L'Énigme des Invalides

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 Sujet du message : La capitulation de Paris !
Message Publié : 09 Sep 2004 14:21 
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"Ainsi que je le disais en 1815, la démarche faite était irréparable, et le mal d'autant plus grand, qu'aucune convention n'avait été arrêtée avec le général ennemi. Je lui avais, au contraire, annoncé la rupture de la négociation commencée. Les troupes se trouvaient ainsi à la merci des étrangers, et non-seulement celles qui s'étaient détachées, mais encore celles qui entouraient l'Empereur, qui n'étaient plus couvertes. Il ne restait plus qu'une chose à faire, c'était d'assurer à la France leur conservation, en les plaçant sous l'autorité du gouvernement provisoire, et de remplir le vide que leur éloignement causait dans l'armée impériale par des garanties pour la personne de l'Empereur. Je ne vis que le bien à faire, sans m'arrêter à cette réflexion que c'était jeter en quelque sorte un voile d'absolution sur la conduite coupable des généraux. Je demandai au prince de Schwarzenberg et j'obtins de sa loyauté si connue la déclaration qui remplissait mon double objet. Cette déclaration fut mise, quoique après coup, à la date du 4 avril, époque où les pourparlers avaient eu lieu, dans le but de cacher la confusion qui avait existé et de donner une apparence de régularité à ce qu'avaient produit la peur et le désordre. Je me rendis à Versailles pour y passer la revue de mes troupes et leur expliquer les nouvelles circonstances dans lequelles elles se trouvaient; mais à peine en route pour m'y rendre, je reçus la nouvelle qu'une grande insurrection venait d'éclater. Les soldats criaient à la trahison. Les généraux étaient en fuite et les troupes se mettaient en marche pour rejoindre Napoléon. Elles n'eussent pas fait deux lieues sans avoir sur les bras des forces qui les auraient détruites. Je pensai que c'était à moi à les ramener à la discipline, à l'obéissance et enfin à les sauver. Je hâtai ma marche. A chaque quart de lieue, je trouvais des messages plus alarmants. Enfin j'atteignis la barrière de Versailles, et j'y trouvai tous les généraux réunis; mais le corps d'armée était en marche dans le direction de Rambouillet. Lorsque j'eus fait connaître aux généraux mon intention de rejoindre les troupes, ils m'engagèrent fort à ne pas exécuter ce projet. Le général Compans me dit : "Gardez-vous-en bien, monsieur le maréchal, les soldats vous tireront des coups de fusil. -Libre à vous, messieurs, de rester, leur dis-je, si cela vous convient. Quant à moi, mon parti est pris. Dans une heure, je n'existerai plus, ou bien j'aurai fait reconnaître mon autorité." Là-dessus je me mis à suivre la queue de la colonne à une certaine distance. Il y avait beaucoup de soldats ivres. Il fallait leur donner le temps de retrouver leur raison. J'envoyai un aide de camp pour voir leur contenance. Il revint et me dit qu'ils ne vociféraient plus et marchaient en silence. Un seconde aide de camp fut envoyé et annonça partout ma prochaine arrivée. Enfin un troisième apporta l'ordre de ma part de faire halte, et aux officiers de se réunir par brigade à la gauche de leurs corps. L'ordre s'exécuta, et j'arrivai. Je mis pied à terre, et je fis former le cercle au premier groupe d'officiers que je rencontrai. Je leur demandai depuis quand ils étaient autorisés à se défier de moi. Je leur demandai si, dans les privations, ils ne m'avaient pas vu le premier à souffrir, et, dans les dangers et les périls, le premier à m'exposer. Je leur rappelai tout ce que j'avais fait pour eux et les preuves d'attachement que je leur avais données. Je parlais avec émotion, avec chaleur, avec entraînement. On avait voulu les livrer, disait-on, pour les désarmer! Mais leur honneur et leur conservation ne m'étaient-ils pas aussi chers que mon honneur et ma vie ? N'étaient-ils pas tous ma famille, et ma famille chérie ? Les coeurs de ces vieux compagnons s'abandonnèrent à un mouvement de sensibilité, et je vis plusieurs de ces figures, basanées et marquées de cicatrices, se couvrir de larmes. Je fus moi-même profondément attendri. Je recommencai les mêmes discours aux divers cercles d'officiers, et je ls envoyai reporter mes paroles à leurs soldats. Le corps d'armée prit les armes, et défila en criant : Vive le maréchal, vive le duc de Raguse! et se mit en marche pour aller prendre les cantonnements que je lui avais assignés du côté de Mantes. (...)

Tel est le récit fidèle des évènements de cette époque, en tout ce qui me concerne. Ils ont été pour moi la source de cuisants chagrins. Je l'ai dit et je le répète, ce qui m'a donné la confiance d'agir ainsi était particulièrement le sentiment intime de ce que j' avais fait pendant la campagne où j'avais dépassé mes devoirs et montré un tel dévouement, que je croyais m'être placé au-dessus de toute accusation et de tout soupçon possible. Ma conviction fut si intime alors, et mes intentions si droites, que jamais depuis je ne me suis reproché rien de ce que j'ai fait.(...) L'infaillibilité n'est pas dans notre nature; et c'est l'intention qui, à mes yeux, doit caractériser les actions. Je ne regrette qu'une seule chose, c'est de n'avoir pas suivi Napoléon à l'Île d'Elbe après qu'il fut descendu du trône, n'importe quelles en eussent été pour moi les conséquences. (Note de l'éditeur : On a toujours reproché au maréchal d'avoir fait crouler l'Empire vingt-quatre heures plus tôt par la défection du sixième corps, qu'il commandait. Quant au mouvement du sixième corps, on a vu que, le maréchal absent, ce sont les généraux commandant les troupes qui l'ont effectué, malgré les ordres prescrits. La preuve de ce fait résulte de la lettre du général Bordesoulle.-Mais, bien plus, cette défection n'a eu lieu que vingt-quatre heures *après* l'abdication de l'Empereur.-Celle-ci avait été fait le 4 avril, et le mouvement du sixième corps ne fut opéré que le 5.).

(...)La retraite (de Napoléon) sur Fontainebleau prouve qu'il ne voyait aucun moyen de prolonger la lutte. Il l'a prouvé par la facilité avec laquelle il s'est décidé à se démettre de sa couronne, et la manière dont il a appris les évènements et s'en est expliqué avec le duc de Tarente. Prouvé par le départ de Joseph, lieutenant de l'Empereur, muni des pouvoirs civils et militaires, qui quitta la capitale, et qui emmena avec lui le ministre de la guerre, les ministres, et tout ce qui avait caractère de gouvernement.

Je ne sais si je suis parvenu à donner une juste idée de ce qui s'est passé dans cette mémorable époque. Jamais tant de combats ne se sont accumulés en un si petit nombre de jours, et jamais lutte n'a été soutenue avec des moyens aussi faibles, aussi misérables. On peut se figurer la difficulté de mouvoir des débris sans organisation, une réunion d'hommes appartenant à tant de corps différents, et dont la force, si peu considérable, était à peine entretenue par l'incorporation journalière de jeunes gens sortant de la charrue et ne sachant pas charger leurs armes. Chaque jour les pertes étaient grandes. Ainsi c'étaient toujours des soldats arrivés de la veille, d'une même ignorance, d'une inexpérience semblable, qui étaient appelés à combattre.(...)

Lion rugissant et se débattant dans les rets dont il était enlacé, à chaque succès (Napoléon) donnait de nouvelles instructions. Il espérait toujours un miracle, comme il lui en était arrivé tant de fois en sa vie; et le miracle serait arrivé si Soissons ne se fût rendu. Mais le miracle eût été sans résultat définitif.(...)

Je vais quitter cette époque de gloire et de calamité, où tant de grandes choses ont été faites et où les jours étaient marqués par des évènements qui boulversaient les peuples, pour peindre un monde nouveau. Ici tout est petitesse, et souvent la petitesse va jusqu'à la dégradation. Je vais quitter le récit des combats qui échauffent et élèvent l'âme, pour raconter des intrigues et les actions d'êtres souvent abjects."

Maréchal Marmont, Duc de Raguse.

Passages fort intéressants, mais qui ne prouvent rien, si ce n'est l'impossibilité pour l'Empereur de poursuivre la lutte après la défection du corps de Marmont: défection voulue par lui -même s'il se reprend, dans l'espoir d'obtenir la proclamation de la régence en faveur de Napoléon II- et défection exécutée par le général Souham, qui connaissait l'intention première de son chef et qui la partageait...

C'est un plaidoyer pro domo qui n'enlève rien à la rigueur du verdict: "coupable de haute-trahison"! C'est si vrai que le verbe "raguser" fit partie, un temps, du vocabulaire de l'époque pour signifier trahir; on disait encore , à propos d'une félonie avérée: c'est une "ragusade"!

Et puis, si les maréchaux ne voulaient plus marcher, ce n'était pas le cas de la plupart des généraux; je ne parle pas des officiers qui savaient où se situait le devoir! Quant à la troupe, il suffisait de la mettre en présence de Napoléon, pour qu'elle l'acclame, électrisée qu'elle était par sa présence...

Le 2 avril, lors d'une revue des troupes qui arrivent -harassées d'une longue marche- il leur déclare qu'elles vont marcher sur Paris où l'ennemi trouvera son tombeau! Sience de mort dans les rangs...

Les traits de l'Empereur s'altèrent; il reprend d'une voix plus forte: "Ai-je raison ?" Un cri formidable de "Vive l'Empereur" lui répond, surgi de 10 000 poitrines. Les rangs se défont; les soldats soulèvent leurs shakos à la pointe de leurs baïonnnettes, en hurlant: "A Paris, à Paris!"

Avec de tels hommes et un tel chef, rien n'était impossible...

"Note de l'éditeur : On a toujours reproché au maréchal d'avoir fait crouler l'Empire vingt-quatre heures plus tôt par la défection du sixième corps, qu'il commandait. Quant au mouvement du sixième corps, on a vu que, le maréchal absent, ce sont les généraux commandant les troupes qui l'ont effectué, malgré les ordres prescrits. La preuve de ce fait résulte de la lettre du général Bordesoulle.-Mais, bien plus, cette défection n'a eu lieu que vingt-quatre heures *après* l'abdication de l'Empereur.-Celle-ci avait été fait le 4 avril, et le mouvement du sixième corps ne fut opéré que le 5.)."

"Cependant, Bruno, je souhaiterais que vous m'eclairiez sur ce point : Vous avez dit que Joseph avait donne pleins pouvoirs aux Marechaux pour negocier la capitulation de Paris. Comment alors leur reprocher de l'avoir fait ?"

Eh bien, je vous répiquerais en citant Thiers, oublié auourd'hui -voire décrié- et c'est un grand tort, car l'Historien put approcher la plupart des témoins de ces grands évènements et les transmettre à la postérité. De plus on sait assez -et c'est là sa seule faute (rires!)- qu'il a eu en mains de nombreux documents plus tard détruits dans les incendies de la Commune, ce qui permit à ses ennemis de prétendre que Thiers n'était qu'un conteur, et pas du tout un historien...

"Quoi qu'il en soit, Napoléon conçut un plan dont le résultat ne lui paraissait pas douteux, et dont la postérité jugera le succès au moins vraisemblable (note BRH: hélas, non! Napoléon devait perdre aux yeux de la postérité, il était condamné à perdre! et c'est ainsi que tout est bien dans le meilleur des mondes...).

Depuis qu'il s'était établi dans Fontainebleau pour y concentrer ses troupes, les alliés s'étaient patragés en trois masses: une de 80 000 hommes sur la gauche de la Seine, entre l'Essonne et Paris; une autre dans l'intérieur même de Paris (note BRH: au moins 20 000 hommes), une autre enfin au dehors sur la droite de la Seine. Napoléon considérait la situation qu'ils avaient prise comme mortelle pour eux, si on savait en profiter (note BRH: de 50 000 à 60 000 hommes sur la rive droite). Il voulait franchir brusquement l'Essonne avec son armée, refouler les 80 000 hommes de Schwarzenberg sur les faubourgs de Paris, faire appel aux Parisiens pour qu'ils se joignissent à lui, et, profitant du trouble probable des coalisés assaillis à l'improviste, les écraser, soit qu'il entrât dans la ville à leur suite, soit qu'il passât brusquement la rive droite de la Seine par tous les ponts dont il disposait, et qu'il se précipitât sur leur ligne de retraite.

Il est en effet probable qu'avec les 70 000 hommes réunis sous sa main, Napoléon culbuterait les 80 000 hommes qui lui était directement opposés, que ceux-ci refoulés sur Paris y rentreraient en désordre, que le moindre concours des Parisiens convertirait ce désordre en déroute, et que Napoléon les suivant à brûle-pourpoint, ou se portant par la droite de la Seine sur leur ligne de retraite, placerait la coalition dans une position dont elle aurait de la peine à se tirer, eût-elle à sa tête -ce qu'elle n'avait pas- le plus grand des capitaines.

Il est très probable encore qu'après un tel évènement, et aidé des paysans de la Bourgogne, de la Champagne, de la Lorraine, qui ne manqueraient pas de se jeter sur les vaincus puisqu'ils se jetaient déà sur les vainqueurs, Napoléon AURAIT BIENTOT RAMENE LA COALITION JUSQU'AU RHIN !"

Je pense que cet avis vaut bien celui de Marmont, intéressé à se justifier plus tard de son aveuglement devant les mirifiques promesses d'un Talleyrand assez exécrable pour faire croire qu'il oeuvrait pour la France!

Car -quand bien même Napoléon eût échoué- on en était au dernier quart d'heure; il fallait tenir bon, ce que les Français font bien rarement, sauf la magnifique génération jetée au feu en 1914 et qui fut décimée...

En effet -ET IL ME SEMBLE QUE TOUS L'OUBLIENT ICI- le mouvement des Alliés sur Paris fut un mouvement désespéré, la coalition ne sachant comment parvenir à vaincre Napoléon; il fallut toutes les instances d'un autre renégat, Pozzo di Borgo, pour convaincre le Czar de marcher sur Paris! Encore ne s'y décida-t-il que parce que des courriers interceptés faisaient état de la faiblesse des défenses de Paris...

Les combats de la bataille de Paris : ( sources : A.Hugo, histoire de l'armée Française de 1792 à 1837; sorti en 1840 )

Lorsque l’Empereur de Russie eut fait décider l’offensive sur Paris, le corps Russe de Wintzingerode fut détaché pour suivre l’Empereur vers la Loraine et entretenir son illusion . L’armée Austro-Russe s’approcha de la Marne, et fit sa jonction avec l’armée de Silésie; puis les deux armées réunies suivirent la même direction entre la Seine et la Marne .

Les forces alliés formaient un total de 150 000 hommes . Cette masse énorme eût peut-être occupé, sans coup férir, la capitale, dégarnie de troupes, si les corps du maréchal Mortier, du maréchal Marmont, et la cavalerie du général Belliard, qui avaient reçu l’ordre de joindre Napoléon, eussent pu le mettre à exécution .

Ces corps, après le combat de Fère-Champernoise, ne purent continuer leur marche, et, comme il a été dit, se replièrent sur Paris, où ils prirent position le 29 mars .

A l’approche d’un danger aussi imminent, l’Impératrice Marie-Louise quitta, avec le Roi de Rome, la capitale, et partit pour Blois . Les membres du conseil de Régence, les grands dignitaires, les ministres, reçurent l’ordre de la suivre .

Le prince de Talleyrand seul, arrivé à la barrière, borna là son voyage, et revint à son hôtel . Le Roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur dans la première division militaire, le duc de Feltre, ministre de la guerre, le général Dejean, ministre directeur, et le maréchal Moncey, commandant la Garde Nationale Parisienne, restèrent à Paris pour veiller à la défense .

A l’époque où l’Empereur avait quitté la capitale de l’Empire pour se mettre à la tête de l’armée, plusieurs projets de défense pour cette ville lui avaient été proposés .

Il en avait adopté un; mais les divers succès qu’il obtint durant cette campagne lui ayant fait regarder cette précaution comme inutile, il n’ordonna jamais d’en commencer les travaux; il autorisa seulement la construction de tambours en bois à chaque barrière, suffisants pour arrêter la cavalerie, et fit réparer le mur d’enceinte, écroulé sur plusieurs points .

Lorsque l’ennemi parut, il n’eut donc à surmonter que les obstacles que présente la nature du terrain à l’est et au nord de Paris .

L’armée Française, réunie sous les murs de la capitale, était loin de suppléer par le nombre au défaut de fortifications .

Elle comptait 26 000 hommes occupant l’espace immense compris entre Neuilly sur la Seine et Charenton sur la Marne . Pour déguiser, autant que possible, la faiblesse numérique des troupes de ligne, le maréchal Moncey fit un appel au patriotisme de la Garde Nationale .

6000 de ses braves citoyens sortirent volontairement de l’enceinte, et prirent poste sur les hauteurs voisines, en seconde ligne . Un grand nombre d’entre eux, animés du plus noble dévouement, voulurent partager tous les dangers de la bataille qui se préparait, et se répandirent en tirailleurs sur toute la ligne des avants-postes .

Le reste de la Garde nationale, formant encore 6000 hommes, garda les barrières, et maintint l’ordre et la tranquillité dans l’intérieur . L’artillerie de cette Garde, commandée par le major Evain, servie par un bataillon formé des invalides capables encore de quelques service, et des élèves de l’école Polytechnique, prit aussi une part très active à l’action .

Le Roi Joseph, ayant fait la reconnaissance du terrain, le 29 mars au soir, le corps du duc de Ragusse reçut l’ordre de s’établir à la droite dans la position de Romainville, l’infanterie du général Compans, la cavalerie du général Ormano, durent occuper les prés Saint-Gervaix, Pantin et le terrain entre les hauteurs et le canal de l’Ourq; le corps du duc de Trévise, à l’aile gauche, du prendre poste entre le canal et Montmartre, occupant les faubourgs de la Villette et de la Chapelle; la cavalerie du général Belliard se déploya entre la route de Saint-Denis et l’avenue de la porte Maillot .

Le 30 mars, avant le jour, les tambours appelant aux armes éveillèrent la population de Paris; chacun se rendit au poste assigné . Le Roi Joseph se porta sur la butte Montmartre, suivi du ministre de la guerre, du ministre directeur de ce département, du général Hullin, et d’un nombreux état-major .

Les officiers de tous grades qui se trouvaient dans Paris sans destinations se portèrent en foule sur ce point, demandant et attendant des ordres .

Vers six heures du matin, au soleil levant, le canon se fit tout à coup entendre, et donna le signal de l’action qui allait décider le sort de la guerre .

La bataille s’engagea d’abord au centre, et successivement l’armée ennemie étendit ses attaques aux deux ailes .

Le corps Russe de Rayefski se porta sur les divisions Boyer de Rebeval et Michel, postés dans la plaine, à gauche du duc de Raguse; mais il fut contenu par le canon de ces deux divisions .

Dans le même temps, l’ennemi s’emparait de la butte au-dessus de Romainville . Le duc de Raguse, qui devait occuper cette position, la fit attaquer de front par les troupes du général Compans, tandis que le général Boyer, côtoyant les hauteurs, marchait sur Plantin .

Les Russes furent chassés du bois, repoussés jusque dans les gorges au-dessous du parc, et, dans la plaine, nos tirailleurs arrivèrent jusqu’aux premières maisons de Pantin .

L’ennemi, qui tenait à conserver Pantin et la butte de Romainville, fit avancer toutes les réserves, et dirigea une attaque formidable sur le front du duc de Raguse et sur ses deux ailes, dans l’intention de le déborder . Dans le même temps, un corps Russe attaquait la droite du duc de Trévise .

Le choc fut rude, surtout au bois de Romainville, où commandait le général Compans . Le général Boyer était au moment d’être forcé dans le village du pré Saint-Gervais, quand le maréchal y envoya le colonel Fabvier avec 400 hommes qui rétablirent le combat .

Après deux heures d’une offensive opiniâtre, d’une défensive plus opiniâtre encore, les russes furent rejetés dans leur première position, et le corps du duc de Raguse ne perdit que le village de Montreuil à sa droite; ce village n’entrant point dans les système de défense, n’était occupé par quelques tirailleurs des troupes du duc de Padoue .

Le général Russe Barclay de Tolly, commandant les forces alliées alors en action devant Paris, rebuté de la résistance qu’une poignée d’hommes opposait à toutes ses masses, résolut, vers onze heures, de donner quelques relâches à ses troupes, et d’attendre, pour renouveler l’attaque, l’arrivée de l’armée de Silésie . Le combat se borna alors de part et d’autre au feu d’artillerie et de mousqueterie .

Le Roi Joseph, n’ajoutant pas foi aux divers rapports qui lui avaient été faits, répugnait à croire que toute l’armée alliée se trouvât réunie sous Paris, il allait ordonner au duc de Trévise, il allait ordonner au duc de Trévise, dont la droite seule avait été engagée, d’envoyer un détachement au secours du duc de Raguse, lorsqu’on aperçut l’armée de Silésie débouchant dans la plaine de Saint-Denis, et se disposant à déborder au loin, vers la Seine, la gauche du duc de Trévise .

Au même instant le Roi fut instruit que les corps autro-wurtembergeois du prince royal de Wurtemberg attaquaient, sur la Marne, les ponts de Charenton et de Saint-Maur .

Ainsi toute l’armée alliée entrait en ligne, débordant les deux ailes de l’armée française, et la pressant vivement de front . Tout espoir d’une résistance qui donnât le temps à l’Empereur d’arriver au secours de Paris parut dès lors perdu .

Les généraux qui environnaient le Roi, le pressèrent, en lui représentant l’imminence du danger, d’adresser aux ducs de Trévise et de Raguse l’autorisation de capituler, tant pour leur armée que pour la capitale; le Roi chargea le général Hullin, gouverneur de Paris, de prendre des mesures pour l’évacuation de la ville .

Puis ayant donné l’ordre aux grands fonctionnaires et aux membres du conseil d’état, qui n’étaient point encore partis, de se rendre près de l’Impératrice, il quitta lui-même la position de Montmartre, et gagna la route d’Orléans avant qu’elle fût interceptée par les coureurs ennemis .

Pendant que ces divers ordres se transmettaient, et que l’armée alliée se préparait à porter un coup décisif sur tout le front de l’armée française, le corps du prince royal de Wurtemberg se portait à revers par la rive droite de la Marne sur Saint-Maur et Charenton, dont les ponts n’étaient défendus par des tambours que sur la rive gauche, s’en emparait, et poussait un parti de cavalerie jusqu’au faubourg de Bercy .

Pour seconder ce mouvement, la cavalerie Russe du comte de Pahlen pénétra de Montreuil dans le bois de Vincennes, masqua le château, et s’avança sur l’avenue de Paris .

La réserve d’artillerie de la Garde Nationale avait été réunie à la barrière du Trône, sous les ordres du major Evain . Cet officier dans l’espoir d’empêcher la cavalerie ennemie de déborder le flanc droit du duc de Raguse, marcha à sa rencontre, et commença son feu au point où l’avenue est coupée par le chemin de Charonne à Saint-Mandé .

Pendant que le comte de Pahlen lui ripostait, une brigade de cavalerie se détacha, et, favorisée par les granges et maisons du petit Vincennes, vint tomber à l’improviste sur l’artillerie Française . Celle-ci, attelée de chevaux de poste, que conduisaient des charretiers inexpérimentés, n’était soutenues que par quelques gendarmes .

Les cavaliers Russes s’en emparèrent après avoir tué, pris ou blessé les canonniers . Dans ce moment, le 30eme régiment de dragons de la division Bordesoulle, commandé par le colonel Orderner, tomba sur le flanc des Russes, et les força de lâcher prise .

Le major Evain rallia quelques pièces, et par un feu à mitraille, seconda la charge des dragons . Un détachement de la Garde Nationale, sous les ordres du chef de bataillon Saint-Romain et du capitaine Calmer, étant accouru de la barrière du Trône, la cavalerie Russe se retira en emmenant seulement quatre pièces et quelques prisonniers au nombre desquels étaient six élèves de l’école Polytechnique, quinze autres de ces intrépides jeunes gens avaient été blessés grièvement .

Lorsque le général Barclay de Tolly fut assuré de sa gauche, par la position prise par le prince royal de Wurtemberg, et de sa droite par l’arrivée du général Blücher avec l’armée de Silésie occupant tout le front du duc de Trévise, il renouvela son attaque avec plus de vigueur sur le duc de Raguse .

A la droite de ce maréchal, l’infanterie du duc de Padoue, la cavalerie des généraux Bordesoulle et Chastel furent repoussées .

L’ennemi s’empara de Bagnolet et de Charonne, déjà il tournait le cimetière du père Lachaise pour se porter sur la barrière de Fontarabie, lorsqu’une batterie, placée sur la butte de ce nom, et soutenue par un bataillon de la 7eme légion de la Garde Nationale, commandé par M. de Brèvannes, son colonel, arrêta sa marche offensive, et le contint aux débouchés de Charonne .

Dans le même temps, le centre et la gauche du duc de Raguse étaient aussi attaqués, où plutôt accablés par des masses énormes . Malgré la vive résistance de nos troupes, elles furent ramenées rapidement et poussées sur Belleville .

Le maréchal se voyant au moment d’être forcé, se mit à la tête de la brigade Clavel de la division Ricard, formant à peine un faible bataillon, et, en colonne d’attaque, il aborda l’ennemi .

Mais, à l’instant, cette petite troupe fut criblée de mitraille; les grenadiers la pressaient sur son flanc gauche, tandis que les cuirassiers la chargeaient par son flanc droit .

Elle fut enfoncée, le maréchal eut un cheval tué sous lui; son chef d’état-major; le général Clavel, blessé, fut pris au milieu des siens; la déroute allait entraîner toutes les troupes, lorsque le colonel Ghéneser, avec 200 hommes qui occupaient encore le parc de Brières, tomba sur les derrières des grenadiers russes .

Ce coup audacieux ralentit la marche de l’ennemi qui, perdant du temps à s’emparer du parc, laissa le duc de Raguse de dégager et rallier les corps épars sur la butte du télégraphe, où le général Compans venait de placer un bataillon .

Cependant l’ennemi, après une courte halte, reprit son mouvement offensif, et mettant en action toutes ses forces, il renouvela une attaque générale sur toute l’étendue du front du corps du duc de Raguse, réduit à un peu moins de 6000 hommes .

La ferme du Rouvroy, les près de Saint-Gervais, la butte Chaumont, où se trouvait une batterie servie par les élèves de l’école Polytechnique, Belleville, Ménilmontant, le cimetière du père Lachaise, furent simultanément attaqués et enlevés après un combat opiniâtre .

L’ennemi accula aux barrières les troupes du duc de Padoue, des généraux Bordesoulle et Chastel . Des hauteurs de Charonne et de Ménilmontant, il lança des obus dans les faubourgs .

A l’aile gauche du corps Français, la brigade Sécrétant et la division Boyer de Rebeval étaient vigoureusement attaqués et forcées de reculer . Dans ce moment, le duc de Raguse, qui tenait encore au centre dans la position du télégraphe, tenta un dernier effort pour chasser l’ennemi du village de Belleville .

Réunissant autour de lui une poignée d’hommes qui lui restaient, avec les généraux Ricards, Meynadier, Boudin, Pelleport, il se précipita sur les Russes .

Le maréchal fut atteint d’une balle qui lui fit une forte contusion, les généraux Ricard et Pelleport furent blessés, mais les Russes furent enfoncés . Belleville fut repris, et le général Lagrange réoccupa en avant sa première position .

Ce fut alors que le duc de Raguse aperçut sa droite aux barrières, sa gauche découverte, l’ennemi au moment de le tourner, et déjà dirigeant son feu sur Paris . Dans cette extrémité, le maréchal crut devoir faire usage de l’autorisation que lui avait adressé le Roi Joseph .

Il envoya donc un de ses aides de camp au prince de Schwarzenberg, qui se trouvait sur les hauteurs de Belleville .

On convint sur-le-champ d’une suspension d’armes de deux heures, sous condition que le maréchal, achevant de céder les hauteurs, se bornerait à couvrir et à défendre l’enceinte de Paris, et se concerterait avec le duc de Trévise pour traiter d’une convention, stipulant en principe l’évacuation de la capitale .

Tandis que l’armée Austro-Russe attaquait, et s’emparait ainsi de la droite du champ de bataille, dans la plaine à gauche, l’armée de Silésie, utilisant également ses formidables masses, maîtrisait aussi la fortune .

Après avoir détaché le corps du général Langeron, pour déborder ou inquiéter la gauche des Français vers le bois de Boulogne, le général Blücher porta ses masses vers sur le front de la ligne .

Le général Woronzof emporta la Vilette, qu’occupait la division Curial . Dans le même temps, le prince Guillaume de Prusse attaquait la Chapelle, défendue pied à pied par la division Charpentier .

Le duc de Trévise ayant chargé le général Christiani de reprendre le village avec sa division de grenadiers-flanqueurs, ce village fut attaqué de nouveau; déjà nos troupes en avaient chassé l’ennemi, lorsque les gardes Prussiennes, qui venaient de renforcer le pont du canal, se présentèrent sur leurs derrières, vers le pont où la Villette tient à Paris .

Ce mouvement très-dangereux, décida le duc de Trévise à retirer ses troupes de la Chapelle et de la Villette, et il les fit revenir aux barrières .

Dans le temps que ceci se passait à la droite du corps Français, le mouvement du général Langeron, sur la gauche, devenait inquiétant . Les Russes avaient déjà dépassé le village de Cluchy, et s’approchaient du bois de Boulogne, lorsque le général Beliard fit engager contre eux une fusillade par la cavalerie du général Dautancourt, conjointement avec 300 Garde Nationaux de la 2eme légion, et ralentit ainsi leur marche .

Sur ces entrefaites, l’Empereur de Russie et le Roi de Prusse, voyant les progrès de l’armée de Silésie, et considérant la position du duc de Trévise comme désespérée, envoyèrent le comte Orlof sommer le maréchal français de mettre bas les armes .

Choqué d’une telle sommation, ce brave guerrier répondit avec fierté, que les alliés, pour être au pied de Montmartre, n’avaient pas encore Paris; que l’armée s’ensevelirait sous ses ruines plutôt que de souscrire à une capitulation honteuse; qu’au reste quand il ne pourrait plus la défendre, il savait encore où et comment effectuer sa retraite, devant et malgré l’ennemi .

Quelques instants après, le duc de Trévise apprit la suspension d’armes conclue par le duc de Raguse, il eut seulement alors connaissance de l’autorisation donnée par le Roi Joseph, autorisation que, par une circonstance fortuite, il n’avait pas encore reçue; il adhéra à la trève, et se réunit à son collègue pour traiter d’une convention digne de leur glorieuse résistance .

Les deux maréchaux se rendirent en conséquence à la Villette, où se trouvèrent les commissaires alliés chargés de la négociation . Dans le même temps, des officiers d’état-major des deux armées parcoururent toute la ligne, précédés d’une trompette, et firent cesser les hostilités .

Toutefois, l’avis de l’armistice ayant tardé à arriver au corps de Langeron, à cause de son éloignement, ce général continua son mouvement sur l’extrème gauche de la ligne Française .

Comme la gauche du duc de Trévise ne dépassait pas la butte Montmartre, depuis la barrière de Clichy jusqu’à celle de Neuilly, l’enceinte et les faubourgs extérieurs n’étaient défendus que par les 1er et 2eme légions de la Garde Nationale .
La cavalerie du général Belliard, peu considérable, occupait seule la plaine de Clichy; neuf pièces de canon seulement étaient en batterie sur Montmartre, et battaient la plaine .

Lorsque le maréchal Moncey, auquel appartenait le commandement de la ligne occupée par la Garde Nationale, s’aperçut de l’approche des troupes Russes qui s’avançaient en masse sur les barrières depuis le bois de Boulogne jusqu’à Montmartre, il fit ses dispositions de défense, et les Garde nationaux continrent quelque temps l’ennemi en avant de l’Arc de Triomphe de l’Étoile . Mais il n’en était pas de même devant la barrière de Clichy .

Plus de quarante bataillons, précédés d’une artillerie formidable, s’étant avancés sur le village de Clignancourt, arrivèrent à portée de fusil de la cavalerie du général Belliard .

Vainement ce général les fit charger par le général Dautancourt avec les chasseurs de la Garde, que commandait le chef d’escadron Lafite et par le général Sparre avec les 5eme et 12eme de dragons .

Débordés des deux côtés, mitraillé par trente-six bouches à feu, notre cavalerie fut contrainte à faire volte face, et n’ayant point d’autre retraite, elle remonta au galop les pentes escarpées qui conduisent au sommet de Montmartre .

Le général Belliard, au milieu de cette retraite précipitée, aperçut 250 hommes de sapeurs-pompiers de Paris, il les jeta à la hâte dans un enclos à mi-côte, leur prescrivant de tenir ferme .

Cette poignée d’hommes arrêta l’ennemi pendant que notre cavalerie descendait les rampes que notre cavalerie descendait les rampes de la butte, et rentrait en grande partie par les barrières que tenait encore le duc de Trévise .

Bientôt les russes couronnèrent toutes les hauteurs de Montmartre . La Garde Nationale fusilla encore quelques temps aux barrières depuis Clichy jusqu’à l’Etoile; mais enfin l’armistice ayant été connu sur ce point, le feu s’éteignit, et cette terrible journée fut terminée .

Pendant ce dernier incident, on discutait à la Vilette des clauses de la capitulation . Après d’assez vifs débats, on convint que l’armée Française se retirerait avec son matériel et aurait la nuit entière pour l’évacuation; que les alliés entreraient dans Paris le lendemain 31, à six heures du matin, et ne pourraient recommencer les hostilités qu’après neuf heures . Ces conventions furent verbales, et le duc de Raguse se chargea de les rédiger au nom de son collègue .

L’armée remit alors ( cinq heures du soir) à la Garde nationale les barrières qu’elles avaient défendues, et commença aussitôt l’évacuation de Paris, d’où elle sortit avant et pendant la nuit par la barrière de Fontainebleau, route par laquelle devait arriver l’Empereur Napoléon .


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Message Publié : 09 Sep 2004 14:26 
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S'agissant de Joseph, on sait bien que c'est de l'incompétence, et non pas de la trahison voulue et préméditée...

C'est sur les midi que Joseph -du haut de la butte Montmartre- constatant les progrès des coalisés, décida de quitter Paris en donnant les pleins pouvoirs aux Maréchaux pour négocier directement des conditions d'une capitulation avec l'ennemi...

A dire vrai, pas un seul avis ne s'éleva de l'assemblée des ministres et des généraux qui l'accompagnaient pour lui conseiller de se maintenir plus longtemps.

Au contraire, tout fut fait pour l'effrayer: des officiers venus des environs de Vincennes lui affirmèrent qu'une nouvelle armée était en train de tourner Paris par l'est et le sud, et qu'elle était sur le point de pénétrer dans la capitale par les barrières du Trône et de Charonne, ce qui -à cette heure- était totalement faux !

Des officiers envoyés en reconnaissance revinrent pour signaler que l'on apercevait des cosaques à la lisière du bois de Boulogne...

Alors, Joseph -n'y tenant plus- décida de décamper avant que sa retraite soit coupée...

Ce n'est pas trahison, c'est de l'incompétence, ajoutée à une certaine lâcheté, incontestablement! la faute en revient à Napoléon, qui crût que son frère aîné pourrait racheter ses fautes passées par une attitude digne dans l'adversité...

On voit comment ce calcul dicté par la piété fraternelle fut déjoué... Mais, dans l'ombre, beaucoup s'employèrent à parvenir à ce résultat. Pour traiter avec les Coalisés et mettre en place un nouveau régime, il fallait se débarrasser de Joseph avant le retour de Napoléon!

La lutte inégale, dénouement proche ? Tout dépend si on se place AVANT la capitulation de Paris, ou APRES !

Mais, même dans ce dernier cas, il restait 70 000 hommes sous la main de Napoléon (avant la défection du corps de Marmont). En face, les Alliés disposaient de 160 000 hommes. Seulement, la situation ne se résumait à ce face à face disproportionné: d'une part, parce qu'il leur fallait surveiller Paris, qu'ils ne pouvaient y laisser moins de 20 000 hommes, qu'il leur fallait encore 10 000 hommes pour garantir leurs communications avec le Nord: car, là était le mérite du plan de l'Empereur en marchant vers les garnisons de l'Est, c'était de casser la ligne de communication des coalisés vers l'Est! C'est tellement vrai que le Czar avait prévu -en cas d'échec devant Paris- de transférer celle-ci vers le Nord. Et c'était le cas...

Donc, les Alliés disposaient de 130 000 hommes au mieux contre Napoléon, qui les aurait attaqués sous les murs de Paris: c'est tellement vrai que seulement 110 000 hommes avaient passé la Seine pour surveiller l'armée Française repliée derrière l'Essonne...

110 000 hommes contre 70 000... Le résultat n'est pas douteux: l'Empereur aurait sû trouver la faille dans le dispositif des généraux ennemis, effrayés -qui plus est- par la présence sur leurs arrières de la ville révolutionnaire, de la nouvelle Babylone: je veux parler de Paris!


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 Sujet du message : L plaidoyer de Marmont...
Message Publié : 09 Sep 2004 14:29 
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MARMONT ET LA DEFECTION DE PARIS


"Le soir de ce combat de Gué-à-Trem, j'entendis, pour la première fois, prononcer le nom des Bourbons et parler des projets faits sur eux. Je reçus, vers les neuf heures du soir, la visite de quelques amis venant de Paris, au nombre desquels était Alphonse Perregaux, mon beau-frère. Simple chambellan de l'Empereur, il n'avait parcouru aucune carrière. (...)
Il s'exprimait très haut sur la nécessité de se débarasser de Napoléon, et, en cela, il me semblait l'écho de Paris. Il parlait du retour des Bourbons comme du salut de la France. Ce langage, dans la bouche d'un homme de sa position, me parut singulier. Je combattais ses idées à cet égard. Je lui dis que nous perdrions, nous autres chefs de l'armée, le fruit des travaux de vingt campagnes; ce qui avait fait notre gloire et composait nos souvenirs serait pris à crime auprès des gens dont les intérêts avaient toujours été contraires. Il me répondit : "Dans tous les cas, Macdonald et toi, vous serez certainement dans l'exception. -Mais, dis-je, ce n'est pas la considération d'intérêts personnels qui doit décider en pareil cas, ce sont les intérêts de tous, dont il faut s'occuper.
D'où lui provenait cet accès de vanité ambitieuse ? Peut-être n'exprimait-il que les opinions au milieu desquelles il vivait, et dont l'action se fait toujours plus ou moins sentir sur nous. (...)

"J'occupais Béry-au-Bac et j'établis mon quartier général à Cormicy. L'Empereur se mit en marche pour exécuter le mouvement dont il m'avait parlé. Il laissa le duc de Trévise, avec son corps, à Reims. Notre mission était de couvrir la route de Paris, de manoeuvrer devant l'ennemi, de prendre des positions, de ne rien négliger pour retarder sa marche. Et, comme l'Empereur avait plus de confiance dans ma capacité que dans celle du maréchal duc de Trévise pour mettre de l'ensemble dans les mouvements, il fut décidé que, le duc de Trévise étant mon ancien, il conserverait les honneurs du commandement, tandis que la direction des deux corps me serait cependant réservée (prouvé par pièce justificative). C'était nous mettre tous les deux dans la plus fausse position. On ne peut pas commander à demi à la guerre. On peut prendre des conseils, mais on ne peut pas se charger d'en donner. Je n'ai eu qu'à me louer, à cette époque, de mes rapports avec le duc de Trévise. Je crois fermement que jamais deux généraux, placés dans des positions respectives semblables, ne se sont mieux entendus. Cependant on verra que cet arrangement fut la cause unique du revers de Fère-Champenoise, parceque le devoir d'une obéissance absolue n'était pas et ne pouvait pas être suffisament senti par celui qui ne devait pas commander, mais momentanément obéir. (...)

Cependant le mouvement de l'ennemi sur Paris, avec toutes ses forces, y rendait nécessaire notre arrivée la plus prompte. En conséquence, je proposai au maréchal Mortier de partir le soir. Il me fit quelques objections, et entre autres celle-ci (elle est si plaisante, que je me la suis toujours rappelée). Il me dit : "Mais, si on nous voit arriver ainsi à Paris, notre présence y jettera l'alarme. -Croyez-vous, lui répondis-je, que, si l'ennemi y arrive avant nous, l'alarme sera moins forte ?" (...) Nous nous trouvâmes alors sous les ordres de Joseph, lieutenant de l'Empereur. Il me chargea de la défense de Paris depuis la Marne jusques et y compris les hauteurs de Belleville et de Romainville. Mortier fut chargé de défendre la ligne qui va du pied de ces hauteurs jusqu'à la Seine. (...) Ainsi, avec sept mille cinq cent hommes d'infanterie, appartenant à soixante-dix bataillons différents et par conséquent ne se composant que de débris, et quinze cents chevaux, j'ai soutenu contre une armée entière, qui a eu plus de cinquante mille hommes engagés, un des plus glorieux combats, dont les annales françaises rappellent le souvenir. J'avais reconnu l'importance de la position de Romainville, et, sachant que le général Compans ne l'avait pas occupée en se retirant, j'ignorais si l'ennemi s'y était posté. J'envoyai de Saint-Mandé, pendant la nuit, une reconnaissance pour s'en informer. L'officier qui la commandait, sans s'y rendre, me fit un rapport comme y ayant été, et me dit que l'ennemi ne l'occupait pas. Cette faute, véritable crime à la guerre, eut un résultat favorable, et fut la cause en partie de la longueur de cette défense si mémorable, avec une si grande disproportion de forces. Elle eut en cette influence en me faisant prendre l'offensive et en donnant à la défense un tout autre caractère.

"(...) j'eus une douzaine de soldats tués à côté de moi à coups de baïonnette à l'entrée même de Belleville, et je fus sauvé de l'immense danger d'être pris par le courage et le dévouement du plus brave soldat et du plus brave homme que j'aie jamais connu, le colonel Genheser.(...) Peu après ce moment, c'est-à-dire vers midi, jde reçus du roi Joseph l'autorisation d'entrer en arrangement pour la remise de Paris aux étrangers.

"Paris, de Montmartre, le 30 mars, à dix heures du matin


"Si M. le maréchal duc de Raguse et M. le maréchal duc de Trévise ne peuvent plus tenir, ils sont autorisés à entrer en pourparlers avec le prince de Schwarzenberg et l'empereur de Russie, qui sont devant eux. Ils se retireront sur la Loire.

Joseph."



Mais déjà les affaires étaient en partie rétablies, et j'envoyais le colonel Fabvier pour dire à Joseph que, si le reste de la ligne n'était pas en plus mauvais état, rien ne pressait encore. J'avais alors l'espérance de pousser la défense jusqu'à la nuit. Mais le colonel ne trouva plus le roi à MOntmartre. Celui était parti pour Saint-Cloud et Versailles, emmenant avec lui le ministre de la guerre et tout le cortège de son pouvoir, et cependant aucun danger ne le menaçait personnellement. Sur le rapport du colonel à son retour, je résolus de continuer l'action. (...) Enfin l'ennemi, informé par les prisonniers du peu de monde qu'il avait devant lui, crut avec raison pouvoir s'étendre sans danger, puisque aucune circonstance ne pouvait nous donner les moyens de prendre une offensive sérieuse. Il fit alors un développement de forces immense. On put voir, des hauteurs de Belleville, de nouvelles colonnes formidables se diriger sur tous les points rentrants de la ligne, depuis la barrière du TRône jusqu'à la Villette, tandis que d'autres troupes passaient le canal et se portaient sur Montmartre. Dans peu de moments, nous devions être attaqués partout à la fois. Il était trois heures et demie : le moment était venu de faire usage de l'autorisation de capituler, en mon pouvoir depuis midi. J'envoyai trois officiers aux tirailleurs comme parlementaires, et un des trois était le trop célèbre Charles de la Bédoyère. (...) Inquiet de ce qui se passait à la gauche de Belleville, au poste important qu'occupait le général Compans, j'envoyai un officier pour voir l'état des choses et m'en rendre compte. Il revint promptement, et m'annonça que l'ennemi occupait la position. Je courus pour m'en assurer. A peine avais-je descendu quelques pas dans la grande rue de Belleville, que je reconnus la tête d'une colonne russe qui venait d'y arriver. (...) Je chargeai, à la tête de cette poignée de soldats, avec le général Pelleport et le général Meynadier. Le premier reçut un coup de fusil qui lui traversa la poitrine, dont heureusement il n'est pas mort. Moi, j'eus mon cheval blessé et mes habits criblés de balles. La tête de la colonne ennemie fit demi-tour.(...) Nous venions de nous réunir sur ce point lorsque l'aide de camp, qui avait réussi à franchir les avant-postes, revint avec le comte de Paar, aide de camp de Schwarzenberg, et le colonel Orloff, aide de camp de l'Empereur de Russie. Le feu cesse; il durait depuis douze heures. Il fut convenu que les troupes se retireraient dans les barrières, et que les arrangements seraient pris et arrêtés pour l'évacuation de la capitale. Telle est l'analyse et le récit succint de cette bataille de Paris, objet de si odieuses calomnies, fait d'armes cependant si glorieux, je puis dire, pour les chefs et pour les soldats. C'était le soixante-septième engagement de mon corps d'armée depuis le 1er Janvier, jour de l'ouverture de la campagne, c'est-à-dire dans un espace de quatre-vingt-dix jours, et dans des circonstances telles, que j'avais été dans l'obligation de charger moi-même, l'épée à la main, à la tête d'une faible troupe. (Note de l'Editeur : On se rappellera que le duc de Raguse avait fait toute cette campagne le bras en écharpe, par suite de la blessure reçue en Espagne; il avait deux doigts blessés à l'autre main, de sorte qu'il ne lui restait que trois doigts de valides pour tenir son épée) On voit par quelle succession d'efforts constants, de marches dans la saison la plus rigoureuse, de fatigues inouïes et sans exemple, enfin de dangers toujours croissants, nous étions parvenus à prolonger, au-delà de tous les calculs, notre lutte avec des forces si disproportionnées, lutte dont la fin même imprimait encore à notre nom un caractère de gloire et de grandeur. (...) Mortier avait pu juger, comme moi, des évènements, des circonstances et de la situation des choses. Il se rendit dans un cabaret attenant à la barrière de la Villette pour traiter de la reddition de Paris, et m'y donna rendez-vous. M. de Nesselrode et les autres plénipotentiaires s'y rendirent de leur côté. A une insultante proposition de mettre bas les armes, nos répondîmes par un geste d'indignation et de mépris; à celle de prendre la route de Bretagne en sortant de Paris, nous répondîmes que nous irions où nous voudrions, sans recevoir une loi qu'on ne pouvait nous contraindre d'accepter. Les conditions premières et simples de l'évacuation de Paris et de la remise des barrières, le lendemain matin, étant arrêtées, il fut convenu que les articles seraient signés dans la soirée. (...) le duc de Trévise et ses troupes se mirent en marche les premières, et se portèrent le soir dans la direction d'Essonne. Les miennes bivouaquèrent dans les Champs-Elysées, et je me mis en route le lendemain, à sept heures du matin. A huit heures, les barrières avaient été remises à l'ennemi.(...)

Le 31, j'occupai la position d'Essonne, et, dans la nuit du 31 au 1er avril, j'allai à Fontaineblau voir l'Empereur et lui parler des derniers événements. La belle défense que nous avions faite reçut ses éloges. Il m'ordonna de lui soumettre, pour mon corps d'armée, un travail de récompense en faveur de ces braves soldats, qui, jusqu'au dernier moment, avaient soutenu avec tant de dévouement et de courage une lutte devenue si prodigieusement inégale. L'Empereur comprenait alors sa position. Il était abattu et disposé enfin à traiter. Il s'arrêta, ou parut s'arrêter, au projet de réunir le peu de forces qu'il lui restaient, de les augmenter s'il était possible sans faire de nouvelles entreprises, et, sous cet appui, de négocier. Le même jour, il vint visiter la position du sixième corps. En ce moment, les deux officiers laissés à Paris pour faire la remise des barrières aux alliés, MM. Denys de Damrémont et Fabvier, rentraient au quartier général. Ils apprirent à l'Empereur les démonstrations de joie et les transports qui avaient accueilli les troupes ennemies à leur entrée dans la capitale, l'exaltation des esprits, enfin la déclaration de l'empereur Alexandre de ne plus désormais traiter avec lui. Un pareil récit affligea profondément l'Empereur et changea le cours de ses idées. En effet, quoiqu'il fut familiarisé avec la pensée du mécontentement public, il ne pouvait prévoir l'accueil que recevraient les étrangers, à leur entrée dans Paris, de la part de l'immense majorité des habitants de cette capitale. La paix devenant impossible pour lui, il fallait continuer la guerre à tout prix. C'était une nécessité de sa position, et il n'hésita pas à me le déclarer(...) Ce fut dans ces dispositions qu'il me quitta pour retourner à Fontainebleau. Il me donna quelques ordres de détail pour deux bataillons de vétérans restés avec moi, et il continua son chemin. Cétait la dernière fois de ma vie que je devais le voir et l'entendre. (...) Les nouvelles de Paris se succédaient avec rapidité. Le gouvernement provisoire me fit parvenir le décret du sénat prononçant la déchéance de l'Empereur. Cet acte me fut apporté par M. Charles de Montessuis, anciennement mon aide de camp en Egypte.(...)Il était, en outre, porteur de lettres de diverses personnes dont j'appréciais l'esprit et j'honorais le caractère. Dans toutes, on s'accordait à me montrer la révolution qui s'opérait comme le seul moyen de salut pour la France. Au nombre des plus marquants de ces correspondants, étaient MM. Dessoles et Pasquier. Montessuis avait aussi diverses lettres pour Macdonald, entre autres de Beurnonville, et je les lui fis passer.(...)

Attaché à Napoléon depuis si longtemps, les malheurs qui l'accablaient réveillaient en moi cette vive et ancienne affection qui autrefois dépassait tous mes autres sentimets; et cependant, dévoué à mon pays et pouvant influer sur son état et sa destinée, je sentais le besoin de le sauver d'une ruine complète. Il est facile à un homme d'honneur de remplir son devoir quand il est tout tracé; mais qu'il est cruel de vivre dans des temps où l'on peut et où l'on doit se demander: où est le devoir ? Et ces temps, je les ai vus, ce sont ceux de mon époque! Trois fois dans ma vie j'ai été mis en présence de cette difficulté! Heureux ceux qui vivent sous l'empire d'un gouvernement régulier, ou qui, placés dans une situation obscure, ont échappé à cette cruelle épreuve! Je voyais d'un côté la chute de Napoléon, d'un ami, d'un bienfaiteur, chute certaine, infaillible, quoi qu'il arrivât; car les moyens de défense avaient tous disparu, et l'opinion de Paris et d'une partie de la France, devenue hostile, complétait la masse des maux qui nous accablaient. Cette chute, retardée de quelques jours, n'entraînait-elle pas la ruine du pays, tandis que le pays, en se séparant de Napoléon, et prenant au mot la déclaration des souverains, les forçait à la respecter ? La reprise d'hostilités impuissantes ne les dégageait-elle pas de toutes les promesses faites ? Ce mouvement d'opinion si prononçé, ces actes du sénat, du seul corps représentant l'autorité publique, n'étaient-ils pas la planche de salut pour sauver le pays d'un nauffrage complet ? Et le devoir d'un bon citoyen, quelle que fût sa position, n'était-il pas de s'y rallier afin d'arriver immédiatement à un résultat définitif ? (...) Fallait-il se dévouer à (Napoléon) aux dépens mêmes de la FRance ? Les débris de l'armée, en se réunissant au gouvernement provisoire, ne donneraient-ils pas à celui une sorte de dignité qui le ferait respecter des étrangers ?(...) Que d'efforts n'avions-nous pas prodigués pour empêcher Napoléon de tomber dans le gouffre ! Le sentiment intime d'avoir dépassé l'accomplissement de mes devoirs pendant cette campagne était d'accord vec l'opinion. Plus qu'aucun de mes camarades j'avais payé de ma personne dans ces cruelles circonstances, et montré une constance et une persévérance soutenues. Ces efforts, renouvelés tant qu'ils pouvaient amener un résultat utile, ne m'avaient-ils pas acquitté envers Napoléon, et n'avais-je pas rempli largement ma tâche et mes devoirs envers lui ? Le pays ne devait-il donc pas avoir à son tour, et le moment n'était-il pas venu de s'occuper de lui ? (...) Dans la circonstance, la première chose à faire était de suspendre les hostilités, afin de donner à la politique le moyen de régler nos destinées. Pour atteindre ce but, il fallait entrer en pourpaler avec les étrangers. Cette démarche était pénible, mais nécessaire. (...) POur montrer les motifs qui m'avaient fait agir, j'eus la pensée de me consacrer aux devoirs de l'amitié et de suivre Napoléon dans l'exil, après avoir exécuté ce que le salut de mon pays commandait. Mais, avant d'arrêter définitivement un parti, il était convenable et nécessaire de prendre l'avis de mes généraux et de m'entourer de leurs lumières. Tous les généraux placés sous mes ordres furent donc réunis chez moi. Je leur communiquai les nouvelles reçues de Paris. Chacun avait le sentiment des prodiges opérés pendant la campgane, prodiges hors de tous calculs, mais aussi tous étaient convaincus de l'impossibilité de les continuer. La décision fut unanime. Il fut résolu de reconnaître le gouvernement provisoire et de se réunir à lui pour sauver la France. Des pourparlers s'ouvrirent avec le prince de Schwarzenberg, et je rédigeait la lettre qui devait être envoyée à l'Empereur quand tout serait convenu et arrêté. Dans cette lettre, je lui annonçais que, après avoir rempli les devoirs que m'imposait le salut de la patrie, j'irais lui apporter ma tête et consacrer, s'il voulait l'accepter, le reste de ma vie au soin de sa personne. Mais, les évènement ayant marché par eux mêmes, comme on le verra bientôt, je ne crus pas devoir en prendre sur moi la responsabilité, et cette lettre ne fut pas envoyée. Pendant ce temps, et précisement au même moment (4 avril), Napoléon cédait aux énergiques représentations de deux chefs de l'armée, portées jusqu'à la brutalité de la part du maréchal Ney. Reconnaissant l'impossibilité de soutenir la lutte, il abandonnait l'Empire en faveur de son fils, et nommait plénipotentiaires le prince de la Moskowa,le duc de Tarente et le duc de Vicence. Ceux-ci vinrent, en traversant mon quartier général, m'apprendre ce qui s'était passé à Fontaineblau. Cet événement changeait la face des choses. Isolé à Essonne, je navais pu consulter, sur le cas présent, les autres chefs de l'armée. J'avais fait au salut de la patrie le sacrifice de mes affections; mais un sacrifice plus grand que le mien, celui de Napoléon, venait de le sanctionner. Mes devoirs me commandaient impérieusement de me réunir à mes camarades. Je serais devenu coupable en continuant à agir seul. En conséquence, j'appris aux plénipotentiaires de l'Empereur mes pourparlers avec Schwarzenberg, en ajoutant que je rompais à l'instant toute négociation personnelle et que je ne me séparerais jamais d'eux. Ces messieurs me demandèrent de les accompagner à Paris. Réfléchissant que, d'après ce qui s'était passé, mon union avec eux pourrait être d'un grand poids, j'y consentis avec empressement. Avant de partir d'Essonne, j'expliquai aux généraux auxquels je laissais le commandement, et, entre autres, au général Souham, le plus ancien, et aux généraux Compans et BOrdesoulle, les motifs de mon absence. Je leur annonçait mon prochain retour. Je leur donnai l'ordre, en présence des plénipotentiaires de l'Empereur, de ne pas faire quoi qu'il arrivât le moindre mouvement avant mon retour. Nous nous rendîmes au quartier général du prince de Shwarzenberg (toujours 4 avril) pour prendre l'autorisation nécessaire à notre voyage à Paris. Dans mon entretien avec ce général, je me dégageai des négociations commençées. Je lui en expliquai les motifs. Le changement survenu dans la position générale devait en apporter un dans ma conduite. Mes démarches n'ayant eu d'autre but que de sauver mon pays, et une mesure, prise en commun avec mes camarades et de concert avec Napoléon, promettant d'atteindre ce but, je ne pouvais m'en isoler. Il me comprit parfaitement et donna son assentiment le plus complet à ma résolution. Arrivés à Paris, dans l'entretien que nous eûmes ensuite avec l'empereur Alexandre, je ne fus pas un des moins ardents à défendre les droits du fils de Napoléon et de la régente. La discussion fut longue et vive. L'empereur Alexandre la termina en déclarant qu'il ne lui était pas possible de prononcer seul sur cette importante question. Il devait en référer à ses alliés; mais tout semblait annoncer qu'il persisterait dans la déclaration déjà faite. Le 5 au matin, nous nous rendimes chez le maréchal Ney pour attendre la réponse définitive. ous y étions réunis depuis quelque temps lorsque le colonel Fabvier, arrivant en toute hâte d'Essonne, vint m'anonçer que, peu de temps après mon départ de cette ville, plusieurs officiers d'ordonnance étaient venus me chercher pour aller trouver l'Empereur à Fontainebleau, et le dernier venu avait ajouté que, puisque le maréchal était absent, le général commandant à sa place devait se rendre au quartier général impérial. Effrayés de cette injonction, les généraux, croyant avoir des dangers à courir, n'avaient trouvé rien de mieux pour s'y soustraire que de mettre les troupes en mouvement pour franchir les lignes ennemies. Le colonel Fabvier les avait rejoints lorsque la tête des troupes étaient déjà au pont sur la grande route. Il avait fait aux généraux les plus énergiques représentations sur leur détermination. Il leur avait demandé d'attendre mon retour et les ordres qu'il irait chercher. Ils l'avaient promis formellement. A l'instant, je fis partir mon premier aide de camp, Denys de Damrémont, pour Essonne. Je me disposais à m'y rendre, lorsqu'un officier étranger, envoyé à l'empereur Alexandre, vint annoncer que le sixième corps devait être, en ce-moment, arrivé à Versailles. Aussitôt après le départ du colonel Fabvier, les généraux avaient repris l'exécution de leur coupable dessein.

Lorsque, en 1815, je crus de mon devoir de publier une réponse aux accusations dont j'étais l'objet, je rendis compte de cette circonstance, et je m'expliquai ainsi : "Les généraux avaient mis les troupes en mouvement pour Versailles, le 5 avril, à quatre heures du matin, effrayés qu'ils étaient des dangers personnels dont ils croyaient être menacés et dont ils avaient eu l'idée par l'arrivée et le départ de plusieurs officiers d'état-major, venus de Fontainebleau le 4 au soir. La démarche était faite et la chose irréparable. Ces évènements étaient alors si récents, que j'eusse été, à coup sûr, contredit par ceux qui y avaient pris part, si j'eusse le moins du monde altéré la vérité, et certainement je n'aurais pas entrepris de me justifier; mais il est une preuve bien plus positive. J'ai entre les mains une lettre du général Bordesoulle, écrite de Versailles, par laquelle ce général, en m'annonçant l'arrivée du corps d'armée dans cette ville, s'excuse par les raisons que j'ai détaillées, d'avoir enfreint mes ordres.

"Monseigneur,

"M. le colonel Fabvier a dû dire à Votre Excellence les motifs qui nous ont engagés à exécuter le mouvement que nous étions convenus de suspendre jusqu'au retour de MM. les princes de la Moskowa, des ducs de Tarente et de Vicence.
"Nous sommes arrivés avec tout ce qui compose le corps. Absolument tout nous a suivis, et avec connaissance du parti que nous prenions, l'ayant fait connaître à la troupe avant de marcher.
"Maintenant, monseigneur, pour tranquiliser les officiers sur leur sort, il serait bien urgent que le gouvernement provisoire fit une adresse ou proclamation à ce corps, et qu'en lui faisant connaître sur quoi il peut compter on lui fasse payer un mois de solde; sans cela il est à craindre qu'il ne se débande.
MM. les officiers généraux sont tous avec nous, M. Lucotte excepté. Ce joli monsieur nous avait dénoncés à l'Empereur.
"J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect,
"De votre Excellence,
"Le très humble et dévoué serviteur,
"Le général de division comte Bordesoulle."


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Message Publié : 09 Sep 2004 14:32 
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Je ne dis pas que les maréchaux ont trahi "formellement" en négociant avec l'ennemi, le 30 mars 1814.

je fais ce reproche à Marmont pour sa conduite ultérieure, qui imagine de mettre ses troupes à la disposition d'un gouvernement fantoche, n'ayant aucun titre légal à son existence...

Pour la journée du 30 mars, je m'étonne de ce mouvement des troupes qui démarre fort tôt, notamment par celui de la division Curial, rattachée au corps de Mortier, et qui est la 1ère à marcher sur Fontainebleau. Je viends de démontrer que ce mouvement a commencé vers 17 heures, de manière concomittante avec le cessez-le-feu! Dès lors, je m'interroge: pourquoi cette précipitation, alors que l'arrière-garde de Marmont tiendra encore les barrières de Paris, le matin du 31 mars et dont elle remettra les postes aux coalisés ?

Je m'interroge sur le rôle du colonel Fabvier, aide de camp de Marmont, bien en vue pour négocier avec Orlov, l'aide de camp du Czar; sur cette foule d'officiers qui font le siège des ministres, de Joseph, en présentant la situation militaire sous le jour le plus noir. Etant précisé qu'il y a parmi eux un grand nombre d'anciens émigrés ou de fils d'émigrés...

Or, ces braves gens savent que Napoléon accourt de Lorraine vers Paris, à marche forcée, le général Dejean étant arrivé dans la matinée pour en porter la nouvelle... Joseph n'a pas trahi, c'est clair; c'est seulement de la faiblesse et de l'incompétence: on ne peut pas parler de trahison.

Mais -par contre- je me pose des questions sur ces officiers défaitistes qui ébranlent le peu d'énergie qu'il pouvait avoir. Et je fais le lien avec cette marche précipitée de la division Curial et de la cavalerie menée par Belliard.

Mortier doit être mis hors de cause, a priori ! Je n'en dirai pas autant de Clarke et de Marmont!

Je pense que je viens d'ouvrir une nouvelle piste pour les chercheurs... à moins qu'elle ait été déjà explorée!

Comme le relève jean Thiry: "Toute la nuit, les troupes françaises qui n'avaient pas attendu la signature de la capitulation pour se replier, sortirent de Paris et se dirigèrent vers le sud dans la direction de Villejuif et d'Essonnes. La cavalerie de Belliard, précédant la colonne de Curial était déjà à Juvisy."

Qui donc a donné cet ordre ? Marmont, Mortier ? Comme je l'ai signalé, cet ordre a dû être donné vers 17 heures... Mais par qui ? On peut penser qu'il s'agit de Mortier, puisque ce sont les troupes sous ses ordres qui partent en 1er! Mortier ne sait pas si Marmont obtiendra une quelconque convention militaire, et sans sourciller, il donne ses ordres pour une retraite précipitée, livrant Paris au bon vouloir des Alliés ?

C'est insensé! A moins d'imaginer une entente, un accord avec l'ennemi, préalable à la cessation des combats. Notons que Mortier s'en remet à Marmont pour traiter: il n'en est pas moins présent au cabaret du "petit jardinet" avec son collègue, et déjà, ses troupes sont en marche...

Je le répète, si Mortier a donné les ordres, sa décision est insensée...

Imaginons que les ordres de marche n'aient été donnés qu'à 8 heures du soir, après que les maréchaux aient eu toutes les assurances pour la sauvegarde de leurs troupes; et si Mortier demeure le 1er à les faire marcher... Elles ne pouvaient être sur la route de Fontainebleau qu'à 11 heures du soir et ne devaient faire que 6 km avant de rencontrer Napoléon vers minuit 30 !

Alors, tout changeait, car les troupes ne pouvaient manquer de faire demi-tour et Napoléon rentrait dans Paris. Il prenait ses dispositions pour reprendre le combat et la capitulation n'était dénoncée que le plus tard possible... car elle ne devait être signée qu'à deux heures du matin!


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Message Publié : 09 Sep 2004 14:39 
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l'avant Bataille et l'état d'esprit des alliés puis rapidement qq faits pouvant servir à BRH pendant la bataille de Paris:

…Le Czar savait qu’il ne fallait pas espérer, en tout cas, emporter les approches de Paris et Paris même dans une seule journée. Pour se rendre maître de la ville, si l’on était contraint d’y entrer par force, 2 jours au moins, 3 jours peut être, perdus devant les barrières pouvait entraîner un désastre. Sans vivres et sans munitions, que ferait cette immense armée, coupée de sa ligne de manœuvre ? de la Seine à l’Aisne, tout le pays était ruiné, ravagé, affamé. Si Paris tenait 2 jours seulement, sa résistance permettrait aux troupes disséminées dans les dépôts de renforcer la garnison, et chose autrement redoutable, cette résistance donnerait le temps à Napoléon de venir défendre sa capitale. En proie à de fortes inquiétudes, le Tsar veilla fort tard…
Il faut dit le Tsar que Paris se rendre demain…dépêche à Blücher : « Il est de la plus haute importance d’assurer nos lignes de communications avec les Pays Bas ; ce qui ne peut se faire qu’en occupant Compiègne et La Fère etc…
Ainsi dans la nuit du 2 Mars, Alexandre pensait moins aux triomphes du lendemain, qu’aux périls du lendemain. Ce n’était point Paris qu’il tenait les yeux fixés, c’était la route de Troyes où s’avançait Napoléon et sur la route de la Fère qui pouvait devenir l’unique ligne de retraite des armées alliées.

La bataille de Paris :
Bien que le roi Joseph eût lui même reconnu le terrain et qu’il eut cru devoir conserver, comme lieutenant de l’Empereur, un commandement en chef qui sans doute l’embarrassait fort , il avait laissé toute initiative aux Ducs de Raguse et de Trévise…
D’un avis unanime, dit-on, le conseil reconnut la nécessité de la capitulation. Joseph chargea de porter ce billet écrit en double, aux Maréchaux Marmont et Mortier : »Si M le Duc de Raguse et M le Duc de Trévise ne peuvent plus tenir leurs positions, ils sont autorisés à entrer en pourparler avec le prince de Schwarzenberg et l’Empereur de Russie qui sont devant eux, ils se reirerotn sur la Loire ». Quelques instants plus tard, le Lieutenant Général abandonnant Montmartre, prenait le premier le chemin de la loire.

Ce fameux billet dans les Mémoires de Marmont, est annoncé reçu à 10 heures du matin. Pour diverses raisons, les historiens penchent plutôt pour Midi et quart.
Mais bien qu’il eût déjà perdu beaucoup de terrain depuis que Joseph lui avait écrit, Marmont enivré par le combat ne désespérait point. Il croyait pouvoir prolonger la résistance jusqu’à la nuit….
Qq heures après… Marmont se voit déborder sur sa droite…. La résistance, outre qu’elle ne pourrait être que de courte durée, contreviendrait désormais aux instructions de Joseph en exposant Paris aux horreurs d’un sac. Il est 4 heures. Le Duc de Raguse se décide à user de l’autorisation qu’il a reçue plusieurs heures, et dont il n’a pas parlé pour ne point abattre les courages. 3 parlementaires sont envoyés sur la ligne des tirailleurs. En même temps, le Maréchal replie ses troupes dans Belleville.

Marmont à Napoléon. Paris 31 Mars, 4 heures et demie du matin ( les rapports Russes disent 4 heures). Dans sa lettre à l’Empereur, Marmont dit qu’il ne se décida à capituler qu’après s’être concerté avec Mortier.
Peu probable ! vu l’éloignement des Maréchaux et l’extrême difficulté des communications. Vraisemblablement un aide de camp fut envoyé pour prévenir le Duc de Trévise qu’l on pouvait se servir des instructions du Roi Joseph.

Marmont recule et s’établit sur Belleville…

La capitulation de Paris (par Houssaye).

"Quand le duc de Raguse s’était résigné vers 4 heures de l’après midi à entrer en pourparlers, balles et boulets sifflaient autour de Belleville.
Le parlementaire conduit à Alexandre, demanda un armistice ; ses pouvoirs n’allait pas au delà. Alexandre ne pouvait accepter pareille proposition. Cependant le Tsar n’était pas moins pressé d’occuper Paris que Marmont d’obtenir un armistice. L’occasion de négocier se présentait. Alexandre n’eut garde de la repousser. Il donna l’ordre à son aide de camp favori, le Comte Orlow, d’accompagner le parlementaire auprès de Marmont.

Un peu avant 4 heures, le Général Dejean qui avait perdu une partie de l’après midi à chercher le roi Joseph à Montmartre avait rejoint le Duc de Trévise en avant de la barrière de la Villette. Aux paroles de Dejean, que l’Empereur arrivait, qu’il fallait à tout prix contenir l’ennemi jusqu’au lendemain, le maréchal avait répondu en montrant ses troupes décimées et rejetées sur les barrières.

Puis bien, que par un retard inexplicable, il n’eut point encore reçu l’ordre de Joseph, il avait pris sur lui de demander un armistice in statu quo à Schwarzenberg.
Pour obtenir la suspension d’armes, Mortier s’appuyait sur ce fait, dont venait l’instruire Dejean, que Napoléon avait fait directement à l’Empereur d’Autriche des ouvertures de paix qui ne pouvait manquer d’être acceptées."

Attention Important, Houssaye précise en notes pendant qu’il explique les pourparlers sur la capitulation :

"L’évacuation de Paris par les troupes de Mortier, commença bien avant la ratification de la capitulation. Les signatures ne furent échangées qu’à 2 heures du matin, et dès 11 heures du soir, Belliard, avec l’avant garde de cavalerie du corps de Mortier, avait déjà atteint la Cour de France.
CF Marmont à Napoléon 31 Mars, 3 heures et demi du matin. Arch de guerre.Mémoires de Belliard II, 172. Fain 209. Realtion de Gourgaud dans Bourienne et ses erreurs, II, 329."

"La discussion durait depuis plus d'une heure lorsque Mortier se retira; " Je laisse le Duc de Raguse continuer les pourparlers, dit-il et choisir le parti qu'il jugera convenable.
Quant à moi, je suis obligé de prendre des mesures pour la défense de Paris." Le brave Mortier devenait diplomate à son tour. Il disait la défense de Paris, quand il pensait: l'évacuation de Paris."

Cf note de Houssaye...

"Donc Houssaye sous entend, que ce fut Mortier qui intia lui même le mouvement de ses corps, sans attendre que Marmont ai fini les pourparlers."

Merci à Foxtrot pour ces précisions déterminantes: Mortier -bien qu'instruit de l'approche de Napoléon et de la nécessité de tenir jusqu'au lendemain- a pris sur lui de demander une suspension d'armes, en fait un armistice (que rejettera Schwarzenberg), pour filer aussi vite que possible en quittant Paris!

Et cela, sans se soucier de Marmont, qui cependant, de son côté, quasiment au même moment, obtenait un cessez le feu et même, d'occuper Paris jusqu'au lendemain !

Dès lors, on peut dire que Mortier -A CET INSTANT- est beaucoup plus coupable que Marmont!

Coupable de quoi ? Pas de trahison -a priori- mais coupable d'imprévoyance! Car en donnant cet ordre prématuré, il ruinait les possibilités même d'une négociation, qu'heureusement Marmont put mener à bien!

Il reste à déterminer si dans toute cette affaire il n'y a pas eu collusion ou entente pour remettre Paris aux alliés, en enveloppant le tout dans un baroud d'honneur, qui -même si on ne peut le nier- ne manqua pas d'un certain brio, fut tout de même altéré par quelques lacunes; comme la non-occupation de la butte de Montmartre si facile à défendre qui ne reçut que 9 pièces de canons et -à toute extrémité- 150 sapeurs-pompiers pour y résister!


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