L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 29 Juin 2023 18:33 
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France militaire: Histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1815
De Abel Hugo

La bataille

En se repliant sur l’Èbre, le Roi Joseph avait l’intention de se maintenir derrière ce fleuve, si la jonction de l’armée du Nord, aux ordres du général Clausel, et de quelques autres divisions s’opérait, avec les armées qu’il commandait, avant que les anglais tentassent de le passer .

Mais les troupes insurgés de Mina ayant retenu le général Clausel du côté de Logroño, la jonction fut retardée, et le Roi fut obligé de porter son quartier général à Vitoria .

Les armées du Midi, du Centre et de Portugal, étaient, comme nous l’avons dit, déjà réunies autour de cette ville, capitale de l’Alava ( province basque ) et située au milieu d’une plaine de deux lieues d’étendue, bornée à gauche par la chaîne des Pyrénées orientales, à droite par de petites montagnes qui séparent la province d’Alava de la seigneurie de Biscaye, dont Bilbao est la capitale . Cette plaine est traversée dans toute sa longueur, par la grande route de Madrid à Bayonne .

L’armée française, à cheval sur cette route, occupait les positions suivantes :

L’armée du Midi, aux ordres du général Gazan, ayant ses avant-postes à Puebla, était établie en première ligne sur les coteaux d’Ariniz, à deux lieues en avant de Vittoria, la droite appuyée sur la Zadorra, à la hauteur du pont de Villodas; une batterie construite en avant du front de cette armée, commandait la vallée où coule la rivière, et enfilait la route de Miranda .

L’armée du Centre, commandée par le général Drouet, comte d’Erlon, était placée en seconde ligne, et sur le front parallèle, à un quart de lieue de l’armée du Midi, ayant la division d’Armagnac postée sur la droite de Gomercha, et les divisions Cassagne et Treilhard sur la gauche .

L’armée du Portugal, aux ordres du général Reille, était établie le long de la Zadorra, couvrant Vitoria, ayant à sa droite formée de la division Sarrut, postée à Aranguis, sur la route de Bilbao, à une demi-lieue au-delà de la rivière Deux autres divisions étaient postées au pied des hauteurs, sur la rive gauche, la division Lamartinière à Armentia, la division de dragons Tilly à Hermendad, et une brigade de cavalerie légère à Margarita .

L’armée réunie autour de Vitoria, ne se composait que de 35 000 fantassins et 5000 chevaux . Avant de se décider à s’arrêter dans cette position, le Roi avait réuni en conseil de guerre les généraux chefs d’armée, afin de leur soumettre s’il ne conviendrai pas d’abandonner la plaine pour se retirer en arrière de Vitoria, sur les hauteurs de Salinas et de Mondragon, positions formidables et d’une facile défense .

Le maréchal Jourdan appuyait cette position qui fut combattue par les autres généraux . Ceux-ci insistèrent pour ne pas s’éloigner de Vitoria, afin d’y attendre les 14 000 hommes du général Clausel qui revenait de Logroño sur Vitoria, les 6000 hommes du général Foy, occupés à assurer la tranquillité dans la seigneurie de Biscaye, la division Thouvenot, et le retour du général Maucune, qui avait été chargé d’escorter un gros convoi de voitures jusqu’à Irun

L’essentiel était de gagner du temps et de se conserver sur la défensive, non seulement jusqu’à l’arrivée de ces renforts, qui auraient porté les forces totales de l’armée à plus de 70 000 soldats, mais encore jusqu’à l’entière évacuation des convois d’artillerie et d’équipages, que le défaut de troupes pour escorte avait malheureusement retenus près de Vitoria .

Les voitures du Roi, les équipages des généraux de l’armée, ceux d’une grande partie des employés espagnols de tous les rangs, les fourgons des magasins et ceux du trésor impérial, étaient, en effet, parqués hors de la ville, à gauche de la route de France .

De ce côté, deux routes principales aboutissent à Vitoria; ce sont : la grande route de Bayone et celle de Pampelune; cette dernière serpente, au sortir de Vitoria, à travers un grand nombre de marais, de ravins et de fossés qui coupent cette partie de la plaine .

Un parc d’artillerie, composé principalement des pièces de position, retirées du château de Burgos, était parqué du côté opposé, à quelque distance en avant de Vitoria sur la route de Miranda .

Le 21 juin, à quatre heures du matin, les colonnes ennemies débouchèrent par la route de Bilbao, en face de l’armée du Portugal, et par la route de Madrid, devant l’armée du Midi . Le Roi Joseph Napoléon et le maréchal Jourdan, s’étaient déjà portés avec leur état-major sur le front de cette armée, et s’étaient établis au centre de la division Leval .

Pendant cinq heures, les tirailleurs des deux armées soutinrent seuls le combat . A neuf heures du matin, de fortes colonnes anglo-portugaises s’avancèrent par le chemin de Nanclarès, et, pénétrant dans le bois de Villodas, s’engagèrent avec la division Leval, qui se retira en bon ordre vers le pont d’Ariniz . Tandis que ceci se passait à la gauche de l’armée française, la droite était vivement attaquée par une colonne aux ordres du général Graham .

La division Sarrut, appuyée par la division de dragons du général Digeon, soutint le choc avec une grande résolution; mais après un combat de trois heures, les deux divisions françaises se replièrent sur la Zadorra, et, en arrivant au pont, le général Sarrut fut blessé mortellement .

Le général Digeon, soutenant l’infanterie, exécuta avec ses dragons plusieurs charges brillantes, qui forcèrent l’ennemi à rétrograder .

Cependant, à la gauche de l’armée française, le combat se soutenait sans trop de désavantage, malgré l’infériorité numérique des français . Le parc, composé de l’artillerie de Burgos, avait été mis en batterie, par ordre du général Hugo, aide-major général, et cette batterie forte de 35 pièces de gros calibre, foudroyait les masses ennemies, et protégeait le mouvement rétrograde des différentes divisions françaises qui, d’après l’ordre du Roi, se repliaient sur Vitoria .

Le Roi Joseph avait deviné, à la vigueur de l’attaque sur sa droite, que les anglais cherchaient à se rendre maître de la route de Bayonne .

Il envoya des troupes occuper deux villages, Gamarra major et Gamarra menor, sur la Zadorra, à un point où la route longe presque cette rivière . Mais le général Graham s’étant aperçu de son côté, de l’importance de ces deux positions, fit avancer un corps espagnol, et une division anglo-portgaise, qui après un vif combat, s’en emparèrent .

A quatre heure de l’après midi, le corps du général Gazan, qui se battait avec acharnement depuis le commencement de l’action, fut obligé de perdre le terrain .

Le centre de l’armée anglaise se lia dès ce moment avec la droite, et l’armée française du centre dut achever de se replier sur Vitoria . Dans ce mouvement la grande batterie fut enclouée et abandonnée faute d’attelages .

Le Roi Joseph ne fit que traverser Vitoria, et se porta vers l’armée de Portugal; mais celle-ci, après avoir vaillamment resisté aux forces nombreuses dirigées contre elle, avait commencé son mouvement de retraite sur Betono, où elle prit position et où elle arrêta quelque temps la gauche de l’ennemi .

Le Roi revint donc vers les armées du Centre et du Midi qui, toujours en combattant, opéraient leur retraite dans le plus grand ordre .

Depuis quatre heure du matin, que la bataille avait commencé à l’extrême gauche, les petites armées françaises, ayant à lutter contre des troupes qui leur étaient numériquement trois fois supérieur, n’avaient cependant cédé à l’ennemi qu’une lieue de terrain .

L’arrivée de l’armée du Nord et des autres divisions que l’on attendait, en diminuant l’inégalité des forces, aurait, sans doute, permis aux français de ressaisir l’avantage .

Ignorant les obstacles qui arrêtaient Clausel, on s’étonnait de ne pas voir paraître; les regards des généraux se tournaient fréquemment vers la gauche, du côté de Logroño, mais aucun indice n’annonçait l’approche de l’armée du Nord .

Dès le matin, le Roi Joseph, prévoyant peut-être la nécessité d’un mouvement rétrograde sur la position de Salinas, avait envoyé l’ordre de diriger sur Bayonne le grand convoi parqué en arrière de Vitoria; dans ce convoi se trouvaient dix voitures sur lesquelles on avait placé 50 canons, sans affûts, tirés du fort de Burgos .

L’ordre ne fut exécuté qu’imparfaitement . Un petit convoi, escorté par quelques bataillons, aux ordres du Roi Joseph, était seul parti pour Bayonne, où il arriva heureusement .

Vers trois heures, et avant que, en s’emparant des villages de Gamarra major et menor, les anglais se fussent rendus maîtres de la route de Bayonne, l’ordre avait été donné par le maréchal Jourdan de faire partir immédiatement par la route de France, toutes les voitures qui étaient encore rassemblés aux portes de Vitoria .

Maître de la route de Bayonne, il paraît que lord Wellington songea aussi à s’emparer de la route de Navarre . Quelques manifestations, faites de ce côté, dévoilèrent son projet, et les armées du Centre et du Midi durent accélérer leur mouvement sur le village d’Arbulo qui commande la route de Pampelune.

Lorsque le Roi traversa Vitoria, il vit, à sa grande surprise, que les parcs étaient encore sous les murs . Il renouvela l’ordre de les faire partir, non par la route d’abord indiquée, laquelle était déjà couverte de masses ennemies, mais par la route de Pampelume; malheureusement personne ne connaissait le chemin qu’il fallait suivre pour gagner cette route à travers les champs, et on n’avait aucun bon guide .

Quoique l’armée battit en retraite, tout allait encore assez bien, lorsqu’une nuée de hussards ennemis, faisant une trouée sur les équipages, y jeta l’épouvante .

Tous les traits furent aussitôt coupés par leurs conducteurs, et ce fut le signal d’un désordre qui gagna les troupes voisines . Dans cette bagarre, quelques-uns des hussards anglais vinrent étourdiment se faire tuer aux pied du Roi Joseph; un officier d’état-major français mourut percé d’une balle de pistolet derrière ce prince .

Si le terrain de la plaine de Vitoria, eût été moins entrecoupé de fossés larges, profonds, et la plupart boueux, le désordre des voitures n’eût point influencé sur les corps qui en étaient voisins; mais ces obstacles à leurs manœuvres étaient si multipliés, qu’il devint impossible de se reformer en ordre : alors les rangs se confondirent, et les cavaliers, pêle-mêle avec l’infanterie, ne songèrent plus qu’à gagner un terrain plus facile .

Personne ne fuyait, personne ne paraissait frappé de terreur; mais les régiments qui avaient à se mouvoir dans ce terrain difficile étaient si fortement mêlés, que leurs officiers durent renoncer à les rallier .

En quelques endroits, les espagnols réfugiés, hommes, femmes, enfants, et les employés des administrations militaires, mêlés aux soldats, augmentaient encore la confusion .

Les fourgons du trésor furent vidés par des pillards français, anglais, espagnols et portugais, qui, quoique ennemis, semblèrent oublier un instant leur inimité pour s’emparer de l’argent que le hasard de la guerre mettait si soudainement à leur disposition . Quelques hommes et un plus grand nombre de femmes, cherchant à se sauver, périrent dans les fossés bourbeux dont ils ne purent pas sortir .

Cependant les troupes, que de pareils obstacles n’avaient pas divisées, étaient restées entières . Les armées des généraux Reille et Gazan, la garde royale de Joseph, ainsi que plusieurs brigades de l’armée du Centre, ne s’étaient pas débandées . Néanmoins, comme le désordre continuait, l’ennemi en profitait pour s’avancer toujours par le centre .

Le maréchal Jourdan, dont le cheval s’était abattu et blessés, et que ces obstacles avaient séparé du Roi, inquiet de ce qu’il pouvait être devenu, envoya plusieurs officiers à sa recherche; leurs efforts pour percer jusqu’à Joseph furent inutiles .

Le maréchal marchait à pied au milieu de l’infanterie; il ordonna à son chef d’état-major, aide-major général, de s’arrêter à l’entrée de la route de Pampelune, et d’y rallier quelques bataillons pour soutenir la retraite, et empêcher les anglais de s’avancer sur Salvatierra .

Cet ordre fut exécuté .

Le général Jomini a jugé sévèrement la résolution de combattre autour de Vitoria; mais il reconnaît qu’elle fut en quelque sorte imposée au Roi Joseph par les généraux dont le frère de Napoléon avait bien voulu prendre avis .

“ Il eût été difficile, dit-il, de choisir un plus mauvais point pour y recevoir une bataille, ni de livrer sous de plus fâcheux auspices que Joseph ne le fit . Chacun sait que la surface de l’Espagne est resserrée par le golfe de Biscaye, au point où elle se réunit à la frontière de France, qui forme comme une espèce de gorge entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Bayonne .

“ Une seule chaussée existe à l’ouest des Pyrénées, c’est celle de Bayonne à Madrid; un autre chemin, praticable au canon, va de Vitoria à Pampelune : de là on revient, d’un côté, sur le col de Maya, de l’autre, sur Saint-Jean-Pied-de-Port par la vallée de Roncevaux, illustrée sous Charlemagne par la fameuse retraite de Roland .

“ Prendre une position à peu près parallèle à la chaussée, c’était faciliter à l’ennemi les moyens de s’établir dans la même direction, où, par le moindre effort de la gauche contre notre droite, la route se trouverait nécessairement interceptée .

“ Si l’on ajoute à cela que Vitoria, située dans le fond d’un bassin, est entourée de hautes montagnes, et que cette ceinture dominante se trouvait précisément dans le prolongement de la gauche des anglais et du côté où ils arrivaient, on peut juger combien un tel poste convenait peu à notre armée .

“ Il n’y avait pas à hésiter, il fallait chercher l’ennemi et l’attaquer partout où on le trouverait, ou prendre bravement son parti en regagnant les Pyrénées . Le dernier était, certes, bien le plus sage; car un succès contre les anglais, qui eût pu être décisif avant 1812, ne signifiant plus rien dans les circonstances où la France se trouvait .

“ La gauche de Joseph, sous Clausel, était restée à Logroño pour couvrir la route importante de Pampelune . Un corps volant fut porté à Bilbao sous les ordres de Foy, pour couvrir le débouché de cette ville sur San-Sébastian .

“ Ces deux détachements étaient un malheur inhérent à la position qu’on avait prise, et inséparable en général de toutes les positions défensives . Dans tout autre pays que l’Espagne, il eût été préférable de renoncer à la route de Bayonne pour se retirer parallèlement à l’Èbre, jusqu’auprès de Saragosse, afin de joindre Suchet et de tomber sur Wellington, quand il eût été à cent cinquante lieues de ses vaisseaux et de ses dépôts; les gardes nationales du midi et quelques bataillons de ligne eussent suffi pour surveiller la Bidassoa et garder la place de Bayonne; le général anglais n’eût pas osé pénétrer dans les Pyrénées, en laissant 100 000 français derrière lui .

“ Cette manœuvre avait obtenu l’assentiment des généraux les plus distingués de l’armée; toutefois le Roi et le maréchal Jourdan jugèrent que le défaut de la grande route au centre des Pyrénées, depuis Bayonne jusqu’à Perpignan, et l’esprit qui animait les Catalans et les Aragonais, ne permettaient pas de suivre exclusivement la ligne stratégique; mais alors il eût fallu se baser sur Bayonne, éviter une bataille, ou du moins la recevoir sur les hauteurs de Salinas .

“ Jourdan en eut, dit-on, le projet; mais l’opinion des généraux repoussait l’idée de s’enfoncer dans les montagnes, sans tenter de disputer encore la possession de la Castille .

“ On murmurait d’évacuer le pays depuis le Duero sans avoir tiré l’épée, et on s’ aveugla au point de ne pas se débarrasser des “ impedimenta” qui obstruaient l’armée .

“ Le camp de Joseph ressemblait à celui de Darius; il était encombré de tous les équipages et des familles des malheureux espagnols qui avaient accepté des fonctions sous lui : le nombre en était grand . A la vérité, une partie de ces bagages étaient partis la veille de la bataille pour Tolosa, sous l’escorte de la division Maucune de l’armée du Portugal; toutefois il en restait encore beaucoup plus que n’en permettait la situation des affaires .”


Rapport du général Wellington au Secrétaire d'Etat à la Guerre et aux Colonies, lord Henry Bathurst

Au Comte Bathurst.

Salvatierra, le 22 juin 1813

L'ennemi, commandé par le roi Joseph, ayant le maréchal Jourdan pour major général de son armée, prit position dans la nuit du 19 courant en avant de Vittoria ; sa gauche était placée sur les hauteurs qui se terminent à la Puebla de Arganzon et s'étendait de la à travers la vallée de la Zadorra en face du village d'Arinez. Il occupait avec la droite du centre une hauteur qui dominait la vallée de la Zadorra. La droite de son armée était postée près de Vittoria, et était destinée à défendre les passages de la rivière de Zadorra, aux environs de cette ville. Il avait une réserve en arrière de sa gauche au village de Gomecha. La nature du pays que l'armée avait traversé, depuis qu'elle avait atteint l'Èbre, avait nécessairement étendu nos colonnes. Nous nous arrêtâmes donc le 20, afin de les resserrer, et je fis avancer la gauche sur Munruia où il était très probable que nous en aurions besoin. Je reconnus la position de l'ennemi ce jour-là, avec le projet de l'attaquer le lendemain s'il y restait. Nous l'attaquâmes en conséquence hier, et j'ai le bonheur d'apprendre à Votre Seigneurie que l'armée alliée sous mes ordres a remporté une victoire complète. Nous avons chassé l'ennemi de toutes ses positions ; nous lui avons pris 151 pièces de canon, ses caissons de munitions, tout son bagage, ses provisions, son bétail, son trésor, etc., ainsi qu'un nombre considérable de prisonniers.

Les opérations commencèrent par la prise de possession des hauteurs de la Puebla par le lieutenant général sir R. Bill ; hauteurs sur lesquelles était la gauche de l'ennemi, et qu'il n'occupait pas avec de grandes forces. Sir R. Hill détacha pour cette expédition une brigade de la division espagnole commandée par le général Morillo ; l'autre brigade était employée à entretenir les communications entre le gros de son armée, sur la grande route de Miranda à Vittoria, et les troupes détachées sur les hauteurs. L'ennemi, toutefois, reconnut bientôt l'importance de ces hauteurs et y renforça tellement ses troupes que le lieutenant général Sir R. Hill fut obligé d'envoyer d'abord le 71e régiment et le bataillon d'infanterie légère de la brigade du général Walker, sous les ordres du lieutenant-colonel l'honorable H. Cadogan et successivement d'autres troupes sur le même point. Les alliés non-seulement se rendirent maîtres de ces importantes hauteurs, mais s'y maintinrent pendant tout le cours de leurs opérations, malgré tous les efforts de l'ennemi pour les reprendre.

La lutte en cet endroit fut, néanmoins, très sérieuse, et la perte qu'on y éprouva, considérable. Le général Morillo fut blessé, mais il ne quitta pas le champ de bataille ; et je suis affligé d'avoir à vous apprendre, que le lieutenant-colonel l'honorable H. Cadogan est mort d'une blessure qu'il y reçut. Sa Majesté a perdu en lui un oflicier d'un grand mérite et d'une bravoure éprouvée, qui s'était déjà acquis l'estime et la considération de toutes les personnes du métier, et qui, s'il eût vécu, aurait rendu les plus grands services à son pays. Une fois maître de ces hauteurs et protégé par elles, sir R. Hill passa successivement la Zadorra, à la Puebla, et le défilé formé par ces hauteurs et la rivière de Zadorra, puis il attaqua et se rendit maître du village de Subijana de Alava, sur le front de la ligne de l'ennemi ; village que celui-ci fit des tentatives réitérées pour reprendre.

La nature accidentée du pays s'opposa à ce que les communications entre nos différentes colonnes qui avaient quitté leurs positions sur la rivière de Rayas, pour attaquer, eussent lieu d'aussi bonne heure que je l'avais espéré, et il était tard lorsque j'appris que la colonne composée de la 5e et de la 7e divisions sous les ordres du comte de Dalhousie, était arrivée sur l'emplacement qu'on lui avait assigné. La 4e division et la division légère, toutefois, passèrent la Zadorra immédiatement après que sir R. Hill se fût rendu maître de Subijana de Alava, la première au pont de Nanciares, et la dernière au pont de Tres-puentes ; et presque aussitôt après qu'elles eurent traversé cette rivière, la colonne du comte de Dalhousie arriva à Mendoza. La 59e division sous les ordres du lieutenant général sir T. Picton, traversa la rivière sur le pont plus en amont et fut suivie par la 7e division sous les ordres du comte de Dalhousie. Ces 4 divisions formant le centre de l'armée étaient destinées à attaquer la hauteur sur laquelle était placée la droite du centre de l'ennemi, pendant que le lieutenant général sir R. Hill s'avancerait de Subijana de Alava pour attaquer la gauche. L'ennemi, cependant, ayant affaibli sa ligne pour renforcer son détachement sur les hauteurs, abandonna sa position dans la vallée, aussitôt qu'il s'aperçut de nos dispositions pour l'attaquer, et commença sa retraite en bon ordre sur Vittoria.

Nos troupes continuèrent à avancer dans un ordre admirable, malgré les difficultés du terrain. Dans l'intervalle, le lieutenant général sir T. Graham, qui commandait la gauche de l'armée composée des lère et 5e divisions, des brigades d'infanterie des généraux Pack et Bradford, et des brigades de cavalerie des généraux Bock et Anson, et qui s'était rendu le 20 à Murguia, s'avança de cet endroit sur Vittoria par la grande route qui conduit de cette ville à Bilbao. Il avait en outre avec lui la division espagnole du colonel Longa et le général Giron qui avait été envoyé sur la gauche, d'après une idée différente de l'état des affaires, et qui avait été rappelé ensuite et était arrivé le 20 à Orduna, en partit le même jour au matin, pour se trouver sur le terrain, prêt à soutenir le lieutenant général sir T. Graham, s'il en était besoin.

L'ennemi avait une division d'infanterie avec quelque cavalerie en avant sur la grande route de Vittoria à Bilhao ; sa droite postée sur de fortes hauteurs qui couvraient le village de Gamarra Mayor. Gamarra et Abechuco étaient tous deux occupés en force comme têtes de pont, ainsi que les ponts sur la Zadorra. Le brigadier général Pack avec sa brigade portugaise et le colonel Longa avec sa division espagnole, eurent ordre de tourner et de gagner les hauteurs, étant soutenus par la brigade de dragons légers du major général Anson et par la 5e division d'infanterie sous les ordres du major général Oswald auquel on donna le commandement de toutes ces troupes,

Le lieutenant général sir T. Graham rapporte que, dans cette expédition, les troupes portugaises et anglaises se sont admirablement conduites. Le 4e bataillon de chasseurs et le 8e de chasseurs se sont surtout distingués. Le colonel Longa qui était à la gauche s'empara de Gamarra Menor.

Dés que nous fûmes maîtres des hauteurs, le village de Gamarra Mayor fut bravement assailli et enlevé par la brigade du major général Robinson de la 5e division ; elle s'avança par bataillons en colonnes sous un feu très vif d'artillerie et de mousqueterie, sans tirer un seul coup, n'ayant que 9 pièces de canon de la brigade d'artillerie du major Lawson. L'ennemi souffrit considérablement et perdit 5 pièces de canon.

Le lieutenant général se mit alors à attaquer le village d'Abechuco avec la 1ère division, en dressant contre lui une forte batterie composée de la brigade du capitaine Dubourdieu, et de la troupe d'artillerie à cheval du capitaine Ramsay ; et à l'abri de ce feu, la brigade du colonel Halkett s'avança à l'attaque du village qui fut emporté, les bataillons légers ayant chargé et pris 5 canons et un obusier sur le pont. Cette attaque fut appuyée par la brigade d'infanterie portugaise du général Bradford. Pendant l'opération contre Abechuco, l'ennemi fit les plus grands efforts pour reprendre le village de Gamarra Mayor ; mais il fut vaillamment repoussé par la 5e division sous les ordres du major général Oswald. Cependant, l'ennemi avait, sur les hauteurs de la rive gauche de la Zadorra, deux divisions d'infanterie en réserve, et il était impossible de traverser les ponts, avant que les troupes qui s'étaient portées contre le centre et la gauche de l'ennemi ne les eussent repoussées au delà de Vittoria. Toutes se mirent donc à sa poursuite qui ne s'arrêta qu'à la chute du jour.

La marche des troupes sous les ordres du lieutenant général sir T. Graham et leur occupation de Gamarra et d'Abechuco interceptèrent la retraite de l'ennemi par la grande route qui mène en France. Il fut obligé, en conséquence, de prendre la route de Pampelune ; mais il lui fut impossible de se maintenir assez de temps dans aucune position pour lui permettre de sauver son bagage et son artillerie. Aussi toute l'artillerie qui n'avait pas été déjà prise par nos troupes dans les attaques des positions successives occupées par l'ennemi dans sa retraite, depuis sa première position à Ariñez et sur la Zadorra, toutes ses munitions et son bagage, et tout ce qu'il possédait, lui ont été pris près de Vittoria. Je suis fondé à croire que l'ennemi n'a emmené avec lui qu'un seul canon et qu'un seul obusier.

L'armée du roi Joseph se composait de la totalité des armées du sud et du centre, de 4 divisions et de toute la cavalerie de l'armée de Portugal, ainsi que de quelques troupes de l'armée du nord. La division du général Foy, de l'armée de Portugal, était dans les environs de Bilbao, et le général Clausel qui commandait l'armée du Nord, était près de Logroño, avec une division de l'armée de Portugal commandée par le général Taupin, et une division de l'armée du Nord commandée par le général Van der Maessen. La 6e division de l'armée alliée sous les ordres du major général l'honorable E. Pakenham, était également loin d'ici, ayant été retenue à Medina de Pomar pendant trois jours, pour couvrir la marche de nos magasins et de nos provisions.

Je ne puis louer trop hautement l'excellente conduite de tous les généraux, officiers et soldats de l'armée dans cette affaire. Le lieutenant général sir R. Hill parle avec grand éloge de la conduite du général Morillo et des troupes espagnoles sous ses ordres, ainsi que de celle du lieutenant général l'honorable W. Stewart et du comte de Amarante qui commandaient les divisions d'infanterie qu'il dirigeait. Il fait aussi mention de la conduite du colonel l'honorable R. W. O'Callaghan qui conserva le village de Subijana de Alava, malgré tous les efforts de l'ennemi pour le reprendre, et celle du lieutenant-colonel Rooke du département de l'adjudant général, et du lieutenant-colonel l'honorable A. Abercromby du département du quartier-maître général. Il est impossible de diriger les mouvements des troupes avec plus de courage et de régularité que ne le firent, dans leurs divisions respectives, les lieutenants généraux le comte de Dalhousie, sir T. Pluton, sir L. Cole, et le major général baron C. Alten. Les troupes s'avancéreut en échelons par régiment, sur deux, et accidentellement sur trois lignes ; et les troupes portugaises des 5e et 4e divisions sous les ordres du brigadier général Power et du colonel Stubbs, ouvrirent la marche avec un aplomh et une bravoure qui n'avaient jamais été plus grands dans aucune autre occasion.

La brigade du major général l'honorable C. Colville de la 5e division fut sérieusement attaquée dans sa marche, par une force très supérieure et bien formée, qu'elle repoussa, néanmoins, avec l'aide de la brigade de la 7e division du général lnglis, commandée par le colonel Grant du 98e régiment. Ces officiers et les troupes sous leurs ordres se sont distingués.

La brigade du major général Vandeleur, de la division légère, fut détachée pendant la marche sur Vittoria, pour soutenir la 7e division ; et le lieutenant général comte de Dalhousie fait un rapport très favorable de sa conduite. Le lieutenant général sir T. Graham se loue particulièrement de l'assistance qu'il a reçue du colonel De Lancy, quartier-maître général député, du lieutenant-colonel Bouverie du département de l'adjudant général, et des officiers de son état-major personnel, ainsi que du lieutenant-colonel l'honorable A. Upton, adjoint du quartier-maître général, et du major Hope, adjoint de l'adjudant général près la 1ère division. Le major général Oswald fait le même éloge de la conduite du lieutenant-colonel Berkeley du département de l'adjudant général, et de celle du lieutenant—colonel Gould du département du quartier-maître général.

Je suis particulièrement redevable au lieutenant général sir T. Graham et au lieutenant général sir R. Hill, pour la manière dont chacun d'eux a dirigé le service qui lui était confié, depuis le commencement des opérations jusqu'à leur terme à la bataille du 21, et pour leur conduite dans cette bataille ; je le suis également au maréchal sir W. Beresford, pour les conseils et l'aide qu'il m'a donnés en ami dans toutes les occasions, pendant les dernières opérations.

Je ne dois pas non plus passer sous silence la conduite du général Giron qui commande l'armée de Galice : il fit une marche forcée depuis Orduna, et arriva au moment sur le terrain, prêt à soutenir le lieutenant général sir T. Graham.

J'ai souvent eu des obligations au quartier-maître général sir G. Murray, et j'ai eu l'occasion plus d'une fois d'appeler l'attention de Votre Seigneurie sur sa conduite ; il m'a encore prêté la plus grande assistance dans les dernières opérations et dans la bataille du 21 juin. Je suis pareillement redevable a lord Aylmer, adjudant général député, ainsi qu'aux officiers du département de l'adjudant général et du quartier-maître général. Je le suis aussi à lord Fitz Roy Somerset, au lieutenant-colonel Campbell et aux officiers de mon état-major personnel, ainsi qu'au lieutenant-colonel sir R. Fletcher, et aux officiers des ingénieurs royaux.

Son Altesse Sérénissime le prince héréditaire d'Orange, colonel, était avec moi sur le champ de bataille, en qualité d'aide de camp, et s'est conduit avec sa bravoure et son intelligence accoutumées.

Le maréchal de camp, don L. Wimpffen et l'inspecteur général don T. O'Donoju, ainsi que les officiers de l'état-major de l'armée m'ont constamment donné toute l'assistance qui dépendait d'eux pendant tout le cours de ces opérations, et je m'empresse de saisir cette occasion d'exprimer la satisfaction que j'ai éprouvée de leur conduite, ainsi que de celle du maréchal de camp don M. de Alava et du brigadier général don J. O'Lawlor qui ont servi si longtemps et si utilement avec moi.

L'artillerie qui avait été judicieusement placée par le lieutenant-colonel Dickson fut aussi bien servie, et l'armée a des obligations particulères à ce corps. La nature du terrain n'a pas permis à la cavalerie de prendre part à l'engagement général, mais les officiers généraux qui en commandaient les diverses brigades, tinrent les troupes sous leurs ordres respectifs tout près de l'infanterie pour la soutenir, et ils poursuivirent vivement l'ennemi, après qu'il a été repoussé au-delà de Vittoria.

Je vous envoie cette dépêche par mon aide de camp le capitaine Fremantle que je prends la liberté de recommander à la protection de Votre Seigneurie. Il aura l'honneur de déposer aux pieds de Son Altesse Royale le drapeau du 4e bataillon du 100e régiment et le bâton de maréchal de France du maréchal Jourdan pris par le 87e régiment.

Je joins ici un état des tués et des blessés dans les dernières opérations, et un état des pièces d'artillerie, des chariots et des munitions enlevés à l'ennemi dans l'affaire du 21 courant.

Arthur Wellesley, marquis de Wellington

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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