On peut d'ailleurs gloser et bâtir un "what-if" si Louis-Napoléon Bonaparte ne s'était pas résolu à franchir le Rubicon :
- les élections présidentielles se seraient tenues en décembre 1852 : Thiers aurait été le candidat des monarchistes (compte-tenu des divisions entre légitimistes et orléanistes). Victor Hugo, celui des républicains et (peut-être), Jérôme-Napoléon (Plon-plon) pour les Bonapartistes.
- Vraisemblablement, Thiers aurait été élu. On peut penser qu'il aurait trouvé le moyen d'exercer un second mandat, devant la division perpétuelle des monarchistes. Ce qui nous amène à décembre 1860. Obligé de se retirer, il aurait pu laisser la place à un Emile Olivier, jugé plus modéré qu'un Jules Ferry ou Jules Grévy... Le prince de Joinvile ou le duc d'Aumale se serait présenté et aurait échoué. La République aurait été définitivement fondée.
- Sur le plan international, pas de guerre de Crimée : Thiers n'aurait certainement pas tiré les marrons du feu pour le compte de l'Angleterre. Celle-ci se serait retrouvée seule devant la Russie et n'aurait pu faire autre chose qu'instaurer un blocus de la Russie. Probablement qu'un compromis aurait été trouvé, sauvegardant l'indépendance de l'empire ottoman. L'unité italienne aurait dû se réaliser sans le concours de la France. L'affrontement entre la Prusse et l'Autriche se serait réalisé, et il est probable qu'en cette occasion, le Piémont aurait recherché l'alliance de la Prusse pour récupérer la Lombardie et la Vénétie. L'Italie du Nord se serait donc unifiée en 1866. Il est possible alors qu'Olivier, réélu en 1864, ait négocié l'abandon du Pape contre la Savoie et Nice...
Reste à savoir si la Prusse aurait osé déclarer la guerre à la France en 1870. L'incident Hohenzollern aurait certainement éclaté de la même manière. Est-ce Thiers qui aurait eu à affronter la crise, après l'élection de décembre 1868 ? C'est vraisemblable, et il est admissible qu'il ait mieux négocié qu'un Gramont... Cependant, l'antagonisme franco-allemand n'en aurait pas été moins patent. La question est de savoir si notre armée aurait été mieux préparée en République que sous un second empire. Notre artillerie n'ayant pas été modernisée en 1859, l'aurait-elle été en 1866 ? Avec un Olivier, la réponse est non, pas plus que l'adoption du Chassepot. Thiers, bien que conservateur et attaché à l'équilibre budgétaire, aurait-il pu imposer les réformes salvatrices ? Certainement : l'adoption du chassepot et du canon rayé se chargeant par la culasse aurait fini par s'imposer. Commencé seulement en janvier 1870, le programme réalisé à l'été 1870 aurait été à peine ébauché. La tentation aurait été grande alors pour la confédération de l'Allemagne du Nord de déclencher les hostilités. Se privant ainsi du concours des états du sud de l'Allemagne !
Bismarck aurait été assez habile pour monter en épingle un incident de frontière en Moselle dûment préparé. La guerre aurait été déclarée par la Prusse le 3 août 1870. Il est plausible d'avancer que la 1ère bataille aurait été gagnée par les Prussiens et notre armée, écrasée comme à Sadowa... Le pays se serait alors levé comme un seul homme et la production du chassepot et du canon Reffye de 7 aurait été lancée à grande cadence. Toutes forces réunies, la Prusse aurait alors marché sur Paris, après avoir encore remporté une ou deux victoires éclatantes. Thiers et le gouvernement se seraient alors retirés en province, avec la dernière armée de la France, encore forte de 200 000 hommes, repliée autour d'Orléans. Paris investie par les germains du Nord, aurait repoussé un assaut de vive force.
Pendant ce temps, un mouvement populaire, habilement dirigé en sous-main par Bismarck, aurait déclenché une révolution en Bavière, forçant le roi à rallier la Prusse contre la France. Toutefois, en octobre, l'armée française, réarmée en chassepots et en canons Reffye, aurait pris l'offensive et chassé les Allemands du bassin parisien. Devant l'attitude hostile de l'Europe et le renforcement rapide de l'armée française, tant en effectifs qu'en armement, Bismarck aurait été contraint de négocier la paix avec Thiers : en échange de l'unité allemande, la France aurait obtenu le retour aux frontières de 1814.
C'est évidemment un scénario optimiste et globalement républicain. Et qui condamne d'une certaine manière le coup d'état du 2 décembre 1851. Ce n'est bien entendu qu'une petite uchronie, aménageable en bien des points... On pourrait imaginer une alternative bonapartiste, basée sur l'échec de Thiers à maîtriser des mouvements sociaux entre 1852 et 1856, qui aurait pu déboucher sur l'élection de Jérôme-Napoléon en 1856...
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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