clermont-Ferrand, où il est condamné à la dégradation militaire, puis au fort Saint-Nicolas à Marseille, puis le 7 janvier 1941 à la prison de Riom où il croupit pendant quatre années dans une cellule insalubre.
"Bénéficiaire" du régime politique que lui avait accordé Joseph Barthélémy, il pouvait prendre connaissance des journaux et être ainsi témoin des campagnes de presse de "Grégoire" et de "L'Action Française".

Résistant ?

Les réformes que Jean Zay a entrepris dans le domaine de l'éducation nationale et les mesures en faveur des jeunes furent d'une haute importance. Cependant elles n'étaient pas du goût de tous.
Alors, compte tenu de sa ténacité face à ses opposants, on peut admettre une forme de résistance.
Quant à la résistance face à l'occupant, il reste vraisemblable qu'il n'a pas eu le temps de l'entreprendre.

Sa fin tragique a été la conséquence de l'adversité des opposants à son action et particulièrement de la part de Philippe Henriot qui ne se privait pas de l'interpeler.
Henriot était Milicien et même une haute figure de la Milice. Sa disparition avait décuplé la fureur des miliciens. Fureur dont furent les victimes, Georges Mandel et Jean Zay !
Ces assassinats de personnalités politiques républicaines par la Milice, se paraient de la justification de la vengeance.

On connaît la fin tragique de Jean Zay, au cours d'un transfert ordonné de la prison de Riom vers celle de Melun. L'ordre de ce transfert avait été signé le 16 juin 1944 par le directeur de cabinet de Joseph Darnand.
Arrivé dans les bois de Cusset, près de Vichy, il est abattu et son corps est jeté dans une excavation "le Puits du Diable" où il est découvert par hasard le 22 septembre 1946.

Voilà Bruno pour le principal que vous connaissez certainement mais qu'il était utile de rappeler aux lecteurs de ce forum.
On pourrait aller plus avant et aborder la "question du Panthéon" et le "parallèle" avec le cas de Georges Mandel.

Cordialement,
Roger
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par boisbouvier » Jeudi 27 Février 2014 19:51:03

J'ignorais que Henriot fut milicien.
Le fait est-il avéré ?
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par norodom » Jeudi 27 Février 2014 21:33:01

Bonsoir Michel,

Je vous livre un extrait de la page 145 du livre de Michèle Cointet " La Milice française " _ chapitre 6 _ " La Milice fait ses preuves " _ " Philippe Henriot : talent et mauvaise foi "...

Cet extrait est en rapport avec le sujet présent sur Jean Zay ...

<< Collaborateur de Gringoire, Henriot a une bête noire, Jean Zay, en qui il dénonce le responsable de la mort de la paix. L'emprisonnement de l'ancien ministre radical ne l'apaise guère.
En juin 1941, il devient le chantre de l'antisoviétisme. Il s'y exerce à la radio et met au point sa rhétorique au cours de tournées de propagande. Il adhère à la Milice en Mars 1943 sans appartenir à son clan dirigeant. Lui sont surtout réservées dans l'hebdomadaire milicien Combats les attaques contre une Eglise mesurant trop son soutien à la Révolution nationale... (.....) >>

Cordialement,
Roger
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par boisbouvier » Jeudi 27 Février 2014 23:58:19

En mars 43 la milice n'a pas encore revêtu son visage définitif.
Elle ne fut armée qu'en septembre quand Darnand passant par dessus Laval demanda des armes aux Allemands pour riposter aux attaques que ses hommes subissaient de la part de la résistance. Il y avait eu plus de soixante morts du fait de ces attaques. Ce n'est donc qu'à partir de septembre 43 que la milice devint une force supplétive de l'armée allemande et qu'elle fut à ce titre coupable de collaboration active.
Le livre récemment paru de Berlière et de Le Goarant de Tromelin montre les compromissions qui existèrent entre les truands du Brittany qui tuèrent Henriot et ceux qui tuèrent Mandel. Mansuy fut l'un d'eux. Darnand n'eut aucune part dans ces exécutions. Il fut dépassé par ses troupes qui prenaient parfois leurs ordres directement chez la SS ou même chez une frange de celle-ci.
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par norodom » Vendredi 28 Février 2014 11:08:29

Michel... vous vous écartez du sujet...
Nous en sommes à répondre à des questions sur Jean Zay... pas à refaire l'histoire de la Milice.
Le livre "Liaisons dangereuses" _ "Miliciens, Truands, Résistants", je l'ai.. Au bout d'une cinquantaines de pages, je n'étais pas plus avancé et j'en ai abandonné la lecture, estimant, peut être un peu trop vite, qu'il ne répondait pas à ce que j'en attendais. Je reverrai cela plus tard...
Le fait que Henriot ait été Milicien trop tôt pour être impliqué totalement de fait ou par collaboration morale avec la Milice à son stade le plus dur, ne change rien à sa personnalité... Henriot c'était Henriot, porte-parole de la Milice et de la propagande anglophobe, anti communiste et anti-soviétique... il avait un très grand talent d'orateur pour ça, le bougre !
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par BRH » Dimanche 23 Mars 2014 18:56:59

A Norodom : je n'ai pas répondu, parce que j'étais globalement d'accord avec votre résumé.

Donc, je n'ai pas trouvé de textes caractéristiques de Jean Zay contre le nazisme. Ce qui permettrait de le considérer comme un "pré-résistant". Qu'il ait été considéré comme un bouc-émissaire à ce titre par l'extrême-droite, je l'admets bien volontiers. Je n'ai certainement pas bien cherché. Mais François -dont c'est la spécialité- devrait nous orienter de suite vers un résumé percutant des actions et pensées anti-nazies de Jean Zay...
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par Francois Delpla » Lundi 24 Mars 2014 12:59:42

Bruno Roy-Henry a écrit :
Je n'ai pas trouvé de textes caractéristiques de Jean Zay contre le nazisme. Qu'il ait été considéré comme un bouc-émissaire à ce titre par l'extrême-droite, je l'admets bien volontiers. Je n'ai certainement pas bien cherché. Mais François -dont c'est la spécialité- devrait nous orienter de suite vers un résumé percutant des actions et pensées anti-nazies de Jean Zay...


spécialité ?

Le colloque de Sciences-Po édité en 2003 était hélas peu prolixe sur la politique extérieure
http://www.cairn.info/jean-zay-et-la-ga ... -p-209.htm

de même que le bouquin de Karoutchi (qui fait cependant état d'engueulades avec Georges Bonnet au moment de Munich).

Pour l'instant, je vois surtout son journal de prison Souvenirs et solitude, qui relate notamment, fin avril 41, la publication non autorisée par l'extrême droite (encore !) de son journal de la dernière année de paix. Lequel n'est hélas pas aujourd'hui facile d'accès.

Il n'est pas contestable que Zay ait fait partie de l'aile "belliciste" du gouvernement mais j'ignore si ses positions personnelles ont fait l'objet d'études détaillées.

en ce qui concerne la commandite allemande de son meurtre, à mon avis très probable, à signaler le point de vue très naïf de Paxton (p. 240) :

JZ, accusé d'avoir perverti la jeunesse française quand il était à l'Education nationale, et Georges Mandel, le ministre le plus hostile à l'armistice, sont assassinés par le milice à l'été 1944. C'est à bon droit que Stanley Hoffmann dit que Vichy est la "revanche des minorités".
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par BRH » Lundi 24 Mars 2014 14:13:32

Francois Delpla a écrit :
Il n'est pas contestable que Zay ait fait partie de l'aile "belliciste" du gouvernement mais j'ignore si ses positions personnelles ont fait l'objet d'études détaillées.


Si c'est incontestable, cela devrait être facile à établir. Autant que je sache, il n'existe pas de prises de positions publiques de Zay avant septembre 1939. Il a pu être attaqué par des Rebatet et cie, qui l'accusaient d'être un belliciste. Ma doc n'est pas assez fournie pour en juger et je ne trouve rien sur internet. En fait, il ressort surtout ce ce que j'ai lu que Zay était accusé d'avoir perverti la jeunesse française et, notamment, de l'avoir influencé dans le sens du pacifisme. Voilà qui ne colle pas avec le profil d'un va-t-en-guerre ?

Jean Zay est plutôt anti-fasciste qu'anti-nazi. Il fait partie de ces "jeunes radicaux" qui soutiennent le front populaire. Et en ce sens, j'ai le sentiment que son anti-fascisme est d'ordre interne, même s'il prône un soutien français inconditionnel à l'Angleterre contre Mussolini. Honnêtement, ce que ce j'ai pu en lire (extrait d'olivier Loubès "Jean Zay, l'inconnu de la République"), ses positions ne diffèrent pas de celles de Léon Blum. C'est à dire que jusqu'aux élections de mai 1936, il demeure plutôt pacifiste. En tout cas, jusqu'à preuve du contraire, il ne réclame pas une intervention musclée contre la remilitarisation de la Rhénanie ! On assure qu'il est partisan de la fermeté contre Hitler en 1938. Peut-être. Comme Daladier le fut aussi... Et il ne démissionne pas lors de la signature des accords de Munich. Quand bien même il se serait "engueulé" avec Bonnet, il me semble que le chat anti-nazi de Zay est bien maigre...
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par Francois Delpla » Lundi 24 Mars 2014 14:46:19

mais tout cela plaide en sa faveur !

ce n'est pas un vantard, ni un individualiste... et c'est un radical, certes de l'aile gauche du parti, mais tenu à une action de longue haleine contre toutes ses pesanteurs, y compris le pacifisme, l'antisoviétisme... et la gérontocratie !

D'une part ce n'est pas son genre de se mettre en avant, du moins hors de son domaine ministériel, d'autre part il est très jeune, enfin il n'a pas la liberté d'un électron tel que Mandel. Mais en faisant de lui un belliciste résolu, au sens qu'ils donnent à ce mot, l'Action française et Gringoire ni ne se trompent, ni ne s'en prennent au corrupteur de la jeunesse, ni ne sont motivés par le seul antisémitisme.

BRH a écrit :
Francois Delpla a écrit :
Il n'est pas contestable que Zay ait fait partie de l'aile "belliciste" du gouvernement mais j'ignore si ses positions personnelles ont fait l'objet d'études détaillées.


Si c'est incontestable, cela devrait être facile à établir.


oui, si on bosse ! moins, si cela n'a pas été fait ! Il faudrait par exemple voir les points de politique extérieure abordés dans sa campagne de 1936, comparés à celle de 1932, ses commentaires avant et après son voyage en URSS en 1937 (à lui seul, un signe) sur la nécessaire alliance antinazie, etc.
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par boisbouvier » Samedi 12 Avril 2014 09:55:48

Faut-il incriminer "Vichy" dans le meurtre de Jean Zay comme le fait BRH ?
Il faudrait savoir d'abord ce qu'on signifie quand on dit "Vichy".
Dans le meurtre de Mandel tous sont d'accord : ni Pétain, ni Laval, ni même Darnand n'y sont pour rien.
Le tireur s'appelait Mansuy et il prenait ses ordres en dehors de la Milice à laquelle il appartenait.
Un mystère demeure à ce sujet. On ne sait pas bien qui, à la SS de Paris, a ordonné le meurtre, ni pourquoi. Fut-ce Hitler lui-même comme le prétend - mais sans preuve- Delpla ? Il est permis d'en douter.
Quand Mansuy eut tiré, son compagnon le plus proche lui dit : "qu'est-ce qui te prend" ?
Il a répondu, je crois, : "Ne t'en fais pas ça vient de plus haut".
Mais de plus haut que qui ?
De Darnand sans doute, car Darnand ne cessait de rembarrer les excès de zèle de ses troupes. "Allez-vous arrêter un jour de déconner ?", leur disait-il souvent.
Les truands de Paris (Mansuy en faisait partie) ne pouvaient rater cette occasion de s'enrichir et de s'approvisionner. Ils investirent, pour certains la Milice et pour d'autres la Résistance. Certains sont passés de l'une à l'autre et même se sont servi de l'une pour se dédouaner de l'autre. Ces choses-là sont inévitables.
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Re: Jean Zay : déserteur ou résistant ?

Message par boisbouvier » Dimanche 13 Avril 2014 06:34:06

Jean Zay a dit entre les deux guerres, mais alors qu'il était encore étudiant, que le drapeau français était un torche-cul.
Venant d'un responsable politique cette forte expression le désignait tout naturellement à la vindicte rancunière des nationalistes d'extrême droite qui voulaient venger Henriot.
Il est probable que l'assassinat de Jean Zay, contrairement à celui de Mandel, trouve son origine dans la Milice.
Maintenant, fallait-il tuer Henriot ?
A mon avis, non.
Il ne faut pas tuer la parole, même en temps de révolution ou de guerre.
Il faut la juger après. Quand les combats sont terminés.
A quoi bon jeter de l'huile sur le feu ?
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