Antommarchi a relaté que les éperons étaient petits. Noverraz l'a confirmé en évoquant les petits éperons d'argent. Certains amateurs, acquis aux légalistes, estiment donc qu'ils sont passés inaperçus de la majorité des témoins : ceux-ci, en deux minutes et dans l'émotion du moment se seraient certainement plus concentrés sur le visage et l'ensemble du corps que sur les éperons probablement moins visibles. Cela ne signifierait pas pourtant que les éperons aient disparu mais simplement que les témoins auraient oublié d'en parler ou qu'ils ne se sont pas concentrés sur ce détail. Coquereau toutefois les aurait vus et les mentionne; les éperons seraient donc bien présents en 1840.
Que faut-il penser de ces déductions hâtives ? D'abord que les éperons étaient bien présents en 1821. Simple constatation de bon sens, mais qu'il faut réitérer parce que certains légalistes avaient imaginé je ne sais quel scénario grotesque pour expliquer leur absence.
Plus intelligent, le raisonnement récent tend à expliquer l'absence de signalement par le manque de rigueur ou d'attention des témoins.
Premier épinglé, le docteur Guillard (que nos amateurs oublient régulièrement et systématiquement de citer). Or, c'est de tous les témoins celui dont les observations sont les moins contestables. Il l'a d'ailleurs revendiqué en déclarant : "Moi seul ai vu, moi seul ai touché"...
Viennent ensuite Rohan-Chabot, à qui ces mêmes légalistes reprochent d'avoir plagié le rapport de Guillard, puis Las Cases et Arthur Bertrand. Les témoignages de ces quatre personnes sont en effet les plus favorables à la thèse de la substitution.
Il est donc bien plus opportun de citer systématiquement Gourgaud et Coquereau dont les détails donnés sont parfois en contradiction avec les quatre précités...
C'est oublier qu'ils étaient nettement moins bien placés que Guillard pour réaliser les meilleures constatations.
C'est évidemment le cas de Coquereau qui se tenait devant le cercueil, certainement à six pas comme cela avait été notifié aux témoins par Chabot. Il résulte du déroulement des opérations que c'est bien Guillard, Chabot, le général Bertrand et Marchand qui étaient les plus proches.
Coquerau -qui n'a vu qu'une seule botte ouverte- ce qui permet d'affirmer qu'il était moins bien placé que les autres, aurait vu les éperons...
Malheureusement, dans la première relation manuscrite qu'il a faite et qui lui a servi ensuite pour rédiger sa publication en 1841, il ne les a pas mentionnés !
Ensuite, il reprend la belle formule littéraire employée par les témoins de 1821 et répétée ensuite jusqu'à satiété: "Napoléon, botté et éperonné" ! En ce qui nous concerne, nous pensons que Coquereau s'est laissé aller à un effet de style non conforme à la vérité, soit qu'il ait voulu embellir son récit, soit qu'une personne haut placée lui ait soufflé cette initiative...
Si les éperons avaient été présents, le docteur Guillard n'aurait pas manqué de le signaler, tout comme Marchand, dont on ne mentionne jamais le témoignage (dans sa lettre à Joseph). Il est vrai que Marchand n'a fait aucune observation concernant les bottes, mais il a évoqué les vases. S'il avait aperçu les éperons, tout au moins leurs attaches, il n'aurait pas manqué de le dire...
Conclusion : Coquerau -qui était le moins bien placé- a été le seul à évoquer les éperons par une formule douteuse. Il est donc permis d'écarter son témoignage. "Testis unis, testis nullus" !
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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