Le martyr de Reims...

1ère guerre mondiale et ses conséquences, jusqu'à la Grande Crise.

Le martyr de Reims...

Message par BRH » Dimanche 25 Novembre 2007 19:08:02

Ces information sont extraites du Guide Michelin relatif à la ville de Reims et écrit après la Grande Guerre



L'INVASION.



Quarante-quatre ans plus tard, le même jour qu'en 1870, le 4 septembre 1914, les avant-gardes allemandes pénétraient à nouveau dans Reims. La ville ne devait pas être défendue. Cependant le détachement d'armée, mis le 29 août sous les ordres du général Foch, et intercalé entre les 4e et 5e Armées, s'opposa pendant quelques jours à l'avance allemande, mais, conformément aux ordres généraux, il se replia sur la Marne. Le 2, la ville était encore couverte par le l0e corps qui occupait le fort de Saint-Thierry, par la 42e division disposée vers Brimont et, à l'est, par les 9e et 11e corps. Le 3, la retraite vers la Marne se précipita, la ville fut abandonnée.

Le 5 septembre, le prince Auguste-Guillaume de Prusse entra dans la ville et s'installa au Grand-Hôtel. Les Allemands demandèrent aussitôt 50.000 kilos de viande, 20.000 kilos de légumes, 100.000 kilos de pain, 50.000 kilos d'avoine, 60.000 litres d'essence, de la paille et du foin ; ils exigèrent le versement immédiat d'un million de francs, en garantie de l'exécution des réquisitions.

Cette contribution d'un million fut payée, dans l'après-midi, après réclamation et menaces de l'ennemi. Dès le 6, les soldats allemands se livrèrent, en plusieurs endroits, au pillage ; l'entrepôt des tabacs, 21, rue Payen, fut notamment mis à sac et plus de 700.000 francs de cigares et de tabac furent volés. Les jours suivants, le pillage des boutiques d'alimentation, surtout, continua.

Le 9, la Kommandantur réquisitionna des civils pour aller enterrer les morts du côté de Rethel, d' Épernay et de Montmirail. Le 11, le kronprinz arriva à Reims et descendit au Grand-Hôtel où le rejoignit le prince Henri de Prusse, frère de l'empereur Guillaume.

Le 12, à neuf heures du matin, les Allemands, inquiets de l'approche des troupes françaises victorieuses sur la Marne; arrêtèrent le maire, Dr Langlet, Mgr Neveux, coadjuteur de Reims, l'abbé Camus, firent dresser une liste de 100 otages et menacèrent la population de pendre les otages, à la moindre tentative de désordre, de brûler entièrement ou partiellement la ville et de pendre les habitants, si quelque Rémois touchait à leurs soldats.

Toute la journée, les Allemands, au lieu d'organiser la résistance, déménagèrent à la hâte, en pillant. Dans l'après-midi, le kronprinz et sa suite quittèrent le Grand-Hôtel. A cinq heures, après avoir incendié le parc à fourrages, la Kommandantur sortit, à son tour, de Reims, par la route de Rethel, sous une pluie torrentielle, suivie des 100 otages qui ne furent relâchés qu'au passage à niveau de Witry-lès-Reims. Quand ceux-ci revinrent à Reims, une patrouille du 6e chasseurs à cheval français était déjà entrée dans la ville par le faubourg Sainte-Anne.

Le lendemain matin, vers six heures, les troupes françaises, le 6e chasseurs à cheval en tête, pénétraient dans Reims, par la rue de Vesle. A une heure de l'après-midi, le général Franchet d'Esperey, commandant la 5e Armée, entrait à son tour dans la ville délivrée.

Le 12 septembre, les 3e corps (Hache), 1er corps (Deligny), 10e corps (Defforges), de la 5e Armée victorieuse franchissent la Marne et traversent la montagne de Reims. Les arrière-gardes allemandes se retranchent dans le massif de Saint-Thierry et devant Reims sur la ligne Thillois, Villers-aux-Noeuds. Après de vigoureux combats elles sont refoulées sur la ligne principale de résistance - Canal de l'Aisne, Brimont, massifs de Nogent-l'Abbesse , et de Moronvilliers - où le gros de l'ennemi s'est solidement accroché.

Du 13 au 17, la lutte s'intensifie autour de ces points d'appui dominant Reims et prend un caractère de violence extrême.







Le retour français et la fixation du front



Le 3e corps enlève Courcy et Loivre, franchit le canal et attaque la redoutable position de Brimont. Malgré l'ardeur des troupes qui subissent de fortes pertes, ce corps piétine. A sa gauche, il ne parvient pas à chasser l'ennemi de la ferme Sainte-Marie, mais à droite le 36e d'infanterie s'empare, à l'aube du 15, du château de Brimont.

Le 1er corps, fortement bombardé aux débouchés de Reims, prend Bétheny, ses avant-gardes parviennent aux lisières des bois Soulains et à la ferme Modelin. La 1ère division tente inutilement de soutenir le 3e corps sur Brimont.

Le 15, les bois Soulains sont perdus, le 1er corps s'accroche aux Cavaliers de Courcy et à la ferme Modelin.

Plus au sud, le 10e corps traverse la Vesle et, tenace, continue sa lente progression et atteint la grande route de Suippes.

Dans la nuit du 17 au 18, le 2e d'infanterie occupe le fort de la Pompelle.

Du 17 au 20 septembre, les Allemands, qui dominent les positions françaises, contre-attaquent, sur toute la ligne, et tentent de reprendre Reims; le bombardement de la ville commence, la Cathédrale flambe.

Le 3e corps est contraint de repasser le canal et de se replier sur Courcy. La garnison du château de Brimont, isolée, dépourvue de munitions et réduite par des pertes sérieuses, capitule dans la nuit, après une résistance héroïque.

Le 18, l'ennemi redouble d'efforts sur le front du 3e corps. Loivre, qui a résisté jusqu'alors, est emporté. Les Français se replient sur la route de Reims à Laon. La situation est critique. Le 10e corps, retiré du front pour être porté vers Compiègne, est arrêté dans son mouvement et amené pour quelques jours en soutien du 3e corps.

Le 19, une de ses brigades contre-attaque au sud de Courcy. Au sud-est de Reims, la division marocaine (Humbert) se maintient avec ses zouaves au fort de la Pompelle.

Peu à peu le front se fixe. Des combats se livrent encore, meurtriers et infructueux pour les deux partis, la ligne se stabilise sur la rive ouest du canal de l'Aisne, au pied des massifs de Berru et de Nogent-l'Abesse, le long de la route de Suippes.

LA DESTRUCTION DE REIMS



Les Allemands n'ayant pu prendre Reims, la laissèrent en ruines; pendant quatre ans, du 4 septembre 1914 au 5 octobre 1918, ils la tinrent sous leurs batteries et l'arrosèrent, presque sans relâche, d'obus explosifs ou incendiaires.

Le 3 septembre 1914, vers 11 heures du matin, un avion allemand survola la ville et laissa tomber des bombes. Quelques habitants quittèrent la ville dont l'ennemi approchait ; la plupart restèrent. Une institutrice dé 60 ans, Mlle Fouriaux, depuis décorée de la Légion d'honneur, qui dirigeait l'hôpital 101, installé dans l'ancien lycée de jeunes filles, évacua ses blessés sur Épernay, mais revint à Reims à pied.

Le 4 septembre, à 9 h. 30 du matin, alors que les avant-gardes allemandes étaient déjà dans la ville, au moment même où un intendant militaire allemand se présentait à l'Hôtel de Ville pour exiger des réquisitions, des obus ennemis tombèrent à nouveau. De 9 h. 30 à 10 h. 15, 176 obus de 150 furent tirés sur la ville, dont 3 éventrèrent la grande galerie de peinture du Musée ; 49 habitants furent tués et 130 blessés dont plusieurs moururent ensuite.







Les Allemands, talonnés par les troupes françaises, évacuèrent Reims le 12 septembre. Dès le surlendemain, le 14, à 9 heures du matin, ils bombardent la ville ; le tir vise surtout le Q. G. du général Franchet d'Esperey, aux environs de l'Hôtel de Ville. Les jours suivants, le bombardement reprend aux mêmes heures. Le 17, éclatent les premiers incendies; beaucoup d'habitants sont blessés ou tués. Les alentours de la Cathédrale, que l'on croit spécialement visée, sont parmi les plus touchés ; pour protéger la Cathédrale, que les Allemands avalent fait aménager, le 12, pour recevoir les blessés, on installe sur la paille disposée dam la nef, 70 à 80 blessés allemands, on arbore le drapeau de Genève sur chaque tour et l'on prévient l'ennemi.

Le 18, le bombardement recommence vers 8 h. 15. Outre la Sous-préfecture, détruite presque entièrement ainsi que d'importantes usines, la Cathédrale, malgré le drapeau de Genève, est atteinte par des obus de 210, qui abîment les sculptures extérieures des basses fenêtres du transept principal brisent des verrières des XIIIe et XIVe siècles; des éclats de pierre tuent dans la nef basse du sud un gendarme français et deux blessés allemands.

Le 19, le bombardement se fait plus violent ; l'Hôtel de Ville, le Musée, les ambulances, dont celle du Lycée de jeunes filles, le côté sud de la Cathédrale, l'Archevêché sont frappés. Vers midi, le centre de la ville est arrosé d'obus incendiaires.

Vers 4 heures, un obus enflamme les échafaudages qui encerclent la tour nord-ouest en réparation depuis 1913; le feu gagne vite les toits, dont le plomb fondu allume à son tour la paille répandue dans la nef ; en dépit des sauveteurs qui s'exposent pour les sauver, une douzaine de blessés allemands périssent dans les flammes. L'incendie embrase aussi l'Archevêché, d'ou l'on ne peut déménager ni les tapisseries, ni les collections d'objets préhistoriques, romains ou gothiques. Le temple protestant, le Bureau de mesurage des laines et tissus, flambent le long des boulevards de l'Est ; partout des foyers nouveaux s'allument et près de 14 hectares de maisons sont incendiés. Le 20, le bombardement continue avec la même violence. Après un arrêt de deux jours, il reprend; la place Royale et la rue Colbert ne sont plus que ruines.

Au 1er novembre le nombre des habitants tués par les obus est déjà de 282.

Du 14 septembre 1914 au début de juin 1915, la ville n'est pas restée quatre jours sans être canonnée. Jusqu'à la fin de novembre 1914, le tir ne dépasse guère la Cathédrale et le Théâtre, il affecte surtout les faubourgs Cérès et de Laon.



Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Message par Baron Percy » Dimanche 25 Novembre 2007 22:10:50

Le cas de Reims est exemplatif de beaucoup d'autres cités.
Le martyrologue des villes pourrait en effet faire l'objet de nombreux ouvrages tant pour la Première que pour la Seconde guerre mondiale.
Ceci n'enlève bien entendu rien à la qualité du présent témoignage.
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Message par rapentat » Dimanche 25 Novembre 2007 22:13:12

Bonsoir,

J'ai visité Reims il y a quelques années et bien entendu j'avais appris le bombardement que la ville avait subit pendant tant d'années. Sait-on pourquoi les allemands ont mis tant d'acharnement à détruire cette ville et surtout la cathédrale ?? Pour se venger d'avoir été repoussés ??
J'ai fait mes premières armes à la Garde Républicaine, dans le manège Battesti, nom d'un ancien Chef de Corps de la Garde Républicaine, mort à la tête de ses hommes le 25.09.1914 à Reims.

Cordialement.
rapentat
 
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Message par BRH » Dimanche 25 Novembre 2007 22:35:23

Il est indéniable qu'une certaine propension existait chez les Allemands à se conduire de manière barbare et criminelle.

Je ne connais pas d'exemples où les Français se soient comportés ainsi à l'égard d'une grande ville allemande. On pourrait certes citer la destruction du Palatinat, mais c'était en 1690...

Certaines notices allemandes firent état du fait que des observateurs français réglaient le tir de notre artillerie du haut des tours de Notre Dame de Reims. La preuve n'en a jamais été apportée et l'armée française a toujours opposé le démenti le plus formel à ces assertions. Notre artillerie n'avait pas besoin d'être si haut postée pour régler ses tirs !

Le maire de Reims, le Dr Langlet (dont je suis un arrière petit-neveu), a toujours pensé que les Allemands avaient agi ainsi pour démoraliser nos troupes. Ils n'ont fait que galvaniser la volonté farouche de résistance des Champenois sous les drapeaux et à l'arrière. De plus, le bombardement de la cathédrale de Reims a durablement terni l'image de l'Allemagne à l'étranger, notamment en Italie et chez les neutres (les USA, par exemple).
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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Message par rapentat » Dimanche 25 Novembre 2007 23:22:10

Bonsoir,

Merci pour ces précisions. Il est vrai que je connais très mal, à vrai dire pas du tout, la période d'occupation en France pendant la guerre 14 - 18, par l'armée allemande. Donc il ne me reste qu'à me mettre au travail !!

Cordialement.
rapentat
 
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