Inscription : 14 Déc 2002 16:30 Message(s) : 15298
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- " QUI ETAIT VRAIMENT BADINGUET " ? On croit tout savoir de l'évasion fameuse de Louis-Napoléon BONAPARTE du fort de HAM, dans la SOMME qui aurait emprunté l'apparence d'un ouvrier charpentier du nom de Badinguet...
Qu'en est-il vraiment ?
G.LENOTRE, Historien bien connu, précise qu'un certain Paul MANTOUX, "patient érudit", s'est appliqué à rechercher quel fut l'authentique personnage répondant à ce nom qui, comme nul ne l'ignore, fut appliqué, comme sobriquet, à Napoléon III. D'après une tradition généralement admise, ce "Badinguet" était un Maçon employé aux travaux du fort de HAM. Quand Louis-Napoléon BONAPARTE, condamné à la détention perpétuelle après sa tentative de BOULOGNE, s'évada de la dite prison,il quitta celle-ci déguisé en ouvrier ,et portant, afin de dissimuler son visage, une planche de bois sur l'épaule !
BADINGUET lui prêta pour cette circonstance son pantalon, sa blouse et son tablier. Cette version, adoptée par nombre d'historiens, s'appuyait sur des témoignages précis. D'après Mme CARETTE, qui durant des années vécut dans l'intimité de la Cour des Tuileries, Napoléon III n'ignorait pas son sobriquet : "On ne m'offense pas en m'appelant ainsi ; ce n'est pas un nom de prince mais celui d'un brave homme qui m'a rendu un grand bien service !". De plus, un Fonctionnaire-des-colonies, Mr DACLIN, rencontra en 1884, à Nouméa, un vieillard, qui, compromis après la chute de l'Empire dans quelque affaire grave, avait été transporté à la Nouvelle-Calédonie et le Fonctionnaire de l'interroger : "Etes-vous le maçon de HAM qui a aidé à l'évasion du Prince Louis-Napoléon ?" il lui fut répondu: "C'est moi-même Monsieur !". Guidé dans son enquête par d'aussi fermes jalons, Paul MANTOUX eut la curiosité de retrouver, dans les documents originaux, la trace de Maçon BADINGUET. Il consulta le dossier conservé au greffe du Tribunal de Péronne où, après l'évasion, furent jugés les amis du Prince, THéLIN et CONNEAU et avec eux tous leurs complices. Aucun BADINGUET ne figurait dans les archives ! De plus, nul Maçon n'avait prêté ses hardes de travail à Louis-Napoléon :c 'est le Docteur CONNEAU qui avait acheté lui-même (pour 25frs25) un foulard, une blouse, un bourgeron, un pantalon, une chemise et un tablier ! D'ailleurs, à peine en lieu sûr, le futur Empereur adressa au Rédacteur-en-Chef du journal "Le Progrès du Pas-de-Calais", un récit détaillé de son exploit : "Les soldats, au poste du guichet, semblèrent étonnés de ma mise ; le tambour surtout se retourna plusieurs fois. Cependant ,les plantons de garde ouvrirent la porte et me trouvai en dehors de la forteresse. Je rencontrais bientôt deux ouvriers qui venaient à ma rencontre et qui me regardèrent avec attention. Je mis alors ma planche de leur côté ; ils paraissaient si curieux que je ne pensai ne pouvoir leur échapper, lorsque je les entendis s'écrier :"Ah !, c'est Berthoud !". Tels sont les faits et la légende s'écroule ! Cependant, M.MANTOUX poursuivit ses recherches ; bien d'autres explications ont sollicité et retenu son examen. Les uns prétendirent que durant son séjour à HAM, le Prince eut, pour maîtresse, une fille du pays, une certaine Demoiselle BADINGUET ! Vérification faite ; nulle part il n'est fait mention d'une femme ainsi nommée dans les registres des visiteurs. Les grammairiens entrèrent en lice : les soldats du fort de HAM, voyant le détenu désoeuvré, s'occupant à des bagatelles, ne l'auraient-ils point baptisé d'un mot tiré du patois picard ? "Badinguet" dérive du verbe "badinguer", équivalent des vieux termes "berlauder, berlaudeur", employés pour désigner celui qui erre sans but, oisif, hésite, tourne en rond et se morfond. Le petit chercheur consulta le "Glossaire étymologique et comparatif du patois picard ancien et moderne" sans y rencontrer le verbe "badinguer" ! Paul MANTOUX conte ses successives déceptions et consciencieuses enquêtes avant d'arriver à la solution de ce petit problème d'histoire où, sans son obstination, la postérité n'aurait rien démêlé. À force donc de conférer ses textes et de rapprocher les dates, il constata que "Badinguet" n'entra en circulation que vers le début de l'année 1853. Or, c'est l'année du mariage de l'Empereur. Mais quel rapport entre cet événement et le sobriquet ? Le logogriphe semblait indéchiffrable ! Mais voilà qu'un dessin de GAVARNI, publié par le "Charivari" en 1840, dissipa toute obscurité. Ce dessin représente une chambre d'étudiant ; un squelette est accroché au mur. Une grisette, un peu effrayée, contemple ce squelette par-dessus l'épaule du carabin ; celui-ci se trouve à demi pour dire: "Tu ne la reconnais pas ? Eugénie, l'ancienne à Badinguet. Une belle blonde…qui aimait tant les meringues... Oui, Badinguet l'a fait monter pour 36 francs. Si c'est vrai ? Non,va ! C'est un tambour de la garde nationale… Bête ! ,tu ne vois donc pas que c'est un homme !". Lorsqu'il écrivit cette plaisante légende, GAVARNI ne pensait ni à Napoléon III ni à Eugénie. Qui prévoyait, en 1840, la République, le Second-Empire ? S'il baptisa son étudiant Badinguet, c'est parce que l'appellation lui parut amusante. Le nom d'ailleurs courait les rues ; c'était tout simplement un de ces vocables ridicules et populaires. Or, lorsqu'il fut question en 1853, du mariage de Napoléon III avec Eugénie de MONTIJO, quelqu'un se souvint du dessin de GAVARNI : "Eugénie, l'ancienne de Badinguet… Une belle blonde….", dessin datant certes de treize ans mais qui venait de prendre place dans un recueil récemment publié ! Le sobriquet fut lors répété avant que personne en connut le sens ou l'origine !".
-Source : G. LENOTRE : "Paris et ses Fantômes" (Grasset, Paris, 1933).
Donc, pas plus de Badinguet à Ham, en 1846, que de beurre en broche !!!
https://fr.wikipedia.org/wiki/Badinguet ... _Paris.jpg
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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