Bonjour
Il y a quelques temps que je suis sur les différents forums le débat suscité par la sortie du livre de M.Coppens et, hormis les règlements de comptes personnels et totalement indigestes pour le lecteur, les trop rares questions de fonds m'ont passionnées, et plus particulièrement celles relatives à la découverte des prussiens et leur corolaire le placement du 6e corps (c'est surtout son placement à 16-17h qui m’intéresse)
Comme dans tout bon débat, j'ai trouvé des bons arguments dans les deux parties qui m'ont amené à me faire ma propre opinion intermédiaire que j'ai exposé ici
http://www.napoleon1er.org/forum/viewtopic.php?f=7&t=19976&start=465 et que sur invitation de M. Henri André, je retranscris ci dessous dans l'espoir qu'on puisse m'indiquer si, sur le fond, je fais fausse route.
Citer :
pour la surprise prussienne, je suis globalement en désaccord bien qu'il revienne à Coppens d'avoir attiré mon attention sur ce secteur du champ de bataille. Jusque là j'avais toujours réduit Waterloo à Hougoumont et la Haye Sainte, l'arrivée des prussiens se limitant pour moi au problème Grouchy qui aurait du les intercepter ou au moins les ralentir pour permettre à Napoléon de battre les anglais avant leur arrivée. Je ne m'étais jamais demandé si avec les troupes dont disposait Napoléon, le fameux 6e corps, il n'aurait pas pu ralentir plus efficacement leur avancée. En effet, Bulow débouche du Bois de Paris vers 17 heures avec seulement deux brigades, et à 17H30 il est déjà aux portes de Plancenoit, obligeant Napoléon à y lancer une partie de sa garde. Bulow dispose certes d'une supériorité numérique sur Lobau, mais pas suffisante pour expliquer cette avance éclair. Mais pour autant je ne partage pas l'hypothèse de Coppens sur la totale ignorance de la marche prussienne par Napoléon.
Il convient tout d'abord de s'entendre sur le terme de "surprise" prussienne. Il est évident pour moi qu'au moment où Napoléon décide de livrer bataille aux anglais vers 8 heures du matin, il ne pense pas du tout à l'arrivée des prussiens. Dans ce sens leur arrivée constitue bien une surprise pour Napoléon. Mais cela ne signifie par pour autant qu'il n'ait pris aucune mesure dans le cours de la bataille.
Vers 11 heures, la bataille commence et Napoléon aperçoit des troupes sur les hauteurs de St-Lambert. Coppens conteste en se basant sur le fait qu'il est impossible d’apercevoir les hauteurs de Saint-Lambert depuis Belle Alliance. N'ayant pas eu la chance de visiter le champ de bataille, et en l’absence d'affirmation contraire, je m'en remet donc à Coppens sur ce point.
Entre 11 heures et midi, on amène le fameux hussard prussien qui informe Napoléon de l'arrivée du corps de Bulow. Coppens conteste aussi ce point et parle d'une invention de Napoléon après la bataille. Pour ma part, je préfère m'en remettre aux témoignages positifs de Baudus, Bernard, Napoléon (qui est aussi un témoin comme un autre), aux silences de tous les autres témoins sur ce point (il est surprenant que personne ne remette en cause ce qui serait une invention de Napoléon alors qu'il n'y a pas que des bonapartistes acharnés dans l'état major), et même aux anglais dont le Lieutenant-Colonel T.W Taylor du 10e hussard, brigade de cavalerie Vivian, qui confirme la présence de plusieurs émissaires prussiens à ce moment là ainsi que le fait que la cavalerie française battait la plaine et aurait pu en intercepter un.
Je conteste d'autant plus la manipulation dénoncée par Coppens que je n'en vois absolument pas l'utilité pour la légende Napoléonienne. Au contraire, plus Napoléon a su tôt l'arrivée des prussiens, plus il est coupable de n'avoir pas pris les mesures nécessaires (envoi de Lobau au débouché de Lasnes). Si Coppens a juste, il aurait été bien plus flatteur pour Napoléon de dire : "j'ai été surpris par l'arrivée des prussiens car je n'ai pas anticipé la faute impardonnable de Grouchy qui devait talonner les prussiens. Grouchy ne l'a pas fait, les prussiens m'ont donc pris par surprise car ils étaient masqués par le bois de Paris, alors que j'étais en train de battre les anglais. Bref, je reste le plus grand génie militaire, Grouchy a tout perdu"
Alors comment expliquer le succès de la première attaque de Bulow si, à mon sens, Napoléon a bien été informé de la marche de Bulöw. Voici mon hypothèse provisoire, dans l'état actuel de mes recherches.
A 11 heures, Napoléon aperçoit bien des cavaliers sur sa droite, sur les "hauteurs de Saint-Lambert". Mais que désigne ces hauteurs de Saint Lambert ? et de quelles troupes s'agit-il ? Si on admet avec Coppens qu'il ne peut s'agir de l'avant garde de Bulow sur la colline se trouvant au sud-est du village sur la rive orientale du ruisseau qui serait invisible, alors ne s'agirait il pas plutôt de l'avant-garde de Ziethen qui déboucherait sur la hauteur se trouvant au nord-ouest de Saint-Lambert entre ce village et Ohain ? Hauteur qui elle serait d'avantage visible car non masquée par le bois de Paris.(Là encore je précise que je n'ai pas visité le champ de bataille)
Il est acquis que Ziethen a bien débouché par Ohain. La plupart des relations mentionnent l'arrivée du gros de ses troupes bien plus tard, vers 17 heures à Ohain. Mais j'ignore à quelle heure son avant garde serait arrivée.
Si on admet l'hypothèse d'école que l'avant-garde de Ziethen ait bien pu se trouver là vers 11 heures et que c'est ces troupes là que Napoléon aurait aperçu à 11h, alors dans cette hypothèse, l'enchainement des faits serait le suivant et rejoindrait à la fois les points évoqués par Coppens et la version "classique" :
- vers 11h30, on amène un prisonnier à Napoléon qui l'informe de la marche du corps de Bulow (et non pas de l'armée prussienne toute entière). Dans l'esprit de Napoléon cette nouvelle constitue bien une surprise, mais qu'il tempère avec le raisonnement suivant : Blucher est bien battu, toujours en pleine retraite, mais souhaitant aider Wellington, il détache Bulow, le seul corps frais n'ayant pas donné à Ligny.
- Napoléon, dont l'esprit est alors occupé par la première grande attaque sur le centre anglais et qui n'a pas encore échouée, ne met pas encore le 6e corps en mouvement et se contente d'envoyer des partis de cavalerie, non pas en direction de Saint-lambert, mais vers Ohain. En même temps, il détache Marbot à la recherche de Grouchy, non pas par Lasnes vers Saint Lambert, mais plus au sud par Maransart vers Limale. Ce qui fait qu'il ne voit pas Bulow se masser à Saint-Lambert.
- vers 15 heures, l'attaque centrale a échouée et Napoléon s’apprête à relancer une nouvelle offensive sur le centre anglais. Et il voit les troupes prussiennes grossir sur les hauteurs entre Ohain et Saint-Lambert, ce qui confirme l'arrivée de Bulow, alors qu'il s'agit en fait de Ziethen. A ce moment là Napoléon détache le 6e corps qu'il place EN POTENCE sur sa droite. Pour moi, comme la droite française (D'erlon) forme une ligne Belle-Aliance - Fichermont, un placement en potence signifie un angle à 45°pour faire face à des troupes venant de Ohain et non pas un placement en équerre à 90° pour faire face à des troupes venant du bois de Paris et formant une ligne parallèle à la grande route de Bruxelles. Ce placement du 6e corps face aux prussiens est confirmé par les anglais (Taylor et Ingilby) sans qu'il soit précisé si c'est face à Ohain ou face au bois de Paris.
- plusieurs rapports, dont celui de Bernard, signalent la marche d'une colonne, plus au sud, vers le bois de Paris. Mais à ce moment là, pour Napoléon il ne peut s'agir du corps de Bulow puisque celui ci se trouve devant Lobau à Ohain et qu'il ne conçoit pas encore que deux corps d'armées marchent sur lui. Il ne s'agirait que d'un détachement de Bulow sur Lasnes, et il est possible que Napoléon n'ait découvert que trop tard l'importance de ces troupes sur son extrême droite et qu'il ait supposé que ces troupes là se dirigeraient non pas sur Plancenoit mais sur Frichermont (c'était d'ailleurs le plan de Bulow avant qu'un paysan ne lui montre la route de Plancenoit)
- A 17 heures, quand la 15e brigade de Bulow débouche par le nord du bois de Paris, alors là oui, elle prend bien les troupes de Lobau en flan par leur extrême droite, et cause une certaine confusion dont témoignent les officiers du 6e corps. La 16e brigade prussienne, qui elle débouche par la route la plus au sud du Bois de Paris, parvient même jusqu'à Plancenoit sans rencontrer de sérieuse résistance.
Voilà l’hypothèse (j'insiste sur ce mot) dont j'aurais souhaité débattre avec Coppens si il avait accès à ce forum. Mais peut être pouvez vous me donner des éléments infirmant ou confirmant cette hypothèse.