D'abord, le contexte et un rappel: avant toute recherche, je commence toujours par le dictionnaire Napoléon, sous la direction de Jean Tulard.
Pas de Bosredon-Ransijat dans l'édition de 1999.
Force est de s'en remettre à la correspondance de Bonaparte:
AU DIRECTOIRE EXÉCUTIF
Quartier général, Malte, 25 prairial an VI (13 juin 1798)
Nous sommes arrivés le 21, à la pointe du jour, à la vue de l'ile du Gozzo. Le convoi de Cività-Vecchia y était arrivé depuis trois jours.
Le 21 au soir, j'ai envoyé un de mes aides de camp pour demander au Grand Maître la faculté de faire de l'eau dans différents mouillages de l'ile.
Le consul de la République à Malte vint me porter sa réponse, qui était un refus absolu, ne pouvant, disait-il, laisser entrer plus de deux bâtirnents de transport à la fois, ce qui, calcul fait, aurait exigé plus de trois cents jours pour faire de l'eau.
Le besoin de l'armée était urgent et me faisait un devoir d'employer la force pour m'en procurer.
J'ordonnai à l'amiral Brueys de faire des préparatifs pour la descente. Il envoya le contre-amiral Blanquet du Chayla avec son escadre et le convoi de Cività-Vecchia, pour l'effectuer dans la cale de Marsa-Scirocco. Le convoi de Gênes débarqua à la cale Saint-Paul, celui de Marseille à l'ile du Gozzo.
Le général de brigade Lannes, le chef de brigade Marmont, descendirent à la portée du canon de la place. Le général Desaix fit débarquer le général Belliard avec la 21e. Il s'empara de toutes les batteries et de tous les forts qui défendaient la rade et le mouillage de Marsa--Scirocco.
Le 22 à la pointe du jour, nos troupes étaient à terre sur tous les points, malgré l'obstacle d'une canonnade vive, mais extrêmement mal exécutée.
Le 22 au soir, la place était investie de tous les côtés, et le reste de l'ile était soumis.
Le général Reynier venait de s'emparer de l'ile du Gozzo; le général Baraguey d'Hilliers, de tout le midi de l'ile de Malte, après avoir fait plusieurs chevaliers et 200 hommes prisonniers. Le général Desaix était à une portée de pistolet du glacis de la Cottonera et du fort Riccazoli; il avait fait aussi plusieurs chevaliers prisonniers.
Les malheureux habitants, effrayés au delà de ce qu'on peut imaginer, s'étaient réfugiés dans la ville de Malte, qui se trouva, par ce moyen, suffisamment garnie de monde.
Pendant toute la soirée du 22, la ville canonna avec la plus grande activité. Les assiégés voulurent faire une sortie; mais le chef de brigade Marmont, à la tête de la i 9e, leur enleva le drapeau de l'Ordre.
Le 23, je commençai à faire débarquer l'artillerie. Nous avons peu de places en Europe aussi fortes et aussi soignées que Malte. Je ne m'entins pas aux seuls moyens militaires, et j'entamai différentes négociations; le résultat en a été heureux.
Le Grand Maître m'envoya demander, le 23 au matin, une suspension d'armes.
J'ai envoyé mon aide de camp, chef de brigade Junot, au Grand Maître, avec la faculté de signer une suspension d'armes, s'il consentait, pour préliminaires, à négocier de la reddition de la place.
J'envoyai les citoyens Poussielgue et Dolomieu pour sonder les inten-tions du Grand Maître et des habitants.
Le 3, à minuit, les chargés de pouvoirs du Grand Maître vinrent àbord de l'Orient, où ils conclurent dans la nuit la convention dont vous trouverez ci-joints les articles.
A la tête de la députation du Grand Maître était le commandeur Bosredon-Ransijat, chevalier de la ci-devant Langue d'Auvergne, qui, du moment où il vit que l'on prenait les armes contre nous, a sur-le-champ écrit au Grand Maître que son devoir, comme chevalier de Malte, était de faire la guerre aux Turcs et non à sa patrie; qu'en conséquence il déclarait ne vouloir prendre aucune part à la mauvaise conduite de l'Ordre dans cette circonstance. Il fut sur-le-champ mis en prison, et il n'en sortit que pour être chargé de venir négocier.
Hier 24, nous sommes entrés dans la place, et nous avons pris possession de tous les forts. Aujourd'hui, à midi, l'escadre y est venue mouiller.
Je suis extrêmement satisfait de la conduite de l'amiral Brueys, de l'harmonie et de l'ensemble qui règnent dans toute l'escadre. J'ai beau-coup à me louer du zèle et de l'activité du citoyen Ganteaume, chef de division de l'état-major de l'escadre.
Le citoyen Motard, capitaine de frégate, a commandé les chaloupes de débarquement; c'est un jeune officier d'espérance.
Nous avons trouvé à Malte 2 vaisseaux de guerre, 1 frégate, 4 ga-lères, 1,200 pièces de canon, 1,500,000 livres de poudre, 40,000 fu-sils, etc. On vous en enverra incessamment l'état.
Vous trouverez ci-joint différents ordres' que j'ai donnés pour l'établissement du gouvernement de cette ile.
Vous trouverez ci-jointe la liste des Français résidant à Malte, la plu-part chevaliers, qui, un mois avant notre arrivée, ont fait des dons pour la descente en Angleterre.
Je vous prie d'accorder le grade de général de brigade au citoyen Marmont.
BONAPARTE
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