L'Énigme des Invalides

Bonne relecture donc.

Voici le passage d'où l'on peut déduire quelques traits de l'aspect physique de Salicetti :

C'était l'objet de mon message d'hier.

Effectivement, si vous n'en aviez pas parlé, il ne me serait pas venu à l'idée de retourner voir ce texte que j'avais parcouru très rapidement à la recherche du passage sur la proposition de mariage faite par Salicetti.
Dans le passage que je viens de citer, on peut remarquer que la duchesse d'Abrantès estime que Salicetti avait 30 ans à l'époque. En réalité, il allait bientôt en avoir 38. Dès lors, quand elle dit qu'il mesurait 5 pieds 6 pouces, est-elle plus fiable ou la marge d'erreur est-elle la même ?

Il convient bien évidemment d'être prudent, mais si Schmidt ne s'est pas trompé dans ses proportions Salicetti devait, comme l'indique la duchesse d'Abrantès, être assez proche des cinq pieds six pouces deux lignes de Murat.

Après le Salicetti de Montenotte peint par Parent, on peut, pour rester dans la cadre de la première campagne d’Italie, également aborder l’oeuvre de Louis Albert Ghislain Bacler d’Albe consacrée à la bataille de Lodi.



Dans l’ouvrage « La Liberté en Italie : Vue par les artistes du dépôt de la Guerre 1796-1797 », de Christian Benoît, Francesco Frasca et Isabelle Bruller, il y est en effet dit que le cavalier à gauche de Bonaparte pourrait être Salicetti.





Les auteurs emploient prudemment le conditionnel, et je pense qu’ils ont bien raison, car pour ma part, il me semble bien difficile d’être catégorique sur ce point.

Pour mémoire, voici ce que prescrivaient à ce sujet Barras, La Réveillière-Lépeaux et Reubell, le 9 février 1796 : « [« Les commissaires du gouvernement près les armées »]porteront pour marques distinctives un habit bleu, doublure, veste et culotte de même, une ceinture rouge et blanche avec une frange aux trois couleurs nationales, un chapeau rond avec une plume aux trois couleurs. »



Ainsi, même si dans sa lettre au Directoire exécutif en date du 11 mai 1796, Bonaparte, annonçant la victoire de Lodi, écrivait que « le commissaire du Gouvernement [avait] toujours été à [ses] côtés », voir ce dernier parmi les cavaliers peints autour de Bonaparte par Bacler d’Albe est loin d’être évident.

La gravure réalisée par Giacomo Mercoli à partir de la toile de Bacler d’Albe n’aide d’ailleurs pas plus :

Dans le cadre des représentations contemporaines de Salicetti, on peut se référer également au temps où ce dernier fut député à la Convention, et tout particulièrement à la période du procès de Louis XVI.
Ici la gravure d’Isidore-Stanislas Helman d’après Charles Monnet, illustrant la journée du 11 décembre 1792 lors de l’ouverture du procès du roi :


L’oeuvre en question servit ensuite de modèle à Domenico Pellegrini afin d’illustrer la journée du 26 décembre 1792 lors de laquelle Louis XVI se défendit face à la Convention.


Cette oeuvre fut ensuite gravée par Giovani Vendramini et publiée le 15 septembre 1796 par Colnaghi, Sala & Co :


Dans le même élan, Colnaghi Sala &Co publiait cette autre gravure où les personnages de Vendramini étaient légendés :



Salicetti n’y était pas répertorié, mais apparut cependant peu de temps plus tard, le 15 mars 1797, dans cette autre version produite par Gaetano Testolini :


Ainsi, dans la dernière travée numérotée (là où s’opère la valse des légendes), le mystérieux « Saint Julien » de la version Vendramini (difficile en effet de dire si l’auteur des légendes ait voulu ici désigner Marc-Antoine Jullien, dit Jullien de la Drôme, ou Jean Julien, dit « Julien de Toulouse ») se voyait substitué par Salicetti.



Bien difficile d’y reconnaître notre homme (et il est bien loin d’être le seul). Se référer aux œuvres précédentes n’aide d’ailleurs pas plus :
-Pellegrini :

-Vendramini :

-Vendramini, version non colorisée :

-Gravure légendée inspirée de Vendramini :



On peut poursuivre pareillement avec les reproductions postérieures. Ainsi, ladite gravure fut reprise en 1802 Reinier Vinkeles et Daniel Vrijdag (avec ici non Pellegrini comme artiste de référence, mais curieusement Willam Miller) :

Zoom sur « Salicetti » :


Et par les mêmes graveurs en version colorisée :

Zoom sur « Salicetti » :



Malgré l’apparition de son nom, il n’y a pas grand-chose à tirer de tout cela concernant l’aspect physique Salicetti. On peut d’ailleurs rappeler qu’au moment des faits, contrairement aux Parisiens Monnet et Helman, les graveurs italiens Gaetano Testolini et Giovani Vendramini, tout comme le peintre britannique William Miller et son pair italien Domenico Pellegrini oeuvraient en Angleterre, et les graveurs Reinier Vinkeles et Daniel Vrijdag en Hollande.
DE toute manière, quand on se réfère à la gravure d’origine d’Helman, on voit bien que l’objet n’est pas de représenter fidèlement les visages des députés :

Une tête parmi d’autres en guise de décor en somme, rien de plus.

Un travail fort intéressant !
Mais certes ces gravures sont sans doute fort éloignées de l'original Saliceti...

Au sujet de Masséna, on peut noter que sur leur page Wikipédia consacrée à Saliceti, les perfides Anglois ont encore donné dans la substitution. Ainsi, sur cette ignominieuse page, voici ce que l’on trouve comme portrait du ministre napolitain :



Ah quelle infamie !!!! Reste à trouver maintenant le mobile d’une telle abjection !!!!

Le portrait de Saliceti au Palais royal de Caserte :


C’est à deux pas du Masséna-Saliceti anglois ornant la chambre de Murat. Lui, le vrai, a les honneurs de la seconde antichambre.
Ou « Salicenti » devrais-je dire ? Mais que l’on ne s’y méprenne, il ne s’agit là aucunement d’une nouvelle odieuse fourberie ou d’un mystérieux deuxième personnage destiné à masquer une sulfureuse filiation, mais une simple erreur du Ministère de la Culture.