L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 16 Juil 2003 11:17 
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De Me Adrien Alric :

"Pour faire suite à l'excellent article de Jacques Macé Le corps de Napoléon est bien aux Invalides, paru dans RSN 445, interrogeons-nous sur les raisons qui interdisent l'idée même d'une quelconque substitution."

=> On le voit, dès le début, le ton est donné: l'article de Jacques Macé est qualifié d'excellent; et si cela ne suffisait pas, on met les bouchées doubles: il s'agit -pas moins- d'interdire "l'idée même d'une quelconque substitution"!

"1) Le mobile: Il en faut, semble-til, nécessairement un et l'on n'en trouve pas de convaincant. Seuls les fous peuvent agir sans connaître la nécessité d'un mobile."

=> Toujours la sempiternelle histoire du mobile... Bien malin serait celui qui pourrait deviner! N'avons-nous pas avancé TROIS hypothèses (accidentelle, politique et "psychopathique")? Qui peut dire quelle est la bonne ?

"Or si Georges III était en état de démence, son fils, Georges IV, bien qu'ivrogne et jouisseur, était sain d'esprit et, du reste, n'avait-il pas répondu à une requête du grand maréchal et de Montholon présentée le 21 septembre 1821 dès leur retour de Sainte-Hélène et réclamant la restitution du corps de Napoléon: « Le gouvernement anglais ne se regarde pas comme dépositaire des cendres de l'Empereur (sic) et qu'il le rendrait dès que le gouvernement français en témoignerait le désir! » Cela exclut l'idée ou l'arrière-pensée d'une appropriation du corps de l'Empereur même si le roi d'Angleterre pouvait penser que Louis XVIII ne ferait jamais une telle démarche."

=> Est-on sain d'esprit lorsqu'il s'avère que l'on est nécropathe, névrotique, mythomane et pédophile ? C'est pourtant le "portrait" psychologique de Georges IV... Il faut être passé maître en perfidie pour oser faire cette réponse à Madame Mère: rendre le corps de l'Empereur "dès que le gouvernement français en témoignerait le désir"! Il semble donc bien téméraire de déclarer que "cela exclut l'idée ou l'arrière-pensée d'une appropriation du corps de l'Empereur"!!! C'est même tout le contraire!

"2) Pourquoi l'Angleterre se serait-elle livrée à une comédie aussi macabre alors que maîtresse chez elle et donc à Sainte-Hélène, elle pouvait agir au grand jour et ce d'autant plus , qu'envisageant une telle éventualité, Lord Bathurst avait donné comme instruction à Hudson Lowe de ramener le corps de Napoléon en Angleterre s'il devait mourir pendant sa captivité ?"

=> Précisément: qu'est-ce qui a motivé le changement dans les ordres donnés par Bathurst à Hudson Lowe en 1820 ? C'est une piste qu'il conviendrait d'explorer jusqu'au bout et qui rejoint l'hypothèse politique! Savoir que le roi de France ne tenait pas à ce que le cadavre de l'usurpateur devienne un objet de culte et sa tombe, un lieu de pélerinage, si près de la France!

"Au demeurant, si la substitution avait eu lieu, l'Angleterre, pour sauver les apparences et cacher son forfait, aurait dû continuer, à grands frais, à assurer le gardiennage et la surveillance de la tombe comme elle le faisait depuis le 9 mai 1821."

=> Le sens de ce paragraphe m'échappe totalement! Le gardiennage de la tombe n'a été assuré que par 12 hommes courant 1821, puis abandonné à la garde de deux soldats retraités, dont le fameux John Young...

"3) Les maîtres d'reuvres : D'après Rétif de la Bretonne, Hudson Lowe et O'Meara auraient été chargés de cette sinistre besogne. Or, le premier a chassé le second de Sainte-Hélène et ce dernier s'est vengé en publiant un pamphlet dénonçant(...) le comportement ignominieux du geôlier de l'Empereur , allant jusqu'à écrire: « Si j'avais suivi les instructions de Hudson Lowe, Napoléon serait déjà mort ». Ennemis irréconciliables, pouvaient-ils collaborer pour réaliser la substitution en faisant abstraction de leur haine réciproque ?"

=> Certes, ceci paraît assez improbable: c'est en effet la thèse de Rétif, ce n'est pas la mienne... Néanmoins, moyennant beaucoup d'or, O'Meara était capable de jeter un voile pudique sur sa conscience! N'a-t-il pas gardé un mutisme absolu sur le masque Antommarchi ? Il était pourtant bien placé pour savoir que c'était un faux!

"4) Les témoignages: Il s'agit de ceux qui ont assisté à l'inhumation en 1821 et à l'exhumation en 1840. Rétif de la Bretonne joue sur leurs divergences. Jacques Macé apporte à leur sujet des explications très pertinentes.
Il convient, toutefois, de rappeler les circonstances de l'exhumation ."

=> Très pertinentes ? C'est ce qu'il faut démontrer; et nous avons conclu dans un sens contraire...

"Dès le 14 octobre, vers 23 heures, les nombreux témoins de l'exhumation sont auprès de la tombe. Les travaux commencent à minuit et ne s' achèveront que le 15 octobre à 13 heures.
De nombreux ouvriers sont employés car la tombe est profonde et très solidement maçonnée. Il pleut toute la nuit, le vent souffle violemment. Tous ceux qui assistent sont debout, trempés jusqu'aux os, sans boire ni manger et de plus, aux prises avec une légitime angoisse.
Enfin les cercueils retirés de la tombe sont placés sous une grande tente et Ali, un parmi les témoins invités à se tenir à l'écart, nous décrit la scène de l'ouverture: « Les témoins se tenaient, par ordre, en rond à 5 ou 6 pas (3 mètres environ) du cercueil, le regard fixe, le cou tendu, s'exhaussant sur la pointe des pieds pour mieux voIr »."

=> Ne croirait-on pas lire un "remake" de la blague de feu le colonel Guéguen ? Les témoins n'ont rien vu, il faisait trop sombre sous la tente, à cause de la pluie et de l'absence de flambeaux, etc...

Notons cependant l'allusion à Ali, dont malheureusement, Me Alric ne donne pas la source! Gageons cependant qu'il s'agit d'un des inédits d'Ali jalousement conservé par Jacques Jourquin qui -pour la circonstance- a certainement dû consentir une entorse à ses principes!!

Toutefois, cette précision est intéressante, elle avalise les dires de Rétif quand il explique que les témoins avaient prêté serment devant Joinville de demeurer muets et impassibles!

"Qu'ont-ils réellement vu et quels incontestables détails ont-ils pu dans ces conditions enregistrer dans leur mémoire alors que le linceul a laissé découvert le corps pendant « une ou deux minutes » et qu'ils étaient sous le coup d'une très grande émotion ? Quel crédit accorder à leurs écrits postérieurs à l'événement et portant sur des choses insignifiantes auxquelles on peut penser qu'ils n'ont eu ni le temps ni l'idée de prêter attention ?
Emmanuel Las Cases, qui était présent, a écrit: « Les témoins oculaires de 1840 avaient un souvenir tellement précis du 9 mai 1821, qu'ils étaient tous d'opinions différentes ». Quant au chef de mission, le comte de RohanChabot, il précise: « Monsieur le Général Bertrand, Monsieur Marchand et les autres personnes qui avaient assisté à l'inhumation nous indiquent les divers objets déposés par eux dans le cercueil, chacun était demeuré dans la position exacte qu'ils lui avaient assignée ».
Quid dès lors de l'exploitation faite par les « substitutionnistes » de témoignages forcément incertains ?"

=> Etonnant que notre honorable "confrère" ne mentionne à aucun moment le témoignage précis et circonstancié du Docteur Guillard, Chirurgien-Major à bord de la Belle Poule, témoignage précieusement "couché" sur un Procès-Verbal, aussitôt après le déroulement des faits et sur les lieux eux-mêmes, ce qui en fait -selon moi- une pièce quasiment irréfragable! Mais Me Alric le sait sans doute si bien, qu'il a préféré passer cette pièce par pertes et profits, pour mieux étayer sa laborieuse démonstration!

"42 militaires furent mobilisés pour porter le lourd cercueil de 1 250 kg jusqu'à la route où un important convoi fut organisé pour gagner Jamestown avant qu'il soit hissé, avec quelles énormes difficultés, sur la Belle-Poule. Bien évidemment la substitution aurait nécessité le même nombre d'ouvriers, de militaires et aurait soulevé les mêmes difficultés, sans parler du transfert du port anglais jusqu'à l'abbaye de Westminster où une lourde dalle soulevée et une nouvelle et profonde tombe creusée aurait accueilli le quadruple cercueil."

=> Alors là, c'est le comble de la loufoquerie! Comme si le transport d'un triple cercueil (en fer blanc, en plomb et en acajou), pouvait "soulever" les mêmes difficultés que le transport de la lourde bière de 1840 comprenant cinq cercueils (fer blanc, acajou, plomb, plomb encore et ébène pour finir -sans compter la châsse en bois de chêne!). Probablement, notre aimable confrère aura négligé ce détail... Et confondu le poids respectif des cercueils au moment de l'inhumation qui n'est plus le même au moment de l'exhumation!

"Et tout cela n'aurait laissé aucune trace dans les mémoires des innombrables témoins ? Pas un seul témoin, ni à Sainte-Hélène, ni en Angleterre pour relater, même sommairement, ce formidable événement de la substitution ? Beaucoup auraient vu mais tous se seraient tus à jamais. Invraisemblance Omerta..."

=> Cet argument a souvent été mis en avant par les légalistes; il n'est donc pas nouveau! Et comme je l'ai souligné d'innombrables fois, il est inopérant: le silence s'achète facilement par l'or; il s'obtient également par le poignard ou le poison, voire la simple menace de leur usage... Il faut n'avoir jamais discuté avec des membres des "Services secrets"!


"5) Une dernière raison, la plus importante, peut-être, s'oppose à la vraisemblance de la comédie de la substitution.

L'idée de la restitution des cendres à la France est due à l'initiative d'un député irlandais: O'Connel. Elle séduit la Reine Victoria et le cabinet anglais: voilà, en effet, une occasion de renforcer la Sainte-AIliance. Mais l'Angleterre ne peut envisager de faire officiellement une telle offre. Il faut agir plus... sournoisement: que la France fasse une demande de restitution et il y sera donné une suite favorable. Officieusement prévenu, Guizot, notre ambassadeur à Londres, alerte Thiers, président du Conseil, qui voit dans cette opération la possibilité de gagner, à la veille d'élections importantes les voix bonapartistes -la légende est à son zénith -et qui sans trop de difficultés convainc Louis-Philippe de donner son accord."

=> Bien: enfin, quelqu'un admet (en partie) le bien-fondé des arguments de Rétif sur cette question! Il est vrai que j'en ai donné les sources; Me Alric oublie simplement que O'Connel s'était concerté avec la famille Bonaparte et singulièrement avec Louis-Napoléon et que l'opération des Cendres était primitivement destinée à la remise du cercueil et de son contenu à la seule famille Bonaparte et non pas à la France!

De plus, Alric -qui n'est pas historien- mais seulement juriste (comme moi ) commet la bévue grossière de parler de la "Sainte-Alliance", quand il s'agit de l'Entente Cordiale... Ce n'est quand même pas tout à fait la même chose:

"La question dès lors est simple :
S'il y a eu substitution, ce que ni la Reine ni le cabinet n'auraient ignoré, l'Angleterre aurait -elle pris le risque de proposer et d'accepter -rien ne pouvait l'y obliger -le retour des cendres ? Sachant qu'avant tout transfert du corps il serait nécessairement procédé à son identification qui aurait mis à jour la supercherie. Rendre les cendres d'un domestique, faire l'aveu de son ignominie, ajouter à la captivité son mépris, alors adieu à la Sainte-Alliance et bienvenue au scandale qui sur le plan international aurait été considérable, Albion apparaissant plus perfide que jamais. Non, la substitution n'est pas même concevable."

=> Encore une fois, Alric raisonne en oubliant les tenants et les aboutissants de l'affaire: il est certain que les Bonaparte et O'Connel sont à l'origine de l'opération du Retour des Cendres, opération récupérée sur le plan politique par Thiers et Louis-Philippe! Cependant, il est bien évident QU'A CET INSTANT la Reine et son ministre Palmerston ignoraient tout de la substitution!

En effet, ils n'auraient pas pris un risque pareil, ce qui fait qu'ils n'ont été avertis de celle-ci qu'après la publication officielle du projet de l'Expédition. C'est alors -selon toute vraisemblance- que les sbires de Georges IV ont révélé le pot-aux-roses, effrayés des conséquences gravissimes pour l'Angleterre!! les dés étaient jetés, il n'était plus question de faire machine arrière...

N'en doutons pas, c'est à ce moment-là que Palmerston a averti Louis-Philippe des derniers incidents. Et c'est pourquoi le brick l'Oreste fit force voile vers Sainte-Hélène pour porter les dernières nouvelles et les instructions ultimes à Joinville afin d'éviter que le "Retour des Cendres" ne se transforme en un retour de flammes entre la France et l'Angleterre...
_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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Message Publié : 16 Juil 2003 18:42 
Bruno Roy-Henry nous livre un texte de Maître Adrien Alric, qu'il nous présente comme l'avocat des "légalistes".
Me Alric a écrit :
Pour faire suite à l'excellent article de Jacques Macé Le corps de Napoléon est bien aux Invalides, paru dans RSN 445

Le qualificatif "excellent" paraît un peu hâtif. Certes l'article de Jacques Macé présente des qualités. Il n'est toutefois pas à l'abri de toute critique.
On peut notamment remarquer que Jacques Macé est tombé dans le même travers que le colonel Dugué Mac Carthy : la certitude de pouvoir opposer aux mauvaises hypothèses de Georges Rétif et Bruno Roy-Henry les bonnes hypothèses qui permettent de tout expliquer.
Ce faisant, Jacques Macé a choisi comme les auteurs qu'il entendait contredire de compléter les blancs et de s'avancer dans de multiples explications qu'aucune source ne vient étayer.
Pour ma part, je ne peux pas considérer une telle approche comme "excellente". L'historien doit pouvoir reconnaître son ignorance qui est souvent beaucoup plus vaste que ses connaissances.
Me Alric a écrit :
interrogeons-nous sur les raisons qui interdisent l'idée même d'une quelconque substitution.

"Interdisent" nous dit Maître Alric :15: . Serions-nous en présence d'un lapsus ? Pourquoi le choix d'un terme aussi malheureux ? Dans la recherche historique ou autre, aucune idée n'est "interdite". Nous ne sommes plus à l'époque des procès de Galilée ou de Giordano Bruno.
Me Alric a écrit :
1) Le mobile: Il en faut, semble-t-il, nécessairement un et l'on n'en trouve pas de convaincant.

Là, je suis plutôt d'accord : pas de mobile vraiment convaincant. Cela ne signifie pas pour autant que le vol du corps de Napoléon était totalement invraisemblable, même si nous n'en connaissons pas le motif.
Me Alric a écrit :
Seuls les fous peuvent agir sans connaître la nécessité d'un mobile.

Cet argument est peu convaincant. Nous ignorons le mobile de nombreux crimes et un grand nombre d'entre eux apparaissent comme des actes de folie. Par ailleurs, parmi les mobiles qui faisaient agir les hommes du passé, beaucoup peuvent nous apparaître aujourd'hui comme l'effet d'une folie collective, alors qu'à l'époque où les actes qu'ils ont motivés ont été accomplis, ils passaient pour tout à fait normaux.
Me Alric a écrit :
Or si Georges III était en état de démence, son fils, Georges IV, bien qu'ivrogne et jouisseur, était sain d'esprit

J'ai moi-même évoqué cet argument, en sachant toutefois qu'il devait être relativisé. Les diagnostiques relatifs à la santé mentale réalisés dans le passé (et d'ailleurs encore aujourd'hui) doivent toujours être pris avec une certaine prudence. La folie n'est pas une maladie comme une autre (est-ce bien une maladie, d'ailleurs ?). Son diagnostique varie d'une époque à l'autre. Un individu considéré comme fou à une époque ne l'aurait pas nécessairement été à une autre et inversement.
Par exemple, les sorcières et sorciers n'étaient pas considérés comme fous jusqu'à la fin du 17e siècle, mais au contraire souvent condamnés à mort. A partir du 18e siècle par contre, on aura tendance à les considérer comme fous et à les enfermer.
Au 18e siècle encore, un individu qui se regarde complaisamment dans le miroir en se disant qu'il est bel homme pouvait passer pour fou, alors que de nos jours, cela n'a plus grand-chose d'anormal.
Me Alric a écrit :
et, du reste, n'avait-il pas répondu à une requête du grand maréchal et de Montholon présentée le 21 septembre 1821 dès leur retour de Sainte-Hélène et réclamant la restitution du corps de Napoléon: « Le gouvernement anglais ne se regarde pas comme dépositaire des cendres de l'Empereur (sic) et qu'il le rendrait dès que le gouvernement français en témoignerait le désir! » Cela exclut l'idée ou l'arrière-pensée d'une appropriation du corps de l'Empereur

Enfin un argument intéressant et un peu neuf !
Me Alric a écrit :
même si le roi d'Angleterre pouvait penser que Louis XVIII ne ferait jamais une telle démarche.

Commentaire totalement dépourvu d'intérêt et de fondement historique. Maître Alric croit-il nécessaire qu'une petite touche de "perfidie anglaise" soit indispensable pour donner plus de crédibilité au témoignage qu'il cite ?
Me Alric a écrit :
2) Pourquoi l'Angleterre se serait-elle livrée à une comédie aussi macabre alors que maîtresse chez elle et donc à Sainte-Hélène, elle pouvait agir au grand jour

D'accord sur ce point. Mais on reste en fait sur la question du mobile. Maître Alric aurait donc dû rattacher cette question au point 1 et non ajouter un point 2 qui donne l'illusion d'un nouvel argument parfaitement distinct.
Me Alric a écrit :
et ce d'autant plus , qu'envisageant une telle éventualité, Lord Bathurst avait donné comme instruction à Hudson Lowe de ramener le corps de Napoléon en Angleterre s'il devait mourir pendant sa captivité ?

Aurait-il pu mourir à un autre moment que pendant sa captivité ? Cela signifie-t-il que les Anglais auraient envisagé sérieusement de mettre un terme à la captivité de Napoléon avant son décès ?
Citer :
Au demeurant, si la substitution avait eu lieu, l'Angleterre, pour sauver les apparences et cacher son forfait, aurait dû continuer, à grands frais, à assurer le gardiennage et la surveillance de la tombe comme elle le faisait depuis le 9 mai 1821.

Me Alric a écrit :
3) Les maîtres d'oeuvres : D'après Rétif de la Bretonne, Hudson Lowe et O'Meara auraient été chargés de cette sinistre besogne. Or, le premier a chassé le second de Sainte-Hélène et ce dernier s'est vengé en publiant un pamphlet dénonçant(...) le comportement ignominieux du geôlier de l'Empereur , allant jusqu'à écrire: « Si j'avais suivi les instructions de Hudson Lowe, Napoléon serait déjà mort ». Ennemis irréconciliables, pouvaient-ils collaborer pour réaliser la substitution en faisant abstraction de leur haine réciproque ?

C'est clair, c'est l'un des points les plus faibles du livre de Rétif. Il s'est laissé aller à une imagination de romancier et a voulu désigné des acteurs connus de ses lecteurs pour créer un effet de dramatisation purement littéraire.
Bruno Roy-Henry, pour sa part, même s'il prend quelques distances avec ces hypothèses peu étayées a le tort de ne pas s'en démarquer suffisamment, ôtant ainsi une part de crédibilité à un travail pourtant plus rigoureux.
De manière plus générale, on pourrait d'ailleurs mettre en doute la désignation des Anglais comme responsables d'une substitution, même si celle-ci était prouvée.
Mais comme pour le mobile, l'impossibilité de désigner avec une certitude absolue les "criminels" n'est pas en soi la preuve de l'inexistence du "crime".
Me Alric a écrit :
4) Les témoignages: Il s'agit de ceux qui ont assisté à l'inhumation en 1821 et à l'exhumation en 1840. Rétif de la Bretonne joue sur leurs divergences. Jacques Macé apporte à leur sujet des explications très pertinentes.

La pertinence des explications de Jacques Macé est toute relative.
Chacun des camps part d'une certitude. Les "substitutionnistes" sont convaincus de l'existence de la substitution et donc voient dans chaque divergence une preuve incontestable de la substitution.
A l'inverse, les "légalistes" affirment que la substitution n'a jamais eu lieu. Ils fournissent donc des explications tout aussi péremptoires que celles des "substitutionnistes", mais qui vont évidemment dans le sens d'une négation de la substitution.
C'est forcément un dialogue de sourds. Et c'est parfaitement stérile.
Il semble exister une méthode pour trancher cette question : les tests ADN qui permettrait d'exclure ou de confirmer l'hypothèse de la substitution.
Mais étrangement, les "légalistes" ne veulent pas en entendre parler, alors qu'ils sont sûrs qu'il s'agit bien du corps de Napoléon.
A quoi rime cette mascarade ? Est-ce un moyen de faire perdurer un débat qui offre une tribune à certains ? Ou s'agit-il simplement de l'application du principe que la bureaucratie ne revient jamais sur une décision ?
Me Alric a écrit :
Il convient, toutefois, de rappeler les circonstances de l'exhumation .
Dès le 14 octobre, vers 23 heures, les nombreux témoins de l'exhumation sont auprès de la tombe. Les travaux commencent à minuit et ne s'achèveront que le 15 octobre à 13 heures.
De nombreux ouvriers sont employés car la tombe est profonde et très solidement maçonnée. Il pleut toute la nuit, le vent souffle violemment. Tous ceux qui assistent sont debout, trempés jusqu'aux os, sans boire ni manger et de plus, aux prises avec une légitime angoisse.
Enfin les cercueils retirés de la tombe sont placés sous une grande tente et Ali, un parmi les témoins invités à se tenir à l'écart, nous décrit la scène de l'ouverture: « Les témoins se tenaient, par ordre, en rond à 5 ou 6 pas (3 mètres environ) du cercueil, le regard fixe, le cou tendu, s'exhaussant sur la pointe des pieds pour mieux voIr ».
Qu'ont-ils réellement vu et quels incontestables détails ont-ils pu dans ces conditions enregistrer dans leur mémoire alors que le linceul a laissé découvert le corps pendant « une ou deux minutes » et qu'ils étaient sous le coup d'une très grande émotion ? Quel crédit accorder à leurs écrits postérieurs à l'événement et portant sur des choses insignifiantes auxquelles on peut penser qu'ils n'ont eu ni le temps ni l'idée de prêter attention ?

Le beurre et l'argent du beurre, Maître Alric !
Comment peut-on tout à la fois remettre en doute la fiabilité des témoignages et en même temps considérer l'article de Jacques Macé comme excellent alors qu'il prend ces témoignages au pied de la lettre et entend répondre point par point sur les diverses divergences constatées par Rétif ?
Il faudrait un minimum de cohérence !
Soit les témoignages ne sont pas pleinement fiables, et alors il est inutile de répondre point par point aux diverses divergences constatées (c'est ma position, même si je reconnais que le bon état de conservation du corps pose un léger problème).
Soit les témoignages sont fiables et alors il faut admettre que le nombre de divergences constatées est anormalement élevé et que même si l'on répond point par point avec diverses hypothèses toutes plus astucieuses les unes que les autres, le doute persiste et les tests ADN paraissent la meilleure méthode pour y mettre définitivement un terme.Quid dès lors de l'exploitation faite par les « substitutionnistes » de témoignages forcément incertains ?
Me Alric a écrit :
Emmanuel Las Cases, qui était présent, a écrit: « Les témoins oculaires de 1840 avaient un souvenir tellement précis du 9 mai 1821, qu'ils étaient tous d'opinions différentes ». Quant au chef de mission, le comte de RohanChabot, il précise: « Monsieur le Général Bertrand, Monsieur Marchand et les autres personnes qui avaient assisté à l'inhumation nous indiquent les divers objets déposés par eux dans le cercueil, chacun était demeuré dans la position exacte qu'ils lui avaient assignée ».

Il serait peut-être bon d'identifier correctement l'Emmanuel de Las Cases qui a écrit le texte cité.
C'est le père ou le fils ?
Sinon, ça fait un peu bâclé comme travail.
Me Alric a écrit :
Quid dès lors de l'exploitation faite par les « substitutionnistes » de témoignages forcément incertains ?

Quid dès lors de l'exploitation faite par les « légalistes » de témoignages forcément incertains ?
Me Alric a écrit :
42 militaires furent mobilisés pour porter le lourd cercueil de 1 250 kg jusqu'à la route où un important convoi fut organisé pour gagner Jamestown avant qu'il soit hissé, avec quelles énormes difficultés, sur la Belle-Poule. Bien évidemment la substitution aurait nécessité le même nombre d'ouvriers, de militaires et aurait soulevé les mêmes difficultés, sans parler du transfert du port anglais jusqu'à l'abbaye de Westminster où une lourde dalle soulevée et une nouvelle et profonde tombe creusée aurait accueilli le quadruple cercueil.

Maître Alric manque vraiment d'imagination. Pourquoi la substitution se serait-elle déroulée suivant les mêmes circonstances que le rapatriement des cendres en 1840 ? Pourquoi exclure absolument l'hypothèse d'une ouverture des différents cercueils à Sainte-Hélène même pour n'emporter que le corps ?
Me Alric a écrit :
Et tout cela n'aurait laissé aucune trace dans les mémoires des innombrables témoins ? Pas un seul témoin, ni à Sainte-Hélène, ni en Angleterre pour relater, même sommairement, ce formidable événement de la substitution ? Beaucoup auraient vu mais tous se seraient tus à jamais. Invraisemblance Omerta...

Je trouvais que ce que j'avais écrit moi-même sur le sujet (http://membres.lycos.fr/exhume/forum/phpBB2/viewtopic.php?t=151)était plus inspiré, mais bon, je ne suis sans doute pas très objectif...
Me Alric a écrit :
5) Une dernière raison, la plus importante, peut-être, s'oppose à la vraisemblance de la comédie de la substitution.
L'idée de la restitution des cendres à la France est due à l'initiative d'un député irlandais: O'Connel. Elle séduit la Reine Victoria et le cabinet anglais: voilà, en effet, une occasion de renforcer la Sainte-AIliance. Mais l'Angleterre ne peut envisager de faire officiellement une telle offre. Il faut agir plus... sournoisement: que la France fasse une demande de restitution et il y sera donné une suite favorable. Officieusement prévenu, Guizot, notre ambassadeur à Londres, alerte Thiers, président du Conseil, qui voit dans cette opération la possibilité de gagner, à la veille d'élections importantes les voix bonapartistes -la légende est à son zénith -et qui sans trop de difficultés convainc Louis-Philippe de donner son accord.

C'est la troisième version de cette histoire que je lis et elle ne correspond pas aux deux précédentes qui ne concordaient déjà pas entre elle. Il existe des textes pourtant...
Me Alric a écrit :
La question dès lors est simple :
S'il y a eu substitution, ce que ni la Reine ni le cabinet n'auraient ignoré, l'Angleterre aurait -elle pris le risque de proposer et d'accepter -rien ne pouvait l'y obliger -le retour des cendres ? Sachant qu'avant tout transfert du corps il serait nécessairement procédé à son identification qui aurait mis à jour la supercherie. Rendre les cendres d'un domestique, faire l'aveu de son ignominie, ajouter à la captivité son mépris, alors adieu à la Sainte-Alliance et bienvenue au scandale qui sur le plan international aurait été considérable, Albion apparaissant plus perfide que jamais. Non, la substitution n'est pas même concevable.

Après une telle question, elle devient plutôt concevable, car si c'était pour ne jamais rendre le corps, pourquoi se serait-on donner le mal de remplacer Napoléon par quelqu'un qui lui ressemble ?
N'aurions-nous pas enfin trouvé le mobile ? Les Anglais voulaient faire une bonne farce aux Français ! Certes le gag était coûteux et risqué, mais ça en valait la peine puisque 163 ans après, on en rit encore chaque matin dans la famille royale et au 10, Downing Street.


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 Sujet du message : Excellent
Message Publié : 18 Juil 2003 8:11 
Bruno Roy-Henry a écrit :
La lettre d'Alaric est parue dans le n°446, de la Revue du SN...

Y aura-t-il dans le n° 447 de la Revue du SN un autre excellent auteur pour écrire : "L'excellente lettre de Maître Alric qui faisait suite à l'excellent article de Jacques Macé..." ?
Je ne connaissais pas cette manière d'écrire l'Histoire. Mais je la trouve excellente. Pas vous ? :salut:

PS : Au fait, c'est Maître Alric ou Maître Alaric (comme le roi des Wisigoths qui pilla et dévasta Rome en 410, un descendant peut-être ?) ?


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Message Publié : 29 Juil 2003 18:56 
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C'est bien Me Alric. Une certaine alacrité m'a sans doute guidé pour me laisser aller à écrire "Alaric"...

jeu de mot involontaire que je n'ai pas corrigé!

Probablement, la vengeance de l'inconscient ? :14:

je n'ai plus aucune excuse pour ne pas corriger: mais comme je suis acculé au silence, je nen demeurerai pas moins mesquin, à l'exemple de mes adversaires...

Ce que c'est, le mauvais exemple. :15:


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Message Publié : 20 Sep 2004 9:46 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
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GARCINION a écrit :
Quelques bons points dans votre message Duke, notamment votre la conclusion et vos remarques sur les travers du raisonnement de M. Macé.

Moi, je suis fatigué de cette farce. Comme je vous l'avais dit dans une lettre, je considère qu'il n'y a plus rien à dire sur cette affaire, que la discussion est stérile et le dialogue mort. Il n'y a qu'à passer aux analyses pour pouvoir avancer.

Quant aux témoignages secrets d'Aly, Albertuk en avait très bien parlé pour que je vous ennuie ici avec des développements.

D'ailleurs, face à de tels procédés, tous les mots sont de trop!

Je suis dégoûté par ce que j'apprends chaque jour des patrons de la Fondation, et quand on additionne les indignités, les mensonges et les ignominies avec lesquels ils se plaisent à brouiller les pistes ou à détourner les faits -voir la brochure de Weider: http://membres.lycos.fr/exhume/forum/ph ... .php?t=162
- on ne peut que se demander -aussi néophyte soit-on dans ces questions- ce qui se passe vraiment derrière les rideaux...


Passer aux analyses, en effet ! C'est ce que nous faisons ! Quant à votre opinion sur le SN et de la Fondation, nous la partageons !


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