Le matin du 7 juillet 1840, en présence du prince de Joinville et tandis que les salves d'artillerie font vibrer l'atmosphère, l'évêque de Fréjus bénit la frégate de 26 canons, "La Belle Poule", qui, à 7 heures du soir, va appareiller de Toulon pour Sainte-Hélène au milieu des acclamations de la foule massée sur les quais.
Le bâtiment, commandé par le prince lui-même, escorté par "La Favorite", prend aussitôt le large. A son bord sont réunis tous les membres de la délégation chargée de ramener les cendres de l'Empereur : les fidèles compagnons de l'exil, Bertrand, Gourgaud, Marchand, et le jeune Emmanuel de Las Cases qui remplace son père devenu aveugle et très malade, puis quatre dévoués serviteurs qui avaient servi l'Empereur à Sainte-Hélène : Saint-Denis, Pierron, Noverraz et Archambault. Le prince de Joinville est également accompagné d'un jeune diplomate, Philippe de Rohan-Chabot, qui porte le titre de commissaire du roi, et de l'abbé Coquereau qui, assisté de deux enfants de choeur, devait procéder aux cérémonies religieuses.
Le voyage fut long, mais combiné, selon les recommandations qui avaient été faites au prince de Joinville avant son départ, "de façon à faire coïncider le retour des cendres en Europe avec la fin de décembre, époque de l'ouverture des Chambres". En effet, Thiers tenait beaucoup à ce que ce "coup de tam-tam", en soulevant l'émotion populaire, étouffât "tous les bruits, toutes les vélléités de changements ministériels qui lèvent toujours à ces époques du sol parlementaire".
C'est le 7 octobre que la vigie accrochée à la vergue de misaine de "La Belle Poule" hurle dans le vent : "Sainte-Hélène !".
On imagine le branle-bas à bord et l'émotion que durent ressentir ceux qui avaient quitté ces roches basaltiques après l'inhumation de l'Empereur , le 9 mai 1821 : dix-neuf ans s'étaient écoulés depuis ces moments dont le souvenir les tenaillait !
Mais comme la nuit tombait, ce n'est que le lendemain matin à 11 heures que La Belle Poule et La Favorite peuvent mouiller dans le port de Jamestown, saluées par deux navires : L'Oreste, un brick français, et le Dolphin, bâtiment anglais qui avait apporté les instructions du gouvernement de la reine Victoria, au sujet de la translation des cendres impériales.
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