Pucheu ne mâche pas ses mots : le 15 octobre 1942, il affirme qu’il « ne souhaite nullement, par principe, une défaite allemande à l’Est ». Le 22 juin de la même année, premier anniversaire de l’entrée des troupes allemandes en URSS, Laval avait dit : « Je souhaite la victoire allemande, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s’installerait partout. » Pucheu veut aller plus loin que Laval, il précise qu’il « ne souhaite pas, par principe, une défaite allemande devant les Anglo-Saxons ».
Volte-face
Quelques jours plus tard, Pucheu tourne casaque. Il veut négocier avec les Américains, transporter le gouvernement de Vichy en Afrique du Nord, dégager la flotte française de Toulon avec l’aide de l’aviation anglo-saxonne, replier l’armée d’armistice en Espagne pour l’y faire interner provisoirement, renvoyer Laval, dénoncer les violations allemandes de l’armistice et rentrer dans la guerre aux côtés des Alliés… Il parle de ce plan, dit-il, à Pétain et à Darlan, qui le repoussent, Pétain le traitant d’« enfant » et Darlan assurant qu’un débarquement allié en Afrique du Nord est impossible « avant l’automne 1943 ».
« Tous ceux sur qui il comptait pour appuyer son dessein, écrit Robert Aron, lui font faux bond. »16
Fort bien, mais ne convient-il pas plutôt de s’interroger sur cette nouvelle position de Pucheu ? Que s’est-il passé ? Comment, après avoir souhaité la victoire de l’Allemagne, après avoir mis la production industrielle française au service de l’effort de guerre du Reich, après avoir poussé Darnand à créer le Service d’Ordre Légionnaire d’où naîtra la sinistre Milice, après avoir soutenu la LVF, comment, oui, comment expliquer une telle volte-face ?
À Vichy, Laval est revenu au pouvoir. À ses juges, Pucheu prétendra qu’à cause de ce retour il a préféré partir. Laval, toujours… Encore lui et toujours lui ! Or, c’est faux : Pucheu voulait rester au gouvernement, Laval ou pas Laval, mais il a été ulcéré de voir que l’Auvergnat ne lui proposait que le portefeuille des Colonies. Pas question de le laisser à l’Intérieur, Laval n’a aucune confiance en lui.
En fait, Pucheu sait qu’avec Laval il ne sera plus qu’un petit ministre trop surveillé. Après avoir été le super-ministre de l’Intérieur, ce n’est pas supportable. Et comme il a appris l’imminence du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, il a compris qu’il y avait une autre carte à jouer.
boisbouvier a écrit :Pucheu n'a, d'après toi, aucun rapport avec "la collaboration" ?
Pourquoi, alors, a-t-il été condamné à mort et exécuté ?
En se rendant au Maroc comme il l'a fait en 43, il a changé de camp et passé de celui de la collaboration à celui de la Résistance. Il ne pouvait faire autrement que de prendre en route le train de la Résistance en même temps que sa politique manichéenne, elle-même condition sine qua non de la double duplicité dont j'ai pu précédemment parler.
Je crois d'ailleurs avoir été le premier à le faire car pour ce qui est de l'organisation de l'équivoque Raymond Aron est passé avant moi. Détrompe moi si besoin est.
Michel Boisbouvier vous répondra dans le cadre de vos échanges auxquels je ne tiens pas à m'immiscer
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