L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 19 Sep 2004 10:43 
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La bataille de Dresde a été la conséquence du mouvement aventureux des coalisés pour s'emparer de la capitale de la Saxe pendant que Napoléon était à la poursuite de Blücher. Prévenu de l'offensive de la grande armée de Bohême, Napoléon a médité un plan génial pour repasser l'Elbe dans le dos des coalisés et prendre à revers celle-ci entre lui et Dresde, mettant ainsi hors de combat la totalité de cette imposante armée (220 000 hommes!). Mais, alors que Saint-Cyr doit répondre de la conservation de la capitale de la Saxe, Napoléon renonce à son plan car son lieutenant n'estime pas possible de tenir le temps nécessaire à l'accomplissement de la manoeuvre ! Et Napoléon, sur la foi des renseignements apportés par Gourgaud renonce à sa brillante manoeuvre stratégique pour obtenir une belle victoire due à son coup d'oeil acéré du terrain.

Pourtant, en agissant ainsi, il ruine lui-même sa belle conception : une des plus grandes qu'il ait jamais conçue ! Peut-on essayer de comprendre cette décision ?

On peut donner une partie de la réponse. Pourquoi Napoléon s'est porté au secours de Dresde ? "tout simplement parce que cette position n'était pas assez forte pour résister par elle-même".

Je crains de devoir contredire cette affirmation: je reprends mon "bon vieux Thiers", tome 16, p.279 et suivantes; Saint-Cyr était chargé de la défense de cette place et disposait de 21 000 hommes auxquels pouvaient s'ajouter une dizaine de milliers d'homme composant le fonds de la garnison. Ses moyens défensifs reposaient sur un vaste camp retranché comportant cinq redoutes et de nombreux abattis, sur l'enceinte bastionnée de la vieille ville (rive gauche de l'Elbe), consolidée par un fossé plein d'eau et des palissades, sur des barricades érigées à l'entrée des rues principales. Au cas où ces défenses auraient été emportées d'assaut, il y avait encore la ville nouvelle, sur la rive droite de l'Elbe, et séparée de la vieille ville par un pont en bois facile à brûler!

Sans doute, cette position était le centre d'opération. Hubert Camon a tenté de l'expliquer: un centre d'opération est une chose essentielle. C'est le centre logistique d'une armée, et une armée ne peut se passer d'un centre logistique. À moins de dilater les différentes armées pour leur donner une densité assez faible leur permettant de vivre sur le
pays. Dresde était une position essentielle dans le dispositif stratégique
de l'Elbe.

Précisément et Napoléon avait basé toutes ses considérations stratégiques sur l'appât constitué par cette capitale qui devait attirer vers elle les convoitises de la grande armée de Bohême. Calculant sur les forces laissées à Saint-Cyr pour la défense de Dresde, il forma alors une des plus grandes et des plus redoutables combinaisons de sa vie militaire!

Au lieu de déboucher directement sur Dresde, revenant de Silésie, Napoléon forme le projet de remonter jusqu'à Koenigstein, d'y passer l'Elbe et de prendre par derrière cette grande armée de Bohême, en s'établissant à Pirna, puis en interceptant la chaussée de Peterswalde, de descendre ensuite sur les arrières de l'armée de Bohême avec 140 000 hommes et de pousser tout ce qu'il trouverait devant lui jusqu'à Dresde et l'Elbe, acculant ainsi les souverains coalisés et leurs troupes à la capitulation en rase campagne!

Oui, observe t'on, mais Dresde était trop importante et Napoléon devait la secourir s'il ne voulait pas la perdre. Et justement il ne pouvait se permettre de la perdre. Lui-même a été étonné de devoir aller si tôt lui porter secours. Sur les instances de plusieurs officiers et de nombreux messages, il n'a pas hésité une seconde et s'est porté vers cette ville. Nous savons qu'il a gagné.

Mais ce n'était pas son intention! Etabli à Stölpen avec son armée, il recommande à Saint-Cyr de tenir quelques jours, le temps suffisant pour lui de prononcer cette immense manoeuvre mais si simple dans sa conception et dans son exécution. Or, il ne reçoit que les froides assurances de Saint-Cyr en réponse à ses vives instances: un homme moins habile, mais plus dévoué aurait promis de faire tuer jusqu'au dernier de ses soldats en défendant la place : il y allait du sort de la campagne, du sort de l'Empire, que dis-je ! du sort de la France !

Certes, d'un point de vue politique, les destructions endurées par Dresde et sa population étaient dommageables au maintien de l'alliance saxonne, mais ne justifiaient pas l'abandon d'un tel plan !

C'est pourtant ce qui se passa. Gourgaud, envoyé comme messager, pour "prendre la température" fut convaincu par ce qu'il vit et par l'effroi de l'état-major de Saint-Cyr, que la place ne tiendrait pas trois jours -temps nécessaire à Napoléon pour fermer le filet- et c'est cette fausse assertion qu'il développa devant Napoléon, très ému de ce qu'il avait vu et entendu!

La 1ère faute, c'est d'avoir envoyé Gourgaud, jeune officier inexpérimenté à la tête trop chaude.

la 2ème, c'est d'avoir pris en considération des rapports alarmistes qui ne correspondaient pas aux véritables possibilités de résistance.

La 3ème, c'est d'avoir abandonné une combinaison proprement géniale, parfaitement adaptée à l'occasion stratégique qui se découvrait et qui ne devait plus se reproduire.

Plus que les criailleries de Gourgaud et le sombre pessimisme de Saint-Cyr, c'est certainement la perspective de devoir sacrifier la vieille ville et de froisser la cour du Roi de Saxe qui a entraîné Napoléon à renoncer à sa formidable combinaison ! Du moins, c'est ce que l'on peut supposer : eh bien ! Il a eu grand tort comme la suite de la campagne le démontrera et les arguments du colonel Camon ne sont pas -cette fois- recevables, car il aurait fallu que Napoléon n'ait pas intégré la menace contre son centre d'opérations dans ses calculs. Or, il n'était pas homme à commettre de pareilles erreurs de raisonnement !

Qu'en pensez-vous ?


(ce texte est tiré d'un dialogue mené avec Olivier Ortiz sur le site histoire.org).


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Message Publié : 21 Sep 2013 13:15 
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Je lis sur un forum que pendant le premier mois de la guerre, (du 15 août au 15 septembre 1813), Napoléon aurait perdu plus de 100 000 hommes (tués, blessés et prisonniers) et 200 canons et les coalisés quant à eux, 85 000 hommes et 50 canons. Si ces chiffres sont à peu près exacts pour les hommes, ils méritent d'être corrigés pour les canons. Certes, Napoléon a perdu environ 200 pièces, principalement suite aux batailles de la Katzbach et de Kulm (150 pièces pour celles-ci). Mais, le total des bouches à feu perdues par les coalisés se chiffre en fait à 80 (50 pour la bataille de Dresde et ses suites), une trentaine lors des différentes pointes de Napoléon.

Il est vrai que le bilan demeure défavorable aux Français. Etant précisé que sur les 100 000 hommes perdus, il convient de noter qu'il s'agit essentiellement de 40 000 Allemands (Bavarois, Saxons, etc.), pour la plupart prisonniers ou déserteurs, voire ralliés purement et simplement aux coalisés.

Dennewitz a terminé la première phase de la campagne d'automne en Saxe. Napoléon ne peut obtenir de bataille déterminante, l'ennemi se dérobant sans-cesse dès qu'il s'avance vers lui : Blücher à l'Est en Silésie, Schwarzenberg au sud de l'Erzgebirge en Bohême. Bernadotte au nord de l'Elbe .

Pour l'Empereur, la seule option (à moins d'abandonner l'Allemagne centrale) est d'attendre que les coalisés fondent sur la Saxe, pour réaliser un encerclement autour de Leipzig des forces françaises. Ce qui paraissait très risqué au début de la campagne (et rejeté alors par Moreau et Jomini), l'est moins du fait de l'affaiblissement de l'armée française et de l'accroissement corrélatif des forces ennemies. Cependant, Napoléon souhaite encore ce mouvement en avant des coalisés car il est persuadé qu'il parviendra à exploiter une erreur d'une des armées qui s'approcherait alors, de manière à la détruire complètement. Ceci accompli, il n'aurait plus qu'à dissoudre la grande armée de Bohême sous Schwarzenberg. L'Empereur s'attend à ce que se soit Bernadotte qui débute ce mouvement. Finalement, ce sera Blücher qui ne craindra pas de s'exposer contre toute attente...

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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