A propos de la Voie Sacrée

1ère guerre mondiale et ses conséquences, jusqu'à la Grande Crise.

A propos de la Voie Sacrée

Message par BRH » Mardi 27 Mai 2014 16:06:03

Source : ANOST Bulletin spécial du centenaire Revue Train/transport (juillet 1967)



Face au mémorial du Train érigé sur le plateau de MOULIN- BRULE, dominant la Voie Sacrée et la route de PARIS, une vaste tribune avait été dressée pour accueillir les personnalités parmi lesquelles se trouvaient : MM. PAOLINI, préfet de la Meuse, représentant le ministre des Anciens Combattants ; le général DUBOIS, inspecteur du Train représentant le ministre des Armées ; le général PATS, représentant le ministre de l’Équipement et des Transports ; le colonel JONES, représentant l’armée américaine ; Messieurs BIENAIME, maire de NIXEVILLE ; KRIEGER, sous- préfet de VERDUN ; BEAUGUITTE, député-maire, les sénateurs BROUSSE et SCHLEITER ; le colonel JOLLY, conseiller général du canton de SOUILLY, plusieurs conseillers généraux meusiens ; Messieurs DUTERTE, député du Nord, DAMBEZA, chef de la Mission Centrale de liaison ; le général de corps d’armée LORENCHET de MONTJAMONT, ancien inspecteur du Train, les généraux ROUMANET ancien de la VOI SACREE, BRUCH RENVOYER, SALAUN, VILLENEUVE, MARCAJOUS, DUNAS, NOEL, ELGHOZI, GAMET ; le colonel YOUNG, représentant l’Américan Field Service ; Miss DAHLGREN, présidente des Amis de la France, Monsieur ALBINET, président de l’A.O.C.S.A. ; le médecin-général MARCHAND, Messieurs GIRARDET, procureur de la République ; POUMEROL et TARBAT, ingénieurs des Ponts et Chaussées ; des présidents et représentants des associations patriotiques locales, etc … Les troupes étaient aux ordres du colonel commandant le C.I.T. 156 et comprenaient la musique du 151 e de METZ, un détachement en armes du C.I.T. 156, une délégation de la Division d’Application de l’E.A.T. de TOURS, les fanions des 60 unités du Train.

A 09.45 h, l’étendard du Train et sa garde vinrent se placer devant le monument, tandis que les troupes rendaient les honneurs. Les autorités, parmi lesquelles le préfet de la Meuse, le général DUBOIS, inspecteur du Train, le général BOUCAUD, président de la Fédération Nationale du Train, le général ANDRE, commandant la 61e Division Militaire, le général PATS, le Préfet BONNAUD- DELAMARRE, les parlementaires meusiens qui s’étaient regroupés à la sous-préfecture de VERDUN, furent reçues sur le territoire de NIXEVILLE par le colonel JOLLY, conseiller général, maire de SOUILLY, et M. BIEN-AIME, maire de NIXEVILLE. Elles s’inclinèrent, ensuite, devant l’étendard, tandis que la musique jouait "La Marseillaise".

Le général DUBOIS passa les troupes en revue, aux accents de la marche consulaire, salua les commandants des unités du Train, les fanions et délégations d’officiers et sous-officiers. Tour à tour, MM. Gilbert LEVY, pour le culte israélite, GASCOIN, conseiller presbytéral, pour le culte protestant, et le Père HAMO NIAUX, pour le culte catholique, récitèrent des prières à l’inten- tion des soldats morts pour la FRANCE.

Les personnalités dont nous avons donné les noms plus haut, furent conviées à dévoiler le mémorial. C’est M. PAOLINI qui coupa le ruban tricolore libérant ainsi le voile blanc qui masquait le monument, oeuvre de l’architecte SCHMITT, de TOUL et du sculpteur BARROIS, de COMMERCY. Un lâcher de pigeons marqua cet instant solennel.

Prenant la parole, le général BOUCAUD, MM. André BEAUGUITTE et PAOLINI, évoquèrent tour à tour ce que fut la "Voie Sacrée" et rendirent un commun hommage à tous ceux qui l’ont parcourue.

Un banquet de 250 couverts réunissait ensuite dans la salle des fêtes de l’Hôtel Bellevue, les personnalités et les anciens du souhaitons que le mémorial soit ce catalyseur. C’est pourquoi, nous, les militaires d’active, nous avons voulu associer à la cérémonie les Hommes du rang, les Officiers et les Sous-Officiers.

Les assistants doivent être des messagers si nous voulons que le but poursuivi soit atteint. C’est pourquoi également nous avons voulu que, outre les chauffeurs du Train, soit présente, en entier sous les armes, la division d’application de l’École d’Application du Train ; somme toute cette division a été aujourd’hui présentée à ses anciens. A ces jeunes Officiers qui vont servir à peu près pendant un tiers de siècle, de ne jamais oublier le jour où ils ont rendu les honneurs à un monument de pierre de LORRAINE d’où s’élève une flèche de courage, d’obstination, de persévérance et de bravoure".

LES DISCOURS.

Lors de l’inauguration, le général de division (CR) BOUCAUD, Président de la Fédération Nationale du TRAIN s’était exprimé dans les termes suivants :

"Le 21 février 1916, au Quartier Général de la Région Forti fiée de Verdun, le général HERR lance l’Ordre N° I S suivant : "La route de BAR-LE-DUC à VERDUN par RUMONT et ERIZE est interdite, de la manière la plus absolue, à tout convoi à chevaux ou à toute voiture isolée hippomobile.

Toutes les voitures automobiles s’engageant sur cette route devront se conformer aux consignes qui leur seront données par le Service de Surveillance.

Toute troupe en colonne de voitures, engagée sur cette route au moment de la mise en vigueur du présent ordre, devra l’avoir complètement dégagée le plus rapidement possible.

Cet ordre est exécutable dans les trois heures".La route est en état de fonctionner le 22 février, elle trans porte dès le 23, le fameux 20e Corps.

La "route de BAR-LE-DUC à VERDUN" entre ce jour-là dans l’Histoire de la Grande Guerre. Le 25 février la bataille redouble d’intensité.

Le 26 au matin, le général PETAIN qui a reçu de JOFFRE et de CASTELNAU tous pouvoirs, prend la direction de la bataille. Il mesure les difficultés de ravitaillement du Front de VERDUN en hommes, en vivres, en munitions et en matériel, sur cet "isthme étroit" que constitue le chemin de fer à voie métrique appelé "Petit Meusien" et l’ancienne "Route Royale" étroite et tortueuse, longue de 75 km et large de 7m qui relie BAR-LE-DUC à VERDUN.

Il ordonne que soient organisés :
Le Service Automobile,
La Réglementation de la Circulation.
Le Service Routier.

Le chef d’escadron. breveté GIRARD et le capitaine breveté DOUMENC seront les incomparables artisans de cette difficile organisation qui marquera la naissance d’une Arme nouvelle dans la main du Commandement, "celle des Mouvements et Transports". Elle connaîtra, par la suite, un extraordinaire développement. Le capitaine DOUMENC devait devenir général d’armée, Major Général des Armées en 1939.

Et nous voici, aujourd’hui, au "Moulin Brûlé", au terme de l’Étape, sur le territoire de la commune de NIXEVILLE qui avec RUMONT, CHAUMONT, ERIZE, SOUILLY, jalonnent cette modeste route de France "nullement prévue pour un tel honneur, ni pour un tel travail" et que Maurice BARRÈS devait appeler "VOIE SACRÉE".

C’est sur ce maigre fuseau, que les 65 divisions engagées successivement sur le front de VERDUN, allaient se mettre à tourner, sans arrêt, pendant sept mois :

sur le "Petit Meusien" vingt trains par jour.
sur la "Route" neuf mille véhicules, puis onze mille en juin pour permettre, de jour et de nuit, et souvent sous les bombardements, six mille passages de camions par 24 heures, en un même point de la Route : un camion toutes les 14 secondes.

C’était la "Noria" de Verdun !

Les chauffeurs restent parfois quarante et même cinquante heures au volant de leur véhicule pour assurer le support de la plus grande et de la plus meurtrière bataille de notre Histoire

2 400000 hommes de relève et de renfort.

Plus d’un million de tonnes de vivres, de munitions et de matériel.

Évacuation des blessés innombrables, par les sections sanitaires françaises et américaines.

10000 tonnes jours de cailloux et de sable déversées par les tombereaux hippomobiles pour permettre à treize bataillons de pionniers armés de pelles et de pioches, de maintenir "coûte que coûte" la "Vieille Route" en état de supporter le passage des colonnes, sans interruption ni retard.

A VERDUN, la "Voie Sacrée" a pour la première fois dans l’Histoire administré la preuve que les Services de Transports routiers et ferroviaires étaient l’un des éléments décisifs de la bataille.

28 ans plus tard, (le 24 mai 1944) pendant la rude Campagne d’Italie, le général d’armée JUIN devait écrire :

"La bonne exécution des mouvements et transports est devenue la condition indispensable du succès de la manoeuvre". Sur le plan humain, la leçon de VERDUN et de la Voie Sacrée reste grande.

Le dévouement, l’initiative, l’extraordinaire endurance, le mépris du danger, dont firent preuve ces hommes de la Voie Sacrée, héros obscurs et souvent méconnus, ont permis la résistance efficace, puis la Victoire des "Poilus" de la 1" ligne.

Dans un des ses livres, un écrivain américain, Monsieur Franck HOYT GAILOR s’exprime en ces termes sur la "Voie Sacrée" .

"Le tableau de l’attaque de Verdun qui restera toujours gravé dans ma mémoire est celui de la Grande Route, au nord de BAR-LE-DUC, couverte de neige et de glace, constamment remplie de deux colonnes de camions, les uns allant vers le Nord, les autres vers le sud et ils se balançaient, avec une démarche titubante comparable à celle des jeunes éléphants. On avait l’impression d’une remarquable organisation, mais qui dépendait de l’initiative de chacun de ses membres et était basée sur elle.

Pendant combien d’heures, la nuit, j’ai regardé les lumières pâles de tous ces camions se déroulant comme des replis de quelque gigantesque et lumineux serpent, qui jamais ne s’arrêtait et ne finissait jamais".

Un jeune chauffeur, enrôlé avec sa Ford pour servir la France sous la bannière de "l’Américan Field Service", dont il me plaît de saluer aujourd’hui, avec une émotion particulière, les nobles représentants en ces jours anniversaires du Cinquantenaire de l’arrivée des troupes américaines en France en 1917, a écrit ses impressions. Écoutons-les Messieurs, car elles sont émouvantes :

"Nous avons tous senti, dit ce jeune volontaire, que l’avantage de notre position consistait en ceci : que nous nous sommes mêlés aux soldats, en vivant à peu près sur un pied d’égalité avec eux. Nous étions de simples soldats, en contact avec la vie du combattant ordinaire, dans toutes les circonstances imaginables. Nous étions avec les Poilus à l’heure de la déroute, nous étions avec eux dans l’ardeur d’une attaque victorieuse brillamment exécutée. Nous nous faufilions pour avancer le long des routes qu’ils bloquaient sur des kilomètres, nous nous glissions dans les gares de chemin de fer submergées par la marée de leurs blessés. Nous les vîmes, dans le silence et les ténèbres, très calmes dans le bruit de la bataille. Nous les retrouvâmes étendus sur la paille dans les étables mal éclairées, sanglants et silencieux mais non vaincus !".

Ce n’est pas, sans une émotion profonde que la Fédération Nationale du Train apporte aujourd’hui son hommage à ces soldats étonnants, conducteurs de camions, d’ambulances et de voitures légères, sapeurs de chemin de fer, cavaliers à pied du Service de Surveillance, pionniers et brancardiers, commis et ouvriers d’administration, postiers, braves "rouliers" du Train hippomobile dont les attelages parcouraient la route enfiles lentes et interminables de janvier à décembre 1916, notamment la route de NEUVILLE à SOUILLY.

Le Maréchal PETAIN disait en 1929 :"Il faudrait vous nommer tous, soldats de l’Avant et soldats de l’Arrière, car si je mets à l’honneur comme il se doit ceux qui tombaient aux premiers rangs de la lutte, je sais que leur courage eût été vain sans le labeur obstiné de jour et de nuit poussé jusqu’à l’extrême limite des forces de ceux qui assumaient la montée régulière des renforts, des munitions et des vivres ou l’évacuation des blessés …

Je sais que sans "les camions de la Voie Sacrée", VERDUN aurait finalement succombé ! ! !".

Oui, c’était il y a cinquante ans … Tandis que les dernières flammes brillent dans la nuit de cette Épopée, la "Voie Sacrée" continue à dessiner, sur ce terrain meurtri et glorieux, le chemin de la Victoire. Ce Mémorial revêt à nos yeux figure de symbole. Il enseignera, aux touristes et aux pèlerins de demain, par ses bas-reliefs exprimant des scènes d’une autre époque, la logistique naissante qui étonne, encore aujourd’hui les historiens de la première guerre mondiale et dont l’importancen’a cessé de croître au fur et à mesure que les moyens mis en oeuvre par les combattants de l’ère industrielle et atomique gagnaient en nombre et en puissance. Ces bas-reliefs, sculptés dans la pierre, rappellent le souvenir de ceux, qui ont oeuvré sur la Voie Sacrée comme de ceux qui l’ont parcourue avant d’entrer dans "l’enfer de VERDUN".

Il fallait Messieurs que cette vieille route de France tienne, à tout prix. Elle a tenu !

La Loi du 30 décembre 1923 en porte témoignage en la classant Route Nationale avec cette brève citation "VOIE SACRÉE". A l’heure, où les échos du Cinquantenaire de la Bataille de VERDUN s’enfoncent dans le souvenir, puisse ce Mémorial, qui rappelle les sacrifices consentis avec tant de générosité par nos anciens de la Voie Sacrée, transmettre aux générations futures, dans la paix retrouvée et dans la fraternité des hommes, les qualités toujours bien françaises de courage, d’abnégation et de persévérance dans l’effort pour résoudre les problèmes qui se poseront demain comme hier-, dans la vie des Nations.

Il revenait ensuite à M. BEAUGUITTE, député-maire de VERDUN de se livrer à une improvisation qui fut écoutée avec une très vive attention.

"C’est bien ici le lieu de faire l’éloge de cette Arme d’élite, créée par Napoléon en 1807, le "Train des Équipages Militaires". Au cours de la tourmente de 1914-1918 371 000 tonnes de matériel transporté en parcourant 1200000 km, soit 30 fois le tour du globe, tel est le miracle des renforts qui permirent de dégager Verdun, de reconquérir 25 villages et de faire 35000 prisonniers allemands.

Ceci m’autorise à dire que tous les tringlots qui ont parcouru la voie sacrée, à l’époque tragique, pour alimenter l’enfer de Verdun en effectifs, en munitions et en matériel, prirent place sans conteste dans la phalange exaltante des héros de la Grande Guerre.

Si ces enfants de la terre de notre pays se sont montrés animés d’un concept d’abnégation totale, c’est qu’ils luttaient pour sauvegarder le patrimoine de fierté humaine que des généra tions précédentes leur avaient légué. Ils étaient décidés, comme leurs camarades de première ligne, à s’opposer, avec un instinct farouche, à ce que soit interrompu le rôle libérateur de la France.

Dépositaires d’un passé de gloire, ils savaient que leurs ancêtres, les fils de la révolution, avaient combattu pour une idée. C’est "l’Idée" qui guida Jeanne d’Arc, qui inspira "La Tour d’Auvergne". C’est l’idée qui domina le soldat inconnu, symbole de tous ses camarades du front.

Ces soldats indomptables se sont refusés à ce qu’un despotisme insolent vînt dicter sa loi au monde. Engagés dans un processus d’affranchissement humain, ils s’étaient fait à eux mêmes le serment de forcer la victoire. Beaucoup sont morts dans la plénitude de cette pensée qui constituait leur but ultime.

C’est à leur mémoire que vous avez élevé ce monument de Moulin-Brûlé, d’où le regard embrasse la route triomphale, mais ce triomphe auquel le Train s’intègre, puisqu’il en a été un facteur de base, ne constitue pas une apologie de la guerre.

"Certains, a écrit Barrès, croient que l’amour de la Patrie implique la haine de ceux avec qui nous nous sommes battus. Rien n’est plus insensé".

Ici, nous partageons cette opinion.

Le temps apporte aux événements la sérénité de l’Histoire. C’est à quelques mètres du territoire de Verdun que l’on peut en trouver la démonstration éclatante.

Verdun, après avoir été au cours de la Grande Guerrel’image vivante de l’héroïsme, est devenu le symbole de l’entente entre les peuples.

Nous ne sommes plus à l’époque des nationalismes exacerbés, l’universalité est devenue un élément de portée immense.

Sur les collines qui nous entourent, voici un demi-siècle bouleversées dans un paysage de dévastation, les fïls de puissances hier ennemies peuvent se tendre désormais la main sans renoncement aux principes d’honneur et tout en restant fidèles aux conceptions de leurs aînés. Certes, nous refusons toute démission morale mais nous n’entendons pas nous figer dans les vues étroites d’un passé périmé. Nous voulons faire surgir des rangsdes hommes libres, quelle que soit leur race, les représentants les plus enthousiastes de la collectivité humaine.

Notre but est de redonner à l’Europe d’abord, au monde ensuite, le véritable sens de la fraternité. Nous espérons parvenir à regrouper les membres épars d’une famille spirituelle dans le cadre d’une Europe débarrassée de l’esprit de la violence.

Dans ce haut-lieu du sacrifice, marqué du sceau du courage, nous comprenons qu’il faut désormais franchir sans armes les frontières pour affirmer en commun la volonté d’édifier l’avenir.

L’avenir, nous voulons draper son corps fragile dans la soie des drapeaux de tous les peuples.

Ensemble, nous dénoncerons la guerre comme un des aspects les plus hideux de la force.

Quel beau jour sera celui où, rejetant la notion de conflit fratricide, les pèlerins de la réconciliation se rendront devant ce monument et se découvriront au nom d’une morale suprême.

C’est bien ce qu’on souhaité ceux qui sont tombés pour nous et ce que nous souhaitons tous.

Ici, après nous être recueillis, lançons un appel à la conscience universelle, interprètes de ceux en reconnaissance desquels se dresse ce mémorial ; demandons à ceux qui détiennent l’autorité publique, à tous les horizons de la planète, de ne plus engager les jeunes générations sur le champ des éternels conflits mais de les orienter vers la plus noble des causes, celle qui fera d’eux les défenseurs solidaires de l’humanité".

Enfin, M. PAOLINI, préfet de la MEUSE, mettait un point final aux discours en s’exprimant ainsi :

"Cette voie où nous sommes dont VALERY disait qu’elle "fut perpétuellement tassée et foulée par les troupes et les convois qui allaient et venaient entre le feu et la vie", les soldats du Train l’appelaient "le boulevard du Poilu" ou "le chemin de l’Enfer" . Ils en firent par leur vaillance le support qui permit à VERDUN de résister alors que sa précarité supposée la désignait à l’assaut résolu et optimiste de l’ennemi.

La Voie Sacrée, ce fut la victoire du courage et de l’esprit. Soutenant le dessein stratégique, l’organisation sut le compléter.

Ce fut la grandeur du Commandement et la gloire du général PETAIN que de réussir entre l’idée, les moyens et les hommes, une harmonie qui décida d’un succès dangereusement compromis, surtout aux premiers jours de l’attaque.

Par des ordres clairs, exprimant des idées simples, le Chef ordonna la résistance.

L’ennemi avait tout organisé avant la bataille. PETAIN organisa tout pendant la bataille et ses ordres (dont le général BOUCAUD a rappelé les principaux), symbolisent parfaitement le rôle du commandement et du Chef, quel que soit le lieu, l’enjeu ou la période : prévoir, diriger, stimuler et choisir.

C’est par la Voie Sacrée que fut bâti le combat et obtenue la victoire.

La bataille de Verdun, gagnée par le courage des combattants, pouvait être perdue sur ce mince fil de route.

En entrant dans l’histoire, cette modeste route, (semblable à bien d’autres chemins de France), est devenue unique. Maurice BARRÈS sut en dégager le symbole et lui trouver son véritablenom, en l’appelant VOIE SACRÉE. Il écrira : "C’est la route sacrée. Elle deviendra légendaire, elle continuera de parler à jamais de cette longue plaine meusienne qui vit passer tant d’invasions".

Le Parlement lui rendit hommage, en l’élevant au rang deRoute Nationale et en en faisant la seule route de France qui ne soit pas désignée par un froid numéro mais par le beau nom qu’un écrivain lui donna.

Le Conseil Général de ce Département fit graver en 1922 sur la pierre de la borne initiale :

"C’est par cette route que les soldats de France montèrent sur VERDUN, vers les champs de bataille tragiques, jour et nuit, jusqu’à la victoire".

Les bornes casquées de bronze rappellent, de Baudonvilliers à Moulin-Brûlé, que cette route n’est pas un chemin comme les autres. Une ville et quatorze villages, aux noms devenus familiers, s’égrènent dans ce paysage vallonné.

Erize-la-Brûlée, Saudrupt, Petit-Rumont et Souilly, où le général PETAIN regardait passer ces hommes et recevait le Président POINCARE, en disant : "La Victoire viendra de ce que chacun fait toute sa besogne dans sa partie".

Et c’est parce que conducteurs de trains, de camions et ambulanciers américains, c’est parce que tous ici firent leur besogne que VERDUN ne tomba pas.

FALKENHAYN n’obtint pas le succès stratégique et symbolique qu’il espérait.

Cinquante ans après, les habitants des villages se souviennent encore de ces journées de février 1916, et des mois qui suivirent. Ces jours de poussière, ces jours de neige, ces jours où la route se vernissait de verglas, ces jours terribles où elle se liquéfiait en boue.

Si les soins, le ravitaillement, les munitions, les renforts ne firent pas défaut aux défenseurs de Verdun, c’est à ces hommes qu’ils le durent comme aux territoriaux à qui leur âge ou leur infir mité interdisait d’aller aux combat.

Tant que fonctionna la Voie Sacrée, 8 000 hommes furent là, territoriaux et civils, pour balancer jour et nuit dans les fondrières les pelletées de ces pierres tendres qu’ils arrachaient aux coteaux de la Meuse.

Y a-t-il plus beau symbole de ce qui fit l’union du Pays tout entier pour résister à l’ennemi.

Ici, les Français ont montré que leur ardeur savait s’accompagner aussi de la froide obstination et de la longue endurance. Il fallait que ce Monument se dressât pour rappeler que les deux tiers de l’Armée Française sont passés sur cette route, au pied de ce tertre.

Il fallait que se cristallisât dans la pierre le souvenir de ceux qui permirent que soient sauvés VERDUN et la FRANCE.

Il fallait que fut sculptée cette âme collective, admirablement lucide et fi-aternelle, qui anima la Voie Sacrée pendant la Bataille de VERDUN.

C’est notre devoir le plus indispensable et le plus sacré de maintenir vivant le souvenir de ces Héros ; c’est le devoir de notre génération, qui a connu par deux fois et vécu dans sa chair ces heures douloureuses de notre histoire, de rappeler pour ceux qui viennent après nous, que nous avons fait ces guerres sans les aimer, et qu’elles ont laissé dans nos corps et nos mémoires des traces si profondes que même l’allégresse des ARMISTICES n’a pu les effacer.

Aux écoliers, aux enfants qui ont peine à distinguer entre les champs de bataille, à saisir la pesanteur humaine des chiffres que nous évoquons, à comprendre les cérémonies du souvenir, il nous appartient de rappeler que sur ces terres qui nous entourent, l’Europe, alors, perdit fatalement et malheureusement un peu de la substance qui lui serait aujourd’hui tant nécessaire.

Tout dans ce vieux Pays des Marches de l’Est garde les souvenirs des luttes séculaires qui l’ont ensanglanté.

Que ce Monument planté à la croisée de chemins rappelle le sacrifice de ceux qui ont tout donné pour que la France continuât. Qu’il rappelle aux passants, au-delà de la Victoire fragile et temporaire dont l’ordre est toujours menacé, au-delà de la puissance et de la gloire, au-delà des succès et des revers, le sens des combats qu’il faut livrer quotidiennement pour que notre Pays continue d’être digne de sa tradition, et des valeurs dont l’universalité porte la marque de son génie".
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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Retour vers La Grande Guerre (1914-1929)

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