Albert Benhamou semble s'être rallié à la thèse du Masque de la Malmaison, comme étant le masque authentique de Napoléon, moulé sur le visage impérial par Burton, le 7 mai 1821, puis remodelé par Antomarchi dans "ses parties périphériques"... Ce masque de la Malmaison que nous appelerons désormais pour plus de commodité, le masque "José", nom du neveu d'Antomarchi qui prétendait en faire don à Napoléon III.
http://www.lautresaintehelene.com/autre ... aison.htmlNous rejetons entièrement ce roman, comme nous allons le détailler ci-après :
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Le docteur Antommarchi, une fois arrivé à Londres, put reprendre possession de ses bagages parmi lesquels se trouvait la caisse qui renfermait le moule positif de la face de Napoléon.
Correct. Sur ce point, tous les historiens sont d'accord, à condition de comprendre "la face" comme le visage de Napoléon. Sauf le baron de Veauce qui ne retenait qu'une "mini-face", selon une expression heureuse détaillée sur un autre forum...
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Bertrand lui demanda de créer un masque mortuaire en plâtre afin de l'envoyer à Madame Mère à Rome. Antommarchi a donc dû recomposer un masque complet, y compris une partie de la tête, en utilisant le moule positif et en le complétant par un ajout crânien, fait de mémoire, pour remplacer la pièce manquante qui, on le supposait, était restée en possession du docteur Burton après qu'il l'eût saisie à Longwood.
Malheureusement, l'accord ne dure pas et M. Benhamou avance une première contre-vérité ! Bertrand n'a jamais demandé à Antomarchi de créer un masque en plâtre en vue de l'expédier à Madame Mère. Il a demandé de réaliser une copie en plâtre fin afin de préserver les traits authentiques de l'Empereur au cas où l'original viendrait à être détruit ou à se perdre. 1
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Cette opération a été réalisée avec l'avis et l'accord de Bertrand. Et, pour éviter tout risque de perte en cours d'expédition à Rome, Bertrand demanda à Antommarchi de réaliser une autre copie qu'il garderait en lieu sûr à Londres, au cas où celle expédiée à Rome viendrait à se perdre.
Confirmation de ce que nous constatons. M. Benhamou interprète les écrits de Bertrand et leur font dire le contraire de ce qui est exprimé ! La copie est réalisée sur l'ordre de Bertrand, ce qui est exécuté par Antomarchi. A la suite de quoi nous sommes en présence de deux masques : l'original et sa copie. Ce qui exclut d'autres copies. 2
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Mis à part le masque envoyé à Rome, et celui de secours déposé auprès de Bertrand, il est possible qu'Antommarchi ait fait une autre copie que Bertrand aurait envoyée à Joseph Bonaparte en Amérique, comme étant le frère aîné de Napoléon, et donc le chef de la famille Bonaparte. Un tel masque a été répertorié parmi les collections du musée de Malmaison.
Possibilité n'est pas certitude. A dire vrai, c'est totalement exclu puisque Bertrand se proposait de recevoir les instructions de Madame Mère au préalable. Aucun masque ne fut réalisé à l'intention de Joseph. C'est si vrai que Joseph dut attendre 1833 pour recevoir un masque de la souscription qui lui fut adressé par Antommarchi. 3
Qu'une énième version du masque dit d'Antomarchi figure sous la rubrique "masque adressé à Joseph" à la Malmaison, ne prouve rien, sauf à démontrer que ce serait celui de 1833.
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Quant à l'original, c'est-à-dire le moule fabriqué par Antommarchi à partir du masque facial et des ajouts crâniens qu'il a dû réaliser, le docteur le garda, comme sa pièce d'ouvrage, et la fit expédier avec ses bagages au port de Livourne en Toscane, là où il devait se rendre pour reprendre ses affaires où il les avait laissées depuis son départ pour Sainte-Hélène deux ans et demi auparavant. Dans son ouvrage de 1825, Les derniers momens de l'Empereur Napoléon, il avait avec raison écrit: "Je restai possesseur du masque que je conserve religieusement." Par "le masque", il faut entendre celui originel fait à Londres, en combinant la partie faciale faite par Burton et des ajouts d'Antommarchi pour la partie crânienne, et qui servit à réaliser les copies sus-mentionnées.
Voilà que l'on glose sur la notion "d'original". Ce n'est plus le masque facial pris à Sainte-Hélène par Burton et expédié à Rome pour être remis à Madame Mère, c'est le moule du prétendu masque facial et des ajouts crâniens (et le cou complet), réalisé par Antomarchi. Ce moule a dû exister bien évidemment. C'est le creux, le négatif du masque de Cipriani, tiré de l'empreinte prise sur ce dernier le 28 février 1818 par O'Meara ou Baxter. Ajoutons que ce creux n'a jamais été retrouvé. Par contre, il est certain qu'Antomarchi en a tiré le masque de la Malmaison qui a servi, incontestablement, à réaliser le masque dit "Bertrand" et remis à son épouse comme en témoigne la dédicace écrite par Antomarchi à l'intérieur. 4
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Le masque expédié à Rome est bien arrivé sans encombre chez Madame Mère et le cardinal Fesch en eut la garde. Son biographe, l'abbé Lyonnet, en fit état dans son ouvrage (cf. L'autre Sainte-Hélène, page 367). Ce buste a dû continuer à être en possession de la famille Bonaparte, notamment par le chef de la dynastie, et passa notamment par les mains du Prince Victor.
Ceci est incontestable, mais concerne le masque authentique, celui réalisé par Burton à Sainte-Hélène. M. Benhamou se trompe totalement quand il affirme qu'il s'agirait du nouvel original modelé par le médecin corse. En tout cas, il n'en a aucune preuve, pas plus qu'il n'est en mesure de prouver que ledit masque aurait été récupéré par le prince Victor. Le masque dit "du prince Victor", fut donné par Mme Hortense Thayer, fille de Bertrand, au prince Victor, en 1891. 5
On voit bien par là, qu'il n'y eut aucune transmission via Madame Mère, puis le cardinal Fesch. Le véritable original, le seul masque authentique de Napoléon, fut vraisemblablement recueilli par Caroline Bonaparte au décès du cardinal. 6
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Puis, selon des sources, ce masque avait été offert au Musée de l'Armée, du temps où le général Exelmans en était le gouverneur, et où il se serait brisé. A moins qu'il y ait eu confusion avec le masque Bertrand. En effet, cette copie de secours avait été récupérée par la suite par le grand-maréchal et resta en sa possession. A sa mort, suivant la volonté de son père, sa fille Hortense, épouse Brayer, en a fait don au Prince Victor. Ce masque se trouve aujourd'hui dans les collections du Musée de l'Armée à Paris, et il n'est pas brisé !
La confusion est totale, c'est le cas de le dire !!!
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D'après Gérard Azémar, un descendant d'Antommarchi, mise à part les copies Madame Mère et Bertrand, d'autres copies avaient été réalisées:
- une pour le sculpteur Canova qui fut restituée à Madame Mère, qui l'offrit au Baron Larrey: ce masque aurait été exposé à la chapelle Saint-Louis des Invalides où il a été volé; un autre masque était supposé avoir été envoyé à Canova, mais son histoire est frauduleuse (voir le masque Burghersh); il se pourrait que cette autre version Canova soit elle aussi fausse, et que le masque ayant appartenu au Baron Larrey aurait simplement été un exemplaire de la souscription 1833
Ceci est fort possible, mais ne concerne finalement que les différentes versions du masque frauduleusement réalisé par Antomarchi afin de passer aux yeux de la postérité pour le masque mortuaire de Napoléon !
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- une pour Marie-Louise, qui deviendra le masque "Baden" ou "Lebendmaske": cependant, compte tenu de la très faible ressemblance de ce masque avec un masque de type Antommarchi, cette version semble peu plausible.
Le "Lebendmaske" est une autre fraude, réalisée probablement grâce à la complicité du comte Léon. Ce masque, en effet, présente des ressemblances troublantes avec ce dernier... Dont on sait qu'il était toujours désireux de s'enrichir à moindre frais !
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Quant au moulage fabriqué par Antommarchi, il a ensuite servi à réaliser un moule "industriel" qui permit de reproduire plusieurs copies en bronze et en plâtre pour la souscription de 1833. Antommarchi conserva cette nouvelle copie parmi ses souvenirs. Lorsqu'il décida de quitter la France en septembre 1834, il fit expédier en Corse tous ses souvenirs napoléoniens à son frère Domingo (Dominique) qui vivait dans leur ville natale, Morsiglia, dans la maison même du docteur. Antommarchi arriva à la Nouvelle-Orléans en fin 1834. Puis, il se rendit auprès d'un cousin à Cuba, Antoine Antommarchi, propriétaire de plantations de café, et il mourut le 2 avril 1838 à Santiago de Cuba.
Sur ce point, rien à objecter. C'est historique.
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A Paris, la société de fonderie de 1833 fut rachetée par une autre, Susse Frères, après quelques années. On procéda à la fabrication d'une nouvelle série de masques en bronze et en plâtre et, pour ce faire, on fabriqua un autre masque industriel qui servit à cette reproduction. Ce masque a ensuite été acheté en 1841 par Démidoff pour la collection napoléonienne qu'il conservait et exposait dans son musée de l'île d'Elbe. A la mort de Démidoff, sa collection fut dispersée par son neveu, héritier, et le masque a été acheté aux enchères par Lord Rosebery, l'auteur du fameux livre La dernière phase. Ensuite, il fut acheté par Octave Aubry auprès d'un antiquaire qu'il l'avait acquis aux enchères faites à la mort de Rosebery en juillet 1933 (centenaire de la souscription!): il se trouverait donc aujourd'hui dans une collection privée. Ce masque porte une couleur jaunâtre prononcée qui viendrait de la cire utilisée dans le procédé de reproduction, d'après sa description.
Masque Démidoff (source photo: d'Hautpoul)
Mais ce masque n'est-il pas le même que celui qui est exposé à l'ïle d'Elbe, dans la chapelle de la Miséricorde ? De toute façon, c'est toujours une énième version de la fraude d'Antomarchi...
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L'odyssée du masque Antommarchi, fabriqué à Londres en août 1821, est ensuite expliqué par les membres de la famille Antommarchi qui ont publié quelques essais sur cette question. Au décès de Dominique, en 1868, on trouva un testament rédigé de sa main par lequel il léguait tous ses biens à son demi-frère, José-Maria, qui vivait alors à Caracas au Vénézuéla. José-Maria vint en Corse en 1869 pour prendre possession de l'héritage familial, dont le masque mortuaire. Les affaires furent ainsi expédiées à Caracas. José-Maria, qui avait connu son demi-frère Antommarchi à Port-au-Prince à Cuba en 1837, un peu avant sa mort, a cependant voulu accomplir la volonté de celui-ci en offrant le masque au chef de la famille Bonaparte, c'est-à-dire Napoléon III à cette époque. Une correspondance officielle eut lieu à ce sujet entre José-Maria, l'ambassade de France au Vénézuela et la maison impériale à Paris. Mais la guerre de 1870 viendra contrecarrer ses plans, et le masque resta en possession de la famille Antommarchi.
Intéressant, mais cette offre se termina sur un refus. Les explications emberlificotées de José Antomarchi, fils de José-Maria n'y changent rien. Je reviendrais sur cette question.
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José-Maria fit publier en 1873 par un ami, le docteur Aristide Rojas, une notice expliquant l'origine du masque, où il déclarait être en outre en possession du moule qui avait été utilisé par le fondeur de la souscription 1833. Cette notice indiquait contenir les pièces suivantes:
- le masque original de Napoléon (celui fabriqué à Londres en août 1821, à partir du moule facial de Burton de mai 1821)
- l'ébauche du premier masque qui servit pour faire couler le moule en bronze (celui utilisé par le fondeur de 1833)
- le masque de bronze (une des premières copies sorties en 1833: Antommarchi en avait pris deux avec lui en quittant la France; et il offrit l'une de ces copies à la ville de la Nouvelle-Orléans, où elle figure toujours dans le musée municipal)
Mêmes remarques.
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José-Maria émigra à Bogota en Colombie en 1884. Plus tard, en 1905, sa fille Elisa se maria avec un Français, un certain Azemar, de Saint-Gaudens près de Tarbes, et rapporta le masque en France, qu'il n'aurait jamais dû quitter. Leur fils, Edouard, le mit en dépôt auprès du Musée de Malmaison en 1921 (lors des célébrations du centenaire de la mort de Napoléon), puis la pièce fut définitivement acquise par ce musée en 1944.
Précisions intéressantes, mais qui ne sont pas de nature à influer sur les réalités de la fraude du barbier corse...

Notes :
1/ La volonté de Bertrand nous est connue par l'existence du dessin d'Hervé fait à partir du plâtre monté à Sainte-Hélène et réalisé par le miniaturiste Hervé, ainsi que par ses instructions concernant une copie dudit plâtre :
"Cette caisse renferme un plâtre de la tête de l'Empereur Napoléon fait d'après le masque exécuté à Longwood par le Docteur Antommarchi (mensonge de Bertrand sur l'auteur du masque). Le comte Bertrand l'a déposé chez X... afin que si l'original venait à se perdre ou à se briser dans le transport de Londres à Rome, on pût en retrouver la copie. Il ne pourra être disposé du plâtre inclus dans cette caisse que d'après l'ordre du comte Bertrand et en conformité aux instructions que Madame, mère de l'Empereur, lui fera connaître.
Londres, ce 1er septembre 1821."
2/ L'original était expédié vers Rome par la voie maritime, via les douanes anglaises. La copie était réalisée avant le 1er septembre. Les dispositions concernant la copie s'appliquaient évidemment à l'original qui ne pouvait être remis qu'à Madame Mère, seule à même de décider l'usage qui en serait fait. Supposer qu'Antomarchi ait pu décider de la remise d'un exemplaire autre que celui du masque authentique réalisé par Burton, le 7 mai 1821, est évidemment impensable et doit être rejeté.
3/ Joseph aurait reçu un exemplaire de la souscription de 1833 et en aurait remercié Antomarchi. A vérifier...
4/ A l'impareggiabile merito di Madame Bertrand
Antommarchi
27 agosto 1821
Traduction: Au mérite sans pareil de Madame Bertrand, Antommarchi, 27 août 1821.
Si ce masque a été remis à Mme Bertrand, il n'est pas prouvé que ce soit le 27 août 1821. C'est certainement la date de l'exécution de la copie du masque authentique, mais on voit mal le "modeleur" réaliser deux "oeuvres" le même jour. Finalement, nous pensons que cette copie du "José" a été effectuée plus tard.
5/ Hortense Bertrand épouse Thayer (1809-1889). Selon ses dernières volontés, ce masque devait être remis "au prince impérial". Jérôme-Napoléon (Plonplon) étant décédé en 1891, c'est son fils Victor qui en recueillit le leg.
6/ Né à Ajaccio le 3 janvier 1763, il est mort à Rome le 13 mai 1839. Bien qu'il ait donné une grande partie de ses oeuvres à la municipalité d'Ajaccio, le cardinal avait légué une part importante de ses biens à sa nièce préférée, Caroline Bonaparte.