L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 28 Mars 2008 9:33 
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en bref, si Napoléon était le tyran sanguinaire qu'on présente majoritairement de nos jours, il n'aurait certainement pas fini en pourrissant sur un îlot du fin fond de l'Atlantique :12:

il a jonché son parcours d'erreurs qui attestent de son humanité mais surtout de son décalage avec les évolutions de son siècle..

Et s'il était resté sur son île natale à vivre de ses oliviers, mmhhh ? La culture occidentale voire mondiale serait passée à côté de "quelque chose", il y aurait peut-être eu autant de révolutions, de guerres et de morts pour en arriver à un XXIè siècle où on ne croit plus en rien, à part l'instant immédiat et la presse "people"... mais lui aurait peut-être vécu heureux, alors que sa vraie vie personnelle s'est sans doute avérée un désastre, au moins depuis les tromperies de Joséphine.
L'erreur fondamentale, il l'a commise pour lui :bah:

Et si le moteur de son action était le manque d'amour qui le poussait à aller toujours plus loin, toujours plus vite pour chercher ce qui lui manquait ou plutôt pour se fuir lui-même ???
Napoléon fut avant tout un être humain et je le plains sincèrement.

... je laisse la place à Rose pour à nouveau entrer dans le rêve :20:


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Message Publié : 28 Mars 2008 21:32 
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Et si le moteur de son action était le manque d'amour qui le poussait à aller toujours plus loin, toujours plus vite pour chercher ce qui lui manquait ou plutôt pour se fuir lui-même ???
Napoléon fut avant tout un être humain et je le plains sincèrement. (fidel) ...

Cher fidel, avant que de vous emmenere à nouveau dans les plus beaux rêves impériaux, je voudrais relever la conclusion de votre précédente intervention, qui m'inspire et me séduit beaucoup ...


Vous dites "plaindre l'être humain" que fut Napoléon, et vous mettez le doigt sur l'une des facettes qu'il faut en effet avoir analysée pour mieux comprendre encore ce Grand Homme ...

En effet, lorsque l'on chercher à expliquer sa marche dans l'Histoire, on ressent l'étrange et paradoxale impression qu'Il la remplit complètement, tout en laissant paraître une effroyable solitude ...

Et cet isolement singulier représente la marque indéniable et la plus imposante de son génie ...

Ainsi, combien de fois ne s'est-il trouvé seul avec lui-même, bien qu'entouré de ses troupes, de son Etat-Major, de ses proches collaborateurs ?
Le rideau de flamme de la guerrre l'isola de l'Europe ...
La haine de ses détracteurs et l'imbécillité de ses thuriféraires l'isola du futur ...
Pire ... Il est isolé de tous les coeurs, par la nature même de son coeur, généreux et bon ...

Pour cela, vous avez raison, fidel, il était à plaindre ; à mesure que sa puissance lui soumettait l'impuissance des autres, elle l'éloignait d'eux §

Que tous ceux qui ont cru, et croient encore, que les trônes, l'ennivrement du monde qui en découle et la position du plus grand des destins connus, suffisent au bonheur, se détrompent !

Sans cesse, pour monter, il dût s'arracher à l'amour ; plus l'acclamation grandissait autour du héros en marche, et plus le silence s'établit et se fait profond dans son coeur ...

Elie Faure disait de Napoléon qu'il n'y eût jamais, dans tous les siècles, un homme plus malheureux ...

Il paya l'incomparable ivresse d'être Lui, par l'incomparable souffrance d'être seul à le savoir ...

Quand la gloire, après avoir atteint les extrêmes limites matérielles de la conscience et de la mémoire des hommes, s'estime inassouvie, sa rançon est le désespoir ...

Pardonnez-moi cette parenthèse, quelque peu hors sujet, mais c'est votre faute ... Vous m'y avez invitée ! :4:

A tout-à-l'heure pour la reprise de notre épopée tumultueuse ...





:salut:


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Message Publié : 28 Mars 2008 22:29 
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je plaide coupable pour cette digression... mais le sujet est passionnant, même si triste..

Citer :
Il paya l'incomparable ivresse d'être Lui, par l'incomparable souffrance d'être seul à le savoir ...

j'aime beaucoup la formule :20: , très heureuse et juste..

..et grâce à vous, je complète ma culture (il y a encore et toujours beaucoup de travail) en découvrant Elie Faure.. :prie:


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Message Publié : 28 Mars 2008 22:38 
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Pour en revenir sur Napoléon et la paix, je ne suis pas d'accord avec vous, enfin pas tout à fait, la faiblesse de Napoléon fut sa magnanimité et j'ose le dire magnanimité frolant la naiveté s'agissant de l'empereur d'Autriche qu'il détrona trois fois et qui le remit en selle à chaque fois.
Il aurait pu réduire la taille de l'Autriche pour favoriser le Grand Duché de Varsovie, ou encore détroner François Ier, bref chercher d'autres options. (Reichstadt) ...



En tant que souverain, la magnanimité peut effectivement s'apparenter à une quelconque notion de "faiblesse" ...
Pourtant, Dieu sait si Napoléon savait adapter son comportement et ses idées aux circonstances, et se montrer ferme quand il le fallait ...

Concernant l'Autriche, jamais l'Empereur ne pût compter sur elle, même dans son accord avec la France, en 1807, et c'est là que, très certainement, il se laissa abuser par les sentiments qu'il éprouva pour Alexandre, et qui, on le sait bien, n'étaient nullement réciproques !



S'agissant de la Prusse, en sachant l'inimitié qu'il y avait entre les deux souverains et les deux peuples, il aurait pu en finir avec la Prusse en la démantelant, ayant annihilé l'armée prussienne en 1806...

Je sais que ce ne sont que des "si" sans valeur historique mais quand meme, d'autres choix étaient possibles!

Napoléon était un homme du XVIIIème siècle, pour autant il aurait pu, du, orienter toute sa politique vers l'unité de type carolingien, en bref, restaurer la couronne impériale d'Occident, c'était à sa portée, il disait "je ne succède pas à Louis XVI mais à Charlemagne.", de plus il était protecteur de la Confédération du Rhin et Médiateur de la Confédération helvétique.
Pourquoi diable n'y a t-il pas pensé?
(Reichstadt) ...


Comment savoir s'il n'y a vraiment pas pensé ?

Voyez-vous, Cher Duc, j'ai parfois l'inconfortable impression que quelque chose me manque, et ce manque n'est autre que la capacité de restituer complètement le contexte de l'époque, ce qui nous donnerait alors certainement des réflexions plus tolérantes ou tout au moins plus sereines de l'instant décisif des grands évènements de cette époque ...





:salut:


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Message Publié : 29 Mars 2008 2:01 
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Comme promis, je reviens faire un petit bout ce chemin avec vous et avec l'Empereur, au travers de ce fabuleux récit des Cents Jours.

... Sans oublier l'excellent Elie Faure sur lequel nous reviendrons, dans un autre post peut-être, afin de développer ce thème si intéressant que vous venez d'évoquer, Cher fidel ...

Comme si toute l'Armée française ne pouvait suffire à s'opposer aux mille Grognards de Napoléon, on fit appel à la réserve, et c'est ainsi que, par ordonnance royale du 9 Mars, officiers, sous-officiers et soldats en congé, furent invités à aller rejoindre leurs Corps respectifs ...

Par une seconde ordonnance on enjoignit aux trois millions de gardes nationales de se tenir prêts à assurer la garde des places et la sûreté intérieure, et l'on organisa la levée de bataillons et d'escadrons de volontaires, pour combattre en ligne avec l'Armée ...

Tout comme Clarke, Mr de Jaucourt, aux Affaires étrangères en l'absence de Talleyrand, sortit de sa passivité, et adressa le 7 Mars, cette circulaire aux ministres réunis à Paris :

-"Le roi est persuadé que les puissances, naguère alliées, non contre la France, mais contre Bonaparte, s'empresseraient au besoin de joindre leurs forces aux siennes, pour réprimer et pour venger toute atteinte aux privilèges de la légitimité et de la justice" ...

Quant à Talleyrand, c 'est avec le même élan de "patriotisme" :11: qu'il s'affaira à former contre la France une septième coalition !

Toutefois, autant la circulaire de Jaucourt que les démarches de Talleyrand, tout fut bien superflu, tant l'on percevait la détermination des souverains à reprendre les armes !...

Envoyée par le consul général d'Autriche à Gênes, la première nouvelle de l'évasion arriva à Vienne dans la nuit du 6 au 7 Mars ...
Dès le lendemain, après concertation des souverains, des aides de camp couraient dans tous les sens afin de concenter les armées autrichiennes, et porter l'ordre aux Corps russes et prussiens de revenir vers le Rhin ...

Parmi tous ces potentats plus que troublés, Talleyrand afficha tout d'abord une attitude impassible, s'exclamant même que l'évènement pouvait avoir des résultats heureux, pourvu que l'on sache en tirer parti , et qu'un tel coup de désespoir n'avait jamais réussi, que Bonaparte de toutes façons, finirait telle une farce ...

Mais le calme de Talleyrand trouvait surtout son explication dans le fait que ce dernier avait imaginé Napoléon se précipiter dans le Nord de l'Italie ...

C'est ainsi que le 7 Mars, il écrivit au gros Louis :

"-Toute entreprise de sa part sur la France serait celle d'un bandit. C'est ainsi qu'il devrait être traité, et toute mesure permise contre les brigands devrait être employée contre lui."

Quel monstre ce Talleyrand ! :11:

Or, c'est le 9 Mars que l'on apprit à Vienne que Napoléon avait débarqué à Golfe Juan ...

Je vous laisse imaginer le sursaut de Talleyrand !!

Il fit immédiatement rédiger un projet de Déclaration, par La Besnardière, qu'il soumit au Congèrs avec l'accord de Metternich ...

C'est ainsi qu'il écrivit à Jaucourt :

-"Je suis persuadé que l'entreprise de Bonaparte n'aura aucune suite fâcheuse et qu'il ne sera pas nécessaire de recourir aux puissances étrangères. Mais il est toujours prudent de ne négliger aucune précaution. La proclamation aura d'ailleurs l'effet d'intimider les partisans de Bonaparte, en leur ôtant tout espoir qu'il puisse réussir"...

Cette Déclaration fut signée dans la journée du 13 Mars, par les plénipotentiaires ...

Unique qaunt au fond et à la forme, parmi tous les actes diplomatiques, elle comportait également ceci :

"- Quoiqu'intimement persuadés que la France entière, se ralliant autour de son souverain légitime, fera rentrer dans le néant cette dernière tentative d'un désir criminel et impuissant, les souverains de l'Europe déclarent que si, contre tout calcul, il pouvait résulter de cet évènement un danger quelconque, ils seraient prêts à donner au roi de France et à la nation française les secours nécessaires pour rétablir la tranquillité ..."

Comme vous le constatez, les mots sont choisis .. percutants ...

Demain, nous irons retrouver l'Empereur à Lyon, où nous le verrons évoluer parmi l'Armée et agir au milieu des Institutions et Administrations, comme si le séjour à l'île d'Elbe n'avait constitué pour Lui qu'un (mauvais) rêve ...

... Quant à moi, je vous en souhaite de très heureux, dans une nuit sereine .. ! :4:



:salut:


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Message Publié : 29 Mars 2008 5:54 
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C'est vrai que Talleyrand est un monstre, le champion du retournement de veste!
Bon week end.
:VE: :VE2: :AI:


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Message Publié : 29 Mars 2008 22:29 
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Nous voici donc à Lyon où l'Empereur harangue le peuple, passe l'Armée en revue, reçoit le Conseil Municipal, le clergé, la cour, les députations des ateliers, ainsi que les facultés ...

Il nomme et destitue des fonctionnaires, décore un garde national qui, seul, a escorté le comte d'Artois jusqu'aux portes de la ville, pourvoit à certains commandements vacants, et par un décret, proscrit le drapeau royal et la cocarde blanche, supprime les ordres de Saint-Louis et du Saint-Esprit, licencie les régiments suisses et la Maison du Roi, rétablit le drapeau tricolore :2: ,et rend obligatoire le port de la cocarde nationale ...

Par un onzième décret rendu le mêm jour, 13 Mars, Il abolit la Chambre des Pairs, dissout la Chambre des Députés, et convoque en assemblée extraordinaire les collèges électoraux de l'Empire !...

Napoléon agit avec vigueur et rapidité :

Le roi l'a mis hors la loi, alors Il anéantit l'autorité royale ...
Les paysans et les ouvriers l'ont salué, reconnaissant en Lui le Restaurateur des droits du peuple, alors il répond au sentiment de ce peuple , par les décrets du 13 Mars ...

Sur les pas de l'Empereur, leur Empereur ett jusque devant sa demeure, ce n'est qu'acclamations fusant de toutes parts, jusqu'au moment de son départ, le 13 Mars, au cours duquel une foule de Lyonnais l'accompagna ...

A Villefranche, l'enthousiasme n'est pas non plus des moindres : sur les places, on a élevé des arbres de la liberté, les maisons ont été pavoisées aux couleurs de la Nation, et décorées d'Aigles en papier doré !
Cette petite ville qui ne comptait, à l'époque, pas plus de quatre mille habitants, c'était environ soixante mille paysans qui étaient accourus des environs pour "voir l'Empereur" ...
C'est ainsi que tous les villages des alentours s'étaient trouvés quasiment désertés !

Un écrivain royaliste rapporta que deux paysans vinrent acheter à l'aubergiste, pour les garder comme reliques, les os du poulet dégusté par l'Empereur à son déjeuner ...

Sortant de Villefranche, Napoléon se rendit à Mâcon, où il passa la nuit.
C'est au milieu des huées que le Préfet Germain et le Maire avaient quitté la ville, l'avant-veille.
Il fut reçu par l'Adjoint qui eut ces propos naïfs :

"- Sire, vous faites toujours des miracles, car, lorsque l'on a appris votre débarquement,on vous a regardé comme fou"...

Les vivats de la foule l'empêchèrent de poursuivre ...

En arrivant le lendemain, 14 Mars, à Tournus et à Chalon, où depuis deux jours flottaient les drapeaux tricolores, les premiers mots de l'Empereur allèrent aux habitants, pour les féliciter de leur vaillante conduite durant l'invasion ...

"-Je n'ai point oublié, leur dit-il, que vous avez quarante jours résisté à l'ennemi, et bravement défendu le passage de la Saône" ...

Puis, exprimant le désir de connaître celui qui s'était particulièrement distingué dans ces circonstances, la foule cria le nom du Maire de Saint-Jean-de-Losne.

Alors l'Empereur reprit la praole :

"- Je le décore. C'est pour des braves comme lui et comme vous que j'ai institué la Légion d'Honneur, et non pour les émigrés pensionnés par vos ennemis" ...


:VE2: :AI: :VE:



:salut:


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Message Publié : 30 Mars 2008 0:04 
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Merci et :VE2: :AI: :VE:


:Madame:


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Message Publié : 30 Mars 2008 14:47 
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Encore une fois, Merci à vous ... :2:

Voilà certainement le moment venu de nous rapprocher du Maréchal Ney, dont le comportement et, surtout le revirement dans le bon sens :4: reste des plus intéressants à évoquer ...

C'est lorqu'Il se trouvait à Lyon que l'Empereur apprit l'arrivée du Maréchal Ney en Franche Comté.

D'après Rovigo, de tous les Maréchaux, Ney était celui que redoutait le plus Napoléon ...
Fleury de Chaboulon, à l'opposé, affirmait que l'Empereur accueillit la nouvelle avec plaisir, lorsqu'il sut que le commandement des troupes destinées à s'opposer les premières contre Lui, avait été confié à Ney ...

En fait, ces deux versions trouvaient leur logique, bien que diamétralement opposées.

En effet, l'Empereur pouvait fort bien ressentir ces deux états d'âme, et, pour le comprendre, il n'est d'autre façon que de se souvenir du tempérament fougueux de ce Maréchal ...

Un coup de tête pouvait le déterminer dans une action, mais sa nature spontanée et impressionnable, traits propres aux caractères entiers et impétueux, pouvait dans le moment suivant lui dicter un comportment totalement différent, au coeur de la même action ...

Napoléon connaissait bien ses hommes, et de ce Maréchal, son extrême violence, lui faisant redouter quelque coup de tête dans les circonstances qui nous intéressent ici ; mais, dans le même temps, il était persuadé pouvoir espérer beaucoup plus d'une telle nature que de celle d'un Suchet ou d'un Macdonald, dont la fermeté n'était guère sujette aux revirements spontanés ...

Toujours est-il, qu'apprenant la nouvelle, Il s'empressa de dépêcher quelques émissaires au Maréchal Ney, ainsi qu'à différents Généraux, juste avant de quitter la ville de Lyon ...

Ce qu'il venait de vivre à Laffrey, la fascination qu'il avait inspiré au milieu de ce bataillon venu le contrer, la conduite de la garnison de Grenoble et l'élan de celle de Lyon, tout ceci lui permettait de ne plus douter sur les sentiments des Soldats.

Rien, en effet, ne paraissait pouvoir faire obstacle à son triomphe, hormis, peut-être, comme je viens de l'évoquer, une tentative désespérée de Ney ...

Celui-ci était arrivé à Besançon le 10 Mars ; c'était là que se trouvait le siège de son commandement.

Fort de ses propos au roi, lorsqu'il s'était exclamé qu'il lui ramenait "Bonaparte", dans une cage de fer, il avait cru bon devoir répéter ces paroles au sous-préfet de Poligny ; celui-ci avait même objecté qu'il aurait encore mieux valu le ramener mort dans un tombereau :11: :11: ; ce à quoi le Maréchal ayant manifestement perdu la raison, répliqua :

"- Non, vous ne connaissez pas Paris. Il faut que les Parisiens voient." !!

Et un peu plus tard, il eût encore ces propos exaltés, voire haineux :

"- C'est bien heureux que "l'homme de l'île d'Elbe" (comme si le nom de son Empereur lui écorchait la bouche ! :11: :11: ) ait tenté sa folle entreprise, car ce sera le dernier acte de sa tragédie, le dénouement de la Napoléonade ... Je fais mon affaire de "Bonaparte", nous allons attaquer la bête fauve" ! ...

La difficulté pour ce Maréchal devenu fou, était qu'il n'avait personne pour le soutenir dans son projet.

En effet, il se trouvait sans instructions précises pour la bonne et simple raison que le Comte d'Artois ne se trouvait déjà plus à Lyon, et n'avait plus d'armée, au moment où Ney lui écrivit en exprimant son désir d'être envoyé dans cette ville pour assurer l'avant-garde de son armée ...

Lettre demeurée sans réponse ...

A ce manque total de nouvelles, vint s'ajouter les "mauvaises nouvelles", comme celle du duc de Maillé, arrivé le soir du 10 Mars à Besançon, dans l'espoir d'y trouver le duc de Berry ... Hélas, celui-ci avait quitté Lyon la veille, sans autres nouvelle ni ordre pour le Maréchal ...


C'est alors que Ney décida de réunir ses troupes à Lons-le-Saunier, se positionnant ainsi au centre des opérations pour déboucher, selon les circonstances, sur le flanc ou les arrières de Napoléon ...

Arrivé à Lons-le-Saunier dans la nuit du 11 au 12 Mars, Ney prévint aussitôt le Préfet et le Marquis de Vaulchier, afin de s'entretenir avec eux ...

La matinée suivante, il dépêcha un bon nombre d'estafettes en vue de la concentration des troupes, et écrivit à Soult pour l'informer que, dès qu'il serait en possession d'artillerie, il se rendrait à Bourg, avant de manoeuvrer vers Mâcon ...

Si Ney savait que le Comte d'Artois avait quitté Lyon, il ignorait encore à ce moment-là, si Napoléon y était entré ou pas ...
C'est dans la soirée de ce même jour qu'il l'apprit d'un dénommé Boulouze, négociant de son état, qui avait fui le tumulte de Lyon, dans la matinée du 11 Mars.
C'est alors que l'homme commença à décrire au Maréchal Ney, l'enthousiasme et la frénésie des Soldats et du peuple, à la seule vue de la redingote grise ! ...

Et il ajouta :

"Quand Bonaparte a passé les troupes en revue sur la place Bellecour, Il a dit : " Mes amis, nous allons à Paris, les mains dans les poches. Tout est préparé pour mon passage." ...

Tout en parlant au Maréchal, Boulouze lui présenta la proclamation à l'Armée, datée de Golfe Juan ...

Après l'avoir rapidement parcourue, Ney la mit dans sa poche, sans y attacher plus d'importance ...

Mais lorsque Boulouze ajouta que Bonaparte prétendait avoir l'appui de l'Autriche, le Maréchal s'indigna :

-" Allons donc ! c'est encore sa jactance ordinaire !" .

Influencé et transporté par la détermination de Ney, Boulouze s'écria alors :

"- Ah, Monsieur le Maréchal ! Vous avez été déjà le sauveur de la France, en forçant Napoléon d'abdiquer ; vous le serez deux fois" ...

Ce mot plut beaucoup à Ney qui le répéta, à sa façon, devant le major de La Génetière :

-"Si je pouvais faire triompher le roi, je serais le libérateur de la patrie !" ...

Resté seul, le Maréchal prit le temps de relire la proclamation de Napoléon ...
Prenant conscience du poids des mots, il alla la montrer au Préfet du Jura, ainsi qu'au Marquis de Saurans, qui était l'aide de camp du Comte d'Artois, et qui arrivait au même moment ...

Et il leur dit ... :

-"On n'écrit plus comme ça ... Le roi devrait écrire ainsi (comme si ces "incapables pouvaient avoir le génie de notre Empereur !! :12: ), ... C'est comme ça, termin-t-il, qu'on parle aux Soldats et qu'on les émeut..."

A partir de cet instant, dans l'esprit du Maréchal Ney, les évènements vont prendre une toute autre portée, et son interprétation des choses va s'exprimer à l'opposé de ce qu'il pensait encore la veille ...

Ainsi, parcourant la pièce de long en large, le voilà qui s'exlame à haute voix :

-"La victoire marchera au pas de charge. L'Aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame" ...

Puis, dans l'emportement habituel de son tempérament, il commença à incriminer la conduite du Comte d'Artois qui, dira-t-il "n'a jamais daigné faire monter un Maréchal de France dans sa voiture !" ...et, qui plus est, le laisse aujourd'hui, sans troupes et sans ordres ! ...

Puis il blâme le roi de lui avoir refusé l'année précédente, la possibilité de conserver la Vieille Garde auprès de lui, accuse le parti des émigrés et rappelle les humiliations subies à la cour, par la princesse de la Moskowa ...

Puis il s'en prend à Napoléon :

"-Cet enragé-là ne me pardonnera jamais son abdication. Il pourrait bien me faire couper la tête avant six mois !" ...

C'était bien mal connaître l'Empereur !!

Toutefois, et malgré toutes ses plaintes contre les Bourbons, Ney paraît rester déterminé pour l'heure et animé contre Napoléon ... Signe d'une tête somme toute ébranlée par les évènements, ne sachant plus distinguer le bon sens, ayant les pires difficultés à se forger sa propre opinion, ou, s'il l'avait conçue secrètement, du moins semblait-il craindre de se l'avouer et de la mettre à exécution ...

C'est ainsi que j'analyse l'attitude si versatile de Ney, à ce moment précis du déroulement des évènements ...

Résolu, disais-je, comme la veille, il s'écria :

-"Le premier soldat qui bouge, je lui passe mon sabre au travers du corps ; la garde lui servira d'emplâtre ...Mais le soldat marche toujours au canon, et Vavasseur, mon aide de camp, sait s'en servir à merveille" ...



:VE2: :AI:



:salut:


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Message Publié : 30 Mars 2008 16:25 
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Quelle inconstance.. c'est effarant et effrayant :15:

Quel manque de ... ney :hahaha:

:VE2:


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