Citer :
je ne crois pas une seconde à l'hypothèse Cipriani de Rétif.... aller déterrer un homme mort trois ans plus tôt, inhumé entre quatre planches... Shocked
Et sauf erreur de ma part, BRH ne reprend pas entièrement cette version à son compte...
il est évident qu'un des protagonistes de 1840 aurait fini par éventer la mèche... Au reste, n'importe quel cadavre aurait pu faire l'affaire Wink
si substitution il y a eue à un moment donné, personne n'a eu conscience de la supercherie... un cercueil ouvert seulement quelques minutes, l'émotion et la solennité de l'instant faisant le reste salut!
L'hypothèse de Rétif, c'est que le corps de Cipriani a remplacé celui de Napoléon en 1828. Ne pas confondre hypothèse et thèse.
Sa thèse, c'est que Cipriani est à la place de Napoléon en 1840. Et j'adhère à cette thèse. Maintenant, de quand cette situation datait-elle ? A dire vrai, je n'en sais rien... La seule certitude, c'est qu'un groupe de personnes a remplacé les cercueils contenant le corps de Napoléon, par un ensemble de cercueils enfermant les restes de Cipriani. Ce ne sont d'ailleurs peut-être pas les mêmes personnes !
L'objection principale faite à l'hypothèse de Rétif, c'est que le corps de Cipriani ne pouvait pas s'être conservé pendant près de 10 ans entre simplement quatre planches. Et pour quelles raisons les Anglais auraient-ils déterré Cipriani ? Il fallait un élément déclencheur. Pour Rétif, aucun doute, c'était l'affaire des masques. O'Meara, informé de la substitution des masques (le Rusi, escamoté au profit de l'Antomarchi) en avait fait part aux autorités anglaises. Celles-ci eurent la curiosité de vérifier l'information, en tout cas, de constater l'état du cadavre. Le mieux, était d'en charger celui qui était à l'origine de l'affaire. O'Meara. Mais, Rétif ne donnait pas de preuve de ce passage d'O'Meara à Sainte-Hélène. Je l'avais cherchée, sans la trouver.
C'est Albert Benhamou qui a trouvé. Mr. Roshni Joar l'a certifié dans un article de Tribune India du 12 août 2000. En 1827, O'Meara s'est rendu en Inde pour visiter un membre de sa famille, y apportant une variété d'arbuste provenant de l'île ; et a donc fait escale au préalable à Sainte-Hélène. Curieusement, Mr Benhamou n'a pas cru devoir en faire état dans son ouvrage. Chacun pourra vérifier l'info auprès de Mr Benhamou. Je l'ai donnée en 2003, dans une note 370 de la réédition de mon livre, mal répertoriée à l'index. Il y a eu confusion, sans que je puisse l'expliquer... Mais le fait demeure. Sur ce point, tous les légalistes ont fait silence, sans jamais reprendre l'information, même pour la contester !
Mais -me direz-vous- qu'O'Meara soit bien passé à Sainte-Hélène en 1827, ne prouve pas qu'il ait déterré le corps de Cipriani ! Certes non, mais cela donne du crédit à l'hypothèse de Rétif : prouvez que l'Irlandais est bel et bien demeuré en Angleterre en 1827 et cette hypothèse s'écroule ! Donc, elle ne s'écroule pas. Cependant, pourquoi vérifier l'état du cadavre ? Cela supposait un but, une intention. Que le cadavre soit réduit à l'état de squelette et le but supposé du voyage d'O'Meara n'avait plus lieu d'être. Mais si l'ancien médecin de Napoléon trouvait un cadavre momifié, tout changeait. Le remplaçant éventuel était déclaré "apte" ! Moyennant des procédés de conservation à sa portée, O' n'avait plus qu'à l'enfermer à son tour dans un cercueil de fer-blanc parfaitement hermétique et étanche et -sans-doute- le revêtir dès cet instant des défroques disponibles de l'uniforme impérial. Ainsi donc, une comparaison éventuelle entre le visage du nouveau Napoléon et le masque Antomarchi devenait une preuve supplémentaire de l'identité impériale du cadavre en question.
Reste le mobile. Pourquoi s'emparer du corps de Napoléon ? Pour le détruire, pour en faire un trophée ? Pour le simple plaisir de s'assurer que ses restes ne reviendraient pas triomphalement à Paris ? Pour l'offrir à Georges IV ? A moins que celui-ci ne soit le commanditaire de l'opération dès le début ? Tout ceci, il faut l'admettre, sont de simples spéculations.
D'ailleurs, on peut inverser les évènements décrits par Rétif. Rien ne nous dit que les cercueils de l'Empereur n'aient été enlevés qu'en 1828. Ceci pourrait avoir été réalisé dès 1821. Par la volonté du monarque, achetant le silence et la complicité des autorités anglaises locales, à commencer par Hudson Lowe. En ce cas, la tombe était vide dès cet instant. Les ministres apprenant la chose ultérieurement et ne pouvant plus s'opposer au crime de George IV, il convenait d'éviter le scandale en installant un leurre pour combler l'absence des cendres de Napoléon. Un squelette pouvait suffire, certes. Et la France ne semblait pas prête à réclamer lesdites cendres tant que les Bourbons régneraient. Mais, en 1825/1827, les ministres anglais étaient-ils encore convaincus de l'éternité du règne de la dynastie légitime ? Cinquante ans plus tard, tous les compagnons de Napoléon étant morts, qui pourrait contester la réalité de l'identité du gisant ? Seulement, cette garantie de 50 ans, les Bourbons pouvaient-ils la donner ? Etait-on certain de la pérennité de la dynastie ? Etait-ce même souhaitable pour l'Angleterre, bien informée déjà des velléités de Charles X pour remettre en cause les traités de 1815 ?
Par conséquent, puisque l'empreinte du visage de Cipriani était devenue le creuset de l'image funèbre de Napoléon, par le fait des Français eux-mêmes (et pas n'importe lesquels, mais les propres compagnons d'exil de Napoléon), le plus sûr c'était de faire passer le cadavre de Cipriani pour celui de Napoléon. Pure spéculation ? Oui, si vous considérez que le masque mortuaire présenté par Antomarchi est bel et bien celui de Napoléon.
Cela permet de réfléchir au fait que les ministres anglais de 1825/1827 ne disposaient pas du corps de Napoléon. Soit qu'ils l'aient détruits, soit que George IV se le soit approprié ou qu'il ne soit pas ou plus en leur pouvoir pour une autre raison... Mais par sécurité, il leur paraissait convenable que le forfait demeure à jamais inconnu des opinions publiques... Et il ne faut pas oublier que le peintre officiel de George IV, Lawrence, avait acquis la certitude que le masque détenu par Antomarchi et présenté comme étant celui de Napoléon, en 1825 justement, suite à sa visite au domicile parisien du barbier corse, serait bel et bien officiellement le masque mortuaire de l'Empereur !
Les légalistes ont beaucoup ri de l'hypothèse du rapt du cadavre de Napoléon au profit de George IV. Mais qui sait si cela ne s'est pas produit dès 1821, de concert entre Montholon et Lowe ? Qui sait même si George IV n'aurait pas exposé la dépouille à Royal Loadge pour la montrer à un public choisi ? Imaginez la panique des ministres qui ne pouvaient manquer de l'apprendre et faire en sorte ensuite d'étouffer le scandale, convaincus que cela ne pouvait manquer d'affaiblir la monarchie !
Oui, nous en sommes au stade des hypothèses. Mais la thèse demeure : c'est bien Cipriani qui était à la place de Napoléon en 1840 !