Le très improbable sentiment national

1ère guerre mondiale et ses conséquences, jusqu'à la Grande Crise.

Le très improbable sentiment national

Message par Baron Percy » Lundi 16 Avril 2007 21:36:12

Désertions et mutineries montrent suffisamment que la subordination, la contrainte, les menaces de châtiment, la terreur, trouvent leurs limites ; le système coercitif présent dans les armées ne peut suffire à expliquer l'obéissance, l'acceptation du combat et du risque mortel.
De la même façon, si le courage des soldats français puise certainement en partie sa constance dans le désir de libérer le sol de la patrie, ce sentiment ne peut rendre compte de la longue patience de tous les combattants ; ni les Allemands conquérants paralysés par la résistance alliée, ni les Britanniques venus défendre une terre qui n'était pas la leur, n'ont eu le secours moral de ce sentiment particulier.
L'existence du sentiment national, sa force, peuvent-elles être invoquées pour expliquer et faire comprendre comment des Français, mais aussi des Britanniques, des Allemands, des Italiens, etc, ... ont résisté durant plus de quatre années à cet enfer ?
La question de fond est celle-ci : qu'est-ce qui fait tenir les hommes dans les conditions extrêmes de la guerre ? Le patriotisme ?
Que disent les témoins ? Peu en parlent en vérité. Le sentiment national serai-il à ce point intériorisé ?
"Je crois que peu de soldats, écrit Marc Bloch, sauf parmi les plus intelligents et ceux qui ont le coeur le plus noble, lorsqu'ils se conduisent bravement pensent à la patrie ; ils sont beaucoup plus souvent guidés par le point d'honneur individuel, qui est très fort chez eux, à condition qu'il soit entretenu par le milieu : car si dans une troupe il y avait une majorité de lâches, le point d'honneur, ce serait bientôt de se tirer d'affaire avec le moins de mal possible."
"Le patriotisme n'existe pas dans les tranchées", affirme brutalement Robert Graves.
De fait, lorsque des combattants sacrifient à ce mythe, ils le font à l'adresse de leurs familles et de leurs relations demeurées à l'arrière.
Le patriotisme des combattants est avant tout une réponse à une attente de l'arrière. En exprimant des sentiments conformes aux représentations de l'arrière, le combattant préserve le lien, la communication avec le monde qu'il a laissé derrière lui.
Parfois, il arrive que cette fiction l'agace ; le combattant tente de mettre les choses au point.
Ainsi, le soldat André Derain qui s'adresse vivement à sa mère : "Tu parles de satisfaction du devoir accompli dans ta lettre. Ne crois pas que celui d'avoir été mis au rang des derniers idiots pendant quatre ans constitue pour moi l'idée du devoir..."
Quant à Drieu La Rochelle, il fait cet aveu : "Et puis, je suis si peu patriote. Je ne me suis bien battu que par orgueil."
"Les erreurs du passé sont les faiblesses de l'avenir"
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Baron Percy
 
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