La Restauration ratée !!

Période de la Colonisation florissante et de la Belle-Epoque.

La Restauration ratée !!

Message par BRH » Samedi 30 Juin 2012 23:58:15

Ce résumé est tiré notamment de l'ouvrage d'Emmanuel Beau de Loménie, "La Restauration manquée", paru en 1979.

En 1873, depuis 2 ans, la stratégie de la gauche républicaine avait été de compromettre Thiers, tout en le ménageant. D'un autre côté, celui-ci n'avait cessé de faire avaler des couleuvres aux orléanistes, majoritaires au sein du courant royaliste. Et pendant ce temps, les républicains ne cessaient de marquer des points en augmentant le nombre de leurs élus par des élections partielles, profitant de la paralysie des royalistes, divisés sur l'affaire du drapeau depuis que le comte de Chambord (Henri V) avait affirmé sa fidélité au drapeau blanc. Thiers, finalement après l'échec de Rémusat à une élection partielle (présenté comme favorable à Thiers, mais issu de la mouvance orléaniste) contre le républicain Barodet, avait renouvellé son cabinet dans un sens nettement favorable aux républicains. Ce qui avait finalement entraîné sa chute, le 23 mai 1873. Les orléanistes auraient voulu le remplacer par le Duc d'Aumale, mais les Chevau-légers (nom des députés légitimistes) s'y oppposaient de même que les Bonapartistes dont le nombre était remonté à 30. Le duc de Broglie, leader parlementaire des orléanistes, avait donc imaginé de pousser le maréchal de Mac-Mahon au poste de président de la République. En attendant, du haut de la tribune, il exécutait Thiers : "le dernier conflit survenu dans le ministère avait fait espérer que M. Thiers, en choisissant un nouveau cabinet, saisirait cette occasion de faire un pas vers les amis de l'ordre. Point du tout. Les choix du président de la République sont un pas de plus fait vers le parti radical, une concession nouvelle aux idées de réforme sociale."

Thiers allait répliquer le lendemain. Il pensait encore s'en tirer en mettant les royalistes face à leurs contradictions : "Quand vous dites : nous ne sommes pas des monarchistes, nous sommes des conservateurs [...]. Il arrive que l'on ne vous croit pas [...]. Soyez sincères : tout ce qui nous divise, c'est la question de la République ou de la Monarchie. Il n'y en a pas d'autres Pourquoi vous hâtez-vous de dire que vous ne parlez pas comme monarchistes mais comme conservateurs ? C'est que vous sentez bien qu'il n'y a qu'un trône et qu'on ne peut l'occuper à trois."

Il avait été écouté dans le silence. Après le reprise de la séance, le député Ernoul déposait au nom de la majorité un ordre du jour spécifiant que l'Assemblée voulait un gouvernement "qui ferait prévaloir dans le pays une politique résolument conservatrice." La gauche avait essayé de reprendre la discussion, mais la droite avait demandé le vote immédiat de l'ordre du jour et obtenu une majorité de 16 voix. Thiers faisait annoncer qu'il donnait sa démission. La majorité comprenait qu'il ne fallait pas perdre de temps : convoqué pour la 3ème fois, à 21 heures, l'Assemblée acceptait la démission de Thiers avec une majorité de 30 voix cette fois. Après quoi, sans attendre, la candidature de Mac-Mahon avait été présentée et acceptée par 390 voix et 2 bulletins blancs, la gauche ayant décidé de s'abstenir. Le maréchal, ayant chargé Broglie de former un nouveau cabinet, avait rédigé avec lui un message télégraphique à tous les préfets pour être affiché dès le lendemain dans toutes les communes.

Si ce succès passait pour habile, il n'en était rien, car toute la subtilité de la manoeuvre orléaniste avait consisté à détacher Thiers de la gauche pour gouverner à l'abri de sa popularité sans avoir à poser la question du régime, jusqu'au jour où il se résignerait à appeler les princes d'Orléans au pouvoir. Mais Thiers n'avait pas cédé et l'élection de Mac-Mahon était un pis-aller provisoire d'autant que cela n'avait pu s'accomplir sans l'accord de la centaine de chevau-légers qui restaient fidèles au Comte de Chambord. Il fallait donc conclure et rapidement car les atermoiements ne profitaient qu'aux républicains ; de plus, la tranquillité qui suivait le renversement de Thiers prouvait qu'un changement de régime décidé avec énergie avait toutes les chances d'être accepté sans aucun trouble.

Le temps était donc venu de jouer franc-jeu et de proposer la couronne au comte de Chambord. Mais les orléanistes allaient encore louvoyer au risque de tout faire rater !

En fait, l'intrigue orléaniste pouvait se résumer à ceci : il s'agissait de présenter un projet de constitution qui conserverait le drapeau tricolore et serait donc inacceptable pour Chambord. Si ce dernier persistait à repousser le drapeau, alors le comte de Paris le remplacerait cmme régent jusqu'à sa mort. Les orléanistes espéraient ainsi concilier le principe de la légitimité avec les faits qui le détruisaient... Et Broglie agissait bel et bien en ce sens, envisageant de se contenter d'une prolongation des pouvoirs de Mac-Mahon d'au moins cinq ans. Et l'on arrivait au 29 juillet, terme de la session de l'Assemblée. Le même jour, les leaders influents du parti orélaniste se réunissaient (Dampierre, Pasquier, Decazes, Bernard d'Harcourt) et se décidaient pour inviter les princes d'Orléans à demander à Chambord de les recevoir sans attendre. Celui dont le voyage importait plus que tout était le comte de Paris. D'accord avec ses oncles, il se déterminait à faire le voyage à Froshdorf et quittait Paris pour Vienne, d'où il télégraphiait une demande d'audience à son cousin. Informé le 3 août de cette demande, Chambord en acceptait le principe avec joie. Vanssay, son secrétaire partait au-devant de Louis-Philippe d'Orléans. On se mit d'accord sur les phrases à prononcer et qui seraient publiées par le prince : "qu'il souhaitait voir la France chercher son salut dans le retour aux principes monarchiques et qu'il venait donner au comte de Chambord l'assurance qu'il ne rencontrerait aucun compétiteur dans les princes de sa famille." Et, de fait, la rencontre et l'entretien se déroulaient de manière cordiale.

Les deux princes en rendaient compte de manière à peu près identique, en prenant soin de ne pas soulever l'affaire du drapeau. La voie d'une restauration semblait libre, mais -tout au contraire- les négociations allaient s'éterniser de longues semaines. La presse orléaniste, organe du gouvernement, rendait compte de la rencontre d'une manière tendancieuse. Le Français, le Figaro et la Gazette de France, soulignaient que l'accord n'existait pas sur le plan politique : Il y avait réconciliation, il n'y avait pas fusion.
Aussi, suivant leur plan, plusieurs personnalités orléanistes firent le voyage de Froshsdorf, à commencer par le prince de Joinville, et des députés. Tous répètèrent plus ou moins la même chose : l'accord serait facile sur les questions constitutionnelles, mais la question du drapeau demeurait épineuse, l'acceptation du drapeau tricolore étant indispensable. et ceci remplissait en boucle les colonnes des journaux conservateurs. Veuillot, ardent royaliste, répliquait dans l'Univers : "l'acceptation du tricolore est-elle donc si indispensable qu'on le dit ? et qu'en pense l'armée ?" De son enquête, il résultait que peu de militaires inclinaient vers le rouge, que la monarchie rétablie, certains accepteraient le blanc, le tricolore étant neutre, beaucoup d'officiers s'en tenant là par prudence. "Quant au soldat, il a beaucoup de goût pour s'en aller"... Et c'était la vérité.

Les semaines passaient et les conciliabules ne cessaient pas. Toutefois, les Chevau-légers perdaient patience et sans-eux, il n'y avait plus de majorité. Il fallait conclure, d'une manière ou d'une autre. Le tout, c'était de le faire en les enchaînant à la majorité conservatrice, de manière à leur faire croire que tout avait été tenté pour aboutir à la Restauration ! Le député royaliste Chesnelong était intervenu fin septembre pour souligner que si l'on n'aboutissait pas à une transaction, la responsabilité en retomberait sur la majorité des députés conservateurs qui ne cessait d'agiter le principe du drapeau tricolore. Il parvenait à obtenir la nomination d'une commission de 9 membres, présidée par le vieux général Changarnier et comprenant (outre lui-même), Tarteron et Colombier pour la droite légitimiste, Larcy et Baragnon pour la droite modérée, Pasquier et Callet pour le centre-droit, Daru et Chesnelong comme amis de Changarnier (qui avait un petit groupe de députés). Decazes prévenait cependant que les membres du centre-droit se retireraient, si le principe du drapeau tricolore n'était pas consacré...
La manoeuvre était diabolique, au fond, car les légitimistes n'étaient que deux sur neuf dans cette commission, le reste étant orléaniste peu ou prou. Chesnelong était désigné comme le plus impartial et le plus neutre pour porter les voeux de la commission à Chambord. En fait, c'était un royaliste récent qui avait même été élu député républicain en 1848. Il avait pour lui d'avoir rapidement accepté la primauté de Chambord dès 1871 et passait ainsi aux yeux des Chevau-légers pour un allié possible, en tout cas un interlocuteur de bonne foi qui voulait sincèrement le retour de la monarchie. Mais les orléanistes purs et durs n'entendaient pas renoncer à le cornaquer. Falloux, grand personnage et plusieurs fois ministre, notamment sous l'empire, auquel était attaché la loi sur la liberté de l'enseignement, favorable aux Catholiques, le prenait sous son aile et sous couvert de le respecter et de lui donner de l'importance, tenait en fait à l'influencer dans le sens désiré. Il suggérait à Chesnelong une formule transactionnelle : "Le drapeau tricolore est maintenu. Il pourra être modifié par l'accord du Roi et de l'Assemblée."

Chesnelong, émerveillé de l'estime affichée de Falloux, tombait sous son influence et acceptait la formule. Mais ce n'était pas suffisant. Pasquier courait chez Mac-Mahon pour le persuader de l'importance de la conservation du drapeau tricolore et se faisait remettre une lettre signée par Emmanuel d'Harcourt, ainsi conçue : "Mon cher duc, le maréchal a bien voulu me raconter l'intéressante conversation qu'il a eue avec vous cet après-midi ; et la très nette déclaration qu'il vous a faite relativement à la nécessité de maintenir le drapeau tricolore. Je lui ai fait observer qu'il pouvait être utile, dans l'intérêt de tous, que son langage fut répété. Il m'a répondu : je n'ai aucune objection à ce que M. le duc d'Audiffret-PAsquier fasse connaître à ses collègues l'opinion que j'ai exprimée devant lui et qui n'est que l'écho des impressions de l'armée entière." Le lendemain, Pasquier courait à la 1ère réunion de la commission où aussitôt le vieux Changarnier faisait une déclaration solennelle !
Il déclamait sa fidélité au comte de Chambord, honorant le drapeau blanc, mais ajoutait qu'il ne pouvait aller jusqu'à les sacrifier au drapeau tricolore. Pasquier en profitait alors pour brandir la lettre d'Harcourt et indiquait le sentiment du maréchal : "Si le drapeau blanc était levé contre le drapeau tricolore, et s'il arrivait qu'il fut arboré à une fenêtre tandis-que l'autre flotterait vis-à-vis, les chassepots partiraient tout seuls." Chesnelong n'avait pas besoin de plus d'assurance : il proposait à ses collègues la formule insinuée par Falloux. Mais cela ne suffisait pas à Pasquier qui déclarait : "il ne faut pas dire que le drapeau pourra être modifié par l'accord du roi et de l'Assemblée, mais bien : le drapeau ne pourra être modifié que par l'accord du roi et de l'Assemblée" !

A la vérité, cette question du drapeau n'était pas la préoccupation principale du pays, loin s'en faut. L'armée était plus indifférente que ne l'ont dit les orléanistes et même les républicains en souriaient : ce n'était pas le drapeau blanc qu'ils aborrhaient, c'était la monarchie elle-même ! En tout cas, Chesnelong était chargé de porter le voeu de l'Assemblée au comte de Chambord, via une commission où les légitimistes avaient été comme noyés dans la majorité orléaniste et n'avaient même pas pu prononcer des paroles de prudence.

Le député put rencontrer Chambord à Salzbourg. Les conditions ne furent pas nettes, ni favorables. Néanmoins Chesnelong, sans oser être trop démonstratif, fit comprendre au prétendant que la question du drapeau posait vraiment problème. Le comte accepta alors de revoir le député, alors que le bref entretien qui avait été ménagé était trop court pour rien résoudre, comprenant toutefois que ce symbole pouvait faire capoter toute l'affaire. Chesnelong était découragé, mais en rejoignant les intermédiaires qui étaient présents à Salzbourg, il faisait une dernière tentative pour parvenir à un arrangement et se décidait à présenter sa formule, ce qu'il n'avait pas osé jusqu'ici.

Effrayé cependant de sa responsabilité, il en imaginait une autre, pour tâcher de ménager une transition plus supportable à Chambord, faite de trois formules distinctes :

"1° M. le comte de Chambord ne demande pas que rien soit changé au drapeau avant qu'il ait pris possession du pouvoir.
2° Il se réserve de présenter au pays, à l'heure qu'il jugera convenable, et se fait fort d'obtenir de lui par ses représentants, une solution compatible avec son honneur et qu'il croit de nature à satisfaire l'Assemblée et la Nation.
3° Il accepte que la question du drapeau, après avoir été posée par le Roi, soit résolue d'accord par le Roi et l'Assemblée." Mais Chambord ne connaissait pas la formule de la commission. Après un nouvel entretien avec Chesnelong, il acceptait les trois formules. Celui-ci l'en remerciait avec chaleur et ils se séparaient pensant avoir ainsi réglé toutes les difficultés. Cependant, Chambord se ravisait et faisait dire à Chesnelong qu'il n'acceptait que les deux premières formules car la 3ème le liait trop à l'accord nécessaire de l'Assemblée. A cette nouvelle, Chesnelong était consterné car il savait bien que seule, la 3ème formule convenait aux ordres de la commission. Aussi, à 10 heures du soir faisait-il demander à Chambord un nouvel entretien pour le prier de revenir sur sa décision. Le prince acceptait mais refusait de lui donner satisfaction.

"Je ne prétends pas imposer par la force la solution à laquelle je tiens. Je suis convaincu que, malgré les dispositions actuelles de l'Assemblée que vous m'avez fait connaître, quand nous serons en présence j'inspirerai assez de confiance à tous pour rallier les représentants du pays à mon point de vue. Mais il y a là une question de droit. Je ne veux pas sur ce point qui touche à mon honneur, être à la merci de l'Assemblée. Plutôt que de céder là-dessus, je préfèrerais ou dissoudre l'Assemblée ou renoncer au trône."

Le temps passait et l'entretien allait se terminer pour de bon. Chesnelong ne voulant pas rester sur un échec, avait alors l'étrange idée de se décider à lire à Chambord la formule comminatoire de la Commission et il osait alors demander si cette formule étant soumise à l'Asssemblée, le prince accepterait que les légitimistes soient autorisés à la voter ?

Chambord, surpris, se contentait de répondre : "Les légitimistes comme les autres députés sont libres de leur vote. Il est bien entendu toutefois que mes amis useront de leur liberté sous leur propre responsabilité. La mienne n'est point engagée." Chesnelong pouvait se déclarer satisfait. Il avait barre sur les chevau-légers ! Cependant, sa mission était un échec, car il avait la certitude désormais que le prince n'accepterait jamais le drapeau tricolore et il savait que les chefs orléanistes étaient prêts à sacrifier la monarchie plutôt qu'à renoncer au principe dudit drapeau, symbole de la Révolution de 1789. Il pouvait encore s'en expliquer à Paris et rendre compte franchement de l'entretien sans rien cacher. Au contraire, il allait louvoyer et ne dire que la moitié des choses. De retour dans la capitale le 16 octobre, il rencontrait Changarnier et Ernoul, demandant la réunion de la commission pour le soir même. Et il laissait entendre à tous qu'il avait obtenu une solution favorable, répétant que Chambord se réservait de présenter à l'Assemblée une proposition acceptable pour tous, laissant -en attendant- les légitimistes voter sous leur responsabilité la formule de la commission. Pasquier faisait des réserves, mais finalement, acceptait d'aller de l'avant le lendemain, mais toujours à ses conditions, celles des orléanistes, résumées par une nouvelle proposition digne d'être adoptée par l'Assemblée : "La monarchie nationale, héréditaire et constitutionnelle est le Gouvernement de la France. Henri-Charles-Dieudonné, chef de la Maison de France, est appelé au trône. - Le Gouvernement du Roi présentera à l'Assemblée Nationale des lois constitutionnelles ayant pour objet de régler et d'assurer l'exercice collectif de la puissance législative par le Roi et les deux chambres, l'attribution du pouvoir exécutif au Roi, l'inviolabilité de la famille royale, et la responsabilité des ministres. -le drapeau tricolore est maintenu, il ne pourra être modifié que par l'accord du Roi et de l'Assemblée nationale."

Sur ce la presse orléaniste annonçait que l'accord était fait et que le maintien du drapeau tricolore était acquis. Et malgré les réserves de l'Univers, tout allait pour le mieux. Mais cela ne pouvait convenir au prince. Le 27 octobre, il faisait connaître son sentiment par une lettre adressée à Chesnelong et qui devait paraître le 29 octobre au soir dans les pages de l'Union.

La lettre était longue, pouvant paraître d'un style ampoulé, mais l'essentiel tenait à ce que Chambord maintenait l'exigence du drapeau blanc et allait plus loin en indiquant qu'il ne serait pas le roi de la Révolution ! Et il concluait par ces mots : "ma personne n'est rien, mon principe est tout. La France verra la fin de ses épreuves quand elle voudra le comprendre. Je suis le pilote nécessaire, le seul capable de conduire le navire au port, parce que j'ai mission ou autorité pour cela."

Chesnelong avait encore des ressources. Mais au contraire, il se précipitait chez les légitimistes : La Bouillerie, Dreux-Brézé, lucien Brun, Carayon-Latour, etc. Tous gémissaient et ne songeaient qu'à empêcher la publication de la lettre. Mais le directeur de l'Union, qui devait s'en charger, Laurentie, refusait, arguant que les ordres du prince étaient formels. Dès lors, accablés, les leaders légitimistes estimaient que le coup était manqué, et qu'il faudrait attendre longtemps, peut-être la mort de Chambord pour reprendre espoir dans une restauration. Aucun n'eût la pensée d'en rester aux formules présentées par Chesnelong et plus ou moins acceptées, aucun ne songea à disputer aux orléanistes le principe du maintien du drapeau tricolore par une formule plus ou moins transactionnelle, ni surtout les avertir qu'ils se refuseraient pour leur part à toute organisation provisoire des pouvoirs publics. En vérité, ils s'associèrent aux jérémiades de Chesnelong et -par déception- s'en remirent complètement à lui. Les Orléanistes étaient satisfaits, du moins les chefs, car la piétaille était très désapointée après avoir entrevue la réalisation des ses voeux les plus chers. Broglie se frottait les mains et considérait qu'il n'y avait plus d'autre solution que de prolonger de dix ans les pouvoirs de Mac-Mahon. C'est ce dernier qui en faisait d'ailleurs la proposition, la présentant comme un expédiant qu'il soumettrait à l'Assemblée comme une planche de salut. Dès-lors, tout marchait en ce sens...

Le comte de chambord, averti du tour défavorable des choses et de l'effet néfaste de son manifeste, décidait de passer outre et de gagner la France pour s'entendre avec Mac-Mahon. Il pensait que le maréchal, devant le roi, s'inclinerait de bonne grâce et ne manquerait pas de le conduire lui-même à l'Assemblée pour aplanir toute mésentante et toute difficulté. Ayant gagné Versailles, il commit la faute d'y séjourner incognito. On était début novembre. Une demande d'audience fut portée par Blacas auprès du Maréchal qui résidait encore à la Préfecture de Versailles. Mais c'est son épouse qui reçut l'émissaire. On sait qu'elle était elle-même orléaniste. Elle éconduisit l'envoyé de Chambord. Celui-ci insistant put quand même se présenter à Mac-Mahon. Celui-ci bredouilla de vagues excuses, fit valoir sa position ambigüe de chef d'état parlementaire qui lui interdisait de se présenter devant l'Assemblée et d'y prendre la parole. Et pendant ce temps, Broglie qui avait été averti, avait filé de son côté pour éviter la complication de confirmer un refus au prince. Quand Blacas lui relata les détails de sa démarche, Chambord laissa tomber : "Je croyais avoir affaire à un connétable de France, je n'ai trouvé qu'un capitaine de gendarmerie."

Tout n'était pas encore perdu. Le prince pouvait rendre sa démarche publique, faire connaître sa présence, dénoncer les intrigues autour du drapeau et les combinaisons des orléanistes. Il ne pouvait manquer de rallier à sa personne tous les royalistes sincères au-delà même des seuls légitimistes. Ce n'était pas dans son caractère. Il se borna à attendre le vote de la loi sur la prorogation des pouvoirs de Mac-Mahon, sans même donner une consigne de vote aux chevau-légers qui ignoraient pour la plupart sa présence sur le territoire français ! L'Univers, l'Union firent seulement campagne pour le refus. Mais faute d'un ordre formel, les députés légitimistes se laissèrent gagner par l'adhésion de Chesnelong lui-même au projet ! Et, finalement, le 15 novembre 1873, la loi était votée par 62 voix de majorité et ainsi, la monarchie était implicitement écartée ! A minuit, le prince apprenait le résultat et se rendait compte qu'il n'avait plus qu'à regagner Froshdorf.

Il attendit quand même le lendemain et reçut dans la matinée les principaux députés légitimistes qui avaient voté le septennat, tenant à leur manifester malgré tout sa sympathie. Surtout, l'après-midi, il reçut le général Ducrot. Ce dernier fut un des rares à pousser un cri de révolte :"Ah ! Monseigneur, pourquoi ne nous avez-vous pas fait connaître votre présence ici ? Jamais nous n'aurions voté le septennat ! -- Et qu'auriez-vous fait ? -- Ce que j'aurais fait, Monseigneur, mais j'aurais prévenu tous nos amis et nous serions venus nous grouper autour de vous. Nous aurions dit aux princes de la Maison de France de venir près de vous ; vous auriez déclaré rebelle celui qui aurait refusé de vous suivre. Vous auriez dit au maréchal : marchez avec moi, ou arrêtez-moi. Je connais le maréchal. Il vous aurait suivi."

Mélancolique, Chambord avait souri, désabusé par l'attitude même des chevau-légers. Cependant, réchauffé par ce brusque élan de zèle annoncé par un général encore populaire et auréolé de son attitude pendant la guerre franco-allemande, il lui demanda s'il était encore possible de tenter quelque chose. "Non, répondit Ducrot, il n'y a plus rien à faire pour le moment, jusqu'à ce qu'une nouvelle occasion se présente."

Mais l'occasion ne se représenterait pas, habilement gâchée par les orléanistes qui par leurs manoeuvres machiavéliques, avaient écarté le roi légitime : celui-là ne leur convenait pas, ni par ses moeurs, ni par son programme... Ils avaient préféré le risque de voir la France se tourner vers les Radicaux et Gambetta. Ils n'allaient pas être déçus !!!
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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