Un récit de Roger Levenette

Les Totalitarismes à l'assaut de l'Europe !

Un récit de Roger Levenette

Message par BRH » Mardi 26 Février 2013 10:39:56

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Ci dessous le résultat de quelques cogitations sur une histoire vécue par le groupe F.T.P.F. auquel j'appartenais.
Amitiés à tous
Logico

Vieux-Vy-sur-Couesnon

Comment ne pas revenir sur Vieux Vy, lorsqu'on sait que le groupe de Résistance dirigé par Eugène Logeais sous la responsabilité du Commandant Louis Pétri dont le pseudo était alors "Loulou" aurait été donné, mais on ne sait toujours pas par qui.
Pour reprendre le Livre "Histoire de la Milice" de Jacques Delperrié de Bayac je citerai la page 452 de son livre:
"En Ille-et-Vilaine, les miliciens de Di Constanzo participent à des opérations à Rennes, à Fougères, à Talensac, à Sait-Hilaire-des-Landes, à Broualan, à la Lopinière, à Saint-Rémy-du-Plain où huit personnes sont fusillées, à la Roche-aux-Merles, à Mordelles, à Mézières, à Saint Aubin d'Aubigné."
Voyons de plus près quelques unes de ces opérations :
" Le 7 juillet 1944, cent cinquante miliciens de la Milice française venus de Rennes, perquisitionnent à Broualan. Ils tuent deux personnes. Ils pillent puis incendient la ferme Leonard, exploitée par une femme âgée de soixante six ans, dont les deux fils sont prisonniers en Allemagne, sous le prétexte que la ferme servait habituellement de repaire aux "terroristes.
Le 8 juillet, à la Roche-aux-Merles, des miliciens arrivent en voiture, arrêtent et torturent pendant des heures sous les yeux de plusieurs témoins, un jeune homme, Yvonnick Laurent. Mis torse nu et couché à terre, Yvonnick Laurent est flagellé au moyen d'une corde à nœuds que les miliciens trempent dans un seau d'eau. Le malheureux pousse des cris déchirants, mais refuse de répondre aux questions que ses tortionnaires lui posent. Les miliciens le font monter dans leur voiture et repartent. Le lendemain soir, le cadavre d'Yvonnick Laurent, tué d'une rafale de mitraillette est découvert dissimilé sous des fagots, dans une ancienne carrière, à quelques kilomètres de là"

Les renseignements de l'auteur "Jacques Delperrié de Bayac" ont été établis à partir d'archives et de renseignements fournis par des responsables miliciens, dont deux du rang

Le massacre de Saint-Rémy-du-Plain:
"Sur le chemin du retour de Broualan, arrivé à mille cinq cent mètres de Saint-Rémy di Plain, le cortège s'arrête. Les miliciens font descendre tout le monde. Quelques uns des malheureux torturés le matin ont du mal à descendre de voiture. On leur fait traverser un champ d'avoine et on arrive près des anciennes carrières de Touchasse, entourées de ronces, d'épines, d'ajoncs. On fait défiler les patriotes à tour de rôle, on en prend quelques uns au passage, on les groupe auprès d'une carrière. Huit sont ainsi choisis parmi lesquels un officier américain et l'adjudant Lambert. Le reste est reconduit à la route, remonte en voiture et attend. Tout à coup, des cris poussés par les malheureux qu'on torture à nouveau. Puis une série de salves de mitraillettes et les huit victimes sont précipitées au fond de la carrière. Encore quelques détonations éparses, sans doute le "coup de grâce", et les bourreaux, satisfaits reviennent aux voitures qui se remettent en route
Dans l'après midi arrivée du reste des prisonniers qui sont internés à l'asile St Méen. Les trois hommes arrêtés à la ferme de la Maison Neuve à Trans sont relâchés. Ce sont eux qui en revenant, s'arrêtent à St Rémy du Plain et racontent ce qui s'est passé aux carrières. Des recherches sont effectuées, le charnier est découvert."

Ce récit est pris page 57 du livre "CUGUEN sous l'Occupation Nazie" de E. Desvaux.

Les miliciens passés à Vieux Vy sont vraisemblablement un détachement de ceux qui sont intervenus à Broualan.. Selon moi, on a emmené Yvonnick Laurent à la carrière, on l'y a torturé de nouveau et abattu d'une rafale de mitraillette, puis on a ramené son cadavre.


Qui nous aurait donné ?

St Marcel et l'Arrestation de Marienne :
J'ai d'abord pensé aux suites de St marcel avec l'arrestation du lieutenant parachutiste Marienne. La bataille de St Marcel a eu lieu le 18 juin 1944 mais en vérifiant mes documents, l'arrestation de Marienne a eu lieu le 12 juillet. Donc la découverte du camp de Marienne à la ferme Gicquello en Colpo, son arrestation puis son assassinat sur place avec tous ses hommes ne sont pas à l'origine des descentes de Milice le 7 juillet à Broualan et le 8 juillet 1944 à "La Roche-aux-Merles".
La découverte du cahier de "Marienne" avec toutes ses conséquences n'a été faite qu'après ces assassinats.

Descente du SD et du Bezen le 20 avril 1944 :
La descente effectuée par le Bezen Perrot et le SD du 20 avril 1944 à l'Hôtel du Cheval-d'Or à Rennes est lourdes de conséquences. Cet hôtel est un lieu de rendez vous pour les résistants du département et 19 patriotes y sont arrêtés parmi lesquels Victor Louviot et l'interrégional du Bureau d'Opérations Aériennes (BOA).
La propriétaire de l'hôtel Mme Tanguy et sa fille Paulette, membres du réseau "Var" arrêtées également seront déportées en Allemagne.
Joseph Le Ruyet et "Marcel" du Bezen ainsi qu'un certain "Roger" spécialement descendu de Paris, ont participé à l'opération et ont été formellement reconnu par le personnel de l'hôtel qui a été relâché le lendemain
Désormais en possession des codes des messages radio, un allemand émet d'Angers régulièrement vers l'Angleterre et permet au Bezen de participer à des opérations et à des dépôts d'une vingtaine de tonnes d'armes en Bretagne. Ces opérations seront joyeusement fêtées par le groupe Vissault qui en profite pour faire main basse sur la caisse.

Cette descente figure pages 112 et 113 dans le livre sur le Bezen Perrot de Kristian Hamon.

Le capitaine "Santa"

J'ai déjà parlé de cet Espagnol. Soi disant ancien lieutenant des guérilleros espagnols s'étant battu contre Franco dans la guerre d'Espagne, je l'ai connu pour la première fois à la Libération comme capitaine des FTP et bras droit du Commandant Pétri dans notre secteur.
C'est lui qui est venu nous chercher René Chapon et moi le 11 août au Château de Combourg où tous les deux nous étions resté après le rendez vous du 10 août.
Jusqu'au 10 août nous étions restés FTP compte tenu des arrestations des responsables de groupes ayant eu lieu peu de temps avant la Libération. Nous ignorions donc les décisions prises début février à Alger par le C.N.R.
Le 10 août notre groupe de Vieux Vy est monté en entier à Combourg et nous ne sommes restés que deux. Les autres membres mariés et pères de famille sont rentrés chez eux, la libération de notre secteur étant terminée. René et moi, célibataires avons décidé de rester et de continuer, la Libération n'étant pas terminée partout en France.
Le 11 août Santa vient donc nous chercher pour aller mettre en place le 1er bataillon FTP à Saint Brice en Cogles, lequel devait être réalisé avec la collaboration de Adolphe Robillon de St Hilaire des Landes, sous la responsabilité du commandant Pétri dit "Loulou".

A deux reprises "Santa" est venu nous apporter de la nourriture lorsque nous étions dans les marais de Fégréac de la Poche de St Nazaire.
Selon le livre écrit par l'association culturelle de Vieux Vy, "Santa" aurait été hébergé sur la Mine pendant l'occupation. Il y est fait mention de son existence dans la Résistance.
Après avoir quitté Fégréac pour Dinan, je n'ai plus jamais revu "Santa".

J'avais peu vu et peu connu "Santa" et n'en faisais donc pas de cas jusque dernièrement. Après la lecture du livre "La Mémoire retrouvée des Républicains espagnols" par Gabrielle Garcia et Isabelle Matas de l'Université de Rennes, j'ai recherché "Santa" dans ce livre sans le trouver. Même si c'est un pseudo, on devait le retrouver. J'ai écrit aux auteurs du livre qui n'ont pas répondu.
J'ai écrit au président des anciens résistants qui était également le président des archives de guerre pour l'Ille-et-Vilaine à Rennes. Il m'a répondu n'avoir rien trouvé à son sujet. Par de multiples recherches sur Internet, aucune trace non plus, ni chez les vivants, ni chez les morts ce qui n'est guère compréhensible et m'interroge.

Les Espagnols :
Trouvé pages 203 et 204 dans le Livre " La Mémoire retrouvée des républicains espagnols" :

"C'est à la suite de dénonciation que les résistants espagnols furent arrêtés. Antonio Münoz Zamora désigne clairement José Borras comme le principal délateur. Pour d'autres résistants espagnols, l'auteur de ces dénonciations serait un certain Jesüs Urena Brün."

Le Télégramme – juillet 1948 :
"Les deux chefs d'un réseau espagnol de résistance opérant en Bretagne étaient passés au service de la Gestapo. L'un d'eux est condamné à mort par contumace; l'autre à dix ans de bagne.
Rennes – devant le Tribunal Militaire de la 3° région, a comparu ce matin, un sujet espagnol, Jesüs Zaragoza Urena, 36 ans , de Grenade, inculpé d'intelligence avec l'ennemi et contre lequel lze commissaire du gouvernement va réclamer la peine de mort.
Les républicains espagnols réfugiés en France, prenant part à la lutte antifasciste, s'organisèrent clandestinement sous l'occupation, et la Bretagne fut bientôt couverte par le réseau "Déportistas", dont les membres firent sauter des transformateurs et autres installations allemandes à Lorient, à Rennes etc. dans la fin de 1943.
Les chefs en étaient Antonio Lopez, actuellement en fuite et Jesüs Urena. Il semble bien établi que Lopez passa au service de la Gestapo, et, en mars 1944, tendait un piège à Urena qui fut arrêté avec une valise de munitions, au moment où il prenait le train à Rennes pour Quimper.
Dans les jours suivants, 50 arrestations furent opérées à Quimper, Quimperlé, Brest et en Ille et Vilaine : 8 Espagnols furent fusillés, les autres déportés. Les rescapés accusent tous Urena d'avoir, pour sauver sa liberté, donné toute l'organisation e désigné les auteurs des attentas. Car c'est effectivement ce qui semble ressortir des archives allemandes … "

Par contre ci-dessous un article du journal "L'Ouest Eclair" du 7 juillet 1948 :
" Jesüs Urena, qui eut la volonté de faire, pendant trois semaines, la grève de la faim, ne se laissera pas condamner sans se défendre … Urena raconte avec une certaine emphase, comment ayant été arrêté, il fut conduit rue Jules Ferry au siège de la Gestapo. : " Là, dit-il, on me présente d'un côté une tasse de café et des cigarettes; de l'autre, un nerf de bœuf. Et on me fit comprendre que j'avais à choisir. Si je parlais, c'était café et cigarettes pour moi, sinon c'était la torture … J'ai choisi la torture … Elle a duré trois jours.
On m'a accroché au plafond, pendu par les mains et on me frappait à coups de nerfs de bœuf. D'autre part on me faisait comprendre que Lopez Antonio en avait dit assez pour qu'il me soit possible de nier davantage. Le "traître" avait en effet vendu tout le groupement. Je n'ai fait que confirmer ses dires en essayant de sauver ceux qui pouvaient l'être encore. "

En juillet 1948, Jesüs Arena fut condamné par le tribunal militaire à Rennes, à dix ans de travaux forcés. Quand à José Borras et Antonio Lopez, ils ne furent jamais retrouvés.

Comment ne pas s'interroger après tout cela ?

L'Après Libération :
Oui ! Le monde est petit ! Parce que le 10 août 1944 j'ai décidé de continuer le combat, René Chapon a posé son sac prés de moi et m'a dit : "Tu ne resteras pas seul".
Nous continuons ensemble, c'est St Brice en Cogles et la mise en place du 1er bataillon FTP du commandant Pétri, puis c'est Saint-Servan, le cap Fréhel et ensuite Fégréac dans la Poche de St Nazaire avec ses 'Corps-Francs". Je passe tout l'hiver 1944-1945 dans les marais de Fégréac. Je signe mon engagement le 2 octobre 1944 à Redon; quitte Fégréac le 15 mars 1945 pour Dinan et l'Indochine ensuite. La veille de mon départ, le frère de René, Roger Chapon (18 ans) prend une balle dans le ventre. Avant de partir, avec René, je vais le voir à l'hôpital et c'est lui qui vient me trouver dans ma chambre d'hôtel à Paris en 1949 après avoir eu mon adresse par ma mère. Nous tirons une bordée ensemble pour fêter nos retrouvailles et c'est là que je fais connaissance avec mon épouse qui est à mes côtés depuis 58 ans.
Je suis revenu d'Indochine en mars 1947 et ai quitté l'armée en novembre de la même année. Début 1948 je suis monté à Paris pour y chercher du travail et c'est ainsi que Roger m'y a retrouvé.

Santa et mes souvenirs :
Mais pour revenir à Santa, c'est à Paris qu'en 1952 j'ai retrouvé un camarade de jeunesse qui habitait chez ses parents, lesquels travaillaient à la Mine de La Touche pendant l'occupation et habitaient dans ses cités.
Entre temps, il avait fait comme moi et s'était marié avec une jeune fille (Monique) que j'avais connue toute petite et qui habitait sur la mine également. Elle était la fille de Mr et Mme Le Charpentier. Mr Le Charpentier est décédé pendant mon séjour en Indochine. Mon frère Guy a également perdu son épouse en 1975, et par les relations amicales qu'avec mon épouse nous avions à Paris, Guy et Marie Louise ont renoué des relations en 1980, puis se sont mariés. Le nom de jeune fille de Marie Louise, sœur de l'ancien gardien de la mine, était Borey.
Marie Louise avait une sœur aînée dont j'ai fait connaissance à Paris. Il se trouve que cette sœur de Marie Louise avait été mariée avant guerre à "Santa". C'est ainsi que le nom de "Santa" est reparu, mais ayant laissé de mauvais souvenirs dans cette famille, chacun s'efforçait de ne pas en parler. On n'avait pu me cacher ce fait sachant que nous étions dans la résistance en même temps et que nous avions participé à la Libération dans le même groupe. . On m'avait dit que "Santa" était décédé après la guerre, et comme la tante était ou semblait remariée, nous n'y pensions et n'en parlions plus.
Depuis cette époque, mon ami Joseph Bannier est décédé. Monique veuve, est restée l'amie de la maison et membre de la famille par Guy, qui à son tour, est décédé en 1989.
Je ne pensais plus à "Santa" jusqu'à la lecture de ce livre sur les Espagnols. Ne l'y trouvant pas a aiguisé ma curiosité, d'où mes recherches infructueuses et mes doutes qui s'insinuent, compte tenu de tout ce que j'ai découvert depuis la fin de cette guerre.
Il est vrai que j'ai travaillé à la Mine ainsi que mon père et mon frère pendant l'Occupation, j'ai habité prés de celle-ci dans la maison de mes parents qui y tenaient l'unique café, commerce épicerie du village attenant à la cité.
J'ai vécu avec eux cette période de la Résistance et de la Libération. J'ai connu cette descente de Milice où le responsable de notre groupe a vu sa ferme bruler et où Yvonnick Laurent a trouvé la mort après avoir été torturé et où deux autres résistants ont été arrêtés.
On ne peut survivre à tout cela sans s'interroger. Ce n'est pas un hasard si notre nom figurait sur les bureaux de la Gestapo au moment de la Libération.
A deux reprises déjà nous avions été alertés et avions quitté la maison pour aller nous réfugier dans le bois de Brimbien. Pour ce qui nous concerne, les Américains semblent être arrivés à temps.

Le dossier d'Antrain

Qui avait donné Broualan ? Qui avait donné "La Roche aux Merles" ? Qui pouvait nous avoir donné ? Un dossier de justice semblerait apporter la réponse à ces questions. Mais ici encore la réponse se termine par un point d'interrogation.

Selon un rapport du Comité de Libération d'Antrain ((CLL) de janvier 1945, un des hommes du Comité d'Informations d'Antrain, aurait demandé le 10 juillet 1944 à un certain Mr V. de remettre à une responsable du service d'informations de Rennes, une lettre de dénonciation
Selon ce Mr V., par cette lettre, on y dénonçait par des initiales, certains membres de la Résistance d'Antrain. Sur cette lettre, figurait la mention Broualan et Vieux Vy ainsi que les initiales A, M de C, PH, D et peut être C.
Cette dame étant absente, Mr V. garde cette lettre, et sur le retour décide de la lire. Compte tenu de ce qu'il y découvre, il la détruit. Le samedi suivant, il relate ces faits à son ami Mr B., qui lui aussi les relate à Mr H., lequel en parle à Mr D., lequel demande ensuite à V. d'informer l'auteur de la lettre à propos de ce qu'il a fait de celle-ci. Le dénonciateur lui aurait répondu qu'il avait bien fait.
Le 1er août, jour d'arrivée des Américains à Antrain, ce dénonciateur craignant des représailles s'enfuit et n'est pas reparu depuis.

Le Comité Départemental de Libération (C.D.L). réuni dans une séance d'avril 1945, appelé à se prononcer sur le cas de cet homme d'Antrain décide de faire effectuer une enquête par les Services Publics
L'enquête est confiée à un Inspecteur de police judiciaire de Rennes qui auditionne Mr V. puis Mr B. puis Mr H. et enfin Mr C. Trois autres témoins sont entendus également.
Un procès verbal d'audition est dressé par l'Inspecteur et son rapport est adressé au Commissaire de Police chef de la 13° brigade de Rennes en juin 1945.
Mr V. aurait examiné le pli avec les lettres A, M, C, PH, D, et peut être C, initiales qui pourraient correspondre aux noms de chefs de la résistance à Antrain sur Couesnon. Les différents témoins ont confirmé les faits.

Les auditions confirment les dires de Mr V. Mr H. ayant eu peu de contact avec l'auteur du pli appuie la déclaration de Mr B.
L'un des témoins chez lequel avaient lieu les réunions de résistance déclare avoir reçu chez lui après le débarquement, un soi-disant résistant qui n'était qu'un espion, lequel allait souvent chez le délégué aux informations en question. Il pense que c'était pour donner des renseignements.
A la Libération la crainte augmentant chez le dénonciateur l'a fait fuir d'abord vers Rennes, puis Nantes, et a du aller se réfugier chez une de ses sœurs habitant dans les Hautes Alpes.
Deux des témoins étant aux Armées n'ont pu être entendus

Le Comité Départemental de Libération (CDL) réuni le en juillet 1945, considère que l'homme en question a fait preuve de collaboration notoire, s'est rendu coupable de dénonciation de plusieurs français et émet le vœu qu'il soit interné..

Remarque :
Par la destruction de la lettre, il ne restait aucune preuve des dires de Mr V. Avec ce genre d'amis, le dénonciateur pouvait se passer d'ennemis, ce qui ne faisait toutefois pas de lui un ange de miséricorde. Dans l'espoir d'une victoire des Allemands par leurs armes secrètes, il s'est enfui à l'arrivée des Américains et n'est pas revenu. Il est vraisemblable que le poids de son passé aurait été difficile à expliquer ?
De plus, pourquoi, Mme H. avait elle été arrêtée et pourquoi (dans leur lettre d'octobre 1944 au secrétaire du CDL de Rennes) les deux témoins absents étaient-ils aussi outrés de sa libération ?
Par contre, la lettre datée du 10 juillet, ne pouvait être responsable des descentes de milices le 7 juillet 1944 à Broualan et le 8 suivant à Vieux Vy sur Couesnon. Trafic de date ?

Mr Morauge

Que dire de la Mine de La Touche dont l'exploitation est repartie en février 14941 au service des Allemands et dont le directeur; Mr Morauge est resté en place depuis sa réouverture jusqu'à son arrestation en août 1944.
Celle ci fut effectuée avec mon père, mon frère, notre chef de groupe Eugène Logeais et
Pierre Coirre en présence des gendarmes de Sens de Bretagne, lesquels devaient le remettre aux forces de police de la Libération à Rennes. Elle se fit d'ailleurs avec une certaine courtoisie. C'est mon père qui mena le dialogue, qui, en tant que responsable du travail bois sur la Mine, le connaissait assez bien et avait toujours eu d'assez bons rapports avec lui.
Mais surprise, deux jours plus tard, on apprend qu'il avait été aperçu dans les bâtiments de la direction. Mon père et Eugène Logeais qui ne se sont guère quitté pendant les quelques jours qui ont suivi la libération, interviennent de nouveau. Coup de fil à la gendarmerie et les gendarmes arrivent rapidement.. Nouvelle arrestation, mais cette fois, altercation, le directeur hausse le ton en faisant valoir qu'il venait d'être libéré. Face à un groupe d'hommes armés et en présence de gendarmes, il céda et monta dans la voiture des gendarmes qui de nouveau le remmenèrent à Rennes. Cette seconde arrestation fut donc plus houleuse, mais elle se termina finalement sans autre violence que verbale.
Mon père était responsable de la Scierie et de la partie menuiserie. Pour le bois de sapin nécessaire au boisage des galeries, c'est lui qui recevait les troncs d'arbre et les préparait pour les différents usages. Guy mon frère s'occupait de la forge et moi, j'étais aide mécanicien utilisé pour toutes les corvées où on avait besoin d'un aide.
Qu'était-il venu faire dans ce bâtiment qu'il avait habité pendant presque trois ans et demi et qu'il avait quitté par obligation deux jours plus tôt. Il semblait être en train de fouiller ou de ranger lorsque nous sommes intervenus de nouveau et il est reparti sans rien. Quelques jours plus tard on apprit qu'il avait été libéré de nouveau, mais on ne le revit pas.
Ce qui ne veut rien dire. Il pouvait venir une nuit en voiture au bas la vallée, monter celle-ci à pied, rentrer dans son bâtiment qui n'était pas gardé, puis repartir avec ce qu'il voulait.
Après son arrestation nous avions bien fouillé son bâtiment sans rien trouver de compromettant, mais ce bâtiment était grand ainsi que le domaine.

Le Directeur de la Mine :
Bel homme de la quarantaine environ, marié à la fille du plus riche grossiste en épicerie de Rennes dont le nom était Logeais si ma mémoire ne me trompe pas. Très courtois dans ses rapports avec les hommes qui ont travaillé sur la mine. Mais nous savions que le minerai qui en était extrait (pyrite, galène, blende) était envoyé aux allemands par camions de la mine à la gare de Tremblay puis par train vers l'Allemagne.
Presque chaque semaine, le directeur recevait les plus hauts officiers allemands dans son bâtiment de la direction. Ils arrivaient parfois le samedi matin pour repartir le dimanche soir ou le lundi matin et faisaient fête dans ce grand domaine autour d'une bonne table, quelque fois assez nombreux.
Mr Morauge maitrisait aussi bien leur langue que la nôtre ce qui pouvait se justifier par l'emploi qui était le sien. Par son comportement avec le personnel qui travaillait sur la mine, on avait parfois l'impression qu'il en était près, c'et ainsi que pendant quelques mois avant la libération, un couple de jeunes juifs est venu travailler sur la mine. Nous ne savions rien encore sur les camps de concentration, mais nous avions compris qu'ils étaient venus là pour s'y cacher et chacun veillait plus ou moins sur eux
Ils avaient eu un logement sur la mine, et j'ai souvent eu l'occasion de les retrouver dans des cuéries de Pommé qui étaient à cette époque l'occasion de se retrouver entre jeunes pour danser.
La cuisson durait un jour et une nuit, et la fin de cuisson où le pommé s'épaississait, était l'occasion de se relayer avec un ribot pour le mélanger. Un orchestre d'accordéon était présent d'où la fête et le rendez vous de jeunes qui n'avaient pas besoin d'invitations ni d'affiches pour être présents.
Ils ont quitté la mine quelques jours après la Libération, ne les avons plus revus et n'en avons plus eu de nouvelles. Mais cette solidarité et cette façon de vouloir veiller sur eux était quelque chose de touchant et une belle image des travailleurs de la mine.
La chasse aux juifs n'a pas eu lieu sur la mine, et à ce sujet, je me suis toujours demandé si le directeur était au courant. Il y avait toute une hiérarchie du personnel qui faisait bien son travail sans pour cela tomber dans l'excès de zèle ou dans la collaboration. Nous savions que le fruit de notre travail était pour les allemands, mais quelque soit l'endroit où on travaillait à l'époque, on savait que c'était pour eux, et le travailleur a besoin du salaire de son travail pour vivre.
Par contre, à voir le directeur faire la fête avec les Allemands le week end, était irritant pour qui ne les aimait pas. Plus d'une fois j'ai vu mon père s'interroger à son sujet. Parfois il avait une bonne discussion avec lui, et lui trouvait des qualités, mais lorsqu'il voyait les allemands passer devant la maison pour faire la fête chez lui, cela le mettait hors de lui, et c'es surtout aux Allemands qu'il en voulait. Il n'avait pas oublié Verdun et 1914-1918.
En repensant à tout cela, je me pose la question : "Qui était ce Mr Morauge" ?
Un opportuniste parlant bien leur langue et choisissant la situation pour se faire une place, jouant les équilibristes entre un personnel qui faisait bien son travail et qu'il avait tout intérêt à protéger pour éviter tout conflit avec l'occupant, ou un homme qui profitait de cette situation pour cueillir des renseignements à l'occupant, qui avait tout intérêt à s'en bien faire bien voir en leur offrant des fêtes dans un cadre privilégié qu'ils ne devaient pas rencontrer partout ailleurs ?
Un Allemand ou un de leurs hommes dont le choix pour faire fonctionner la mine, était qu'il n'y aie pas de vagues avec le personnel pour que la production ne s'arrête pas, afin d'éviter tout conflit avec l'occupant dans le cas contraire. Partant de là, il pouvait avoir des hommes parmi le personnel, pour rechercher les informations et les lui apporter.
Partant de là, malgré ses bons rapports avec mon père, ne pouvait-il avoir donné notre nom qui se trouvait sur les bureaux de la Gestapo et ne pas souhaiter d'intervention aussi longtemps qu'il était en place ?
Sans pour cela tomber dans la paranoïa, il est difficile de ne pas se poser toutes ces questions, même si nous n'avons pas les réponses.

Conclusion :
Ma famille était très connue dans la région dont mes parents étaient originaires. Ils ont exercé leur commerce pendant de nombreuses années en battant la campagne pour vendre de l'épicerie en porte à porte et ramasser le beurre e les œufs. Ils organisaient également les fêtes de l'Ascension chaque année faisant déplacer des personnes à des dizaines de km à la ronde pour jouer à des jeux très anciens et pour danser
Je suis le dernier survivant ayant vécu cette histoire sur Vieux-Vy-sur-Couesnon. Avec mes 83 ans, la lecture de livres écrits après ouverture récente des archives m'a fait découvrir à quel point nos organisations résistantes ont pu être infiltrées par les Allemands eux-mêmes, ou par des Français à leur service. J'ai pensé que ce témoignage sous forme d'interrogations pouvait être nécessaire à la bonne compréhension de cette histoire.

Roger Lenevette
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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BRH
 
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