Comme dans la chambre jaune de la maison Ipatief, une mise en scène a certainement été organisée pour l’enfouissement des cadavres des serviteurs au lieu-dit des Quatre-Frères pour couvrir la fuite des Romanof. Comme elle a bien failli être éventée, durant trois jours et trois nuits Yourovski s’est livré à un sinistre simulacre.
Je reviens un instant sur le massacre dans la maison Ipatief. Il est très invraisemblable que 11 tireurs armés d’un révolver aient pu tuer 11 personnes dans une pièce de 24 m2, quel que soit la position des uns ou des autres. Seulement 16 impacts de balle ont été retrouvés dans la cloison dont 12 dans un rectangle de 0,50 m X 1,30 m situé au plus bas à 0,20 m du sol et au plus haut à 0,75 m. Le peu d’impacts a beaucoup embarrassé le juge Sokoloff qui a imaginé que des balles étaient restées dans les corps : ceci est peu probable, car à cette distance et vue la puissance des armes, les balles ont certainement toutes traversé les victimes. D’ailleurs, sur les 16 impacts concentrés dans le rectangle, 12 étaient « ourlées » de sang, ce qui montre qu’elles ont traversé des corps. Ces éléments montrent que seuls les serviteurs ont été tués là, comme l’ont conclu les premiers enquêteurs. Il faut savoir qu’en souhaitant rester au service de la Famille impériale, ils se sont condamnés à mort comme traître à la Révolution.
Il est intéressant de noter Yourovski (le tchechiste commandant la maison Ipatief) a fait nettoyer, par les gardes extérieurs, la chambre jaune où ont été assassinés les quatre serviteurs. Une majorité de ces gardes rouges s’interrogeaient sur le sort réellement réservé aux Romanof. Il aurait été facile de les « rassurer » en leur montrant les cadavres, mais comme il n’y en avait pas il fallait trouvait de le moyen les conforter dans l’idée qu’ils avaient été tué. Il n’y avait absolument aucune raison de leur cacher ce meurtre. Si certains d’entre eux avaient bien pu compter le nombre de « paquets » jeté par les tchékistes sur le plateau du petit camion, ils pouvaient douter faute d’avoir identifié les victimes. Yourovski a alors l’idée de leur faire tous nettoyer la chambre pour que la vue du sang (peu abondant) renforce l’affirmation qui leur a été faite. Il n’y aucune autre explication rationnelle à ce grand nettoyage collectif.
Au sujet du sang, je ne peux m’empêcher d’évoquer le témoignage d’un certain Valentin Speranski, ancien professeur à l’Université de Saint-Pétersbourg, qui a écrit en 1928 « La maison à destination spéciale ». Ce livre est le résultat d’une enquête personnelle menée au printemps 1924 à Saint-Pétersbourg et dans ses environs. Dans la préface, il écrit : « Presque six ans après l’assassinat de la Famille impériale, j’ai examiné le lieu de l’atroce évènement… ». Puis encore : « Après avoir regardé le jardin Ipatief, je commençai à examiner attentivement la cour attenante. Sur les dalles noires, les assassins ont traîné les corps encore tièdes de leurs victimes. Sur le sol légèrement incliné a coulé le sang de onze martyrs. Après six ans, les traces du crime ont disparu, si ce n’est sur les marches du perron où j’ai remarqué à la loupe, les traces non équivoques d’une teinte rougeâtre, demeurée, malgré le temps, dans certaines rainures… ». Et oui, 6 ans après, ce professeur aurait décelé des traces de sang. Il est vrai qu’il n’était pas professeur de biologie. L’on voit ce à quoi peut conduire la simple évocation d’un « atroce évènement ».
C’est bien sur cet aspect émotionnel que la version du massacre de la Famille impériale se trouve entretenue. Yourouvki a exploité ce côté émotionnel : voir et essuyer le sang des Romanof, vous pensez !
Les quatre vrais cadavres et sept ballots garnis de vêtements, lingerie et objets divers ont été acheminés par le tchékiste Ermakof au lieu-dit des Quatre-Frères pour être jetés dans un puits de mine. Ermakof (le commissaire militaire pour le district de Verhk-Isetst) a la malencontreuse idée (pour répandre la nouvelle de la mort des Romanof afin de protéger leur fuite) de faire prévenir ses hommes. Ils se sont rendus en nombre sur le lieu de l’inhumation. En apprenant cette initiative intempestive, Yourovski s’est précipité aux Quatres-Frères. Il lui a fallu beaucoup de « persuasion » pour écarter les curieux qui, en aucun cas, ne devait identifier les victimes. A partir de là, Yourovski va s’évertuer à rendre méconnaissable les quatre corps et à faire brûler sept les « ballots ». Comme il sait très bien que des corps ne peuvent être détruits entièrement par le feu, pendant trois jours et trois nuits il va charrier les cadavres des malheureux serviteurs pour décourager les curieux devenus très curieux. Le récit qu’il fait de ces péripéties dans sa note publiée en 1934 est aussi abracadabrantesque qu’invraisemblable. Manifestement, Yourovski (le proche du prince Orloff) a donné beaucoup de sa personne pour protéger la fuite des Romanof qui aurait été compromise si le subterfuge avait été découvert.
Par ailleurs, la quantité d’objets (icônes, ustensiles de toilette, cadres pour photos, flacons…) et de restes de vêtements répertoriés par le juge Sokoloff (sans ce qui a été conservé par les curieux venus aux Quatre-Frères) est en total contradiction avec les témoignages de ceux qui ont vu les Romanof et les serviteurs se rendre dans la chambre jaune. Il est à noter que le Tsarévitch portait des chaussures orthopédiques renforcées, aucune trace n’a été retrouvée malgré des fouilles plus que minutieuses.
Les seules découvertes humaines faites au lieu-dit des Quatre-Frères ont été un dentier et un doigt sectionné clairement attribué au docteur Botkine (le médecin personnel de l’Impératrice) qui lui a bien été assassiné dans la maison Ipatief. Pourtant, le juge Sokoloff dira qu’il s’agissait de celui d’Alexandra dès lors qu’il été manucuré.
En conclusion, sur la base des seuls témoignages dont nous disposons, il est vraiment impossible de conclure au massacre de la Famille impériale dans la maison Ipatief, bien au contraire.
Mon sentiment est que la seule évocation d’un massacre aussi odieux (des femmes, des enfants) suffit à accréditer la version dite officielle.
Elie Durel
Élie DUREL auteur de : « L’autre fin des Romanof et le prince de l’ombre » aux éditions Lanore (France) - Site :
http://sites.google.com/site/eliedurelauteur/