L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 27 Sep 2010 8:53 
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Inscription : 09 Nov 2005 14:28
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Ce témoignage est paru dans la revue « Feuilles d’Histoire » dans sa livraison de janvier/juin 1909.

Le « Daily Mail » a donné récemment quelques extraits d’un document inédit trouvé, il y a peu de temps dans les archives familiales d’Arley-Castle. C’est le carnet de voyage d’un étudiant de l’Université de Cambridge, nommé Scott.

En septembre 1814, il se rendit à l’île d’Elbe en compagnie de quatre officiers anglais détachés à Livourne, les colonels Douglas et Lemoine, le major Maxwell, le capitaine Smith, et ce sont les passages relatifs à cette visite que nous citons ici :

16 septembre 1814, Livourne.

Dîné chez M. Fraser, banquier anglais, qui habit ici. Tout parfaitement anglais : mouton bouilli à la sauce du sang, roastbeef, fromage de Chester, porto, vin. Presque tous les invités sont intimement liés avec le colonel Campbell (commissaire à l’île d’Elbe) et les capitaines Usher et Tower.

Le colonel Campbell considère Bonaparte comme un homme très heureux de talents ordinaires ; Bonaparte se comporte à leur égard avec la plus grande familiarité ; il leur permet de lui poser les questions qui lui plaisent sur ses campagnes et ses plans. Il disait à Campbell : « Regardez-vous Wellington comme le plus grand général du monde ? »-« Vous aviez tant de bons de maréchaux, répondit Campbell, qu’on n peut dire quel est le premier général. »-« Non, réplique Bonaparte, c’est Wellington qui est le premier général ! »

19 septembre 1814, Elbe.

D’habitude Bonaparte se lève avec le jour et il prend infiniment d’exercice. Souvent il réveille lui-même le colonel Campbell. Il fait de longues courses à cheval dans tous les coins de l’île et ne rentre que lorsque ses compagnons sont exténués ; mais c’est pour repartir aussitôt sur un nouveau cheval, jusqu’à l’heure du dîner.

Après son repas, il se promène dans sa chambre pendant deux ou trois heures. Il semble, nous déclare Campbell, s’efforcer de penser le moins possible au passé. Parfois, dans la matinée, il sommeille très peu de temps dans son fauteuil. Il mange beaucoup, il est surtout amateur de poisson, il boit séparément de l’eau et du vin, selon la mode anglaise, mais surtout de l’eau…

Nous nous trouvions sur chemin large d’environ cinq mètres, lorsque nous rencontrâmes l’Empereur ; nous nous effaçâmes pour nous ranger, tête nue, les uns à côté des autres, sur le côté droit de la route. Il s’arrêta son cheval et nous salua en portant la main à son chapeau. Ma première impression fut telle que je me demandai si cet homme, au visage peu gracieux, à l’air plutôt emprunté et lourd, était bien le grand Napoléon, qui avait rempli de terreur les empereurs et les rois. Il me semble que c’était impossible. Je répète que ce fut que ma première impression. Mais bien que celle-ci ait bientôt modifiée, je déclare encore aujourd’hui que Napoléon avec sa carrure épaisse et large ne me fit pas l’effet d’un guerrier. Il parait être âgé de quarante-cinq ans ; son ventre est très fort, et ses cuisses, grosses et tout à fait hors de proportion. Lorsque nous le vîmes, il était coiffé d’un chapeau enfoncé sur son front, chapeau dont la forme, basse par devant et très relevé par derrière, contribuait à rendre sa physionomie peu agréable. La teinte brune de ce chapeau, auquel est piquée une gosse cocarde rouge et blanche, montre suffisamment qu’il a fait avec lui de nombreuses campagnes.


Il portait une grande redingote à revers rouges ; ce vêtement, étroitement boutonné, laissait à peine apercevoir la cravate noire, entourant son cou, peu dégagé naturellement.

Il avait deux épaulettes en argent assez usées, la plaque de la Légion d’honneur et trois décorations plus petites…


Il avait une culotte blanche, un gilet blanc et des gants. Les bottes, vieilles, usées, étaient munies d’éperons en argent, assujettis par des noires. Il montait un petit cheval corse, dont la selle portait des fontes, mais dont les rênes et le mors étaient sales. Quoiqu’en général ses vêtements fussent usagés, l’ensemble était celui d’une personne soigneuse et ordonnée. Il se tient fortement incliné en avant sur son cheval.

Celui-ci s’étant mis à ruer, Napoléon, le maîtrisa nerveusement.


Durant les vingt-deux minutes que dura notre conversation, il ne prisa qu’une seule fois, dans une petite tabatière noire ornée de trois camées. Ses mains sont d’une blancheur remarquable, les doigts sont petits et minces. Ses cheveux sont noirs et pendant en longues mèches sur le sol de son vêtement, tout en gardant un aspect très propre. Les yeux sont bleus et petits, les sourcils noirs et plutôt épais, le nez et la bouche élégamment dessinés et dimensions moyennes, le menton n’est pas trop prononcé. L’ensemble du visage, pâle, légèrement jaunâtre, est assez empâté. Le front d’avance, anguleux et puissant.


L’Empereur parle vite et presque sans pause, d’une voix profonde et un peu saccadée.


Durant tout notre entretien, la physionomie de Napoléon ne cessa de s’éclairer d’un demi-sourire et de refléter un parfait contentement. Ses yeux sont remarquablement vifs et expressifs ; ses regards et sa voix inspirent le respect et ses manières indiquent un grand talent, mais son sourire met à l’aise ses auditeurs et leur donne confiance. Néanmoins mes compagnons furent unanimes à penser qu’il avait plutôt l’air d’un prêtre habile et rusé que d’un héros. Sa personne n’a sûrement rien d’héroïque.


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Message Publié : 27 Sep 2010 9:32 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
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On ressent bien là l'esprit étriqué du britannique, beaucoup plus disposé à dépeindre l'Empereur à son désavantage plus qu'à son avantage.
Le compliment, lorsqu'il pointe le nez, se montre très restrictif, et la réflexion finale est décevante autant qu'injustifiée.

Merci Mahler pour ce témoignage néanmoins très intéressant.



:salut:


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Message Publié : 28 Sep 2010 12:26 
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Il est dit que l'empereur avait de gros sourcils ? :grands yeux:


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Message Publié : 28 Sep 2010 14:50 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
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Effectivement, le portrait n'est pas fidèle en tous points à la réalité ... :12:


:salut:


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Message Publié : 28 Sep 2010 15:53 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
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Mais la quasi-absence de sourcils de Napoléon n'est-elle pas une légende ? :grands yeux:

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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Message Publié : 28 Sep 2010 17:42 
Il est à noter que cette entrevue a conforté Napoléon dans son opinion qu'un retour sur le continent et une reconquête du pouvoir étaient possibles.
Il a aussi pu se rendre compte que l'opinion publique britannique ne lui était pas défavorable.


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Message Publié : 29 Sep 2010 10:58 
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Inscription : 09 Nov 2005 14:28
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Oui, mais l'opinion publique, ce n'était pas les dirigeants... :11:


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Message Publié : 29 Sep 2010 14:07 
J'entends bien, mon cher Malher.
Cette dualité existe d'ailleurs toujours de nos jours.


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Message Publié : 01 Oct 2010 16:54 
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Inscription : 07 Nov 2008 14:35
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...C'est le moins que l'on puisse dire...
Je crois savoir également, dans cette optique de renseignements amassés, que Napoléon lisait consciencieusement les lettres adressées par les épouses de ses grognards lorsque celles-ci étaient restées sur le continent...Je crois avoir lu (chez Villepin peut-être) qu'une lecture l'avait passablement marqué par les sentiments d'espérance qu'elle dégageait à son encontre...


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Message Publié : 04 Oct 2010 10:09 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
Message(s) : 1915
En effet, cher Ti'Breton, les épouses de grognards nourrissaient généralement beaucoup d'admiration pour l'Empereur, et le respect qu'elles lui portaient n'atait pas des moindres.

Cher Bruno, entre la description de sourcils "assez épais" et celle de sourcils "quasi inexistants", il y a une marge non négligeable !

J'ai toujours lu que Napoléon les avait "fins et bien dessinés" ... :4:




:salut:


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