Castelnau, le cauchemar des républicains...

1ère guerre mondiale et ses conséquences, jusqu'à la Grande Crise.

Castelnau, le cauchemar des républicains...

Message par BRH » Mardi 03 Avril 2007 10:24:32

Il convient de rappeler le rôle totalement occulté par l'histoire du général de Castelnau pendant le conflit de 14/18.

Il faut savoir, tout d'abord, qu'il fut à l'origine du plan de mobilisation de 1914, avec la réussite que l'on sait. En août 1914, au début de la guerre, malgré les oppositions à sa promotion dans la hiérarchie militaire, les talents de Castelnau lui permirent d'être nommé commandant en chef de la 2eme Armée Française, soit l'armée française de Lorraine.

Les mois d'août et de septembre 1914 vont démontrer toutes les qualités militaire du "capucin botté" sur le champ de bataille (surnom qui lui est donné par ses opposants, du fait de ses opinions royalistes et sa ferveur catholique).

Pendant que les Allemands déferlent en Belgique et dans le Nord de la France, deux armées Allemande, aux ordres du kronpriz de Bavière, attaquent en Lorraine. Le 20 août 1914, le général de Castelnau tente une contre-attaque audacieuse. Malheureusement, le général Foch, commandant un corps d'armée dans la 2eme Armée Française, attaque beaucoup trop tôt et avec une grande insuffisance dans la préparation d'artillerie. Nos soldats, accueillis par un puissant feu d'artillerie lourde, subissent de lourdes pertes et sont finalement refoulés sur leurs positions de départ par des Bavarois largement supérieurs en nombre. Ce fut la défaite de Morhange...

Malgré cet échec de la 2eme Armée, Castelnau ne perd pas courage. Suite à sa victoire de Morhange, le kronprinz de Bavière décide de pousser à fond et de terminer la conquête de la Lorraine.

Le 23 août 1914, les colonnes Bavaroises s'avancent dans les campagnes mosellanes. Ayant compris avant les autres le rôle que pouvait jouer l'aviation, Castelnau décide de s'en servir pour tenter de repérer quel est l'axe de la marche des colonnes bavaroises. Suite aux renseignements donnés par les aviateurs Français, Castelnau, bien renseigné sur la position de ses adversaires, change les positions d'une partie des troupes de la 2eme Armée afin de pouvoir prendre en enfilade et attaquer impétueusement le flanc des colonnes bavaroises.

Le 24 août, une nouvelle bataille s'engage en Lorraine. Les premières attaques françaises, mal préparées par les incompétents lieutenants de Castelnau, se soldent par des échecs coûteux en vies humaines. Heureusement, Castlenau prend le soin, avant la bataille, d'installer sur une crête élevée, plusieurs batteries de 75mm. Le 25 août, cette artillerie fournit de puissants feux sur les colonnes bavaroises qui avaient repris leurs marche en avant. Les Bavarois, attaqués sur leurs flancs, sont hachés sur place et subissent de très lourdes pertes. Soudain la marche des Bavarois s'arrêtent net; un moment d'hésitation et même de panique commence à se faire sentir dans leurs colonnes. Castelnau décelant cette hésitation chez l'ennemi décide de profiter de ce flottement pour ordonner une vigoureuse contre-attaque de l'infanterie Française. Dès lors, vers le milieu de l'après-midi, appuyés par les canons de 75mm continuant à tirer sur le flanc bavarois, nos soldats prennent le pas de charge, abordent à leur tour les Bavarois et les repoussent sur toute la ligne. Les colonnes ennemies, rompues, reculent en désordre !

La bataille et la victoire de "la trouée de Charmes", constitue la première véritable victoire française du conflit. Joffre confia qu'à son annonce, il reprit confiance dans l'outil qu'il avait entre les mains, après quelques doutes...

Complètement surpris par cet échec et désirant malgré tout s'emparer de Nancy, le Kronprinz de Bavière obtint de Moltke le feu vert pour relancer ses Bavarois à l'assaut de la Lorraine et contribuer ainsi à l'encerclement de toute l'armée française.

Le 4 septembre, les troupes bavaroises reprennent leur marche en avant et engagent une nouvelle bataille contre la 2eme Armée Française du général de Castlenau.

La bataille s'annonçe difficile pour Castelnau car les Bavarois engagent des forces d'infanterie en nombre, sans oublier une artillerie lourde supérieure en calibre. Cependant, s'attendant à une nouvelle bataille, Castelnau a bien organisé son front défensif. Les trois premiers jours, les Français repoussent toutes les attaques des Bavarois. Néanmoins, à partir du 7 septembre, les Bavarois, engageant toutes leurs forces, réussissent à s'emparer de plusieurs positions, mais en subissant de lourdes pertes. Au soir du 8 septembre, Castelnau organise une puissante contre-attaque avec des groupes tactiques se composant de plusieurs pièces de 75mm et de détachements d'infanterie. Au matin du 9 septembre, les Français reprennent l'avantage, refoulent les Bavarois et récupèrent leurs positions de départs. Epuisés par de lourdes pertes, les Bavarois abandonnent... Ce fut la bataille et la victoire du Grand-Couronné.

Battu à Morhange, mais vainqueur à la Trouée des Charmes et au Grand-Couronné, le général de Casltenau a sauvé la Lorraine de l'invasion allemande et a parfaitement démontré les talents d'un grand chef sur le terrain.

Suite à la victoire français de la Marne, les armées allemandes ont été acculées à une prompte retraite vers le nord de la France et la Belgique. Cependant, en octobre 1914, sous l'impulsion du Kaiser, le général Falkenayn, nouveau généralissime Allemand, organise une vaste offensive destinée à tenter d'arracher, une fois de plus, la victoire sur la France. L'objectif prioritaire était de réduire ce qui restait de la Belgique résistante, puis de s'emparer des villes du nord de la France en vue de se reporter sur Paris.

Au même moment, Castelnau est affecté avec sa 2eme Armée dans le nord. Alors que les Allemands essayent de nous déborder, Joffre, souhaite tenter un débordement également. C'est le général de Castelnau et son armée qui doit en être chargé. Conscient de l'impossibilité de la mission qui lui est confié, par manque de moyens en artillerie, notamment, Castelnau proteste longtemps auprès de Joffre et, en vue de sauver le maximum de vies humaines dans sa 2ème Armée, ne réalise que des attaques jugées trop "modérées" par le GQG. Il craint surtout de se retrouver trop en l'air et d'être assailli par des forces supérieures. Il ne se trompait point car bientôt de fortes offensives allemandes se déchaînent contre ses positions. Toutefois, pendant plusieurs jours, au devant de Roye et d'Arras, les hommes de Castelnau, bien retranchés, repoussent tous les assauts Allemands.

En juin 1915, en récompense de ses succès militaires, Castelnau est affecté au commandant du groupe d'armée du centre. Joffre lui confie la mission de préparer la grande offensive qui devait se dérouler en Champagne. Castelnau, malgré les insuffisances en artillerie et en munitions, la prépare du mieux qu'il peut. L'offensive sera la première réussie en terme tactique: 10 km de tranchées prises, 25 000 prisonniers, des centaines de canons et de mitrailleuses en notre pouvoir... Cependant, par manque d'artillerie lourde, Castelnau ne parviendra pas réaliser la percée stratégique qu'il espérait tant.

Castelnau sera récompensé par la Grand Croix de la Légion d'Honneur. A l'état-major, au gouvernement et pour une majorité de députés, Castelnau, le "capucin boté", le royaliste et le fervant catholique demeure détesté. Cependant, on commençait à craindre pour le salut de la France, surtout que Joffre ne se révélait pas à la hauteur des événements. Alors, les républicains sont bien obligés d'accepter que le dangereux royaliste Castelnau soit affecté à un grand commandement. Le faire général en chef de l'armée Française, c'eut été inacceptable! On préféra, en juillet 1915, le nommer adjoint technique auprès du général Joffre, de manière à ce que l'indésirable royaliste donne enfin de bonnes idées au général Joffre, irremplaçable car bon républicain..

Occupant donc un poste assez important dans le commandement, Castelnau ne peut nuire, mais peut faire profiter de ses conseils. A condition qu'on veuille bien les entendre...

Envoyé à Salonique en mission auprès des armées Alliés d'Orient, Castelnau se rend rapidement compte de l'incapacité du général Sarrail. Un front défensif mal organisé, des offensives insuffisamment préparées par l'artillerie, des soldats mal approvisionnés et mal équipés, enfin, un chef plus préoccupé par la politique que par l'activité militaire. Bref, d'après le rapport que Castelnau fit de sa mission à Salonique, il était urgent de remplacer l'incapable Sarrail. Naturellement, les républicains de l'assemblée s'emportèrent et accusèrent le général royaliste de vouloir briser la carrière d'un grand général patriote et républicain...Dès lors, malgré les protestations de Castelnau, Sarrail demeure à son commandement.

Lorsqu'il rentre en France pour reprendre son poste "d'adjoint technique", Castelnau peut se rendre compte que Joffre est bel et bien incapable de mener la guerre correctement, mais Joffre demeure intouchable et donc... irremplaçable, surtout par le "capucin botté"!

Au début de l'année 1916, les Allemands ayant remportés des succès assez importants sur le front de l'est, Castelnau se déclare persuadé qu'il faut s'attendre à une grande offensive Allemande en France. A l'état-major, l'on pense que le "capucin botté" se trompe. Joffre est donc totalement surpris lorsque le kronpriz de Prusse déclenche, en direction de Verdun, la grande offensive Allemande qui devait permettre d'en finir avec la France.

Les premiers jours, malgré des prodiges de valeurs, les Français, débordés par le surnombre des assaillants, sont acculés à laisser du terrain aux Allemands. A l'état-major, un mouvement de panique se fait sentir, comment va-t-on arrêter cette nouvelle ruée germanique qui menaçe notre flanc droit ? Bien sur, on envoie sur place Castelnau..

Le 23 février 1916, il arrive à Verdun. En trois jours, il va, par une débauche d’énergie formidable, réussir à freiner l'avance Allemande. Il organise de meilleur manière les secteurs défensifs du front, faire venir des renforts considérables en troupes et en artillerie, organise l'évacuation de centaines de civils paniqués. Cependant, sa plus grande tache sera d'obliger les généraux Français à conserver la rive droite de la Meuse. En effet, dans un moment de panique, les généraux Français désirent évacuer la rive droite de la Meuse. Mais Castelnau avait compris, c'est qu'en livrant la rive droite de la Meuse aux Allemands, on leur livrait, en même temps, des crêtes excellentes pour les tirs de leur artillerie. En outre, en conservant les crêtes de la rive droite, c'est l'artillerie Française qui conserve un bon emplacement tactique. Bref, juste avant que le général Pétain ne soit nommé à la tête des forces Française à Verdun, Castelnau a joué un rôle essentiel, car, au soir du 25 février, les Allemands avaient été repoussés sur toute la ligne..

En juillet 1916, l'offensive Franco-Britannique de la Somme commençe. Alors que les Britanniques peinent et subissent de lourdes pertes, les Français, surprenant les Allemands qui ne s'attendaient pas à les voir dans cette bataille, s'emparent de nombreuses tranchées et firent, en peu de temps, une avance de plusieurs km en avant. Castelnau, enthousiasmé par ces succès si rapides et si inattendus, réclame haut et fort qu'il faut profiter de l'occasion pour frapper vite et fort, percer le front Allemand dans ce secteur et ensuite prendre à revers les lignes ennemies. Ce que demande Castelnau est largement réalisable puisque, dans les premiers jours, les Allemands n'ont, devant les Français, aucune organisation défensive digne de ce nom pour éviter que leur front soit rompu. Malheureusement, Joffre décline l'idée de Castelnau et fait de la bataille de la Somme un combat méthodique, qui épuise l'Allemand certes, mais au prix de pertes élevées, sans réel profit pour notre situation.

A partir de 1917, Castelnau, trop critiqué et jugé trop peu coopératif, quitte l'état-major pour être nommé à la tête du groupe des armées de l'est. Jusqu'au 11 novembre 1918, Castelnau ne livre plus vraiment de grandes batailles, le gros des opérations défensive et offensive de l'année 1918 se déroulant surtout au nord et au centre. Castelnau aura, pour mission, de remettre "en forme" les unités éprouvées ou de former les jeunes recrues.

Malgré tous les services rendus à la France, trois de ses fils tués au combats, la république reconnaissante n’attribuera jamais le bâton de maréchal au général de Castelnau. En se moquant, le maréchal Foch ira jusqu'à dire, avec une certaine ironie, "l'on ne donne pas de bâton au vaincu de Morhange"! Le problème c'est que Castelnau n'était pas le vaincu de Morhange mais bien plutôt Foch en personne...

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Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Message par Baron Percy » Mardi 03 Avril 2007 22:34:28

Citation : "Nos soldats, accueillis par un puissant feu d'artillerie lourde, subissent de lourdes pertes et sont finalement refoulés sur leurs positions de départ..."


Il s'agit d'un constat récurent dans l'armée française lors du premier conflit mondial.
La supériorité de l'artillerie allemande, plus mobile et beaucoup mieux approvisionnée, sera à l'origine de bien des désillusions, voire de défaites cuisantes.
Les batailles de l'Artois et la percée inachevée de Vimy en sont des exemples frappants.
"Les erreurs du passé sont les faiblesses de l'avenir"
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hommage du général Salvan

Message par BRH » Lundi 08 Décembre 2014 00:34:44

Réflexions sur la guerre de 1914/1918, dans le Midi toulousain et sur le Général de Castelnau
Réflexions sur le 1er conflit mondial

Lorsqu’on parle du 1° conflit mondial, la vulgate actuelle jongle avec une série de poncifs : "plus jamais ça, boucherie inutile, généraux stupides, sacrifices vains, pantalons rouges, offensives stériles, fusillés et décimations,… etc."
Systématiquement, les fautes des responsables politiques sont éludées. On rappelle les conférences du Commandant de Grandmaison à l’Ecole de Guerre en 1914, mais on oublie de citer le Président Fallières, chef constitutionnel des armées, qui déclara le 9 janvier 1912 : "Nous sommes résolus à marcher droit à l’ennemi sans arrière-pensée, l’offensive convient au tempérament de nos soldats et doit nous assurer la victoire, à condition de consacrer à la lutte toutes nos forces actives sans exception."

Les alliances nouées avec la Grande-Bretagne et la Russie avaient en effet imposé le passage à une stratégie offensive : le but fixé aux armées alliées, c’était Berlin. La guerre que les politiques voulaient devait être courte et violente, et les stocks de munitions avaient été conçus dans ce schéma. Aucune mobilisation industrielle n’avait été prévue. Nos responsables politiques n’avaient pas compris que l’époque des guerres courtes était révolue… Seuls Jaurès et Pétain l’avaient entrevue.
Nos dirigeants actuels l’ont-ils compris aujourd’hui ?

Par ailleurs, initialement, l’organisation du commandement était aberrante.
Joffre, généralissime, ne commandait que les forces de manœuvre du Nord-Est de la France. Les fortifications et leurs garnisons dépendaient du ministre de la guerre. La Marine nationale était aux ordres du Ministre de la Marine. Les combats outre-mer étaient du ressort du ministre des colonies.
Ce n’est qu’avec Clemenceau et Foch que l’on parvint à une organisation fonctionnelle...

Si la supériorité des marines alliées était évidente, il n’en allait pas de même au niveau des armées de terre. L’armée russe avait des effectifs mais manquait de fusils, de canons, d’avions. L’armée britannique, professionnelle, dut se démultiplier en absorbant et formant les appelés, ce qui prit du temps. Et pour le Royaume–Uni, le théâtre d’opérations principal, c’était le Proche et le Moyen-Orient, donc la lutte contre la Turquie et pour le pétrole.

Au point de vue financier, en 1914, le budget militaire français était de 135 millions de francs–or, celui de l’Allemagne équivalait à 216 millions de francs-or.

L’armée française, en dépit du service de trois ans et de la mobilisation, alignait moins d’effectifs que l’armée allemande. Mais surtout elle manquait tragiquement d’artillerie lourde mobile. La classe politique française attendait des miracles de notre canon de 75 mm, certes excellent mais dont la portée était insuffisante face aux 105 et 150 mm allemands ;
Le corps d’armée français disposait de 120 canons de 75 mm, le corps d’armée allemand de 108 canons de 77 mm, de 36 obusiers de 105 mm, de 16 obusiers de 150 mm.
L’armée française disposait de 240 pièces d’artillerie, l’armée allemande de 848…
Ce n’est qu’en 1918, grâce à la mobilisation industrielle et à l’arrivée des Américains, que nous eûmes à la fois la supériorité des effectifs et de la puissance de feu.

En outre, les nominations de trop de colonels et de généraux pour leurs convictions ou amitiés maçonniques ou anticléricales, l’affaire des fiches, la séparation conflictuelle de l’église catholique et de l’Etat, … etc. avaient secoué le moral des militaires français. Il fallut, dès les trois premiers mois de la guerre, limoger la moitié des généraux et des colonels…. Par sectarisme, les dirigeants politiques français, de 1905 à 1914, nommèrent trop d’incapables à la tête de nos forces et refusèrent de promouvoir les meilleurs… Je pense en particulier au Général de Castelnau, considéré par les Allemands et nos alliés comme le meilleur des généraux français…

Parlons de fusillés. C’est le ministre Messimy qui dès les échecs de l’offensive en Alsace et en Lorraine s’en prend à la lâcheté supposée de nos soldats pour expliquer les défaites : il prescrit de traduire les défaillants devant des cours martiales, et de faire exécuter les condamnés à mort par leurs camarades. Il y a eu pendant cette guerre environ mille condamnations à mort exécutées. 600 pour indiscipline (refus de combattre, mutilation volontaire, abandon de poste, désertion), 400 pour des crimes de droit commun (pillage, viol, assassinat). On n’a fusillé aucun fuyards ou déserteur en 1940 : on a vu le résultat :
4 500 exécutions par les Allemands, 75 000 déportés, dix mille exécutions sommaires en 1944, 1 000 condamnations à mort par des tribunaux régulièrement constitués après la Libération…

Revenons sur le pantalon rouge.
En 1900, les Britanniques ont adopté, à la suite de la guerre de Boers, une tenue "kaki", et en 1907 les Allemands la tenue "feldgrau"
Chez nous, depuis 1897, l’armée essayait un casque métallique. En 1903, l’armée essaya une tenue "boers", gris bleutée, avec chapeau de brousse ; en 1906, c’est une tenue beige bleu, puis en 1911, une tenue vert réséda. Lors du débat à la chambre des députés, demandé par Gallieni pour adopter une tenue moins voyante, en 1911, Etienne, ancien ministre déclara : "la pantalon garance a quelque chose de national". Et le ministre de la guerre, Messimy, ne prit aucune décision. A l’entrée en guerre, seules les troupes coloniales indigènes (tirailleurs sénégalais) disposaient de la tenue kaki. Ce n’est qu’en 1915 que Joffre put imposer le casque et la tenue bleu horizon.
Dernier exemple, Joffre voulait accroître le nombre de nos camps militaires pour l’instruction des grandes unités, ce que la classe politique française refusa jusqu’en 1911 : les crédits ne furent acquis qu’en 1913, trop tard pour l’instruction de toutes nos brigades et divisions.

Il ne faut donc pas s’étonner du début catastrophique du conflit. Les Allemands s’attendaient à nos offensives d’Alsace et de Lorraine, où notre infanterie fut écrasée par l’artillerie adverse. Certes, la victoire de la Marne brisa la stratégie allemande, et elle permit de lancer la mobilisation industrielle, au prix de l’occupation de près du cinquième de notre territoire, mais elle entraîna la quasi-stabilisation du front occidental pour quatre années.

Oui, il y eut de coûteuses offensives de 1914 à 1917. Mais il fallait soutenir à bout de bras notre allié russe, qui manquait de fusils, d’avions, d’artillerie. Dès que ces "offensives stupides" furent arrêtées à l’été 1917, notre allié russe s’effondra…Et les manœuvres de politiques inquiets du poids pris par les militaires et de chefs militaires limogés, pour se débarrasser de Joffre, puis de Nivelle, ne cessèrent pas avant 1918, lorsque le couple Clemenceau-Foch, établit des relations normales entre le pouvoir politique et les chefs militaires.

Le Midi toulousain, durant ces quatre ans, fut à la fois :
- un centre de formation de nos conscrits et rappelés ;
- un centre de notre industrie de guerre (cartoucherie, office de l’azote et c.) ;
- un centre d’hôpitaux militaires pour nos blessés ;
- et surtout, l’agriculture du Sud-Ouest contribua largement à la nourriture de nos soldats et de notre population, à la fourniture de chevaux et de pigeons voyageurs pour nos armées.

La majorité de notre peuple participa sans réticence à l’effort de guerre. Un de mes grands oncles, de la classe 11, effectua 7 ans de services militaires. Mon grand-père, âgé de 44 ans, fut mobilisé en 1915 ; marié, père de deux enfants, il ne fut rendu à la vie civile que le 18 décembre 1918. Je ne les ai jamais entendu se plaindre…
Pendant ces quatre années de guerre, l’Académie des jeux floraux interrompit ses activités littéraires et se consacra aux œuvres caritatives : secours aux veuves, orphelins, blessés.
Plusieurs mainteneurs, dont trois proches de la cinquantaine, furent mobilisés et se conduisirent brillamment ; cinq fils de membres de l’Académie tombèrent au champ d’honneur.111
Le 21 décembre1918, à l’unanimité, le Général de Castelnau fut élu mainteneur, les maréchaux Foch et Joffre furent élus maîtres-es-jeux.

Intéressons-nous à Noël, Edouard, Marie, Joseph, vicomte de Curières de Castelnau.

Issu d’une famille de vieille noblesse et de tradition militaire, Edouard de Castelnau fit partie de la 54 ° promotion de Saint-Cyr (1869-1871). Initialement nommée promotion du Rhin, elle fut rebaptisée promotion du 14 août 1870 lors de la déclaration de guerre. Comme tous ses camarades, Castelnau fut nommé Sous-lieutenant le 14 août 1870, et il rejoignit aussitôt le 31° Régiment d’Infanterie, avec lequel il combattit de 1870 à 1871.
Ce fut un officier complet, qui, bien avant la plupart de ses contemporains, avait perçu la nécessité d’une coopération entre les différentes armes et le potentiel de l’aviation. De 1914 à 1918, il voulut toujours ménager les fatigues et vies de ses subordonnés, ce qui provoqua des tensions avec Joffre et Foch. Il refusait le principe de l’attaque à outrance. Et il n’hésita pas à dire après les offensives de 1915 : "Nous avons péché par infatuation." Mieux que d’autres généraux il connaissait le prix du sang : trois de ses fils tombèrent au champ d’honneur lors de la Grande guerre… Lorsqu’on lui annonça la mort de l’un d’entre eux au cours d’une réunion préparatoire, Castelnau répondit stoïquement : "Continuons, messieurs."
Son catholicisme intransigeant le fit surnommer "le capucin botté". Clemenceau ne l’aimait pas et avec une de ses formules à l’emporte-pièce, il le traita de "Général de jésuitière, indigne des responsabilités qu’il assumait."
Les prises de position de Castelnau lors de l’affaire Dreyfus, lors du Ministère André et de l’affaire des fiches entraînèrent son éloignement de la direction du 1° Bureau de l’état-major de l’armée. Le Général Sarrail, directeur de l’infanterie, le fit au moins une fois rayer du tableau d’avancement.
Il fut pourtant nommé Général de Brigade le 25 mars 1906, et il commanda la 24° brigade à Sedan, la 7° à Soissons, avant d’être promu Général de Division le 21 décembre 1909. Il commanda alors la 13° Division à Chaumont.
Le Général Joffre, tout franc-maçon qu’il fût, le prit sous son aile et le fit nommer sous-chef de l’état-major général en 1911. Simultanément, Castelnau fut promu Commandeur de la Légion d’Honneur.

Au début des hostilités, Castelnau commandait la 2° Armée, dont l’offensive fut arrêtée à hauteur de Morhange-Sarrebourg. Il réorganisa la défense de Nancy, et il obtint une victoire défensive importante dans la trouée de Charmes du 24 au 26 août 1914 : il empêchait les armées françaises d’être tournée à l’Est, et il préparait ainsi la victoire de la Marne. Il remporta ensuite la victoire du Grand Couronné du 31 août au 11 septembre 1914, méritant le titre de "Sauveur de Nancy".Le 18 septembre, Castelnau était élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur.
Joffre le retira alors du front de Lorraine et il lui confia la mission de prolonger le flanc gauche des armées françaises vers le nord de l’Oise, pour tenter de déborder l’aile droite allemande. Cette partie du conflit est connue comme "la course à la mer" Castelnau entama l’affaire, la mena jusqu’à Amiens, avant de passer la main à Foch.

En juin 1915, Castelnau fut placé à la tête du Groupe d’Armées Centre, chargé de l’offensive de Champagne du 25 septembre 1915 : en quelques jours, il fit 25 000 prisonniers, prit 125 canons et contrôla une zone de plusieurs kilomètres, jusque-là tenue par les Allemand. A la suite de ce succès, il fut élevé à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’Honneur et il devint l’adjoint du Généralissime Joffre, puis son chef d’état-major. Chargé d’étudier et d’affermir la situation en Macédoine et en Grèce, il parvint à rétablir la sérénité des esprits et à convaincre le roi Constantin de rester l’allié des Français.
En février 1916, il organisa la défense de Verdun lors de l’offensive allemande : il prit la décision de défendre Verdun à tout prix, il arrêta la débandade et il fit nommer Pétain à la tête des unités défendant Verdun.
Lors de la chute de Joffre et de son remplacement par Nivelle, il fut placé en non-activité. En 1917, il fut chargé d’une mission d’information en Russie : il y fit preuve d’une grande lucidité. Mal commandée, mal instruite, mal ravitaillée, l’armée russe était incapable de résister longtemps aux Allemands. Après la disgrâce de Nivelle, pour le remplacer, Lyautey et Foch avaient recommandé qu’on nommât Castelnau généralissime. Ses convictions catholiques lui firent préférer Pétain, mais on le rappela à la tête du Groupe d’armée de l’Est. Il était chargé de l’offensive prévue en Alsace et en Lorraine en novembre 1918, annulée lors de la signature de l’armistice.
Soucieux d’épargner les vies et fatigues de ses subordonnés, il avait un très grand prestige dans nos armées et chez nos alliés.
Alors que de l’avis de nos Alliés et des Allemands il avait été le meilleur des généraux français, ses convictions catholiques affirmées en firent le seul de nos commandants de Groupes d’armées à n’être pas nommé maréchal…

Dès le 21 décembre 1918, il fut élu mainteneur de notre Académie, puis à l’Institut de France.
Il se lança dans le combat politique.
Elu député de l’Aveyron, il présida la commission de l’armée (défense nationale aujourd’hui). En 1924, il s’opposa à Herriot lors des tentatives de laïcisation de l’Alsace et de la Lorraine. Il créa et présida la Fédération nationale catholique, le comité d’études des questions maçonniques.
Il fut également le fondateur de l’association d’entraide de la noblesse française.
Après le désastre de1940, le Général de Castelnau se retira dans la demeure familiale de Montastruc la Conseillère. Il fit preuve d’une grande réserve envers Pétain et le régime de Vichy. Il s’éteignit le 19 mars 1944, âgé de 94 ans, sans pouvoir assister à la défaite allemande…

QUELQUES REFLEXIONS SUR CASTELNAU

Le Général Gallieni
Lorsqu’en 1913, le Président Poincaré consulta Gallieni pour trouver un successeur au Général Pau au poste de chef d’état major, la réponse fût : "Castelnau".
Et pour un deuxième choix, que diriez-vous ? : "Castelnau"
Et pour un troisième ? : "Castelnau" (in L’Œuvre, journal parisien)

Le Général Gamelin (alors au cabinet de Joffre)
"… Castelnau était aussi de formation ‘Etat-major’ et avait longuement servi à l’état-major de l’Armée. D’intelligence brillante, l’esprit vif, non sans adresse, il était un chef séduisant avec parfois des allures de militaire ‘Second Empire’. Ceci dit non dans un esprit critique, mais pour tenter de le définir. J’écris pour tenter, car il était en fait moins saisissable que la plupart de ses émules. Chef séduisant, il était très populaire dans l’ensemble de l‘Armée. Mais il ne cachait pas ses sentiments religieux et conservateurs et ceux qui ne pensaient pas de même l’accusaient de ne pas être toujours impartial. Je n’ai jamais eu de preuve que ce reproche fût justifié, mais il est certain que ses sentiments influaient sur ses jugements, sinon sur les hommes, car on le vit prendre des chefs d’état-major qui n’étaient pas de la même opinion que lui, du moins sur les choses… "

Le Général Von Kluck :
"L’adversaire français vers lequel sont allées instinctivement nos sympathies, à cause de son grand talent militaire et de sa chevalerie, c’est le Général de Castelnau. Et j’aimerais qu’il le sût."

Le Major Harbord, du Corps expéditionnaire américain, dans ses Mémoires.
"C’était le Général de Castelnau, que beaucoup considéraient comme le meilleur général français, mais royaliste et catholique, donc suspect. Les Américains aimaient beaucoup Castelnau, en partie grâce à son aversion pour les longs discours. Ce bon vieux Castelnau limita ses remarques à lever son verre et à souhaiter que nous puissions bientôt abreuver ensemble nos chevaux dans le Rhin."

Bibliographie sommaire
- Bonafoux-Verrax Corinne "A la droite de Dieu, la Fédération nationale catholique 1924-1944" Fayard, 2004
- Castelnau (de, Régis) "La France fille du soldat inconnu. Cent ans après le pays n’a pas totalement fait son deuil" (http://www.causeur.fr/la-France-fille-d ... 5669.html#)
- Chaboud Jack "La Franc-maçonnerie, histoire, mythes et réalité" Librio 2004
- Chaix Gustave "Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIX° siècle", tome 13, p.18-20.
- Gras Yves "Castelnau ou l’art de commander" Denoël, Paris, 1990
- Gmeline (de, Patrick) "La maison Curières de Castelnau" Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, 1975
- Joffre Joseph "Mémoires du Maréchal Joffre 1910-1917" éd. de l’Officine, Paris, 1932
- Pershing John Joseph "My Experience in the World War" F.A.Stokes Company, 1931
- Prouteau Gilbert "Le dernier défi de Georges Clémenceau", France-Empire, 1979
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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