22 août 1914 : le jour le plus sanglant !

1ère guerre mondiale et ses conséquences, jusqu'à la Grande Crise.

22 août 1914 : le jour le plus sanglant !

Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 11:26:24

http://www.carto1418.fr/target/19140822.html

Avec 27.000 soldats français tués par la mitraille allemande, le 22 août 1914 fut la journée la plus sanglante de l'histoire de France. Moins de trois semaines après le début du conflit, cette hécatombe balaie les illusions d'une supériorité française sur l'envahisseur allemand.

27.000 morts sur 400 km de front, de la Belgique à la Lorraine, et pratiquement aucune trace dans la mémoire collective. Une tragédie "oubliée", pour occulter les graves lacunes de l'état-major français et une stratégie offensive irresponsable qui poussa les hommes à l'abattoir.

Durant les cinq journées tragiques du 20 au 25 août au cours desquelles se joue "la bataille des frontières" perdue par la France, 40.000 soldats français perdront la vie, déchiquetés par la mitraille de l'artillerie ennemie, selon les estimations établies à partir des soldats manquant à l'appel. Mais le 22 août fut à ce point sanglant qu'avec une dizaine de milliers de morts côté allemand, l'état-major du Kaiser se demanda en fin de journée s'il était bien vainqueur, tant les pertes paraissaient incroyables.

27.000 morts et disparus en un seul jour, dont environ 7.000 pour la seule bataille qui se déroula autour du village belge de Rossignol: c'est autant de soldats français tués en un jour que durant toute la guerre d'Algérie de 1954 à 1962.

Et sept fois plus que tous les morts alliés du "Jour-J", le débarquement en Normandie le 6 juin 1944.

Un siècle plus tôt, 6.800 soldats français et autant d'Allemands étaient tombés en juin 1815 à Waterloo, jusqu'alors l'une des batailles les plus meurtrières de l'histoire de France.

- Un désastre passé aux oubliettes -

Des chiffres sans commune mesure avec les quelques dizaines de morts quotidiens que peuvent parfois déplorer aujourd'hui, dans le pire des cas, les armées occidentales en opérations extérieures de longue durée .

Il y a plusieurs explications à ce désastre passé aux oubliettes de l'histoire, selon l'historien Jean-Michel Steg, auteur d'un livre sur le sujet ("Le jour le plus meurtrier de l'histoire de France", Fayard). Au premier rang desquelles la doctrine de l'"offensive à outrance" défendue par l'état-major, "une manière française de faire la guerre" qui conduisit à la catastrophe.

"On attaquera l'ennemi partout où on le rencontrera": c'est avec cette formule aussi vague qu'inefficace que le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, ordonne l'offensive le 14 août. C'est oublier que les progrès technologiques considérables dans le domaine de l'armement ont multiplié la capacité de destruction des armées, favorisant la défense contre l'attaque.

Les soldats français qui chargent à la baïonnette le 22 août au matin sont décimés par les mitrailleurs allemands en position défensive. Et les officiers sommés d'affronter l'ennemi "corps redressé", sans chercher à s'abriter, pour donner l'exemple, sont les plus touchés.

- Pourquoi tant de morts? -

"Pourquoi tant de morts ?", s'interroge Jean-Michel Steg. Jamais dans l'histoire autant de soldats français - entre 400.000 et 600.000 - ne furent exposés en même temps au feu ennemi que ce 22 août. Durant les premières semaines de la guerre, les soldats combattent par ailleurs à découvert, dans une guerre de mouvement: ils n'ont pas encore commencé à s'enterrer, pour se protéger des mitrailleuses et de l'artillerie, dans les fameuses tranchées qui symbolisent le premier conflit mondial.

Circonstance aggravante, rien n'est prêt pour faire face à des pertes massives. Le Service de santé des armées ne sera créé qu'en 1915, et beaucoup de blessés vont succomber faute de soins appropriés.

"Plus généralement, écrit Steg, l'armée française subit en août 1914 de lourdes pertes parce qu'elle ne cherche pas particulièrement à les minimiser". L'état-major croit en effet à une guerre rapide et violente, et ne se préoccupe guère d'épargner les vies.

Pour expliquer le désastre, l'historien britannique Anthony Clayton pointe également "les faiblesses de l'organisation française", avec des généraux âgés, souvent incompétents, et des renseignements insuffisants qui ne permettent pas de repérer les positions ennemies.

- Retraite interdite -

Les instructions d'offensive à outrance reçues du haut état-major avant le combat feront aussi qu'aucun officier n'osera organiser une retraite face à l'hécatombe qui désorganise les lignes françaises, ce qui était pourtant la seule solution pour limiter les dégâts.

Le corps du général Raffenel, qui commandait à Rossignol, sera retrouvé le lendemain du 22 août, sans que l'on sache s'il s'est suicidé où s'il est mort au combat.

Pourquoi un tel désastre, qui n'a été que récemment réexploré par les historiens, a-t-il laissé si peu de traces dans la mémoire nationale? Le souvenir du "miracle de la Marne", la victoire française qui stoppera l'offensive allemande en septembre 1914, a occulté la sanglante défaite du mois précédent.

Rares seront également les témoins directs du carnage pour en entretenir le souvenir. Les soldats d'août 1914 devront encore risquer leur vie pendant les 50 mois suivants et il ne restera guère de survivants, après le conflit, pour raconter ces journées terribles.

Source: http://www.infos.fr/22-aout-1914-le-jou ... z3B7CrE1ok
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Combat de Rossignol

Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 13:33:02

Le 3° Régiment d'Artillerie de Campagne Colonial le 22 août 1914

A la mobilisation, le corps d’armée colonial comptait 3 divisions or le corps d’armée n’est pas au complet sur le front en août 1914 : La 1ère division est réduite à la brigade Goullet (la 5°) car la 2° brigade a été laissée sur la frontière avec l’Italie.

Le 22 août :

- La 5°brigade marche à gauche du dispositif du CAC .

- La 2°division du général Leblois, en réserve d’Armée, est au complet et le 1°RAC est affecté à cette division. Elle marche derrière la 5° brigade.

- La 3°division , celle du général Raffanel, marche à droite du dispositif du CAC. Le 2° RAC appartient à cette division. L’objectif pour la 5°brigade comme pour la 3°division est Neuchâteau.

- Le 3°RAC est le régiment d’artillerie de corps d’armée.

Le 22 août, pendant que l’avant garde de la 3°division (1°brigade) était prise à parti depuis 8h30 par des tirs d’armes automatiques Allemandes, à 1500 mètres environ au nord de Rossignol, deux autres combats distincts de celui de Rossignol étaient livrés dans l’après midi au sud de la Semoy par les 3° et 7° régiments de la 3°division.

Intéressons nous à l’action du 3ème RAC, le 22 août 1914:
D'après le colonel A.Grasset dans :La Guerre en Action, surprise d'une division, Rossignol-Saint-Vincent, 22 août 1914; Editions Berger-Levrault, Paris 1932

"A Saint-Vincent, où le général commandant le corps d’armée colonial est arrivé vers midi, aucun renseignement ne parvient à son P.C. De l ‘aventure extraordinaire dans laquelle son corps d’armée se trouve jeté, les éléments d’appréciation qu’il possède ne lui permettent pas de saisir toute la tragique gravité. Lancé dans une offensive, tête baissée, contre un ennemi que tout le monde s’obstinait, jusqu’à ce matin, à déclarer fort éloigné vers le nord et en flagrant délit de manœuvre, il est conduit à cette conclusion : tandis qu’on l’attaquait du sud au nord, l’ennemi a pris l’offensive de son côté, du nord au sud. Une de ses colonnes retarde, dans la forêt, l’avant –garde de la 3° division coloniale, et une attaque violente se déclenche, à l’est, sur Bellefontaine, où le 2° corps a été devancé.

Et dès lors, la tâche a remplir par le corps colonial lui paraît être celle-ci : faire face à l’est et laissant le moins de monde possible, pour maintenir l’ennemi dans la forêt, tomber avec toutes les forces disponibles dans le flanc de l’ennemi qui attaque Bellefontaine.

A midi 15, l’ordre suivant est donc adressé à la 3° division, à l’artillerie de corps et au 7° régiment, dont le général a conservé la disposition :

C.A.Lefèvre.

Saint-Vincent, midi 15.

I - L’ennemi attaque le 2° C.A. sur notre droite, dans la direction de Bellefontaine et au sud. Bellefontaine est tenue par le 2° C.A.

Il importe, en conséquence, de faire front vers l’est, prêt à se porter à l’attaque, si l’ordre en donné, dans les directions du nord-est ou de l’est, en se gardant seulement vers le nord.

La 3° D.I.C. tiendra le front : bois de Chenet, Orsainfaing, bois à l’ouest d’Harinsart.
Un groupement sous les ordres du colonel Mazilliers et comprenant son régiment ( le 7ième RIC) et deux groupes d’artillerie de corps, tiendra le front : hauteur à 1 kilomètre est de Mesnil- Breuvanne – Château de Villemont, cherchant à se relier avec le 2° C.A. sur Bellefontaine.
Le dernier groupe d’A.C. se portera sur Jamoigne.

II – Le P.C. sera installé à Jamoigne, où les comptes rendus de situation lui seront envoyés le plus tôt possible.

P.O. : le lieutenant- colonel, chef d’état- major,

Aubert.

Aussitôt après avoir reçu du général Lefèvre , l’ordre de rechercher et de contrebattre l’artillerie ennemie, le colonel Lenfant commandant le 3° RAC a appelé à lui son lieutenant-colonel et ses trois chefs de groupe et leur a réparti les reconnaissances :

Au lieutenant-colonel Jaquet et au commandant Peltier, la partie nord de la croupe 381-392. Lui – même se réserve avec les commandants Amman et Petit, la partie sud de cette croupe, de 392 à 395, à l’est de Saint-Vincent.

Les reconnaissances sont difficiles, car l’ennemi est vigilant et tire sans compter sur tout ce qu’il voit ; or on ne sait pas où il est. Le groupe Peltier ne peut pas songer, dans ces conditions, à s’installer sur la croupe dénudée 381-392 et il doit se contenter provisoirement de prendre une position d’attente le long du chemin de terre qui va vers Fresnois, par la lisière du bois allongé, que la crête 381-392 couvre à l’Est.

Quelques minutes plus tard, le tir de l’ennemi paraissant se ralentir, les batteries de Trocmé (5°) et Grosnier (6°) réussissent à se mettre en batterie sur la crête, immédiatement à l’ouest de la crête 392 ; mais la batterie Minault (23°) ne trouvant pas la place nécessaire pour son déploiement, doit rester dans le chemin creux, avec les échelons du groupe.

Le groupe Peltier (4°), ramené à la sortie sud de Saint-Vincent, a fini par trouver une position de batterie derrière le petit bois du mamelon 395, à l’ouest du village. Réussira t-il à s’y employer utilement ? Cela n’est pas certain, car de nombreux boqueteaux masquent la vue du côté de Tintigny et c’est justement de ce côté que l’on entend maintenant le bruit d’un combat très vif. En revanche, ce groupe va disposer d’un champ de tir assez étendu dans les directions de Breuvanne et Orsainfaing.

Le groupe Amman (2°) a trouvé à se mettre en batterie. Derrière une petite croupe, au nord de la route Tintigny –Jamoigne, à l’ouest de la borne B. 34, près du carrefour du chemin de Saint-Vincent. C’est le capitaine Baudoin, commandant la 3° batterie, qui a découvert cet emplacement, d’où l’on a des vues étendues vers l’est et en particulier sur le mamelon 343, à l'ouest d'Ansart : un point suspect.

Tellement suspect que la batterie Baudoin juge opportun d’ouvrir le feu sur cet objectif, qu’elle ne tarde pas à encadrer dans une fourchette serrée. Les batteries Tresmontant (4°) et Cartron (22°) viennent successivement se mettre en batterie près de la batterie Baudoin, prêtes à intervenir. Mais leur intervention semble inutile, car, après un tir progressif de la batterie Baudoin, au cours duquel le mamelon 343 apparaît couronné d’une épaisse poussière, le feu de l’artillerie ennemie cesse subitement. Le résultat cherché aurait-il été atteint, de ce côté ?

La chance favorise moins le groupe Petit (3°). Les batteries Grosnier (6°) et Trocmé (5°) se sont –elles trop montrées sur leur crête, orientée sensiblement est- ouest ? On ne sait, mais elles n’étaient pas en position depuis dix minutes, que des salves courtes et longues d’obus fusants , venant du nord et fort bien dirigées, encadraient la crête et étaient suivies de nombreuses rafales. Les batteries souffrirent peu, car le tir demeura un peu long, mais la 23° batterie et les échelons du groupe, qui étaient dans le chemin creux, en arrière furent fort éprouvés. Le maréchal des logis chef Ruffé fut tué ; le lieutenant Gaudrot, plusieurs hommes et de nombreux chevaux furent plus ou moins grièvement blessés. On eut beaucoup de peine à maintenir les chevaux affolés et à réparer le désordre causé par cette pluie de fer.

De son P.C., établi sur une légère crête, à 400m. au nord du petit bois situé immédiatement au nord de Saint –Vincent, le colonel Lenfant, laissé sans ordres et sans renseignements, cherchait encore à 11h. 30, à saisir le sens des évènements extraordinaires dont il était témoin. La fusillade violente dont le bruit arrivait jusqu’à lui, du nord et de l’est , ne lui permettait pas, en tout cas, de douter que le corps d’armée, fût aux prises avec l’ennemi, sur son front et sur son flanc droit.

Or, à ce moment, il aperçoit justement une patrouille d’infanterie allemande cherchant à se glisser vers le cimetière de Saint-Vincent et , en même temps, une rafale de balles arrive de la lisière d’un boqueteau situé à moins de 300m. à l’est du P.C. Le colonel ainsi que l’aspirant Noël qui était auprès de lui, doivent se coucher, pour éviter la mort, car les tireurs ennemis ajustaient visiblement leurs coups…

Donc, la gauche de l’artillerie était menacée et l’ennemi cherchait à tourner par le nord la ligne des batteries… Heureusement, le 7° régiment colonial arrivait. Il était signalé dans un ravin au sud de Saint-Vincent, s’orientant vers Bellefontaine.

Le colonel envoie l’aspirant Testot-Ferry au colonel Mazillier pour lui dire que l’artillerie est en batterie, isolée et sans aucun soutien ; que de l’infanterie ennemie occupe déjà les abords du cimetière de Saint-Vincent et menace de tourner par le nord la ligne des batteries…

Lui-même quitte en rampant son dangereux P.C. et se met en devoir d’en aller chercher un autre. En même temps il prescrit au groupe Amman (2°), le plus directement menacé, de se replier sur la corne nord du grand bois allongé, à l’ouest de Saint-Vincent, où il compte avoir encore des vues vers le nord –est.

Après ses ordres donnés, le général Lefèvre part pour Jamoigne, où il sera à portée de la division Leblois, qui vient d’y arriver (la 2° division de son corps d’armée dont il a demandé à l’armée de lui rendre la disposition).

En route, il est renseigné mieux qu’il ne l’avait été jusqu’ici ; par qui ? comment ? Nous ne le savons pas… peut être simplement par des blessés ou par des éléments débandés… Quoi qu’il en soit, arrivé à Jamoigne à 13h. 30, il se rend un compte plus exact de la situation.

Du reste ici, les communications avec la 3° division et la 5° brigade et avec le 12° corps, sont tout aussi précaires qu’à Saint-Vincent. Les Allemands ont visité ces localités, y ont enlevé des otages et détruit télégraphe et téléphone.

Pourtant, un agent de liaison de la 4° division, laquelle se bat à Bellefontaine, porte quelques indications précises. Le 2° corps serait dans l’impossibilité de dépasser Bellefontaine car il serait attaqué sur son flanc droit par des forces considérables. Il demande que le corps colonial l’appuie en attaquant le flanc droit de l’ennemi.

Le général Leblois, commandant la 2° division coloniale est là. Verbalement, il confirme son compte rendu écrit de midi 15, où il disait la situation de sa division. Le 22° régiment colonial est arrivé à Jamoigne. Il a envoyé un bataillon aux Bulles, pour s’assurer le passage de la Semoy. L’artillerie divisionnaire serre sur Jamoigne. La 4° brigade, qui est sur la grand’ route, s’arrêtera entre Jamoigne et Pin.

Le commandant du corps d’armée explique au général Leblois le sens du canon que l’on entend vers l’Est depuis 11h 30. Mais il ne peut pas faire davantage, aucun ordre de l’armée ne l’autorisant encore à disposer de sa 2° division.

Pourtant les circonstances paraissent urgentes, le général Lefèvre adresse à Stenay ce nouveau compte rendu, plus explicite et plus pressant que le premier :

Jamoigne, 22 août , 14 heures,

La 3° D.I.C., en marche sur Rossignol, a été attaquée violemment sur flanc droit et lisière des bois au nord, à partir de 7 heures.

Ai été obligé la renforcer à Saint-Vincent par régiment de cette même D.I.C . conservé à ma disposition et par A.C.

2° C.A., qui paraît en échelon en arrière, a été attaqué aussi fortement à Bellefontaine , qu’il a perdu et repris.

5° brigade progresse dans nord.

2° C.A. me demande prononcer contre-attaque, pour dégager son front.

Demande pouvoir disposer, si nécessaire, 2° D.I.C.

P.C. : Jamoigne.

P.O. : Chef d’Etat-Major,

Puypéroux.

Ce sera seulement vers 17 heures, par un agent de liaison du 12° corps, dont le P.C. est à Florenville, que le général Lefèvre recevra l’autorisation, demandée depuis le matin, de disposer de sa 2° division. A ce moment , les circonstances auront décidé du sort de la journée.

Le 3° régiment d’artillerie.

La nature boisée de cette région avait rendu impossible pendant toute l’après –midi, l’action de l’artillerie. Même, non seulement le 3° régiment d’artillerie n’avait pas appuyé l’infanterie, mais aussi, au cours de cette journée, ses canons s’étaient trouvés plusieurs fois en grand danger.

A midi, en particulier, sa situation était précaire. A ce moment le groupe Amman (2°), replié sur la lisière nord du bois allongé, au nord-ouest du mamelon 381, avait subi des pertes sérieuses ; surtout celles d’une centaine de chevaux, perte qui le paralysait et l’avait obligé à abandonner 14 caissons sur sa première position. Il resta donc dans ce bois, essayant de s’y reconstituer, inutilisable surtout et ne sachant pas comment il en sortirait. En effet, les lisières nord, est et sud-est, battues par des feux de mitrailleuses, étaient inabordables et déjà la seule issue possible semblait être vers le sud, encore à la condition de traverser dans toute sa longueur de près de 2 kilomètres, un couvert très fourré et fort mal percé.

Le groupe Petit (3°), derrière le mamelon 392, à l’abri du boqueteau de la Croix, immédiatement au nord de Saint-Vincent, était mieux partagé. Il se trouvait là, à l’abri des feux d’artillerie venant de Termes et aussi de l’infanterie ennemie que l’arrivée du 7° régiment avait provisoirement écartée . Même, la compagnie Dasque (4°) du 7° régiment, spécialement chargée de protéger les canons, avait pris position, un moment, dans le boqueteau de la Croix. Ce groupe, ainsi gardé était donc en situation de surveiller la région de Mesnil –Breuvanne, mais mal orienté sur la marche du combat, il ne pouvait malheureusement faire de son feu qu’un usage très circonspect.

Le groupe Peltier (4°) était au sud de Saint-Vincent sans directives, et attendant lui aussi une occasion de s’employer.

Vers midi 30, un ordre du général Gautheron, commandant l’artillerie de corps, arrivait, porté par le lieutenant Petit. Le colonel Lenfant ne put être trouvé et c’est le capitaine Berthier, son adjoint, qui reçut cet ordre.

Il s’agissait d’opérer un changement de front vers l’est ; de mettre deux groupes à la disposition du colonel Mazillier, commandant le 7) régiment colonial et de porter sur Jamoigne le denier groupe de l’artillerie de corps.

Conséquence évidente de l’ordre que nous avons vu le général commandant le corps d’armée donner à 12 h.15. Cet ordre à l’artillerie ne portait aucune indication d’heure.

En l’absence du colonel, le capitaine Berthier s’empressa de le transmettre directement aux groupes Petit (3°) et Peltier (4°), qui se placèrent tous les deux face à l’est, de manière à appuyer le 7° colonial.

Quant au colonel Lenfant, il n’eut connaissance de l’ordre reçu que vers 15 heures, au moment où, avec le groupe Amman ( 2°) auprès duquel il était resté, il débouchait de la lisière sud du bois ouest de Saint- Vincent.

A ce moment, la situation de l’artillerie était difficile. Partout, l’infanterie se repliait. Même la compagnie Dasque (4°), soutien d’artillerie avait dû abandonner le boqueteau de La Croix, au nord de Saint –Vincent et se replier sur la lisière du grand bois, à l’ouest de la localité.

Le groupe Petit (3°), ainsi découvert, traversé par des groupes de fantassins refluant et en butte à des balles d’infanterie, dut se replier, lui aussi, vers la corne sud de ce bois. Il laissa cependant en position, au nord- ouest de Saint- Vincent , la batterie Trocmé, pour faciliter le dégagement de l’infanterie, même au prix de la perte des canons.

Quant au groupe Peltier (4°), il ne trouvait pas à s’employer, faute de vues, mais en revanche, placé trop près des bois, il sentait l’infanterie allemande s’infiltrer et chercher à l’envelopper.

Arrivé à la lisière de son bois, avec le groupe Amman, le colonel Lenfant a aperçu la batterie Trocmé, en position et sa première idée a été de conduire le 2° groupe auprès d’elle. Mais la certitude que le mouvement de repli du 7° colonial se généralisait, l’a fait tout de suite y renoncer. C’est alors qu’il a envoyé au colonel Mazillier le capitaine Berthier, qui venait de lui communiquer l’ordre du corps d’armée de midi 15. Le capitaine était chargé de demander au commandant du 7° régiment colonial dans quelles conditions il estimait que l’appui du canon pourrait encore lui être utile.

Le capitaine Berthier ne rejoindra le colonel Mazillier que vers 16 heures, à la lisière de la forêt de Merlanvaux, où nous avons vu le 7° se rallier et le colonel juger l’appui du canon désormais inutile pour lui.

Le colonel Lenfant n’avait heureusement pas attendu le retour du capitaine Berthier, pour prendre la décision nécessitée par les circonstances. La déroute de l’infanterie devant l’écrasante supériorité de l’ennemi et la menace d’encerclement se révélait irrémédiable. Dès 15 h.30, il donna l’ordre à son régiment de battre en retraite vers la forêt de Merlanvaux, et bien que déjà sous les balles, les 3 groupes purent se dégager sans grand dommage.

Le mouvement s’effectua en ordre : le groupe Amman (2°) en tête, le groupe Petit (3°) le suivant et le groupe Peltier (4°) en queue. A 16 heures, les 9 batteries étaient à l’abri sous le couvert.

Le régiment ne resta pas là. La lisière, entièrement occupée par l’infanterie, n’offrait aucune position favorable pour une mise en batterie. En outre le Docteur Maupetit prévint le colonel Lenfant que la forêt de Merlanvaux était déjà infestée de chasseurs saxons, et voyant son inutilité, le colonel décida de se replier sur La Soye.

Il ne restera même pas à La Soye et désireux de remettre au plus vite son régiment en état de combattre, il continuera sa route sur Breux, pour aller chercher au parc d’artillerie les 14 caissons et les chevaux qui lui manquaient. Il y arrivera dans la nuit. "

Les pertes:

Au 3°RACC :10 tués, blessés, disparus ou capturés dont 1 officier

( pour mémoire, le 2°RACC a eu : 1300 tués, blessés, disparus ou capturés dont 32 officiers et 931 sous-officiers et canonniers prisonniers, parmi lesquels figurent de nombreux blessés).
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Combat de Rossignol

Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 13:39:44

Sur le plan historique la bataille de Rossignol a été l'un des grands désastres de la bataille des frontières. Pendant la journée du 22 août 1914 la 3° division d'infanterie coloniale française, un corps d'élite entre tous constitué en majorité d'engagés volontaires qui ont déjà vu le feu, fut entourée et anéantie.

La 3°division à qui on avait assigné une zone de pénétration étroite, s'était engagée en colonne de route au-delà du principal affluent de droite de la Meuse, la Semoy, en empruntant une chaussée unique, bordée de prairies marécageuses, dans lesquelles aucun déploiement n'était possible et cela, avant d'aborder la forêt de Neufchâteau aussi impénétrable que toutes les forêts de cette région.
Placée dans d'aussi mauvaises conditions, partout sans liaison, et prise à partie par deux divisions allemandes, la 3° D.I.C. n'avait aucune chance de vaincre.

Sous le commandement du Général Raffenel, la 3° D.I.C. était constituée :
- De la 1ère Brigade d'Infanterie du Général Montignault, formée des 1° et 2°R.I.C.(6800 h.) ;
- De la 3ème Brigade d'Infanterie du Général Rondony, formée des 3° et 7° R.I.C. (6800 h.);
- D'un régiment d'artillerie divisionnaire : le 2° R.A.C.(36 canons)

Le 22 août, combattent avec la Division :
- Le 3° Régiment de Chasseurs d'Afrique (600 cavaliers);
- Le 6° Escadron du 6ème Dragons ;
- Une compagnie du Génie.

La 3° D.I.C. et les unités des autres armes qui l'accompagnent font partie du Corps d'Armée Colonial, placé sous les ordres du Général Lefèvre. La 2° D.I.C en réserve de la IV°armée commandée par le général de Langle de Cary et la 5ème Brigade Coloniale, non endivisionnée, sont les autres grandes unités du Corps d'armée colonial, dont le 3ème R.A.C. constitue l'artillerie de corps. Au total, le Corps colonial dispose de 20.000 hommes, 5000 chevaux, 700 véhicules, 84 canons.
La 3° D. I. C. pendant les durs combats du 22 août se heurte aux XI° et XII° Divisions d'Infanterie du VI° Corps Silésien.

Le 3° Régiment d'Artillerie de Campagne Colonial le 22 août 1914

A la mobilisation, le corps d’armée colonial comptait 3 divisions or le corps d’armée n’est pas au complet sur le front en août 1914 : La 1ère division est réduite à la brigade Goullet (la 5°) car la 2° brigade a été laissée sur la frontière avec l’Italie.

Le 22 août :

- La 5°brigade marche à gauche du dispositif du CAC .

- La 2°division du général Leblois, en réserve d’Armée, est au complet et le 1°RAC est affecté à cette division. Elle marche derrière la 5° brigade.

- La 3°division , celle du général Raffanel, marche à droite du dispositif du CAC. Le 2° RAC appartient à cette division. L’objectif pour la 5°brigade comme pour la 3°division est Neuchâteau.

- Le 3°RAC est le régiment d’artillerie de corps d’armée.

Le 22 août, pendant que l’avant garde de la 3°division (1°brigade) était prise à parti depuis 8h30 par des tirs d’armes automatiques Allemandes, à 1500 mètres environ au nord de Rossignol, deux autres combats distincts de celui de Rossignol étaient livrés dans l’après midi au sud de la Semoy par les 3° et 7° régiments de la 3°division.

Intéressons nous à l’action du 3ème RAC, le 22 août 1914:
D'après le colonel A.Grasset dans :La Guerre en Action, surprise d'une division, Rossignol-Saint-Vincent, 22 août 1914; Editions Berger-Levrault, Paris 1932

"A Saint-Vincent, où le général commandant le corps d’armée colonial est arrivé vers midi, aucun renseignement ne parvient à son P.C. De l ‘aventure extraordinaire dans laquelle son corps d’armée se trouve jeté, les éléments d’appréciation qu’il possède ne lui permettent pas de saisir toute la tragique gravité. Lancé dans une offensive, tête baissée, contre un ennemi que tout le monde s’obstinait, jusqu’à ce matin, à déclarer fort éloigné vers le nord et en flagrant délit de manœuvre, il est conduit à cette conclusion : tandis qu’on l’attaquait du sud au nord, l’ennemi a pris l’offensive de son côté, du nord au sud. Une de ses colonnes retarde, dans la forêt, l’avant –garde de la 3° division coloniale, et une attaque violente se déclenche, à l’est, sur Bellefontaine, où le 2° corps a été devancé.

Et dès lors, la tâche a remplir par le corps colonial lui paraît être celle-ci : faire face à l’est et laissant le moins de monde possible, pour maintenir l’ennemi dans la forêt, tomber avec toutes les forces disponibles dans le flanc de l’ennemi qui attaque Bellefontaine.

A midi 15, l’ordre suivant est donc adressé à la 3° division, à l’artillerie de corps et au 7° régiment, dont le général a conservé la disposition :

C.A.Lefèvre.

Saint-Vincent, midi 15.

I - L’ennemi attaque le 2° C.A. sur notre droite, dans la direction de Bellefontaine et au sud. Bellefontaine est tenue par le 2° C.A.

Il importe, en conséquence, de faire front vers l’est, prêt à se porter à l’attaque, si l’ordre en donné, dans les directions du nord-est ou de l’est, en se gardant seulement vers le nord.

La 3° D.I.C. tiendra le front : bois de Chenet, Orsainfaing, bois à l’ouest d’Harinsart.
Un groupement sous les ordres du colonel Mazilliers et comprenant son régiment ( le 7ième RIC) et deux groupes d’artillerie de corps, tiendra le front : hauteur à 1 kilomètre est de Mesnil- Breuvanne – Château de Villemont, cherchant à se relier avec le 2° C.A. sur Bellefontaine.
Le dernier groupe d’A.C. se portera sur Jamoigne.

II – Le P.C. sera installé à Jamoigne, où les comptes rendus de situation lui seront envoyés le plus tôt possible.

P.O. : le lieutenant- colonel, chef d’état- major,

Aubert.

Aussitôt après avoir reçu du général Lefèvre , l’ordre de rechercher et de contrebattre l’artillerie ennemie, le colonel Lenfant commandant le 3° RAC a appelé à lui son lieutenant-colonel et ses trois chefs de groupe et leur a réparti les reconnaissances :

Au lieutenant-colonel Jaquet et au commandant Peltier, la partie nord de la croupe 381-392. Lui – même se réserve avec les commandants Amman et Petit, la partie sud de cette croupe, de 392 à 395, à l’est de Saint-Vincent.

Les reconnaissances sont difficiles, car l’ennemi est vigilant et tire sans compter sur tout ce qu’il voit ; or on ne sait pas où il est. Le groupe Peltier ne peut pas songer, dans ces conditions, à s’installer sur la croupe dénudée 381-392 et il doit se contenter provisoirement de prendre une position d’attente le long du chemin de terre qui va vers Fresnois, par la lisière du bois allongé, que la crête 381-392 couvre à l’Est.

Quelques minutes plus tard, le tir de l’ennemi paraissant se ralentir, les batteries de Trocmé (5°) et Grosnier (6°) réussissent à se mettre en batterie sur la crête, immédiatement à l’ouest de la crête 392 ; mais la batterie Minault (23°) ne trouvant pas la place nécessaire pour son déploiement, doit rester dans le chemin creux, avec les échelons du groupe.

Le groupe Peltier (4°), ramené à la sortie sud de Saint-Vincent, a fini par trouver une position de batterie derrière le petit bois du mamelon 395, à l’ouest du village. Réussira t-il à s’y employer utilement ? Cela n’est pas certain, car de nombreux boqueteaux masquent la vue du côté de Tintigny et c’est justement de ce côté que l’on entend maintenant le bruit d’un combat très vif. En revanche, ce groupe va disposer d’un champ de tir assez étendu dans les directions de Breuvanne et Orsainfaing.

Le groupe Amman (2°) a trouvé à se mettre en batterie. Derrière une petite croupe, au nord de la route Tintigny –Jamoigne, à l’ouest de la borne B. 34, près du carrefour du chemin de Saint-Vincent. C’est le capitaine Baudoin, commandant la 3° batterie, qui a découvert cet emplacement, d’où l’on a des vues étendues vers l’est et en particulier sur le mamelon 343, à l'ouest d'Ansart : un point suspect.

Tellement suspect que la batterie Baudoin juge opportun d’ouvrir le feu sur cet objectif, qu’elle ne tarde pas à encadrer dans une fourchette serrée. Les batteries Tresmontant (4°) et Cartron (22°) viennent successivement se mettre en batterie près de la batterie Baudoin, prêtes à intervenir. Mais leur intervention semble inutile, car, après un tir progressif de la batterie Baudoin, au cours duquel le mamelon 343 apparaît couronné d’une épaisse poussière, le feu de l’artillerie ennemie cesse subitement. Le résultat cherché aurait-il été atteint, de ce côté ?

La chance favorise moins le groupe Petit (3°). Les batteries Grosnier (6°) et Trocmé (5°) se sont –elles trop montrées sur leur crête, orientée sensiblement est- ouest ? On ne sait, mais elles n’étaient pas en position depuis dix minutes, que des salves courtes et longues d’obus fusants , venant du nord et fort bien dirigées, encadraient la crête et étaient suivies de nombreuses rafales. Les batteries souffrirent peu, car le tir demeura un peu long, mais la 23° batterie et les échelons du groupe, qui étaient dans le chemin creux, en arrière furent fort éprouvés. Le maréchal des logis chef Ruffé fut tué ; le lieutenant Gaudrot, plusieurs hommes et de nombreux chevaux furent plus ou moins grièvement blessés. On eut beaucoup de peine à maintenir les chevaux affolés et à réparer le désordre causé par cette pluie de fer.

De son P.C., établi sur une légère crête, à 400m. au nord du petit bois situé immédiatement au nord de Saint –Vincent, le colonel Lenfant, laissé sans ordres et sans renseignements, cherchait encore à 11h. 30, à saisir le sens des évènements extraordinaires dont il était témoin. La fusillade violente dont le bruit arrivait jusqu’à lui, du nord et de l’est , ne lui permettait pas, en tout cas, de douter que le corps d’armée, fût aux prises avec l’ennemi, sur son front et sur son flanc droit.

Or, à ce moment, il aperçoit justement une patrouille d’infanterie allemande cherchant à se glisser vers le cimetière de Saint-Vincent et , en même temps, une rafale de balles arrive de la lisière d’un boqueteau situé à moins de 300m. à l’est du P.C. Le colonel ainsi que l’aspirant Noël qui était auprès de lui, doivent se coucher, pour éviter la mort, car les tireurs ennemis ajustaient visiblement leurs coups…

Donc, la gauche de l’artillerie était menacée et l’ennemi cherchait à tourner par le nord la ligne des batteries… Heureusement, le 7° régiment colonial arrivait. Il était signalé dans un ravin au sud de Saint-Vincent, s’orientant vers Bellefontaine.

Le colonel envoie l’aspirant Testot-Ferry au colonel Mazillier pour lui dire que l’artillerie est en batterie, isolée et sans aucun soutien ; que de l’infanterie ennemie occupe déjà les abords du cimetière de Saint-Vincent et menace de tourner par le nord la ligne des batteries…

Lui-même quitte en rampant son dangereux P.C. et se met en devoir d’en aller chercher un autre. En même temps il prescrit au groupe Amman (2°), le plus directement menacé, de se replier sur la corne nord du grand bois allongé, à l’ouest de Saint-Vincent, où il compte avoir encore des vues vers le nord –est.

Après ses ordres donnés, le général Lefèvre part pour Jamoigne, où il sera à portée de la division Leblois, qui vient d’y arriver (la 2° division de son corps d’armée dont il a demandé à l’armée de lui rendre la disposition).

En route, il est renseigné mieux qu’il ne l’avait été jusqu’ici ; par qui ? comment ? Nous ne le savons pas… peut être simplement par des blessés ou par des éléments débandés… Quoi qu’il en soit, arrivé à Jamoigne à 13h. 30, il se rend un compte plus exact de la situation.

Du reste ici, les communications avec la 3° division et la 5° brigade et avec le 12° corps, sont tout aussi précaires qu’à Saint-Vincent. Les Allemands ont visité ces localités, y ont enlevé des otages et détruit télégraphe et téléphone.

Pourtant, un agent de liaison de la 4° division, laquelle se bat à Bellefontaine, porte quelques indications précises. Le 2° corps serait dans l’impossibilité de dépasser Bellefontaine car il serait attaqué sur son flanc droit par des forces considérables. Il demande que le corps colonial l’appuie en attaquant le flanc droit de l’ennemi.

Le général Leblois, commandant la 2° division coloniale est là. Verbalement, il confirme son compte rendu écrit de midi 15, où il disait la situation de sa division. Le 22° régiment colonial est arrivé à Jamoigne. Il a envoyé un bataillon aux Bulles, pour s’assurer le passage de la Semoy. L’artillerie divisionnaire serre sur Jamoigne. La 4° brigade, qui est sur la grand’ route, s’arrêtera entre Jamoigne et Pin.

Le commandant du corps d’armée explique au général Leblois le sens du canon que l’on entend vers l’Est depuis 11h 30. Mais il ne peut pas faire davantage, aucun ordre de l’armée ne l’autorisant encore à disposer de sa 2° division.

Pourtant les circonstances paraissent urgentes, le général Lefèvre adresse à Stenay ce nouveau compte rendu, plus explicite et plus pressant que le premier :

Jamoigne, 22 août , 14 heures,

La 3° D.I.C., en marche sur Rossignol, a été attaquée violemment sur flanc droit et lisière des bois au nord, à partir de 7 heures.

Ai été obligé la renforcer à Saint-Vincent par régiment de cette même D.I.C . conservé à ma disposition et par A.C.

2° C.A., qui paraît en échelon en arrière, a été attaqué aussi fortement à Bellefontaine , qu’il a perdu et repris.

5° brigade progresse dans nord.

2° C.A. me demande prononcer contre-attaque, pour dégager son front.

Demande pouvoir disposer, si nécessaire, 2° D.I.C.

P.C. : Jamoigne.

P.O. : Chef d’Etat-Major,

Puypéroux.

Ce sera seulement vers 17 heures, par un agent de liaison du 12° corps, dont le P.C. est à Florenville, que le général Lefèvre recevra l’autorisation, demandée depuis le matin, de disposer de sa 2° division. A ce moment , les circonstances auront décidé du sort de la journée.

Le 3° régiment d’artillerie.

La nature boisée de cette région avait rendu impossible pendant toute l’après –midi, l’action de l’artillerie. Même, non seulement le 3° régiment d’artillerie n’avait pas appuyé l’infanterie, mais aussi, au cours de cette journée, ses canons s’étaient trouvés plusieurs fois en grand danger.

A midi, en particulier, sa situation était précaire. A ce moment le groupe Amman (2°), replié sur la lisière nord du bois allongé, au nord-ouest du mamelon 381, avait subi des pertes sérieuses ; surtout celles d’une centaine de chevaux, perte qui le paralysait et l’avait obligé à abandonner 14 caissons sur sa première position. Il resta donc dans ce bois, essayant de s’y reconstituer, inutilisable surtout et ne sachant pas comment il en sortirait. En effet, les lisières nord, est et sud-est, battues par des feux de mitrailleuses, étaient inabordables et déjà la seule issue possible semblait être vers le sud, encore à la condition de traverser dans toute sa longueur de près de 2 kilomètres, un couvert très fourré et fort mal percé.

Le groupe Petit (3°), derrière le mamelon 392, à l’abri du boqueteau de la Croix, immédiatement au nord de Saint-Vincent, était mieux partagé. Il se trouvait là, à l’abri des feux d’artillerie venant de Termes et aussi de l’infanterie ennemie que l’arrivée du 7° régiment avait provisoirement écartée . Même, la compagnie Dasque (4°) du 7° régiment, spécialement chargée de protéger les canons, avait pris position, un moment, dans le boqueteau de la Croix. Ce groupe, ainsi gardé était donc en situation de surveiller la région de Mesnil –Breuvanne, mais mal orienté sur la marche du combat, il ne pouvait malheureusement faire de son feu qu’un usage très circonspect.

Le groupe Peltier (4°) était au sud de Saint-Vincent sans directives, et attendant lui aussi une occasion de s’employer.

Vers midi 30, un ordre du général Gautheron, commandant l’artillerie de corps, arrivait, porté par le lieutenant Petit. Le colonel Lenfant ne put être trouvé et c’est le capitaine Berthier, son adjoint, qui reçut cet ordre.

Il s’agissait d’opérer un changement de front vers l’est ; de mettre deux groupes à la disposition du colonel Mazillier, commandant le 7) régiment colonial et de porter sur Jamoigne le denier groupe de l’artillerie de corps.

Conséquence évidente de l’ordre que nous avons vu le général commandant le corps d’armée donner à 12 h.15. Cet ordre à l’artillerie ne portait aucune indication d’heure.

En l’absence du colonel, le capitaine Berthier s’empressa de le transmettre directement aux groupes Petit (3°) et Peltier (4°), qui se placèrent tous les deux face à l’est, de manière à appuyer le 7° colonial.

Quant au colonel Lenfant, il n’eut connaissance de l’ordre reçu que vers 15 heures, au moment où, avec le groupe Amman ( 2°) auprès duquel il était resté, il débouchait de la lisière sud du bois ouest de Saint- Vincent.

A ce moment, la situation de l’artillerie était difficile. Partout, l’infanterie se repliait. Même la compagnie Dasque (4°), soutien d’artillerie avait dû abandonner le boqueteau de La Croix, au nord de Saint –Vincent et se replier sur la lisière du grand bois, à l’ouest de la localité.

Le groupe Petit (3°), ainsi découvert, traversé par des groupes de fantassins refluant et en butte à des balles d’infanterie, dut se replier, lui aussi, vers la corne sud de ce bois. Il laissa cependant en position, au nord- ouest de Saint- Vincent , la batterie Trocmé, pour faciliter le dégagement de l’infanterie, même au prix de la perte des canons.

Quant au groupe Peltier (4°), il ne trouvait pas à s’employer, faute de vues, mais en revanche, placé trop près des bois, il sentait l’infanterie allemande s’infiltrer et chercher à l’envelopper.

Arrivé à la lisière de son bois, avec le groupe Amman, le colonel Lenfant a aperçu la batterie Trocmé, en position et sa première idée a été de conduire le 2° groupe auprès d’elle. Mais la certitude que le mouvement de repli du 7° colonial se généralisait, l’a fait tout de suite y renoncer. C’est alors qu’il a envoyé au colonel Mazillier le capitaine Berthier, qui venait de lui communiquer l’ordre du corps d’armée de midi 15. Le capitaine était chargé de demander au commandant du 7° régiment colonial dans quelles conditions il estimait que l’appui du canon pourrait encore lui être utile.

Le capitaine Berthier ne rejoindra le colonel Mazillier que vers 16 heures, à la lisière de la forêt de Merlanvaux, où nous avons vu le 7° se rallier et le colonel juger l’appui du canon désormais inutile pour lui.

Le colonel Lenfant n’avait heureusement pas attendu le retour du capitaine Berthier, pour prendre la décision nécessitée par les circonstances. La déroute de l’infanterie devant l’écrasante supériorité de l’ennemi et la menace d’encerclement se révélait irrémédiable. Dès 15 h.30, il donna l’ordre à son régiment de battre en retraite vers la forêt de Merlanvaux, et bien que déjà sous les balles, les 3 groupes purent se dégager sans grand dommage.

Le mouvement s’effectua en ordre : le groupe Amman (2°) en tête, le groupe Petit (3°) le suivant et le groupe Peltier (4°) en queue. A 16 heures, les 9 batteries étaient à l’abri sous le couvert.

Le régiment ne resta pas là. La lisière, entièrement occupée par l’infanterie, n’offrait aucune position favorable pour une mise en batterie. En outre le Docteur Maupetit prévint le colonel Lenfant que la forêt de Merlanvaux était déjà infestée de chasseurs saxons, et voyant son inutilité, le colonel décida de se replier sur La Soye.

Il ne restera même pas à La Soye et désireux de remettre au plus vite son régiment en état de combattre, il continuera sa route sur Breux, pour aller chercher au parc d’artillerie les 14 caissons et les chevaux qui lui manquaient. Il y arrivera dans la nuit. "

Les pertes:

Au 3°RACC :10 tués, blessés, disparus ou capturés dont 1 officier

( pour mémoire, le 2°RACC a eu : 1300 tués, blessés, disparus ou capturés dont 32 officiers et 931 sous-officiers et canonniers prisonniers, parmi lesquels figurent de nombreux blessés).
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Les raisons du désastre !

Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 13:44:58

Les raisons du désastre
par le général de Langle de Cary
Payot, Paris–1935

"29 septembre 1914:
Je jette un coup d’œil en arrière sur ce qui s’est passé depuis le 4 août. Que d’enseignements à tirer de ces huit semaines de guerre !

Nos échecs du début semblent dus en premier lieu à un plan d’opérations défectueux : l’attaque par les deux ailes à la fois, en Lorraine et en Belgique. Ce procédé qui est l’application de la doctrine allemande de Schlieffen n’est réalisable que si on possède une grande supériorité numérique. Or nous ne l’avions pas. Notre infériorité à cet égard était même beaucoup plus forte que nous le pensions. Les Allemands ont pu dédoubler sans les affaiblir la presque totalité de leurs corps d’armées ; et ils nous ont attaqué avec 34 corps actifs ou de réserve. Quatre corps actifs seulement ont été laissés sur la frontière russe.

Notre attaque de Lorraine s’est heurtée à des organisations défensives puissantes préparées dès le temps de paix à quelques lieues de la frontière : de la nos défaites de Morhange et des Vosges. La valeur de nos chefs, le courage de nos troupes les ont réparées et ont brisé la contre offensive de l’ennemi qui cherchait à débotder notre aile droite. Mais à quel prix ! Nous pouvions l’arrêter et l’immobiliser en Lorraine, en restant là sur une défensive active et vigilante pendant que nous attaquions en Belgique . Combien le résultat que nous avons obtenu après les défaites de Morhange et des Vosges eût été plus facile et moins coûteux avec des troupes intactes ! Alors, pour l’ennemi, c’était probablement le défaite et le recul définitif au lieu de l’arrêt. D’ailleurs l’offensive de Lorraine ne pouvait nous mener à rien de décisif, avec Metz et Strasbourg sur nos flancs et un terrain d’action resserré entre les Vosges et la région des Etangs d’une part, entre celle-ci et le camp retranché de Metz d’autre part.

Le plan d’opérations est l’œuvre entière du général Joffre et de son Etat-Major. Il n’a pas été soumis à l’examen et l’appréciation du conseil supérieur de la guerre. La plupart des Commandants d’Armée, moi entre autres, nous ne connaissions que la zone de concentration de nos armées ; nous ne savions rien des intentions du général en chef. C’est sa méthode d’agir avec le seul concours de son entourage intime, sans consulter ses commandants d’armée, sans même les mettre au courant, autrement que par les instructions et les ordres qu’il leur envoie. Je ne critique pas, mais je crois préférable la méthode qui est fondée sur la collaboration et la confiance. Elle ne diminue en rien l’autorité du chef suprême auquel seul, appartient la décision.

L’offensive en Belgique a échoué pour d’autres motifs que celle de Lorraine. Là, nous nous sommes trouvés en présence d’une supériorité numérique notable, qui a permis aux Allemands leur grand mouvement enveloppant par la Belgique jusqu’à la mer.

Nous pouvions , il est vrai, percer en son milieu l’énorme arc de cercle formé par leurs armées de droite et du centre. Mais pour réussit cette offensive, deux conditions étaient nécessaires : la priorité de l’attaque et un terrain propice.

La priorité de l’attaque, nous ne l’avions pas eue du côté de notre V° armée (Général Lanrezac) ni du côté de l’armée anglaise qui ne s’est pas trouvée prête à entrer en ligne à la date espérée, et c’est l’ennemi qui nous a attaqué (Charleroi).

De mon côté et du côté de la III° armée ( du mien surtout) nous avons été lancés à l’offensive dans un terrain d’une difficulté inouïe : la forêt des Ardennes, véritable coupe-gorge, traversée par la Semoy qui formait barrage devant nous. L’ennemi était installé dans la forêt depuis plusieurs jours et à l’abri de ce masque il avait préparé une organisation défensive à laquelle se sont heurtés plusieurs de nos corps d’armée, le 17° notamment. Ce n’était pas un terrain d’attaque, surtout pour une armée. Aborder l’ennemi avec un pareil masque devant soi, s’était s’exposer aux plus graves mécomptes, malgré la valeur des troupes. Il eût fallu au moins sonder cette forêt en premier lieu ; mais le Général en Chef m’avait interdit d’y envoyer autre chose que de la Cavalerie. Il voulait en effet attaquer par surprise, et j’ai du m’incliner. La surprise a été pour nos troupes qui ont trouvé dans la forêt du fils de fer et des mitrailleuses habilement dissimulées. Ceci n’excuse pas les fautes commises de notre côté. Ainsi le 17° corps a été engagé en pleine forêt sans que les précautions les plus élémentaires aient été prises. Le corps colonial dont les excellents régiments n’étaient pas suffisamment rompus aux nécessités de la guerre continentale, surtout en face de l’armée allemande, s’est portée de l’avant avec un entrain magnifique, mais une imprudence absolue. Incomplètement protégée à sa droite par le 2° Corps , qui était en retard et qui, d’ailleurs, devait marcher en échelon refusé, il n’a pas su utiliser les renseignements fournis par les habitants, ni se faire couvrir par le régiment de cavalerie qui lui était affecté : de là une surprise terrible qui malgré le dévouement héroïque des officiers et le courage de la troupe, a causé la perte de près des deux tiers de la 3° Division Coloniale".
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 13:54:46

"On organisa encore une charge de volontaires à laquelle je me joignis car le drapeau était en tête et nous avions le culte du drapeau. De plus, la peur commençait à faire place à l'énervement. Cette charge ne pût arriver à aucun résultat, car nous nous faisions massacrer inutilement. Nous reculâmes de nouveau sous la protection de nos mitrailleuses et nous nous organisâmes défensivement en attendant des renforts problématiques. Ce recul fut une vraie débandade où tout le monde se sauvait en désordre ; les allemands en profitèrent pour nous talonner.

Notre drapeau et sa garde se trouvant en arrière, tombèrent sous le feu de l'ennemi et faillirent être pris ; un clairon nous prévint heureusement. Ce fût alors un moment inoubliable : tous ces fuyards à la sonnerie "Au drapeau" firent demi-tour et vinrent instinctivement se grouper pour sauver le drapeau en danger. Ce fut poignant de voir ces hommes sans volonté quelques instants auparavant, électrisés tout à coup par les accents des clairons qui sonnaient de toutes parts, et se ruer en un bloc compact sur l'ennemi qui croyait tenir un trophée. Nous réussîmes à le ramener et cette scène redonna un peu de volonté à ceux qui s'étaient laissés trop attiédir."

Récit d'Albert Jugnon, soldat du 1er colonial
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Re: 22 août 1914 : le jour le plus sanglant !

Message par BRH » Vendredi 22 Août 2014 15:51:46

N'oublions pas non plus le sort terrible des 117 martyrs belges :

http://www.1914-1918.be/rossignol.php
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la suite...

Message par BRH » Lundi 25 Août 2014 22:34:08

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