L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 18 Déc 2010 12:17 
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Inscription : 09 Nov 2005 14:28
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« La paix dans Moscou accomplissait et terminait mes expéditions de guerre. C'était, pour la grande cause, la fin des hasards et le commencement de la sécurité. Un nouvel horizon, de nouveaux travaux allaient se dérouler, tous pleins du bien-être et de la prospérité de tous. Le système européen se trouvait fondé ; il n'était plus question que de l'organiser.
« Satisfait sur ces grands points, et tranquille partout, j'aurais eu aussi mon congrès et ma sainte-alliance. Ce sont des idées qu'on m'a volées. Dans cette réunion de tous les souverains, nous eussions traité de nos intérêts en famille, et compté de clerc à maître avec les peuples.
« La cause du siècle était gagnée, la révolution accomplie; il ne s'agissait plus que de la raccommoder avec ce qu'elle n'avait pas détruit. Or cet ouvrage m'appartenait; je l'avais préparé de longue main, aux dépens de ma popularité peut-être. N'importe. Je devenais l'arche de l'ancienne et de la nouvelle alliance, le médiateur naturel entre l'ancien et le nouvel ordre de choses. J'avais les principes et la confiance de l'un, je m'étais identifié avec l'autre; j'appartenais à tous les deux; j'aurais fait en conscience la part de chacun :
« Ma gloire eût été dans mon équité. »
Et après avoir énuméré ce qu'il eût proposé de souverain à souverain et de souverains à peuples : « Forts comme nous l'étions, continuait-il, tout ce que nous eussions concédé eût semblé grand. Il nous eût mérité la reconnaissance des peuples. Aujourd'hui ce qu'ils arracheront ne leur semblera jamais assez, et ils ne cesseront de se défier ni d'être mécontents. »
Il passait ensuite en revue ce qu'il eût proposé pour la prospérité, les intérêts, la jouissance et le bien-être de l'association européenne. Il eût voulu les mêmes principes, le même système partout ; un code européen, une cour de cassation européenne, redressant pour tous les erreurs, comme la nôtre redresse chez nous celles de nos tribunaux. Une même monnaie sous des coins différents ; les mêmes poids, les mêmes mesures, les mêmes lois, etc., etc.
« L'Europe, disait-il, n'eût bientôt fait de la sorte véritablement qu’un même peuple, et chacun, en voyageant partout, se fut trouvé toujours dans la patrie commune. »
Il eût demandé toutes les rivières navigables pour tous ; la communauté de mers; que les grandes armées permanentes fussent réduites désormais à la seule garde des souverains, etc.
Enfin, c'était une foule d'idées, la plupart nouvelles, les unes des plus simples, d'autres tout à fait sublimes sur les diverses branches politiques, civiles, législatives; sur la religion, les arts, le commerce : elles embrassaient tout.
Il a conclu : « De retour en France, au sein de la patrie, grande, forte, magnifique, tranquille, glorieuse, j'eusse proclamé ses limites immuables ; toute guerre future, purement défensive ; tout agrandissement nouveau, anti-national. J'eusse associé mon fils à l'empire ; ma dictature eut fini, et son règne constitutionnel eût commencé
« Paris eût été la capitale du monde, et les Français l'envie des nations !... »[…]
« Une de mes plus grandes pensées avait été l'agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu'ont dissous, morcelés les révolutions et la politique. Ainsi l'on compte en Europe, bien qu’épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d'Espagnols, quinze millions d'Italiens, trente millions d'Allemands. J'eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. C'est avec un tel cortége qu'il eût été beau de s'avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles. Je me sentais digne de cette gloire.
Après cette simplification sommaire, observait-il, il eût été plus possible de se livrer à la chimère du beau idéal de la civilisation : c'est dans cet état de choses qu'on eût trouvé plus de chances d'amener partout l'unité des codes, celle des principes, des opinions, des sentiments, des vues et des intérêts. Alors peut-être, à la faveur des lumières universellement répandues, devenait-il permis de rêver, pour la grande famille européenne, l'application du congrès américain, ou celle des Amphictyons de la Grèce ; et quelle perspective alors de force, de grandeur, de jouissances, de prospérité! quel grand et magnifique spectacle! »




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Message Publié : 20 Déc 2010 17:51 
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Nous sommes, si je ne m'abuse, dans le memmorial de Saint Hélène...donc aux environs de 1818, lorsque Napoléon a troqué sa redingotte célèbre pour le costume de façonneur de légende. Que n'eut-il réalisé de telles pensées après Tilsitt !


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Message Publié : 21 Déc 2010 11:58 
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Qui sait, Cher Ti'Breton, qui sait si tout ou partie de ces pensées ne se formèrent pas dans l'esprit de l'Empereur, après Tilsitt ?

Et qui sait si elles ne furent tout aussitôt abandonnées parce que le contexte, les circonstances, bousculèrent inexorablement les projets qui devaient en découler ?

Le Grand Homme, visionnaire dans la période qu'Il a marqué de son empreinte, le fût très certainement du début jusqu'à la fin de son règne ...
Mais hélas, il fût le plus souvent empêché d'agir comme il l'aurait réellement souhaité !...



:salut:


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Message Publié : 21 Déc 2010 12:39 
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Inscription : 07 Nov 2008 14:35
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Chère Rose, bien que fasciné comme beaucoup par l'épopée impériale et l'âge aidant (...) je persiste à penser que Tilsitt était certainement le moment de tout "finir en beauté", délaissant cette volonté de battre une perfide albion imbattable sur les mers et donc maîtresse de la moitié de la planète... Une pacification interne plus commerciale aurait fait gagner de longues décennies à notre pays, sans apauvrir la grande Russie notamment, mais je ne partage pas votre avis. Napoléon n'était déjà plus le premier consul et, dès la campagne d'Espagne, les victoires ne furent plus jamais des triomphes...


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Message Publié : 21 Déc 2010 12:45 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
Message(s) : 15598
La bataille d'Eckmulh fut tout de même un grand triomphe ! L'archiduc Charles contraint de se replier vivement sur la rive gauche du Danube, sans même pouvoir disputer Vienne à la Grande Armée ! Loin de pouvoir pénétrer en France, les Autrichiens étaient rejetés au coeur de l'empire des Habsbourg ! Du coup, la Prusse réfrénait ses ardeurs et se voyait même contrainte de châtier ceux qui voulaient à tout prix soulever toute l'Allemagne...

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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Message Publié : 21 Déc 2010 14:24 
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Inscription : 13 Nov 2007 13:45
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Pour connaître Napoléon tout entier, il faudrait le voir le même jour, dans les mêmes heures, discutant toutes les questions relatives à la guerre, depuis les plans de campagnes, l'artillerie, le génie, la composition de l'armée, jusqu'à la chaussure et à la giberne du soldat ; réglant toutes les parties de la marine, depuis les combinaisons générales, l'expédition et le retour des escadres, jusqu'à l'armement de la dernière de ses chaloupes canonnières ; parcourant toutes les parties de l'administration, depuis la direction du ministère de l'intérieur jusqu'à la réparation de l'église de village ; enfin traitant ces diverses matières et une foule d'autres avec la même connaissance de l'ensemble et des détails, avec la même fidélité de mémoire, la même netteté d'idées, que si chacun des départements ministériels eût été pour lui l'objet d'une étude exclusive... Peut-être, n'a-t-il pas existé au monde un autre individu, soit dans les hautes, soit dans les basses régions de la société, qui ait prouvé, autant que Napoléon, de quelle continuité, de quelle variété, de quelle étendue de travail l'intelligence d'un seul homme est capable."


C'est juste une petite parenthèse pour faire valoir que la plupart des projets établis par Napoléon le furent certainement avec beaucoup de clairvoyance, et que si la plupart de ces mêmes projets n'ont pu aboutir, ce fut, le plus souvent, à cause de circonstances contraires ou d'hommes peu fiables, voire résolument malhonnêtes.
Et nous avons dans l'épisode de Tilsitt, la preuve flagrante de ce genre d'individus ... :

"Ces démonstrations, dont il était difficile de soupçonner la sincérité, trompèrent Napoléon ; il crut trop à l'amitié de ce Grec du Bas Empire, dont on a le droit d'accuser la loyauté quand un historien russe (Butturlin) avoue qu'Alexandre demandait la paix afin de gagner le temps nécessaire pour se préparer à soutenir convenablement la lutte qu'on savait bien devoir se renouveler..."

M. Bignon



:salut:


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