http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5 ... angFR.zoom
Le Gaulois, dans son numéro 1927 du 8 décembre 1887, mettait un point final à son enquête, en publiant l'article satyrique d'Alfred Capus. C'était sa réponse à tous ceux qui avaient raillé les articles consacrés au cénotaphe des Invalides et aussi, au silence obstiné des autorités, pour ne pas parler des diverses pressions subies pour abandonner l'affaire. Citer :
LE RETOUR DES CENDRES
Nous allons enfin avoir une Présidence gaie, et les fêtes de joyeux avènement ne nous manqueront pas. Parmi celles-là, il faut citer en première ligne la fête du retour des cendres du grand Carnot, qui reposent pour l'instant, sur les bords de cette Elbe qu'il a tant aimé.
Voilà de longues années que les Parisiens sont privés de ces amusantes cérémonies, où se complaît notre génie national : et c'est certes une idée à la fois ingénieuse et patriotique que d'offrir à M. Carnot, comme cadeau du jour de l'An, les cendres de son grand-père dont il est privé depuis si longtemps.
Le gouvernement ne négligera rien pour que cette solennité ait un éclat incomparable.
A LA GARE DE L'EST.
La Locomotive La Belle Poule qui contiendra les cendres, sera reçue à la gare de l'Est, par une délégation de la Chambre et du Sénat, du Conseil municipal et de la Ligue des Patriotes. La délégation de la Ligue des Patriotes sera composée de M. Déroulède.
Toutes les sociétés de gymnastique de France enverront des représentants, munis de leurs musiques respectives.
Avant de s'acheminer le long des quais jusqu'à l'Elysée, les cendres du grand Carnot seront transférées dans un tombeau en porcelaine de la manufacture de Sèvres.
A la gare, discours des présidents de la Chambre et du Sénat ; exclamations de M. Déroulède. Cris et fanfares.
LE LONG DES QUAIS.
Toute la garnison de Paris, commandée par le général Saussier, sera sur pied. Halte devant le Palais Bourbon et concert.
A L'ELYSEE.
La remise des Cendres sera faite à M. le Président Carnot par M. Mollard, introducteur des ambassadeurs.
Dès ce moment, M. Carnot suivra le cortège, entouré de sa maison militaire, jusqu'aux Invalides.
Les cendres du grand Carnot seront mises à la place occupée par celles de Napoléon 1er, qui, elles-mêmes, seront transférées au cimetière de Saint-Ouen, dans un terrain acquis par l'Etat.
Toutes les précautions ont été prises pour empêcher les tentatives de détournement qui ne sont que trop fréquentes sur les cendres des grands hommes.
DANS LES THEATRES.
Le soir, les théâtres subventionnés joueront des pièces de circonstance, en vers et en prose, ainsi que des à-propos relatifs à la famille Carnot. A l'Odéon, conférence de M. de Lapommeraye*. Allégresse générale dans les rues et bals publics.
Alfred CAPUS (1858-1922)
Journaliste, romancier, écrivain.
Académicien.
Commandeur de la Légion d'Honneur.
* Ce personnage symbolise les cocus. Il est tiré du roman de Diderot, Jacques le fataliste, notamment le chapitre concernant "Mme de la Pommeraye et le marquis des Arcis"
En guise d'épilogue, ajoutons, pour rire encore un peu, que dans les saynètes plaisantes imaginées par Alfred Capus, le zouave Jacques Macé aurait eu toute sa place, de même que Thierry Lentz à la grosse caisse et le prince Masséna comme joueur de pipeau... Quel beau tableau, pour une présidence gaie !