Encore une fois, Merci à vous ...
Voilà certainement le moment venu de nous rapprocher du Maréchal Ney, dont le comportement et, surtout le revirement dans le bon sens

reste des plus intéressants à évoquer ...
C'est lorqu'Il se trouvait à Lyon que l'Empereur apprit l'arrivée du Maréchal Ney en Franche Comté.
D'après Rovigo, de tous les Maréchaux, Ney était celui que redoutait le plus Napoléon ...
Fleury de Chaboulon, à l'opposé, affirmait que l'Empereur accueillit la nouvelle avec plaisir, lorsqu'il sut que le commandement des troupes destinées à s'opposer les premières contre Lui, avait été confié à Ney ...
En fait, ces deux versions trouvaient leur logique, bien que diamétralement opposées.
En effet, l'Empereur pouvait fort bien ressentir ces deux états d'âme, et, pour le comprendre, il n'est d'autre façon que de se souvenir du tempérament fougueux de ce Maréchal ...
Un coup de tête pouvait le déterminer dans une action, mais sa nature spontanée et impressionnable, traits propres aux caractères entiers et impétueux, pouvait dans le moment suivant lui dicter un comportment totalement différent, au coeur de la même action ...
Napoléon connaissait bien ses hommes, et de ce Maréchal, son extrême violence, lui faisant redouter quelque coup de tête dans les circonstances qui nous intéressent ici ; mais, dans le même temps, il était persuadé pouvoir espérer beaucoup plus d'une telle nature que de celle d'un Suchet ou d'un Macdonald, dont la fermeté n'était guère sujette aux revirements spontanés ...
Toujours est-il, qu'apprenant la nouvelle, Il s'empressa de dépêcher quelques émissaires au Maréchal Ney, ainsi qu'à différents Généraux, juste avant de quitter la ville de Lyon ...
Ce qu'il venait de vivre à Laffrey, la fascination qu'il avait inspiré au milieu de ce bataillon venu le contrer, la conduite de la garnison de Grenoble et l'élan de celle de Lyon, tout ceci lui permettait de ne plus douter sur les sentiments des Soldats.
Rien, en effet, ne paraissait pouvoir faire obstacle à son triomphe, hormis, peut-être, comme je viens de l'évoquer, une tentative désespérée de Ney ...
Celui-ci était arrivé à Besançon le 10 Mars ; c'était là que se trouvait le siège de son commandement.
Fort de ses propos au roi, lorsqu'il s'était exclamé qu'il lui ramenait "Bonaparte", dans une cage de fer, il avait cru bon devoir répéter ces paroles au sous-préfet de Poligny ; celui-ci avait même objecté qu'il aurait encore mieux valu le ramener mort dans un tombereau

; ce à quoi le Maréchal ayant manifestement perdu la raison, répliqua :
"- Non, vous ne connaissez pas Paris. Il faut que les Parisiens voient." !!
Et un peu plus tard, il eût encore ces propos exaltés, voire haineux :
"- C'est bien heureux que "l'homme de l'île d'Elbe" (comme si le nom de son Empereur lui écorchait la bouche !

) ait tenté sa folle entreprise, car ce sera le dernier acte de sa tragédie, le dénouement de la
Napoléonade ... Je fais mon affaire de "Bonaparte", nous allons attaquer la bête fauve" ! ...
La difficulté pour ce Maréchal devenu fou, était qu'il n'avait personne pour le soutenir dans son projet.
En effet, il se trouvait sans instructions précises pour la bonne et simple raison que le Comte d'Artois ne se trouvait déjà plus à Lyon, et n'avait plus d'armée, au moment où Ney lui écrivit en exprimant son désir d'être envoyé dans cette ville pour assurer l'avant-garde de son armée ...
Lettre demeurée sans réponse ...
A ce manque total de nouvelles, vint s'ajouter les "mauvaises nouvelles", comme celle du duc de Maillé, arrivé le soir du 10 Mars à Besançon, dans l'espoir d'y trouver le duc de Berry ... Hélas, celui-ci avait quitté Lyon la veille, sans autres nouvelle ni ordre pour le Maréchal ...
C'est alors que Ney décida de réunir ses troupes à Lons-le-Saunier, se positionnant ainsi au centre des opérations pour déboucher, selon les circonstances, sur le flanc ou les arrières de Napoléon ...
Arrivé à Lons-le-Saunier dans la nuit du 11 au 12 Mars, Ney prévint aussitôt le Préfet et le Marquis de Vaulchier, afin de s'entretenir avec eux ...
La matinée suivante, il dépêcha un bon nombre d'estafettes en vue de la concentration des troupes, et écrivit à Soult pour l'informer que, dès qu'il serait en possession d'artillerie, il se rendrait à Bourg, avant de manoeuvrer vers Mâcon ...
Si Ney savait que le Comte d'Artois avait quitté Lyon, il ignorait encore à ce moment-là, si Napoléon y était entré ou pas ...
C'est dans la soirée de ce même jour qu'il l'apprit d'un dénommé Boulouze, négociant de son état, qui avait fui le tumulte de Lyon, dans la matinée du 11 Mars.
C'est alors que l'homme commença à décrire au Maréchal Ney, l'enthousiasme et la frénésie des Soldats et du peuple, à la seule vue de la redingote grise ! ...
Et il ajouta :
"Quand Bonaparte a passé les troupes en revue sur la place Bellecour, Il a dit : " Mes amis, nous allons à Paris, les mains dans les poches. Tout est préparé pour mon passage." ...
Tout en parlant au Maréchal, Boulouze lui présenta la proclamation à l'Armée, datée de Golfe Juan ...
Après l'avoir rapidement parcourue, Ney la mit dans sa poche, sans y attacher plus d'importance ...
Mais lorsque Boulouze ajouta que Bonaparte prétendait avoir l'appui de l'Autriche, le Maréchal s'indigna :
-" Allons donc ! c'est encore sa jactance ordinaire !" .
Influencé et transporté par la détermination de Ney, Boulouze s'écria alors :
"- Ah, Monsieur le Maréchal ! Vous avez été déjà le sauveur de la France, en forçant Napoléon d'abdiquer ; vous le serez deux fois" ...
Ce mot plut beaucoup à Ney qui le répéta, à sa façon, devant le major de La Génetière :
-"Si je pouvais faire triompher le roi, je serais le libérateur de la patrie !" ...
Resté seul, le Maréchal prit le temps de relire la proclamation de Napoléon ...
Prenant conscience du poids des mots, il alla la montrer au Préfet du Jura, ainsi qu'au Marquis de Saurans, qui était l'aide de camp du Comte d'Artois, et qui arrivait au même moment ...
Et il leur dit ... :
-"On n'écrit plus comme ça ... Le roi devrait écrire ainsi (comme si ces "incapables pouvaient avoir le génie de notre Empereur !!

), ... C'est comme ça, termin-t-il, qu'on parle aux Soldats et qu'on les émeut..."
A partir de cet instant, dans l'esprit du Maréchal Ney, les évènements vont prendre une toute autre portée, et son interprétation des choses va s'exprimer à l'opposé de ce qu'il pensait encore la veille ...
Ainsi, parcourant la pièce de long en large, le voilà qui s'exlame à haute voix :
-"La victoire marchera au pas de charge. L'Aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame" ...
Puis, dans l'emportement habituel de son tempérament, il commença à incriminer la conduite du Comte d'Artois qui, dira-t-il "n'a jamais daigné faire monter un Maréchal de France dans sa voiture !" ...et, qui plus est, le laisse aujourd'hui, sans troupes et sans ordres ! ...
Puis il blâme le roi de lui avoir refusé l'année précédente, la possibilité de conserver la Vieille Garde auprès de lui, accuse le parti des émigrés et rappelle les humiliations subies à la cour, par la princesse de la Moskowa ...
Puis il s'en prend à Napoléon :
"-Cet enragé-là ne me pardonnera jamais son abdication. Il pourrait bien me faire couper la tête avant six mois !" ...
C'était bien mal connaître l'Empereur !!
Toutefois, et malgré toutes ses plaintes contre les Bourbons, Ney paraît rester déterminé pour l'heure et animé contre Napoléon ... Signe d'une tête somme toute ébranlée par les évènements, ne sachant plus distinguer le bon sens, ayant les pires difficultés à se forger sa propre opinion, ou, s'il l'avait conçue secrètement, du moins semblait-il craindre de se l'avouer et de la mettre à exécution ...
C'est ainsi que j'analyse l'attitude si versatile de Ney, à ce moment précis du déroulement des évènements ...
Résolu, disais-je, comme la veille, il s'écria :
-"Le premier soldat qui bouge, je lui passe mon sabre au travers du corps ; la garde lui servira d'emplâtre ...Mais le soldat marche toujours au canon, et Vavasseur, mon aide de camp, sait s'en servir à merveille" ...
