Par le marquis d'Andigné :
"Le Louvre, dans la journée du 27, n'était occupé que par vingt-cinq suisses de la garde. Ce poste, défendu et ravitaillé, pouvait être imprenable. Le vieux marquis d'Autichamp (1), qui en était gouverneur, revint de sa campagne, aussitôt qu'il connut la nouvelle du mouvement de Paris. il était âgé de plus de quatre-vingt-dix ans. Assis dans un fauteuil au milieu de la cour du Louvre, revêtu de son cordon bleu, il encourageait par sa présence les suisses à la résistance et, pour réparer leurs forces, il leur avait livré ses caves, d'un usage précieux avec la chaleur qu'il faisait. Les suisses, placés aux portes et aux fenêtres, faisaient bonne contenance. Mais, le nombre des assaillants augmentant, le vieux marquis fit demander du renfort ; on lui envoya cinquante hommes, qui devinrent bientôt insuf- fisants en présence d'une attaque de plus en plus vive.
A une nouvelle demande de secours, le duc de Raguse répondit en envoyant deux bataillons suisses, avec M. le général Talon (1), qui avait l'ordre' de prendre le commandement du Louvre, vu l'âge du marquis d'Autichamp. L'énergique vieillard, furieux, jeta son uniforme, monta dans sa voiture, et eut le bonheur d'atteindre Athis, où était sa maison de campagne, avant que les routes fussent coupées. Il disait depuis « Qu'avais-je de mieux à faire, à mon âge, que de mefaire tuer là ?»
Les deux bataillons suisses furent placés, l'un dans la cour du Louvre, l'autre dans les appartements, d'où il tirait sur les assaillants par les fenêtres du premier étage. Bientôt, M. le duc de Raguse rappela un des deux bataillons ; on retira précisément celui qui était dans les appartements. Les insurgés, s'en étant aperçus, trouvèrent le moyen de s'emparer par escalade du premier, d'où ils fusillèrent les troupes rangées en bataille dans la cour. La défense du Louvre était devenue impossible il fallut évacuer le palais.
Le 30 juillet, au matin, M. le duc de Mortemart (2), nommé premier ministre du roi, vint au Luxembourg, avec l'ordonnance qui instituait un nouveau ministère. Plusieurs pairs, au nombre desquels je me trouvais, étaient réunis chez M. le marquis de Sémonville. grand référendaire de la Chambre des pairs. M. de Mortemart paraissait bien persuadé de son insuffisance à remplir le haut emploi dont il était chargé dans des circonstances aussi difficiles il ne devait pas le garder longtemps."
Ce récit est de plus intéressants. Il montre comment le Louvre fut perdu par les troupes royales. Or, suite à la prise de ce bastion, les troupes royales, sous Marmont, quittèrent la capitale, la livrant ainsi à l'insurrection, 1er pas vers l'abdication de Charles X... Sans l'évacuation intempestive du Louvre d'un des bataillons qui le défendaient, ce poste aurait tenu assez de temps pour être secouru si le besoin s'en était fait sentir. Pour la cause de Charles X, ce fut une catastrophe !
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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