Bonjour,
Un interview de notre hote sur HistoQuiz :
http://www.histoquiz-contemporain.com/f ... =65&t=1817Je ne lui ai, bien entendu, posé que des mauvaises questions.
Modo : le lien étant périmé, la suite ci-dessous : Interview de Bruno Roy-Henry
Propos recueillis par Daniel Laurent
Monsieur Bruno ROY-HENRY est un historien vivement controversé qui professe que la dépouille qui repose aux Invalides n’est pas celle de l’Empereur Napoléon Bonaparte mais plus probablement celle de son majordome. Sans entrer dans les détails de ce qui le pousse à le croire, voir ses livres à ce sujet, nous lui avons posé quelques questions, les mauvaises comme il se doit dans ce cycle des interviews sulfureuses HistoQuiz d’historiens et nous le remercions vivement d’avoir pris le temps de nous répondre avec patience et amabilité.
Daniel Laurent
Daniel Laurent : De part vos écrits, vous vous situez comme étant un historien alors que votre parcours vous amène à l’histoire assez tard, ce qui ne manque pas de faire penser à votre sujet à un amateur, éclairé sans doutes, mais pas un professionnel. Pourquoi pensez-vous faire partie à plein titre de cette corporation ?
Bruno Roy Henry : Je suis juriste de formation, mais j'ai suivi deux années d'histoire du Droit, ce qui prépare à la recherche et à la lecture des documents historiques. Si les universitaires veulent me considérer comme un historien amateur, c'est leur problème. A ce propos, Paul Morand disait en substance: "un écrivain qui écrit des romans est un romancier; un écrivain qui écrit des livres d'histoire est un historien". Sans prétendre égaler leurs oeuvres, je fais référence à des auteurs comme Thiers ou Louis Blanc. DL : La publication en 2000, rééditée en 2003, de votre théorie au sujet de la dépouille de Napoléon Bonaparte qui ne serait pas aux Invalides reprend celle de Georges Rétif de la Bretonne publiée en 1969. Simple resucée ou apportez-vous des éléments nouveaux ?
BRH : Je pense avoir apporté des éléments nouveaux. D'abord, j'ai recherché les sources de Rétif de la Bretonne: c'est un grand reproche qui lui avait été fait; il n'avait pas donné ses sources et ses citations n'étaient pas référencées. Ce devait être l'objet d'une seconde édition de son ouvrage, mais celle-ci n'est jamais venue. Ce fut un sacré travail que de tout retrouver et encore, d'une manière incomplète ! Ensuite, j'ai relevé la mention des deux cordons et des deux plaques dans le journal de Bertrand. Il y a également l'affaire des mensurations du cercueil extérieur qui ne concordent pas avec celles du corbillard. Mais c'est surtout à propos du masque mortuaire que j'ai apporté du nouveau, grâce à l'informatique, et aussi par la révélation de deux témoignages supplémentaires attestant que le visage de l'exhumé était le même que celui du masque signé Antomarchi, masque qui ne correspond nullement à la physionomie de l'empereur. J'ai éclairci également l'affaire des trois cercueils en 1821 qui passent à quatre en 1840. En 1821, le cercueil en fer blanc était contenu dans une simple caisse en bois. Cette caisse se transforme en cercueil d'acajou en 1840 ! Il y a aussi les observations sur le corps momifié et les consultations faites auprès de médecins légistes. Rétif avait négligé cette question. Cependant, il est juste de souligner que rien n'aurait été possible sans l'extraordinaire travail qu'il a réalisé avec son père. DL : Malgré tous vos efforts, les autorités n’ont pas jugé utile de donner suite à vos multiples demandes, comme celle de procéder à un test ADN comparatif à partir de la dépouille du tombeau et d’une mèche de cheveux de l’Empereur disponible au Musée des Invalides. Dans l’hypothèse ou vous auriez raison, qu’est ce qui justifie ces refus ? Quel intérêt auraient les autorités françaises à « enterrer » cette affaire ? Qui serait dans les ennuis s’il s’avérait que vous ayez raison ?
BRH : Je suis persuadé que nous sommes en présence d'une affaire d'état. Dominique de Villepin a levé un coin du voile lors d'une émission sur France 2 réalisée par Stéphane Bern. Il a osé comparer le tombeau de Napoléon à celui du Soldat Inconnu, insistant sur le fait qu'une part de mystère ne nuirait pas à la légende impériale. Mais si le Soldat Inconnu est inconnu, par définition, l'Empereur Napoléon n'est pas dans le même cas ! Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture, a confié à Antoine de Caunes que remuer le passé à l'occasion d'une éventuelle ouverture, serait de nature à troubler nos relations avec l'Angleterre. Je n'en crois rien, mais c'est la position "officieuse"... DL : Admettons, l’espace d’un instant, que vous ayez raison. Pourquoi diable les autorités de la perfide Albion auraient substitué une dépouille à une autre ? Quel intérêt ?
BRH : C'est bien difficile de répondre. Plusieurs explications sont possibles. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'oligarchie anglaise haïssait Napoléon. On a oublié à quel point les Tories au pouvoir l'avaient en détestation: il était le symbole à leurs yeux de la Révolution triomphante et en même temps, le dirigeant français qui avait été le plus près de ruiner l'Angleterre. Churchill lui-même en a fait l'aveu, évoquant les effets du blocus continental: "sans les Indes, Napoléon nous aurait lessivé" !!! On ne peut donc exclure -dans les années 1820- que les oligarques tories aient voulu s'approprier la dépouille du Vaincu ou même, la détruire... DL : Depuis une dizaine d’années, vous persistez et signez mais, soyons réalistes, prêchez dans le désert. N’y a-t-il pas un moment ou il conviendrait, vu les circonstances, de jeter le manche après la cognée ? L’épuisement ne vous guette-t-il pas ?
BRH : Bien au contraire. Mes arguments commencent à porter. Ainsi, Franck Ferrand, dans sa dernière publication, a consacré un chapitre à la thèse de Rétif de la Bretonne et à mes travaux ultérieurs. La famille Bonaparte elle-même y est plus attentive. Enfin, il reste des pistes à explorer et je ne désespère pas d'en venir à bout. Biographie : Né à Cognac en 1956, fonctionnaire des finances puis avocat jusqu'en 1996, écrivain et historien spécialisé dans l’histoire de la Révolution et de l'Empire.
Courriel :
roy-henry2@wanadoo.fr Site :
http://www.empereurperdu.comBibliographie :
- Mémoire de DEA en Droit public: "Les sources du Droit parlementaire sous la Vème République". Université de Rouen, 1985.
- Coauteur : Emprunts russes, indemnisation: mode d'emploi, Balland, Paris, 1997.
- L'expédition d’Irlande de La Rochelle à Dublin, le bicentenaire de la descente du général Humbert en Irlande, à compte d'auteur, 1998.
- Napoléon, l'énigme de l'exhumé de 1840, l'Archipel, Paris, 2000, réédité en 2003, version complétée, même éditeur.
- Vidocq, du bagne à la Préfecture, l'Archipel, Paris, 2001
- En projet: La bataille de la Somme: victoire manquée en 1940 ?