Merci à vous, fidel.
Si vous ne vous trouvez point trop fatigué par cette marche à travers la montagne, je vous propose de gagner ce pittoresque petit village de Corps, avant de faire une halte pour la nuit ...
Pour en revenir à cette prodigieuse nouvelle du retour de l'Empereur, il s'est passé, de Cannes à Marseille, en passant par Draguignan et Toulon, un phénomère bien connu lorsqu'un évènement se trouve ainsi propagé de bouche à oreille : il perde de sa gravité ou se trouve complètement dénaturé.
Or, dans le cas présent, il se trouve que la nouvelle, une fois arrivé à Marseille, loin de faire état du débarquement de l'Empereur avec un millier d'hommes, il n'était plus question, de Fréjus à Draguignan que d'une cinquantaine de Grenadiers de la Garde de l'ex-Empereur, arrivés de l'île d'Elbe, sans faire mention de Napoléon, et c'est à Marseille que l'information se trouva encore modifiée, n'annonçant plus que les congés de quelques Grenadiers de l'île d'Elbe, pour revenir dans leur famille en France !
Masséna qui reçut ce message le 3 Mars, en début de matinée ne crut pas utile d'alerter la garnison de Marseille pour surveiller cinquante hommes , persuadé qu'il ne s'agissait que du débarquement de quelques hommes qui s'ennuyaient à l'île d'Elbe ...
Très peu de temps s'écoula, avant que des précisions vinrent rétablir l'exactitude des faits.
Le pré"fet du Var avait en effet été avisé que l'Empereur avait bel et bien débarqué avec un millier d'hommes et des canons, et faisait route vers Grenoble.
Aussitôt on mit en mouvement toute la garnison pour Sisteron, la tête de colonne quittant Marseille à trois heures du matin.
Toutefois, chacun connaissait la rapidité des marches de Napoléon, et doutait que la garnison de Marseille puisse arriver à temps, leur seul espoir restant que les mauvais chemins de montagne, ou que des combats livrés partiellement ici ou là, entraveraient le bon rythme de la marche.
Le Préfet des Basses-Alpes venait également d'être informé du débarquement.
Aussitôt les notables accoururent à la Préfecture , conjurant le général Loverdo et le Préfet "de ne commettre aucune hostilité contre Buonaparte, au risque de voir saccager la ville" ...
Nous sommes le 4 Mars ; après avoir quitté Barrème sous les acclamations de la foule, l'Empereur entra à Digne, dans l'après-midi, et fit une halte de quelques heures à l'auberge du "Petit-Paris" ...
Après un accueil plutôt froid, Il gagna la sympathie des habitants par une harangue ...
Mais poursuivons encore un peu notre chemin, Corps n'est plus très loin ...
Tant que nos hommes avaient emprunté les sentiers des Alpes, ils avaient cheminé presque sans ordre, tantôt en groupe épars, tantôt en file indienne ...
C'est à la sortie de Digne, à l'endroit où un embranchement relie la ville à la grande route de Grenoble, que l'Empereur décida d'ordonner sa petite armée en la divisant en trois échelons :
En tête, Il fit marcher le Colonel Mallet avec les trois Compagnies de Chasseurs à pied de la Vieille Garde, les Marins et les Lanciers polonais, montés ou non montés (les chevaux ayant été réquisitionnés entre Digne et La Mûre).
Venaient ensuite les trois Compagnies de Grenadiers, sous les ordres du Capitaine Loubers, les canonniers et une trentaine d'Officiers sans troupe ; c'est dans ce deuxième groupe que se trouvait l'Empereur, l'Etat-Major et le trésor ...
Enfin, les trois cents fusiliers du bataillon corse fermaient la marche.
Cambronne, quant à lui, continuait à faire l'extrême avant-garde, avec un peloton de Chasseurs et de Grenadiers.
Le soir de ce 4 Mars, la colonne prit le gîte à Malija, qui se trouvait à une vingtaine de kilomètres de Digne. L'avant-garde de Cambronne poursuivit encore pendant cinq lieues sans s'arrêter, l'Empereur voulant s'assurer que l'on pût s'y établir sans danger...
Mais, pendant ce temps, les troupes du général Loverdo avançaient à grands pas ; comme tous les généraux maintenus dans leurs fonctions, Loverdo persatit contre le retour de l'Empereur, et aurait souhaité mettre fin rapidement à cette fabuleuse épopée ...
Mais, en même temps, pour les anciens généraux qu'ils étaient, s'imaginer en face de leur Empereur pour lui faire tirer des coups de fusil, ne les séduisaient nullement ...
Ainsi, Sisteron ne fut pas occupé ; Cambronne y entra le 5 Mars à une heure du matin, accompagné de ses quarante Grognards ...
Le Maire, non seulement fournit les rations, mais il refusa d'en toucher le paiement...
Alors qu'il s'avançait avec le sous-préfet à la rencontre de l'Empereur, ce dernier apercevant la décoration du lys sur la poitrine de Maire, lui dit :
"-Otez cela pendant que je serai ici, car mes Soldats pourraient vous insulter"...
S'arrêtant ensuite à l'Auberge du Bras d'Or, l'Empereur s'enquit de l'impression que produisait son retour en France ; le sous-préfet lui répondit alors que la surprise était le sentiment qui primait tous les autres ...
-"Mais aura-t-on plaisir à me voir sur le trône" ?
- Je crois que oui, si l'on ne craignait pas de voir revenir avec vous la conscription et tous ses fléaux"...
Ce à quoi l'Empereur répondit :
-"Je sais qu'il a été fait bien des sottises. Mais je viens tout réparer. Mon peuple sera heureux."
Il quitta alors Sisteron, aux cris de "Vive l'Empereur" poussés par une foule lui faisant une haie sur son passage ...
Un peu plus loin à Upaix et à Rourebeau, la population entière, avertie par la rumeur publique réserva un chaleureux accueil à l'Empereur, qu'elle attendait à l'entrée du village.
Tous voulaient voir l'Empereur, le toucher, l'acclamer, donner du vin et des vivres à ses Soldats.
Dans la petite bourgade de La Saulée, traversée à la tombée du jour, l'on pouvait voir toutes les maisons illuminées ...
Cette nuit-là, l'Empereur coucha à Gap ; il y entra sous les acclamations et à la lueur des lanternes et des chandelles posées sur le rebord des fenêtres...
Un piquet de Garde Nationale présentait les armes, pendant que les tambours battaient aux champs ...
Et, durant toute cette nuit-là, les Gapençais fêtèrent l'évènement et exprimèrent leur joie en chantant et en dansant autour de plusieurs feux allumés sur la place.
Au moment de reprendre la route, cette foule en liesse accompagna durant environ deux lieues, les Soldats de l'île d'Elbe...
(Personnellement, je ne les aurais plus quitter !) ...
Le lendemain, 6 Mars, Corps accueille l'Empereur, et c'est dans ce petit village montagneux, non loin de Grenoble , qu'Il passera la nuit ...
Ma b..gie vient de s'ét...dre ; je contin...ai dem...n ...
