L'Union Sacrée, un piège républicain ?

[BRH]

1914 “la guerre du Droit”.

Le “sacrifice sans mesure” et l’”émouvante civilisation” face à la “barbarie allemande”, thèmes de la propagande officielle de guerre (on dira très vite “bourrage de crâne”).

… “Les Allemands sont des ‘brutes’, une ‘exécrable race’ (L’Illustration, n° 3733, 12-19 septembre 1914, p. 201), des ‘animaux fouisseurs’ (Pierre Loti, L’Illustration, n° 3738, 24 octobre 1914, p. 299), des ‘hordes humaines’ (H. lavedan, L’Illustration, n° 3731, 29 août 1914, p. 165), des ‘êtres à face humaine’ (Gaston Chéreau, L’Illustration, n° 3738, 24 octobre 1914, p. 312), une ‘nation maudite’ (ibidem.) … Difficile de mépriser davantage un adversaire. (Jean de Viguerie, Les Deux Patries, Essai historique sur l’idée de Patrie en France, Dominique Martin Morin, deuxième édition revue et complétée, Mayenne 2004, p. 186-188).

“Les catholiques doivent faire cause commune avec le régime, mais il est hors de question pour le régime de faire cause commune avec les catholiques. L’anticléricalisme est dans la nature du régime. … Il ne manque pas de catholiques lucides pour bien voir la duplicité des politiciens et le mensonge de l’Union Sacrée. ‘Ils ne veulent l’Union Sacrée, observe Baudrillart, que pour nous l’imposer, et nous étrangler sans même que nous puissions crier’ (Les Carnets duc ardinal Alfred Baudrillart, 15 février 1915, p. 140) (Jean de Viguerie, ibid., p. 194-195).

Jean de Viguerie conclue son chapitre sur “La Patrie de l’Union Sacrée”: “Le chef-d’oeuvre a été d’obtenir le concours des nationalistes et des catholiques. Réduit à ses seules forces et à la propagande officielle ou soldée, le patriotisme révolutionnaire aurait eu beaucoup de mal à s’imposer, et très probablement les politiciens n’auraient pas réussi à faire accepter les morts. Mais ils ont bénéficié du concours des nationalistes et des catholiques, et ce concours a été décisif. La pensée nationaliste et la pensée catholique se sont engagées à fond dans la ‘guerre du droit’, et ont obtenu des familles le consentement que tous les politiciens réunis n’auraient jamais réussi à leur arracher, le plein consentement à l’immolation de leurs enfants. Nous disons ‘plein consentement’: les familles en effet n’ont pas seulement accepté la mort de leurs enfants, elles l’ont offerte en sacrifice à la patrie. Elles ont réalisé ainsi l’idéal du patriotisme révolutionnaire. C’est bien à cela que les politiciens républicains, héritiers des ‘grands ancêtres’ voulaient arriver, mais n’y seraient jamais arrivés sans les nationalistes et sans les catholiques. … La trouvaille de génie a été l’Union Sacrée. L’Union Sacrée verrouilla le système. Au nom de l’Union Sacrée, il fut interdit de se plaindre, il fut ordonné de consentir. Sous peine d’être un mauvais Français. Ce fut une trouvaille plus ingénieuse et bien plus efficace que la Patrie en danger. … Les orphelins de guerre - on les compte par millions - sont encore des enfants, mais ils protestent dans leurs coeurs: ‘C’est cela votre France, disent-ils, cette idole inhumaine, avide du sang de nos pères, et pouvons-nous l’aimer?’ Ils se trompent: la déesse cruelle qu’ils accusent est la patrie révolutionnaire, non la France. Mais comment le sauraient-ils? Nul ne pourrait le leur expliquer. La manipulation est parfaite…” (Jean de Viguerie, ibid., p. 211-212).

Ces extraits de l'oeuvre d'un auteur nationaliste interpellent. Maurras l'avait déjà écrit, mais après la guerre. Durant celle-ci, il soutint l'union sacrée... qui ne se renouvella pas en 1940 !