Pour servir à l'acte d'accusation :
"Il y a aujourd'hui enfermés dans Dresde 40 mille français, dont 8 à 9 mille malades et 6 mille non-combattants. On peut donc chercher à se faire jour avec 25 mille baïonnettes. En mon âme et conscience, je pense que tous les russes et autrichiens qui sont autour de la place, fussent-ils rassemblés sur un même point, ne pourraient arrêter une semblable colonne. Mais pour que l'expédition réussisse, il faut que rien ne retarde la marche et qu'on puisse passer partout avec célérité, de nuit comme de jour. A cet effet, il faudrait abandonner convalescents, non-combattants, artillerie et bagages. Il n'y a qu'une résolution de cette vigueur qui puisse nous tirer de la souricière; mais pour telle ou telle raison, on ne veut pas la prendre. M. le maréchal paraît décidé à capituler. Depuis notre simulacre de sortie, il règne entre assiégés et assiégeants une sorte de suspension d'armes; les parlementaires vont et viennent et nous nous attendons à évacuer la place, Dieu sait à quelles conditions."
Journal du général Fantin des Odoards, LCV 2009.
"D'ailleurs, ainsi que je l'ai dit, la guerre, aux yeux du maréchal Saint-Cyr, n'était qu'un jeu d'échecs; la partie avait été perdue à Leipzig, et il ne comprenait pas l'avantage de compromettre inutilement des soldats, de nombreux cadres d'officiers et 30 généraux, dont les services pouvaient un jour être encore si utiles. La discussion fut vive et plus d'une fois renouvellée, surtout entre le maréchal et le comte de Lobau. Les conseils de la prudence s'accordent peu avec ceux de la valeur téméraire; les uns sont accusés de déraison, les autres de faiblesse, et, quand il s'agit d'honneur militaire, la susceptibilité est permise. Cependant le temps s'avançait. Nous étions aux premiers jours de novembre et nous allions manquer entièrement de vivres. Il fallait prendre un parti. La maréchal Saint-Cyr s'arrêta à un singulier terme moyen entre les deux opinions qui avaient partagé le conseil; ce fut de faire sortir les trois divisions du 1er corps, ainsi que les divisions Razout et Duvernet, commandées par le comte de Lobau, pendant que lui-même resterait à Dresde avec les divisions Berthezène et Claparède. Ce n'était point ainsi que nous l'entendions. Nous désirons sortir tous ensemble; nous demandions au maréchal de se mettre à notre tête, de partager notre bonne ou mauvaise fortune...
...Nous perdîmes en tout près de 1000 hommes tués ou blessés; le 36e, deux officiers tués et un blessé. Ce fut là notre dernier effort, l'hommage suprême rendu à l'honneur de nos armées. Nous manquions entièrement de vivres; prolonger plus longtemps la résistance eût été sacrifier des hommes inutilement, et exposer une ville alliée à la disette et aux dangers d'une attaque de vive force. Nous n'avions de ressource que dans la capitulation, et la nécessité en faisait un devoir.
La capitulation fut signée le 11, et la première colonne, composée des 1er et 2e divisions, commandées par le général Dumonceau, se mit en marche le 12. Quelle triste journée ! Pour la première fois nous mettions bas les armes. J’avais vu capituler Ulm en 1805, Magdebourg en 1806, Vienne en 1809 ; j’avais vu les garnisons ennemies défiler devant nous et déposer les armes. Qui m’aurait dit que nous serions un jour réduits au même sort, et que ma carrière d’activité, commencée par la capitulation d’Ulm, finirait par celle de Dresde ?...
…Nous arrivâmes à Altembourg le 17 novembre, après 6 jours de marche. La dernière colonne avait quitté Dresde le matin. Ce même jour, le général russe qui commandait à Altembourg parut fort surpris de notre arrivée, dont il n’avait, disait-il, reçu aucun avis. Il suspendit la marche des colonnes, en attendant des ordres. Bientôt une nouvelle étrange circula ; personne ne voulait y croire. Le prince de Schwarzenberg refusait de ratifier la capitulation et nous déclarait prisonniers de guerre. Le maréchal Saint-Cyr invoqua la foi des traités, la parole jurée, l’honneur militaire qui devait la garantir. On répondit que le général Klenau avait outrepassé ses pouvoirs, qu’il en serait puni, mais que les souverains alliés ne pouvaient pas être liés par l’engagement indiscret pris par un de leurs généraux. Au surplus, ajoutait Schwarzenberg, comme le maréchal Gouvion-Saint-Cyr a agi de bonne foi, on lui offre de rentrer dans Dresde, on lui rendra ses armes, ses moyens de défense, et le siège commencera. Le maréchal répondit que cette proposition était dérisoire…
…Le 1er décembre on reçut l’avis officiel que, sur refus du maréchal Saint-Cyr de rentrer dans Dresde, nous allions être conduits en Hongrie comme prisonniers de guerre…
…Trois semaines s’étaient écoulées, et le 3 décembre, les officiers partirent en une seule colonne pour Presbourg…"
Souvenirs militaires de 1804 à 1814, par M. le duc de Fezensac, LCV 2008.
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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