L'Énigme des Invalides

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 Sujet du message : Point de rupture?
Message Publié : 29 Mars 2008 6:01 
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:salut: C'est une question qui me trottait depuis longtemps dans la tete et à laquelle j'ai quelques réponses mais j'aimerais d'abord avoir votre sentiment.
Voilà en étudiant un peu l'histoire des autres pays, notamment ceux ayant fondé des empires, je voudrais savoir si le Premier Empire n'avait pas atteint un point de rupture qui, selon moi, serait un déséquilibre entre sa taille et les moyens de le controler.

Pensez-vous que l'empire de Napoléon, ou le grand empire de Napoléon était disproportionné et si oui quels sont les évènements qui ont conduit au point de rupture?

D'avance merci.
:salut:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 29 Mars 2008 19:04 
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Pensez-vous que l'empire de Napoléon, ou le grand empire de Napoléon était disproportionné et si oui quels sont les évènements qui ont conduit au point de rupture? (Reichstadt) ...

Bonjour Cher Duc,

Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier pour cette question fort intéressante, à laquelle je vais tenter d'apporter quelques éléments de mon humble analyse, sachant que le sujet, très vaste, devrait se poursuivre en un échange très enrichissant !... :2:

Selon JB Deroselle, tout empire doit périr, et dans les arguments qu'il avance pour illustrer sa théorie, certains se trouvent tout-à-fait adaptés pour définir la naissance, l'évolution et la chute de l'Empire napoléonien ...

Il disait, entre autre, qu'une grande puissance n'était capable d'assurer à elle seule sa sécurité, que tant que l'adversaire serait pris isolément.

Or, si l'on s'en réfère au Premier Empire, force est de constater qu'il fut constamment "le vainqueur" dans tous les combats bilatéraux, comme nous l'ont démontrées les années 1805-1806-1807-1808-1809 et jusqu'au début même de 1812.
Ceci, bien entendu, n'entame en aucun cas le génie militaire de Napoléon, sans lequel il y aurait certainement matière à réviser ce raisonnement !

Après la retraite de Russie, évènement crucial s'il en fût, maintenir l'adversaire en infériorité commençait à s'avérer des plus délicats ; inconvénient accru par le coup porté aux moyens militaires, juste après cet effroyable épisode en terre russe ...

Je pense que lorsqu'une grande puissance tente de préserver à tout prix son hégémonie, cela a pour effet de susciter la formation de coalitions de plus en plus vastes qui finissent, à la longue, par devenir victorieuses ...
C'est en quelque sorte une espèce de règle qui imposerait que la notion d'équilibre dans un système européen donné, ne supporte pas de se voir remplacé par un autre, et menace, si le fait se produit, de briser son auteur par le biais des alliances des autres puissances ...

A cet égard, Louis XIV en avait précédemment fait les frais dans la même triste expérience, de même que bien plus tard, Guillaume II et l'Allemagne ...

Toutefois, l'Empire napoléonien fut pendant longtemps, reconnu par les puissances comme étant très utile, surtout dans le cadre de leurs ambitions traditionnelles telles l'antagonisme austro-russe, des rivalités germaniques en Allemagne ou encore des visées dominatrices dans le Nord.

De fait, les puissances, chacune leur tour, ont cherché continuellement des accomodements avec cette puissance hégémonique.
Mais l'Histoire nous a appris, en dehors même de l'Empire napoléonien, que l'on ne peut réussir durablement, à construire et unir l'Europe par la seule force de l'hégémonie...

Napoléon a oeuvré et orchestré son Empire de façon admirable durant plusieurs années ; puis il arriva au terme de ce qu'Il pouvait faire "seul" : arrivé aux portes de l'Europe, pour pouvoir aller encore au-delà, il eût certainement fallu le concours des autres puissances ... Or, celles-ci se coalisaient contre Lui !

Ce jour-là, et vous avez raison, Cher Duc, un déséquilibre se produisit pour finir par engendrer une rupture brutale.

Car, si en dernier ressort, les guerres sous le Premier Empire, n'étaient plus que "franco-anglaises", il n'en demeure pas moins que c'est avec le concours des autres Etats européens qu'elles eurent lieu et furent menées sur terre, par procuration ...
Albion était en effet plus habile banquier que militaire avisé ! ...

Ces guerres, imposées ou provoquées, permirent certes des victoires éclatantes aux Français, mais ces triomphes participèrent, en même temps, à l'affaiblissement de la Grande Armée par la démographie, les pertes aux guerres, et la division des forces sur plusieurs fronts à la fois ...

La prépondérance française devint donc insupportable aux autres acteurs européens, que l'Angleterre ne cessait d'animer contre Napoléon ...

Ne voyant d'équilibre que dans l'indépendance des différents Etats, ceux-ci finirent par provoquer l'ultime coalition, celle dont l'essence ne comportait qu'un objectif commun : celui d'en finir avec l'Empire français et son Chef , et d'aller à la guerre une dernière fois, parce qu'elle devait leur apporter la victoire finale ...

Ainsi se trouva balayée d'un coup, la prodigieuse construction impériale, trop superbement élevée sans doute pour se tenir "seule", et, avec elle, la prépondérance française.




:salut:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 11 Avr 2008 14:47 
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Inscription : 27 Août 2004 12:01
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:salut: Chère Rose, désolé pour ce retard...


"Selon JB Deroselle, une grande puissance n'était capable d'assurer à elle seule sa sécurité, que tant que l'adversaire serait pris isolément."

Tout à fait quand on s'en tient à un empire hégémonique ou plus clairement oppresseur et c'est là que le bat blesse avec le Ier Empire, autant il a été hégémonique au point de heurter les sensibilités des états vassaux autant il a tenté d'etre généreux avec d'autres. (on ne peut dire que "tenter" dans la mesure où Napoléon n'a pas achevé son oeuvre européenne.)
Avant de poursuivre il faudrait nous appuyer sur des exemples d'empires ayant perduré dont deux diamétralement opposés : l'Empire romain et le Saint-empire romain germanique.

S'agissant de Rome nul ne contestera que sous la République puis l'Empire, elle s'est imposée par les armes mais la politique romaine fut très fédératrice, en ce sens qu'elle n'était pas dynastique juridiquement parlant bien que plus ou moins sous controle du Sénat et que les peuples conquis, selon leur degré de résistance, furent intégrés et meme assimilés à Rome, dans d'autres cas détruits comme Carthage par exemple, à l'inverse la Gaule fut un modèle de réussite et c'est l'exemple gaulois qui me vient à l'esprit avec le Ier Empire et peut-etre que Napoléon n'a pas su saisir l'opportunité?

A l'inverse le Saint-empire, jusqu'aux Habsbourg, élisait son roi lors d'une assemblée de princes électeurs, puis celui-ci se rendait à Rome pour etre fait empereur. Le Saint-empire s'est développé par les mariages sans que les peuples soient associés, ils demeuraient séparés les uns des autres culturellement en tout.
C'est ce modèle, à mon humble avis, qui a perdu Napoléon.

Napoléon a changé sa politique en 1808, et là on rejoint votre analyse, l'Espagne a couté cher en vies de soldats, 300 000 si ma mémoire ne fait pas défaut.
Les Espagnols, ne voulaient ni d'un empereur romain ni d'un empereur de type Saint-empire, alors un an après pour ménager ses forces après Wagram il dut se résoudre au divorce et entrer dans la politique, dans le jeu, de l'Autriche, du coup il n'était plus maitre de son destin tout puissant qu'il était.

Il ne faut pas perdre de vue que de par le réces de 1803 soutenu par la Russie, la France se voyait à la tete de la Confédération du Rhin dont la France avait réorganisé les états en sécularisant les possessions des églises au profit des princes locaux ou d'administrateurs nommés par Bonaparte. La France occupait déjà ces territoires mais juridiquement en 1803, François II d'Allemagne, le Tsar, la Prusse et surtout l'Angleterre entérinèrent ce réces. Mais le récès stipulait que le souverain demeurait François II et la justice restait allemande. Tout changea en 1805 avec la reprise de la guerre avec les puissances européennes à l'exception de la Prusse.
Après Austerlitz puis après le décret de Berlin un an plus tard, ce que la "troisième" entité allemande attentdait ne vint pas, le blocus continental fit certes du mal à l'Angleterre mais aussi à ces Allemands pour ne citer qu'eux, la France n'étant pas capable de compenser les produits manufacturés anglais, ils faisaient cruellement défaut, d'un autre coté la France était incapable d'absorber à elle seule cette perte d'échanges entre l'Angleterre et ces Etats. Le temps aura manqué à Napoléon, là dessus je n'en doute pas, ceci dit cette intégration à l'Empire français était trop contraignante pour les Allemands, il n'y avait pas cette réciprocité qui fait que l'on accepte une autorité par des compensations!

Voilà pourquoi Napoléon a recherché cette alliance avec Alexandre, le retour à cet équilibre politique qui se brisa en 1809.

Voilà chère Rose quelques éléments formant ce point de rupture...
Il y en a d'autres mais comme vous le disiez, aléa jacta est en 1812!

Bien à vous.
:Madame:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 14 Avr 2008 0:50 
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Merci, Cher Duc, pour ces éléments de réponse pertinents.

Le sujet m'inspire, et si l'heure ne m'invitait à rejoindre l'Empereur dans les plus beaux rêves, je poursuivrais de suite ...

Mais j'y reviendrai très prochainement, promis !


Bonne nuit à vous ...


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 14 Avr 2008 2:03 
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:salut: C'est un sujet vaste et qui demande du temps, pas de souci. :4:
Bonne nuit avec sa Majesté Impériale! :3:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 16 Avr 2008 16:18 
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Inscription : 16 Avr 2008 15:45
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Bonjour à tous

Petit dernier sur ce forum - je me permets une timide intervention.

Le malheur a voulu que l'adversaire incorruptible de Napoléon était l'Angleterre et que celle-ci avait la maîtrise absolue des mers.

La révolution (qui a détruit la marine forgée par Louis XVI) - la défaite d'Aboukir et pour terminer le désastre de Trafalgar ont sonné le glas de la prépondérance à long terme de la France car n'ayant plus de marine comment contrôler et protéger le commerce oh combien rémunérateur et indispensable.

La France restait limitée au continent et n'avait plus beaucoup d' options :
- soit se mettre d'accord avec ses voisins contre l'Angleterre , ce que Napoléon a tenté de faire et y a réussi pendant une certain temps ( et jamais complètement) mais au prix d'incessantes campagnes qui ont épuisées la France et attisées les haines continentales.
- soit faire la paix avec l'Angleterre mais les prétentions de celle-ci étaient inacceptables.

Une impasse ...

Il est curieux de constater que la 1ère GRANDE victoire de Napoléon - AUSTERLITZ coïncide avec sa plus GRANDE défaite - TRAFALGAR et qu'en fin de parcourt c'est cette dernière qui a fait pencher la balance irrémédiablement - pour finalement arriver à la mise à mort du 1er Empire.

Je pense qu'en définitive - Napoléon n'a jamais eu le choix - il a hérité de la révolution -ennemie jurée de toutes les couronnes.

J'espère n'avoir pas trop débordé du sujet initial - erreur de jeunesse (sur le forum s'entend)
:sourire1:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 16 Avr 2008 18:20 
Citer :
J'espère n'avoir pas trop débordé du sujet initial


Que nenni, cher ami : votre argumentation tient parfaitement la route.
Comme vous le faites justement remarquer, sans la maîtrise des mers, l'Empire était condamné à terme.
Et le blocus continental que tenta d'instaurer l'Empereur pour contrer l'Angleterre en étranglant son économie était voué à l'échec en raison de la taille de l'Empire.
Malgré tout son génie, Napoléon était prisonnier de ses conquêtes et ne pouvait tout contrôler à la fois.
Les intérêts des uns, la cupidité des autres et l'éveil progressif des consciences nationales firent progressivement chanceler l'édifice et l'or anglais vint fort à propos pour reformer les coalitions.
L'issue était dès lors inévitable...


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 16 Avr 2008 23:44 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
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Malgré tout son génie, Napoléon était prisonnier de ses conquêtes et ne pouvait tout contrôler à la fois. (Joker) ...

Oui et non.

Je dirai plutôt : Pris dans l'engrenage de la gloire qui lui imposait d'aller toujours de l'avant, sous peine de laisser percevoir une quelconque faiblesse dans l'armature prodigieuse de son oeuvre ...

Or, laisser percevoir une faiblesse dans un plan défini à l'avance, par un retour en arrière par exemple, démontre par déduction que l'on est faible soi-même ...
Ce qui n'était absolument pas le cas de Napoléon.

Si nul ne peut aujourd'hui expliquer avec lucidité ses actes, c'est tout simplement parce qu'il est le seul Homme à avoir osé les accomplir.




:salut:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 17 Avr 2008 16:04 
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Inscription : 16 Avr 2008 15:45
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Bonjour

Une question me turlupine depuis pas mal de temps.

Pourquoi Napoléon n'a-t-il pas fait comme l'Angleterre ? lever des coalisions contre elle.
Rameuter les puissances continentales - et de concert envahir main dans la main les îles britanniques et mettre une fois pour toute l'arrogance et la perfidie anglaises aux oubliettes - et pour joindre l'utile à l'agréable, rafler au passage les caisses pleines d'or anglais - je pence que matériellement cela devait être possible.

N'oublions pas que personnes n'aimait l'Angleterre - on la supportait car incontournable pour le commerce mondial grâce à sa flotte - si plus de flotte - basta.

Un début de réponse se trouve peut-être dans mon message précédent - Napoléon était l'héritier d'une révolution qui a raccourci un roi et une reine - et les monarchies continentales ne pouvaient pas s'allier avec l'Empereur pour mettre à mal une autre monarchie.

Merci pour vos réflexions éventuelles
:salut:


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 Sujet du message : Re: Point de rupture?
Message Publié : 17 Avr 2008 20:25 
Citer :
Or, laisser percevoir une faiblesse dans un plan défini à l'avance, par un retour en arrière par exemple, démontre par déduction que l'on est faible soi-même ...
Ce qui n'était absolument pas le cas de Napoléon.


Au risque de vous décevoir, l'Empereur lui-même n'était pas de cet avis.
Ne lui doit-on pas cette sublime citation :
"Il faut du courage pour lutter contre la force, il en faut quelquefois plus pour s'avouer sa faiblesse."
A méditer. :4:


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