Albertuk a écrit :
J'ai trouvé une copie de ce livre sur les rayons de ma bibliothèque... Il s'agit du livre L'énigme de Napoléon résolue par Candé-Montholon et Maury chez Albin Michel. J'ai juste regardé le chapitre 9 intitulé Comment Montholon s'est trahi. Le résultat n'est guère probant. Les auteurs n'ont vraiment aucune idée de ce qu'ils racontent sur Sainte Hélène. Ils supposent les inepties suivantes:
- Lowe soupçonnait un empoisonnement mais voulait le cacher
Sottises: si Lowe avait eu une telle certitude d'empoisonnement par un général français, il se serait empressé de le montrer au monde afin de se disculper de cet assassinat car il pouvait penser que, un jour ou l'autre, l'empoisonnement serait su par des dires d'autres personnes de Longwood. Le silence du gouverneur eut été une preuve de son implication. C'est mal connaitre Lowe que de penser qu'il se serait laissé impliquer de la sorte. De plus, si soupçon, il en aurait informé à Bathurst pour se protéger. Or il n'y a rien de rien dans ses rapports à ce sujet.
Il me paraît singulier de raisonner aussi péremptoirement ! Croire Que Lowe empoisonneur n'aurait pas impliqué l'Angleterre, c'est de l'enfantillage... Il faut cesser de raisonner comme si tout se trouvait dans les rapports ! ça me rappelle Bar: pas de sources écrites, pas d'histoire... pas de secrets, pas d'énigmes...
Mais certaines querelles actuelles Outre-Manche, nous apprennent que le Foreign Office a l'habitude de faire le vide autour de lui. Ainsi pour la question de savoir si Himmler a été éliminé ou non ! Certaines pièces accusent, mais ce serait des faux ! On attend toujours la plainte des archives britanniques. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est loin d'être clair.
Il faut être particulièrement naïf pour penser que les sicaires d'un état -quel qu'il soit- laisse une quelconque trace de leur forfait !
Albert oublie de citer la lettre d'Hudson Lowe à Balmain (avant le chap 9, p. 157):
"SH, le 6 mai 1821
Mon cher Comte,
Bonaparte n'est plus. Il expiroit hier au soir 6 heures moins dix minutes."
NDA: à juste titre, Maury note qu'il reprend le texte de la lettre de Montholon (interrompue, puis complétée), l'habitude britannique étant de noter 5.50 p.m)
"Après une maladie qui l'avait obligée à garder sa chambre depuis le 17 mars passé."
NDA: c'est la date mentionnée par Montholon qui est recopiée.
"On a ouvert le corps."
NDA: Même expression que Montholon (au lieu d'employer autopsie, par exemple) !
"et découvert la cause de sa mort -un schirre à l'estomac- près du pylore (toujours la copie de la lettre à Albine)."
"Son père est mort de la même maladie. Il n'était plus au pouvoir de la médecine de l'avoir sauvé."
A juste titre, Maury relève que l'on dirait la copie d'un élève du texte de son maître !
Lowe l'avoue littéralement: "Montholon a dit dans une lettre à sa femme (particulière): <<C'est une grande consolation pour nous à avoir acquis la preuve que sa mort n'est pas et n'a pu être en aucune manière le résultat de sa captivité ni de la privation de tous les soins que peut-être l'Europe eût pu offrir à l'Espérance>>."
Rien que ça !
Lowe a donc bien eu l'original de la lettre de Montholon sur laquelle je reviendrai -Fameuse lettre inédite en 2 000- et qui paraît bien la preuve de la culpabilité de Montholon !
D'ailleurs, comme le note encore Maury, Lowe poursuit malicieusement:
"Le Comte Bertrand même ne parle plus du "Chronique Hepatitis" mais avoue ce que l'inspection des médecins a prouvé "un squirre au pylor" comme cause de sa mort ajoutant que Bonaparte avait soupçonné la cause -héréditaire- son père étant mort de la même maladie..." !
Curieuse façon d'écarter le diagnostic d'O'Meara sur l'hépatite. Mais puisque les Français en conviennent, n'est-ce pas merveilleux ?
On sent bien que Lowe fait tout pour écarter sa responsabilité et qu'il espère que Balmain, commissaire russe, répétera tout ceci à la chancellerie du Czar...
Citer :
- Montholon a eu besoin d'un médecin pour enterrer son action (quoique les auteurs affirment qu'il avait agi seul...) et utilise Antommarchi pour se faire car Antommarchi est le docteur qui a soigné Napoléon jour et nuit pendant un an et demi
Cette assertion est à mourir de rire quand on sait les absences de ce docteur de plus on sait que Montholon ne pouvait pas supporter le manque de sérieux d'Antommarchi et s'en plaignait sans arrêt à son épouse dans ses lettres; comment croire que le 6 mai 1821 Montholon aurait soudainement eu confiance en ce docteur qu'il déconsidérait?
Ceci nous oblige à aborder la fameuse lettre de Montholon à Albine, dont l'existence a été découverte par François de Candé-Montholon et dont on voudrait nous faire croire qu'elle est anodine !
Lettre écrite par Montholon, le 6 mai à Albine (le début est d'une écriture heurtée, filiforme, spasmodique).
"Tout est fini, ma bonne Albine, l'Empereur a rendu le dernier soupir hier soir à 6 h. moins dix minutes. son agonie a duré 12 heures, elle a été affreuse en apparence..."
Nda: Pourquoi Montholon qui s'attendait à cette mort, semble comme fou, comme l'atteste son écriture à ce moment-là ? Pourquoi écrit-il cette contre-vérité ?:
"L'ouverture de son corps a eu lieu ce matin..."
Version reprise par Antommarchi pour le masque. Tiens-donc ! Et nous savons que l'autopsie a bien eu lieu l'après-midi du 6 !!!
Pour Maury, c'est parce que Montholon a cette intuition géniale:
"Elle a prouvé qu'il était mort de la même maladie que son père, un squirre ulcéreux à l'estomac près du pylore..."
C'est aller vite en besogne. Mais si Montholon impose cette version, si Lowe la partage, il pourra l'imposer aux rédacteurs des PV ! La preuve en est qu'il ajoute ce commentaire insolite:
"Il est probable que depuis quatre ou cinq ans l'ulcère avait commencé..."
Comme si, à cette époque, un ulcère de l'estomac pouvait durer cinq ans chez un homme de 46 ans ! c'est évidemment totalement erroné sur le plan médical !
Et voici la suite que Maury juge comme un trait admirable de cynisme et d'habileté:
"C'est dans notre malheur une grande consolation pour nous que d'avoir acquis la preuve [!!!] que sa mort n'est et n'a pu être en aucune manière le résultat de la captivité, ni de la privation de tous les soins que peut-être l'Europe eût pu offrir à l'espérance."
A cet instant, Montholon ne sait pas encore si Lowe va mordre à l'hameçon... car il sait que celui-ci soupçonne un empoisonnement -le fait d'exiger une autopsie immédiate le prouvant évidemment- !
D'où son inquiétude et cette écriture jusqu'ici surprenante !
Et voilà que Montholon développe sa manoeuvre: il s'entretient avec Lowe juste après l'autopsie. Et lui remet négligeamment sa lettre inachevée entre les mains. Comme nous l'avons vu [c'est donc INDUBITABLE], Lowe la recopie quasi-textuellement à l'intention de Balmain !
Ainsi donc, de ce côté, Montholon est rassuré. Plus tard, dans la soirée, il reprend et achève sa lettre à Albine qui ne contient plus que des banalités. A cet instant,
SON ECRITURE A REPRIS SA GRAPHIE ORDINAIRE !!! Etrange, n'est ce pas ?
Citer :
- Napoléon n'a rien légué par testament à Antommarchi:
En fait l'Empereur s'y apprêtait et ne put finir le codicille inachevé dans lequel il parle d'Antommarchi; plus tard Bertrand, par bonne conscience, et non Montholon (!), prit en charge de lever la somme prévue pour Antommarchi parmi les exécuteurs testamentaires. Il n'y a pas de chantage de Montholon au sujet de cette somme de 100.000 francs prévue pour Antommarchi.
Les faits, c'est que Napoléon n'a rien légué à Antomarchi ! Le reste, ce sont des supputations. Et on peut bien soutenir que Montholon a manoeuvré Bertrand. Il est donc bien prématuré d'affirmer qu'il n'y a pas eu de chantage au sujet de ces 100 000 Frs !
Citer :
- Les auteurs supposent que Montholon fut sous le chantage du docteur Antommarchi au sujet de cette somme de 100.000 francs pour couvrir la découverte d'un empoisonnement
Aucune preuve de ceci. Et, le meurtre étant bien plus gros, peut on croire que le docteur se serait contenté de la seule somme de 100.000 francs qui était celle qui lui était quasi due? Bien sur que non. La cupidité de ce docteur l'aurait amené à réclamer bien plus. Or le descendant (combien indigne, je crois le dire) de Montholon ne fournit aucune preuve de paiements occultes à Antommarchi ni même de lettres de menaces etc. Rien de rien. On nage dans le roman complet.
Le courroux de notre ami albertuk me semble bien artificiel. Je trouve plutôt courageux de la part de François de Candé d'avoir apporter les preuves de la culpabilité de Montholon. D'autant qu'il a mécontenté une grande partie de sa famille... Monthlon et Bertrand ont obtenu une pension pour Antomarchi. Ils ont promis ce leg de 100 000 Frs au médecin et Montholon saura faire traîner les chose en longueur.
Mais en 1823, Antommarchi exige son dû ! Et, à cette date, Montholon ne dispose plus des 2 millions qu'il a réussi à obtenir de Laffitte, le reste des sommes à distribuer étant bloqué. Montholon intervient alors pour que les autres bénéficiaires se cotisent sur leur legs pour réunir ces 100 000 Frs !
Comme ils renâcleront, Montholon s'arrangera pour qu'une formule juridique l'astreigne à verser cette somme à Antomarchi. Mais, il semble bien que ce dernier ne touchera rien, sauf peut-être un acompte dont l'histoire n'a pas gardé trace.
Citer :
- Montholon aurait utilisé le vin de Constance car, preuve évidente!, il ne mentionne pas ce vin dans ses Mémoires...
Les auteurs ne feraient pas bon détectives je crois. Le nombre de Mémoires de Sainte-Hélène qui mentionnent explicitement le nom de ce vin se comptent sur les doigts de la main. Il faudrait incriminer toute l'île à ce tarif-là.
Là, je ne comprends bien cet argument. Il est pourtant étonnant que Montholon ne signale pas l'usage de ce vin de Constance dans ses mémoires. Et si les autres mémoires qui le mentionnent sur les doigts de la main sont seuls à en parler, c'est grâce à ceux-ci et non à Montholon que ce détail est parvenu à la postérité. Certes -en soi- ceci ne constitue pas une preuve, mais relié à ce qui a été dit plus haut, cela constitue bel et bien une présomption supplémentaire !
Citer :
- Une fois empereur, Napoléon III n'a pas voulu recevoir Montholon, son compagnon d'exil à Ham
Napoléon III devient empereur le 2 décembre 1853 et Montholon, certainement très malade alors, décède le 25 mars 1854. A cette époque de coup d'état, Napoléon III devait avoir d'autres chats à fouetter que d'aller rendre visite à Montholon sur son lit de mort. Peut être lui a t'il envoyé des signes de reconnaissance toutefois. Il faudrait voir.
Petite erreur déjà signalée dans un échange ancien sur le forum albertien (mais depuis, mes contributions y ont été effacées à ma demande): c'est le 2 DECEMBRE 1852, que Louis-Napoléon devient Empereur ! Il avait donc bien toute l'année 1852 pour recevoir Montholon, qui ne se fera pas faute d'insister pour être reçu aux Tuileries. Rien, Nada. Montholon recevra seulement 53 000 Frs, avant l'avènement de Napoléon III. Cette erreur d'une année est encore faite sur la date de la mort de Montholon: 25 mars 1853 et PAS 1854... Erreur de plume, mais qui peut entraîner de fausses analyses...
Et surtout, Napoléon III refusera par une lettre de son aide de camp au fils de Montholon (juste après son décès) d'accéder à son dernier voeu: être enterré aux Invalides, comme Bertrand ! Pour des raisons "difficiles à évoquer"!
Citer :
- Preuve ultime? La dernière phrase de Montholon à sa fille: Dieu protège le Prince et rende le repos à mon âme! J'en ai un si grand besoin!
On remarque tout d'abord que, par cette phrase, Montholon n'est donc pas si en froid avec le Prince Napoléon (qui n'était pas encore empereur à la date de cette lettre) et que ensuite la lettre ne dit rien d'un aveu. Elle semble une formule tout à fait normale pour un croyant qui va bientôt mourir et faisant sans doute allusion au mal que Montholon pense avoir fait dans sa vie notamment à son épouse en s'en séparant (ce qui n'est pas bien chrétien on le sait). La lettre se termine en fait par: Adieu mon enfant, soies heureuse, quand je te verrai cela me fera du bien. Donc la lettre n'est pas un aveu final car Montholon va revoir sa fille, et la mention du Prince montre que la lettre se situe plusieurs mois avant la mort de Montholon (mais les auteurs ne donnent pas la date exacte de cette lettre en laissant le lecteur supposer que c'est une lettre de la dernière heure pour soulager la conscience de Montholon; bien joué mais le piège ne prend pas!).
Cette lettre a été écrite le 1er octobre 1852. Montholon continue à parler du Prince, et non pas de l'empereur, puisque Louis-Napoléon est encore président !
Ce détail n'est donc pas de nature à écarter cette forme d'aveu. Montholon semble bien tenaillé par un remord et il semble attendre du prince-président qui deviendra Napoléon III le 2 décembre, une forme de pardon qui ne viendra pas, même après sa mort...
Je suis donc en radicale opposition avec l'analyse de notre ami Albertuk !