Jeu de rôle entre Pétain et de Gaulle ?

[Chef Chaudard]

Et quid de ma question? "Je réponds à tout", prétend un certain intervenant?

[boisbouvier]

Votre question est-elle : pourquoi De Gaulle est-il parti tout seul à Londres au lieu d'y avoir été envoyé par Pétain ?
Si c'est le cas la réponse coule de source : c'est à De Gaulle qu'il faut poser la question.
Pétain ne pouvait envoyer De Gaulle à Londres le 17 juin alors que l'armistice n'a été signé que le 22 et, quand il eût pu le vouloir à partir de cette date, il n'avait plus besoin de le faire puisque De Gaulle était déjà sur place devançant son désir.
Comme déjà dit, ce fut une alliance virtuelle comme une image d'optique peut l'être.

[boisbouvier]

Le double jeu de De Gaulle n'a rien à envier à celui de Pétain.

Vous l’aviez remarqué, les épaules de nos policiers parisiens sont ornées d’une gracieuse fourragère bleue.
Il fallait honorer la Préfecture de police d’où étaient partis quelques coups de feu dûment photographiés entre le 19 et le 25 août 1944.
Et pourtant !
Qui a arrêté des Juifs pour les emmener au Vel d’Hiv. en juillet 42 si ce n’est cette même Préfecture de police ?
On a jugé Maurice Papon qui a été jugé responsable de la déportation de Juifs de Bordeaux en tant que secrétaire général de cette préfecture.
Et pourtant !
Qui avait ordonné aux fonctionnaires de demeurer à leur poste ?
De Gaulle soi-même.

[Chef Chaudard]

Votre question est-elle : pourquoi De Gaulle est-il parti tout seul à Londres au lieu d'y avoir été envoyé par Pétain ?

Pas du tout:

Je repose une question claire: si double jeu il y avait, pourquoi ne pas envoyer un représentant "secret" du Maréchal à Londres plus rassembleur que l'inconnu De Gaulle?

[boisbouvier]

Je répète, ce représentant secret fut De Gaulle et il était peut-être moins rassembleur que Weygand (Giraud était prisonnier) mais il avait trois avantages :
1/ moins connu, il était d'autant plus secret,
2/ Il était plus jeune,
3/ et moins compromis dans la défaite.

Rougier fut cet émissaire secret qui devait relier Pétain à De Gaulle. Churchill n'accepta de recevoir Rougier qu'à la condition qu'il renonce à rencontrer De Gaulle.
Déjà la politique de rupture de principe (je l'approuve) entre De Gaulle et Vichy.
Or, à l'origine de cette rupture, il y a De Gaulle, pas Pétain.

[Chef Chaudard]

Votre réponse ne tient pas debout:
- Giraud s'est évadé ensuite et a été "l'homme des Américains", pas celui de Pétain
- De Gaulle n'était pas un secret
- l'âge n'a rien à voir dans l'histoire (ou que dire d'un chef d'Etat octogénaire?)
- il n'y avait pas que des militaires battus de disponibles, mais aussi des hommes politiques (Reynaud, Mandel,...),

Donc, Rougier n'a pu être l'intermédiaire entre Pétain et De Gaulle. Si Pétain voulait vraiment un lien avec les Alliés, il n'avait pas besoin de De Gaulle. Si celui-ci le gênait, il pouvait le court-circuiter et le remplacer par un émissaire secret. S'il désirait muscler la France Libre, il lui suffisait d'envoyer un représentant plus rassembleur.

Pourquoi ne le fit-il pas?

[boisbouvier]

Pétain avait suffisamment de travail avec la France métropolitaine et les colonies sans devoir se préoccuper en outre de muscler la France Libre, d'autant que celle-ci avait un chef à la hauteur et qui ne lui demandait rien.
Calme toi, Chaudard : tu risques l'hypertension et la rupture d'anévrysme.

[Chef Chaudard]

Je ne regrette pas mon insistance: j'ai (enfin) ma réponse!

Il n'y a donc pas de double jeu: comme vous l'indiquez, Pétain ne se mêlait pas du combat contre les Nazis mené par les Alliés.

Dommage que vous ayez prétendu l'inverse avant d'avouer enfin la vérité!

[boisbouvier]

Non. J'ai toujours plaidé la répartition des rôles entre Pétain, le bouclier, et De Gaulle, l'épée, et dit comme le général Héring au procès Pétain qu'ils furent "complémentaires".
Or, ce ne fut pas tout à fait vrai puisque Pétain envoya Weygand en AFN préparer l'armée d'Afrique et qu'il encouragea en secret des actes de résistance comme ceux du colonel Paillole, des chantiers de jeunesse du général de la Porte du Theil et de l'école des cadres de Dunoyer de Segonzac. Il favorisa ou ferma les yeux sur des dépôts d'armes clandestins.
Pétain fut de bout en bout admirable. De Gaulle aussi, d'ailleurs.

[BRH]

Ils furent complémentaires, mais ce ne fut pas volontaire. Il y avait une véritable animosité de De Gaulle envers Pétain qui lui-même reprochait au 1er son ingratitude. De Gaulle fut le poulain de Pétain, jusqu'à leur rupture en 1934.

[boisbouvier]

Cette animosité personnelle entre les deux hommes a pu exister à certains moments et s'atténuer ensuite pour se transfigurer en dernier.
N'oubliez pas que leur patriotisme fut très fort dans un cas comme dans l'autre ce qui a fait que l'estime qu'ils se sont portés l'un à l'autre leur a permis de surmonter leurs différends. Quand De Gaulle dit à François Lehideux vers 1952 ou 54 : "Le Maréchal fut trop grand pour les Français. Ils ne le méritaient pas", il exprime son acquiescement de fond.
Inversement, Pétain a dit que s'il avait eu l'âge de De Gaulle en 40 il aurait fait la même chose que lui.
Tous les deux ont joué un double jeu et usé de duplicité pour gérer au mieux une situation critique.
Ils ont embelli notre histoire.

[BRH]

Je ne crois pas. Pétain a joué sans-doute un double-jeu, mais pas de Gaulle. Il a joué son rôle dès le début, en s'identifiant totalement à son personnage. Qu'au fond de lui soit resté un reste d'admiration pour son ancien patron, c'est probable. Qu'en son for intérieur, il ait admis que Pétain avait joué le rôle d'un bouclier (même "percé"), surtout devant Rémy, c'est également vraisemblable ("La France doit toujours avoir 2 cordes à son arc"). Mais sa légitimité se nourrissait de la diabolisation du pétainisme...

[boisbouvier]

De Gaulle a quand même exprimé un sentiment de révolte quand il a appris que le Garde des Sceaux (André Marie, je crois) de 1947 avait refusé d'élargir Pétain de sa prison de l'ile d'Yeu. De Gaulle fut certainement un grand artiste politique et capable de toutes les duplicités. Il n'a jamais cru ni à la "trahison" ni à la "sénilité" (ce naufrage) de Pétain. Lire Peyrefitte "C'était De Gaulle" : "Peyrefiite, en politique, il faut savoir faire "comme si"."
Inversement, Pétain a exprimé à son geôlier Simon son souhait de voir De Gaulle revenir au pouvoir au moment de la tentative ( ratée) du RPF.

[boisbouvier]

Une question.
Qui a dit : "Je n'écrirai pas de Mémoires. On s'y flatte malgré soi." ?
Ne cherchez pas. C'est Pétain.

[boisbouvier]

Cette phrase de Pétain décrit l'homme comme aucune autre. On dirait du Tacite. Pétain avait reçu d'un oncle curé une instruction fortement imprégnée de culture latine. Celle-ci mettait l'accent sur l'abnégation et l'esprit de sacrifice au service de la patrie. Elle aide à comprendre certains choix politiques du maréchal comme celui de ne pas monter dans l'avion tout prêt pour l'emmener en AFN après Torch. Il dit -mais je ne sais plus ni où ni quand, dites le moi- : "Quand on hésite sur son devoir je connais un moyen très sûr de ne pas se tromper : il faut choisir la voie qui coûte le plus".