L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 14 Sep 2022 13:52 
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Par "Cyril Drouet", érudit non-publié (tiré de l'ancien forum Napoléon 1er)...

Napoléon a abordé la question à Sainte-Hélène face à O’Meara (Napoléon dans l’exil) :

« Si Paul eût vécu, vous auriez déjà perdu l'Inde. Nous avions fait ensemble le projet de nous en emparer. J'avais fourni le plan. Je devais envoyer 30 000 hommes de bonnes troupes, et lui un nombre égal des meilleurs soldats russes et 10 000 Cosaques. J'aurais fourni une somme de 10 millions pour concourir à l'achat des chameaux et des choses nécessaires pour traverser le désert. Nous devions tous les deux demander au roi de Prusse d'accorder le passage à mes troupes à travers ses états; il y aurait bientôt consenti. J'avais en même temps fait la même demande au roi de Perse, qui n'aurait certainement pas refusé, quoique les négociations ne fussent pas entièrement terminées; mais elles auraient réussi, parce que les Persans désiraient en profiter eux-mêmes. Mes troupes se seraient rendues à Varsovie, où les Russes et les Cosaques devaient les joindre. De cette ville, nos troupes réunies se seraient dirigées vers la mer Caspienne, où elles se seraient embarquées, ou bien elles auraient continué leur voyage par terre, suivant les circonstances. »

Et Bertrand (Cahiers de Sainte-Hélène) :
« Si Paul 1er eût vécu, je l’aurais envoyé aux Indes. Cette expédition était facile. Gengis Khan, Tamerlan l’ont faite. Le désert à traverser n’est pas aussi aride que ceux de l’Egypte. Il y a des villages et de l’eau. On souffre un peu, voilà tout. Il ne faut pas de chameaux. »

Bourrienne parle également du sujet dans ses Mémoires :
« Bonaparte me disait: « J’étais sûr de porter, de concert avec le czar, un coup mortel à la puissance anglaise dans l'Inde. »



Sous le Consulat, ce document circula dans la presse d’Outre Manche :
« But de l’expédition :
Chasser, sans retour, les Anglais de l'Indostan, délivrer ces belles et riches contrées du joug britannique, ouvrir de nouvelles routes à l'Industrie et au Commerce des Nations civilisées de l'Europe, et à la France en particulier; tel est le but d'une expédition digne d'immortaliser la première année du XIXe siècle, et les Chefs des Gouvernements qui ont conçu cette utile et glorieuse entreprise.


Puissances qui doivent y concourir :
La République française et l'Empereur de Russie, pour envoyer sur les bords de l’Indus, une armée combinée de soixante-dix mille hommes.
L'Empereur d'Allemagne, pour donner passage aux troupes françaises, et leur faciliter les moyens de descendre le Danube jusqu'à son embouchure dans la mer Noire.


Rassemblement à Astrakan d’une armée russe de 35 000 hommes et son transport jusqu’à Astrabad :
Du moment ou le Projet de l'expédition aura été définitivement arrêté , PAUL Ier donnera des ordres, pour qu'il soit rassemblé à Astracan une armée de trente-cinq mille hommes,dont vingt-cinq mille de troupes réglées de toutes armes, et dix mille Cosaques.
Ce corps d'armée s'embarquera de suite, sur la mer Caspienne, et sera conduit à Astrabad, pour y attendre que l'armée française arrive.
Astrabad sera le quartier-général des armées combinées : on y établira tous les magasins de guerre et de vivres; il deviendra le centre des communications entre l'Indostan, la France et la Russie.


Route que tiendra l’armée française pour se rendre des bords du Danube aux bords de l’Indus :
Il sera détaché de l'armée du Rhin un corps de trente-cinq mille hommes de toutes armes.
Ces troupes seront embarquées, dans des bateaux, sur le Danube, et descendront ce fleuve jusqu'à son embouchure dans la mer Noire.
Arrivée au Pont-Euxin, les troupes passeront sur des bâtiments de transports fournis parla Russie, traverseront la mer Noire et la mer d'Azoff, et iront débarquer sous Taganrok.
Ce corps d'armée doit ensuite côtoyer le Don, en remontant la rive droite du fleuve, jusqu'à une petite ville des Cosaques nommée Piati-Isbianka.
Parvenue à ce point, l'armée traversera le Don et voyagera par terre jusqu'aux environs de la ville de Taritsin, bâtie sur la rive droite du Volga.
Elle s'embarquera sur ce fleuve et le descendra jusqu'à Astrakan.
Là, les troupes s'embarqueront sur des navires marchands, traverseront, dans toute sa longueur, la mer Caspienne, et arriveront à Astrabad, ville maritime de la Perse.
Alors les Français ayant joint les Russes, l'armée combinée se mettra en marche, passera par les villes d’Hérat, de Férah, et de Candehar, et atteindra bientôt la rive droite de l'Indus.


Durée du voyage de l’armée française :
Pour descendre le Danube jusqu'à son embouchure dans la mer Noire : 20 jours
De l'embouchure du Danube à Taganroc :16
De Taganroc à Piati-Isbianka : 20
De Piali-Isbianka à Tsaritsin. : 4
DeTsaritsin à Astracan : 5
D'Astrakan à Astrabad : 10
D'Astrabad aux bords de l'Indus : 45
Total : 120 jours

N.B.Ainsi, l'armée française emploierait quatre mois pour se rendre des bords du Danube aux rives de l'Indus; mais, pour ne rien forcer, on suppose que le voyage durera cinq mois entiers : si donc l'armée part au commencement de mai 1801 (v. s.), elle doit être rendue à sa destination vers la fin de septembre.
On observe que la moitié du trajet sera faite par eau, et l'autre moitié par terre.


Moyens d’exécution
En s'embarquant sur le Danube, l'année française doit conduire avec elle les pièces de campagne et leurs caissons.
Elle n'aura besoin d'aucun objet de campement.
La cavalerie, les troupes légères et l'artillerie ne doivent point emmener leurs chevaux, on embarquera seulement les selles, les harnois , les bâts, les traits, les brides, etc, etc, etc.
Ce corps d'armée doit être approvisionné de biscuits pour un mois.
Des commissaires précéderont l'armée, pour faire préparer et distribuer l'étape partout où il sera jugé nécessaire.
Parvenue à l'embouchure du Danube, l'armée montera sur les bâtiments de transport fournis par la Russie, et approvisionnés de vivres pour quinze à vingt jours.
Pendant que l'embarquement se fera, des commissaires et des officiers d'état-major se rendront par terre et en poste, les uns à Taganroc et à Tsaritsin, les autres à Astrakan.
Les commissaires envoyés à Taganroc se concerteront avec des commissaires russes, pour régler la marche, par terre, de l'armée, depuis Taganroc jusqu'à Piati-Isbianka, pour préparer l'étape et faire les logements,enfin pour rassembler tous les chevaux et les voitures nécessaires au transport de l'artillerie et des bagages de l'armée.
Ces mêmes commissaires s'entendront avec ceux détaches à Tsaritsin, pour réunir le nombre de bateaux qu'exigera le passage du Don, lequel, sur ce point, est un peu plus large que la Seine à Paris.
Les commissaires placés à Tsaritsin auront eu soin, et à l'avance:
1° De réunir sur trois à quatre points, entre le Don et le Volga, tous les objets de campement et les vivres nécessaires à l'armée pendant sa marche;
2° De rassembler, sous Tsaritsin, le nombre suffisant de bateaux pour embarquer l'armée française sur le Volga et la faire descendre jusqu'à Astracan.
Les commissaires envoyés à Astracan tiendront des navires prêts pour recevoir l'armée, et il sera embarqué des vivres pour quinze jours.
Lorsque l'armée française débarquera à Astrabad, elle y trouvera les objets ci-après, qui auront été rassemblés et préparés par les commissaires des deux gouvernemens :
1° Des munitions de guerre de toute espèce, et de la grosse artillerie.
N.B.Ces munitions peuvent être tirées des arsenaux d'Astracan, de Casan, et de Saratof, qui en sont abondamment pourvus.
2°. Des chevaux de trait pour le transport de l'artillerie et des munitions de l'armée combinée
3°. Des voitures et des chevaux pour le transport des bagages, des pontons, etc.
4°. Des chevaux de selle, pour monter la cavalerie française et les troupes légères.
N.B.Ces chevaux pourront être achetés entre le Don et le Volga, chez les Cosaques et les Calmouks: ils s'y trouvent en quantités innombrables, sont les plus propres au service dans les pays qui seront le théâtre des opérations militaires, et le prix en sera plus modique que partout ailleurs.
5°. Tous les objets de campement nécessaires à l'armée française, pendant sa marche jusqu'aux bords de l'Indus et au delà;
6°. Des magasins de draps, de toiles, d'habits, de chapeaux , de casques, de gants, de bas , de bottes, de souliers, etc. , etc., etc.
N.B.Tous ces objets se trouvent en grande abondance en Russie, et à meilleur marché que dans les autres Etats de l'Europe. Le Gouvernement français peut traiter pour ces fournitures avec les directeurs de la colonie de Sarepta, à six lieues de Tsaritsin, sur la rive droite du Volga ; cette colonie d'évangélistes, qui passe pour la plus riche, la plus industrieuse et la plus exacte à remplir ses engagements, a son chef-lieu en Saxe; c'est là qu'il faut obtenir des ordres pour que la colonie de Sarepta se charge des fournitures.
7°. Une pharmacie approvisionnée de toute espèce de médicaments.
N.B.Elle peut être fournie par la colonie de Sarepta, où il existe .depuis longtemps, une pharmacie qui rivalise par la variété, la bonté des drogues,avec la pharmacie impériale de Moscou.
8°. Des magasins de riz, de pois, de farines, de gruaux , de salaisons, de beurre, de vins, d'eaux-de-vie, etc. , etc.
9°. Des troupeaux de boeufs et de moutons.
N.B.Les pois, les farines, les gruaux, les salaisons et le beurre seront tirés de Russie ; tous les autres objets se trouvent abondamment en Perse.
10°. Des magasins de fourrages d'orge et d'avoine.
NB.L'avoine sera tirée d'Astracan: le pays donnera les fourrages et l'orge.


Marche de l’armée combinée, depuis Astrabd jusqu’aux bords de l’indus ; mesures pour assurer le succès de l’expédition :
Avant le débarquement des Russes à Astrabad , des commissaires des deux Gouvernements seront envoyés à l'effet de notifier à tous les Khans et autres petits despotes des pays que l'armée combinée devra traverser:
« Qu'une armée des deux Nations les plus «puissantes de l'univers, doit passer sur leurs domaines,pour se rendre aux Indes; que le seul but de cette expédition est de chasser de l’Indostan les Anglais,qui ont asservi ces belles contrées, jadis si célèbres, si puissantes, si riches en productions et en industrie, qu'elles attiraient tous les peuples du monde pour prendre part aux dons et aux faveurs de tout genre dont il avait plu au ciel de les combler; que l’état horrible d'oppression, de malheur et de servitude sous lequel gémissent aujourd'hui les peuples de ces contrées, ont inspiré le plus vif intérêt à la France et à la Russie; qu'en conséquence, ces deux Gouvernements ont résolu d'unir leurs forces,pour affranchir les Indes du joug tyrannique et barbare des Anglais ; que les Princes et les peuples de tous les Etats que doit traverser l'armée combinée, n'ont rien à craindre d'elle; qu'au contraire, ils sont invités à coopérer,de tous leurs moyens au succès de cette utile et glorieuse entreprise; que cette expédition est aussi juste dans sa cause qu'était injuste celle d'Alexandre qui voulait conquérir le monde entier; que l'armée combinée ne lèvera point de contributions; qu'elle achètera de gré à gré, et paiera, argent comptant, tous les objets nécessaires à sa subsistance; que la discipline la plus sévère la maintiendra dans le devoir; que le culte, les lois, les usages, les mœurs, les propriétés, les femmes seront partout respectés, etc. etc. »
D'après une semblable proclamation, et en agissant avec douceur, franchise, loyauté, il n'est pas douteux que les Khans et les autres petits Princes accorderont un libre passage dans leurs Etats respectifs; d'ailleurs, divisés comme ils le sont tous entre eux, ils se trouvent trop faibles pour opposer une sérieuse résistance.
Les commissaires français et russes seront accompagnés par d'habiles ingénieurs qui lèveront la carte topographique des pays que l'armée combinée devra traverser : sur leurs cartes ils marqueront les lieux des campements, les rivières qu'il faudra franchir, les villes auprès desquelles l'armée devra passer, les points où le transport des bagages de l'artillerie et des munitions pourrait éprouver quelques difficultés, en indiquant les moyens de surmonter les obstacles.
Ces commissaires traiteront avec les Khans les Princes el les particuliers, pour les fournitures de vivres, des chariots, etc, etc, signeront les traités, demanderont et obtiendront des otages.
Lorsque la première division française arrivera à Astrabad, la première division russe devra se mettre en marche; les autres divisions de l'armée combinée suivront successivement, à la distance de cinq à six lieues l'une de l'autre; ces divisions communiqueront entre elles par de petits détachements de Cosaques.
Un corps de quatre à cinq mille Cosaques, mêlé avec de la cavalerie légère des troupes réglées, formera l'avant-garde : les pontons doivent toujours la suivre immédiatement : cette avant-garde jettera des ponts sur les rivières, en défendra les approches , et veillera à la sûreté de l'armée, en cas de trahison ou de quelqu'autre accident.
Le Gouvernement français fera remettre au Général en chef de l'expédition, des armes de la manufacture de Versailles, telles que fusils, carabines, pistolets, sabres etc, etc; des vases et autres objets de porcelaine, de la manufacture de Sèvres ; des montres et des pendules des plus habiles artistes de Paris; de belles glaces; de superbes draps de France, de différentes couleurs, comme écarlate, cramoisi, vert et bleu, qui sont les couleurs favorites des Asiatiques, et en particulier des Persans ; des velours ; des draps d'or et d'argent; des galons et des soieries de Lyon; des tapisseries des Gobelins, etc, etc, etc.
Tous ces objets, distribués à propos, aux Princes de ces contrées, et offerts avec la grâce et l'amabilité qui sont si naturelles aux Français, serviront à donner à ces peuples, la plus haute idée de la munificence, de l'industrie et de la puissance de le Nation française, et à ouvrir, par la suite, une branche importante de commerce.
Un corps choisi de savants et d'artistes en tout genre, doit prendre part à celte glorieuse expédition. Le Gouvernement leur confiera les cartes et les plans qui peuvent exister sur les pays que devra parcourir l'armée combinée, ainsi que les mémoires et les ouvrages les plus estimés qui traitent de ces contrées.
Des aérostiers et des artificiers seraient très utiles.
Pour inspirer à ces peuples la plus haute idée de la France et de la Russie, il conviendra, avant que l'armée et le quartier-général partent d'Astrabad, de donner, dans celte ville quelques fêtes brillantes, accompagnées d'évolutions militaires, comme dans les fêles par lesquelles on célèbre à Paris de grands événements et de mémorables époques.
Toutes choses étant ainsi disposées, il n'y a point de doute sur la réussite de l'entreprise; mais son succès dépendra de l'intelligence, du zèle, de la bravoure et de la fidélité des chefs auxquels les deux Gouvernements confieront l’exécution du projet.
Aussitôt que l'armée combinée sera parvenue aux bords de l'Indus, les opérations militaires devront commencer.
N.B.On observe que les monnaies d'Europe, qui ont le plus de cours et qui sont les plus recherchées en Perse et dans les Indes, sont les sequins de Venise, les ducats de Hollande, les ducats de Hongrie, les impériales et les roubles de Russie.


Réponses aux objections contre le projet
1ère objection. Y a-t-il assez de bateaux pour transporter une armée de trente-cinq mille hommes sur le Danube, jusqu'à son embouchure ?
Réponse : Je crois qu'il sera facile de rassembler une quantité suffisante de bateaux; dans le cas contraire, l'armée descendrait par terre jusqu'à Ibrahilof, port sur le Danube dans la principauté de Valachie, et jusqu'à Galatz, autre port sur le même fleuve, dans la principauté de Moldavie; alors, l'armée française s'embarquerait sur les navires préposés et envoyés par la Russie, et elle continuerait sa route.

2e objection. Le Grand-Seigneur ne consentira pas à laisser descendre une armée française par le Danube, et il s'opposera à ce qu'elle s'embarque dans des ports qui sont de la dépendance de l'Empire Ottoman.
Réponse : Paul 1er obligera la Porte à faire tout ce qu'il voudra; ses forces imposantes feront respecter sa volonté par le Divan.

3e objection. Y a-t-il, dans la mer Noire, assez de navires et de bâtiments pour le transport de l'armée, et Paul 1er en a-t-il assez à sa disposition ?
Réponse : L'Empereur de Russie peut aisément rassembler dans ses ports de la mer Noire, plus de trois cents navires et bâtiments de toutes grandeurs; tout le monde sait les accroissements que la marine marchande russe a pris dans la mer Noire.

4e objection. Le convoi sorti du Danube ne courra-t-il point le risque d'être inquiété ou dispersé par la flotte Anglaise de l'amiral Keith, qui, au bruit de cette expédition, franchissant les Dardanelles, entrera dans la mer Noire , pour empêcher la sortie de l'armée française, et la détruire ?
Réponse : Si M. Keith veut franchir le détroit, et que les Turcs ne s'y opposent pas, PAUL 1er s'y opposera; pour le faire, il a des moyens plus efficaces qu'on ne pense.

5e objection. L'armée combinée étant réunie à Astrabad, comment pourra-t-elle aller jusqu'aux Indes par des pays presque sauvages, et dénués de ressources, ayant à parcourir une distance de trois cents lieues, depuis Astrabad jusqu'aux frontières de l’Indostan ?
Réponse : Ces pays ne sont point sauvages et arides ; la route est ouverte et pratiquée depuis longtemps; les caravanes arrivent ordinairement en trente-cinq ou quarante jours, des bords de l'Indus à Astrabad. Le sol n'est point couvert, comme l'Arabie et la Lybie. de sables mouvants; il est arrosé presqu'à chaque pas, par des rivières ; les fourrages n'y manquent pas ; le riz y abonde , et forme la principale nourriture des babitants ; les boeufs, les moutons et le gibier y sont communs, les fruits variés et délicieux. La seule objection raisonnable que l'on puisse faire, c'est la longueur de la marche,mais cela ne doit pas faire rejeter le projet. Les armées française et russe sont avides de gloire; elles sont braves, patientes, infatigables; leur courage, leur persévérance et la sagesse des chefs vaincront tous les obstacles, quels qu'ils puissent être.
Un fait historique vient à l'appui de celte assertion. En 1759 et 1740, Nadir-Chah, ou Thamas-Couli-kan partit de Dhély, avec une nombreuse armée, pour faire une expédition en Perse, et sur les bords de la mer Caspienne : il passa par Candahar, Férah, Hérat, Mechehed, et il arriva à Astrabad; toutes ces villes étaient alors considérables ; quoiqu'elles soient bien déchues de leur ancienne splendeur, elles en ont conservé une grande partie.
Ce qu'une armée vraiment asiatique (et c'est tout dire) fit en 1739 et 1740, certes on ne doutera point qu'une armée de Français et de Russes puisse l'exécuter aujourd'hui !
Les villes qu'on vient de nommer, formeront les points principaux de communication entre l'Indostan, la Russie et la France: à cet effet, il sera nécessaire d’organiser une poste de l’armée et d’y employer les Cosaques, qui sont les plus propres à ce genre de service. »

Parallèlement à ces lignes qu’il est nécessaire de lire avec beaucoup de prudence, il convient de préciser que, du côté français, aucune mesure militaire allant dans le sens de cette gigantesque expédition ne fut mise en place à l’époque. Je n’ai pas souvenir d’ailleurs dans le Correspondance de Bonaparte de lettres en rapport avec la campagne projetée tel que décrite ici.

Du côté russe, une opération sur les Indes fut bien envisagée. Le 24 janvier, Paul écrivait en effet à l’ataman de l’armée du Don, Orlov, ces deux lettres :
« Les Anglais se préparent à attaquer, avec leur flotte et leurs armées, moi et mes alliés, les Suédois et les Danois. Je suis prêt à les recevoir, mais il faut les attaquer eux-mêmes et là où le coup peut leur être le plus terrible et où ils l'attendent le moins. D'Orenbourg à l'Inde, il y a trois mois et de l'endroit où vous êtes à Orenbourg un mois, en tout quatre. Je vous confie cette expédition, à vous et à votre armée. Rejoignez vos troupes et partez pour Orenbourg par l'une des trois routes. Vous marcherez avec l'artillerie tout droit à travers la Boukharie et Khiva sur l'Indus et les établissements anglais qui y sont situés. Les troupes de ce pays sont de la même nature que les vôtres, des troupes légères ; vous aurez donc sur elles tout l'avantage que vous donnera votre artillerie. Préparez tout pour cette campagne. Envoyez vos éclaireurs reconnaître et réparer les routes. Tous les trésors de l'Inde seront votre récompense. Une telle entreprise vous couronnera tous d'une gloire immortelle, vous assurera, dans la mesure de vos services, ma bienveillance vous comblera de richesses, ouvrira un débouché à notre commerce, frappera l'ennemi au cœur. »

« L'Inde, où je vous envoie, est gouvernée par un chef suprême (le grand Mogol) et quantité de petits souverains. Les Anglais y possèdent des établissements commerciaux qu'ils y ont acquis à prix d'argent ou conquis par les armes. Le but de cette campagne est de ruiner les établissements anglais, d'affranchir les souverains opprimés, de les mettre vis-à-vis de la Russie dans la même dépendance où ils sont vis-à-vis des Anglais, enfin, de nous assurer le commerce de ces régions. »

Le lendemain, le Tsar poursuivait :
«De l'Indus vous vous rendrez sur le Gange. En chemin, vous maintiendrez la Boukharie pour qu'elle ne se livre pas aux Chinois. A Khiva, vous délivrerez quelques milliers de mes sujets, qui y sont retenus prisonniers. S'il vous faut de l'infanterie, je l'acheminerai sur vos traces. Il n'y a pas moyen autrement. Le mieux est que vous vous suffisiez à vous-mêmes. »


Orlov rassembla 22 500 Cosaques et 24 pièces d’artillerie et marcha sur Orenbourg le 11 mars. L’assassinat de Paul 1er mit fin à l’expédition.
Mais quoi qu’il en soit ces trois lettres ne parlent pas une campagne combinée entre la France et la Russie.

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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