Toutes les chansons ou les hymnes guerriers qui ont jalonnés chacune des périodes de la grande Histoire, reproduisent à leur façon et à qui sait les écouter, des ambiances de victoires ou de désastres, de joies ou de chagrins, toutes imprégnées d'une intense émotion, mieux que n'importe quels témoignages de l'époque ...
En 1793, le peuple s'exprime sur l'air de : "Ah ! ça ira, ça ira" ...
S'ensuivit notre immortelle "Marseillaise", conduisant tant de fois nos troupes à la victoire.
Puis vînt le "Chant du Départ", hymne non moins glorieux, petit préféré de certains Fidèles de l'Histoire !...
Nous ne pouvons oublier non plus ce sublime et transcendant "Veillons au Salut de l'Empire", extrait d'un Opéra de l'ancien répertoire de Feydeau ...
Il faut bien souligner ici que Napoléon, Général en Chef, puis Premier Consul et enfin Empreur des Français, ne fit qu'un usage modéré de ces chants patriotiques.
Je me souviens toujours de cet épisode, qui se déroula au Siège de Toulon, et durant lequel un colonel d'Infanterie marchant à l'assaut des troupes anglaises, décida de faire jouer "La Marseillaise", par la musique de son Régiment ...
C'est alors que Bonaparte, se lançant au grand galop sur le front de la colonne de ces troupes, cria d'une voix stridente :
"- Point de musique ! Mais la charge, rien que la charge, entendez-vous !"
L'ordre reçu fut respecté, et le bastion emporté à la baïonnette, au son des fifres et des tambours ...
De nombreuses marches, qu'elles soient jouées par la Garde Consulaire, dans les débuts, ou par la suite, la Garde Impériale, avaient été composées par des chefs de musique appartenant à ces divers Corps d'Armée, sur des thèmes parfois empruntés à de grands Opéras de l'époque.
On a l'habitude de citer, pour exemple, la symphonie guerrière intitulée : "Marche du Camp de Boulogne", et qui ressemblait à un extrait de l'Opéra d'Alceste, de Gluck.
Ecrites pour "des voix de basse", toutes les parties de ce coeur devaient produire un effet sublime et magique, lorsqu'elles furent jouées par la musique militaire de la Garde Consulaire !
L'on ne peut alors manquer de faire référence à la Marche de la Garde Consulaire de Marengo, qui devait en imposer autant qu' inspirer une motivation à toute épreuve !
Elle devait agir sur les coeurs et les esprits, à l'instar d'une véritable parade, devant une armée ennemie, n'yant plus qu'à resserrer ses deux ailes immenses et impériales, pour l'écraser et l'anéantir !
L'Histoire nous rapporte qu'Alexandre le Grand fit célébrer les funérailles d'Ephestion, son ami le plus cher, avec une magnificence dépassant tout ce qui avait été perçu comme "merveilleux", dans la Grèce antique.
Notre Grand Homme avait connu, Lui aussi, un Ephestion, en la personne du Maréchal Lannes, le plus intrépide de ses Lieutenants !
Sa perte constitua pour la France de l'époque un deuil aux regrets universels ...
Paris fut alors le témoin oculaire du déploiement de luxe que l'Empereur ordonna pour la translation de la dépouille honorable ...
De l'Hôtel des Invalides au Panthéon, ce n'était pas un cortège qui défilait, mais bien toute une armée, marchant armes basses et drapeaux voilés, à la suite du cénotaphe du héros regretté...
Rien ne devait être plus poignant dans la beauté que ce défilé funéraire d'une armée au coeur même de Paris, et rien ne devait plus impressionner que ces drapeaux victorieux escortant le colossal corbillard, ces trophées d'étoffe, aux plis criblés par la mitraille !
Ce fut Beethoven qui eût le privilège d'accompagner ce dernier hommage rendu au grand Maréchal Lannes, ce grand musicien, qui savait si bien composer avec la science et l'inspiration qui convenaient aux évènements ...
Cette marche funèbre, volontairement interrompue toutes les cinq minutes par le roulement sourd et prolongé de quelques trois cents tambours, roulant comme le tonnerre, et faisant vibrer hommes et Cieux de la même intensité, constituait le plus vibrant hommage que Napoléon voulut rendre à son Ami, son "frère d'armes" ...
Il y avait aussi ces oubliés, les Marins de la Garde, qui s'en allaient au combat, au son d'une marche sombre et terrible, telle une tempête en mer.
C'était le fameux "Branle-Bas général des Marins", et son nom lui allait à merveille, tant ce bataillon se distingua en prodiges multiples, tant en Allemagne, qu'en Espagne ou encore en Russie ...
Ils étaient indomptables, dit-on, à la baïonnette ...
Cette marche se composait de ce que l'on appelle communément "la charge", et qui n'est autre que la batterie de tambours, associée au ronflement des instruments à cuivre, comme les trompettes et trombones.
Certains témoignages, notamment celui des Officiers généraux qui ne cessèrent d'être à la tête des Grenadiers de la Vieille Garde, durant la bataille de Waterloo, évoquent la musique constamment exécutée durant les sanglants combats de cette mémorable journée, des morceaux tirés de l'Opéra de Fernand Cortes,et de Spontini ; entre'autres, figurait une marche guerrière composée par le célèbre Guebauer ...
Au bruit de cette musique électrisante, faisant certainement l'effet d'une eau-de-vie spirituelle, ô combien réconfortante, la Vieille Garde Impériale était capable de tout renserver sur son passage ...
C'est redire à cette occasion, combien sont tracées nos Destinées, et quoique l'on y fît pour les détourner de leurs objectifs, ce sont bien elles qui se réservent toujours le dernier mot ...
Ainsi s'inscrit WATERLOO, que la Destinée a décidé de nous faire perdre, après nous avoir laissé un espoir géant la veille, à Fleurus, comme à Ligny ...
Mais ce jour-là, la musique n'eût plus qu'à se taire, couverte qu'elle se trouva par les cris immenses, venus du plus profond de l'âme de ces dizaines de milliers de guerriers mutilés par leur bravoure à défier l'irréductible ennemi, ces "grands guerriers" qui, pour trouver une mort sereine, se devaient de hurler une toute dernière fois :
VIVE L'EMPEREUR !!!
... Tel un défi à l'ennemi, tel un défi à la mort, et un seul et unique désir : celui de dire à leur Empereur, avant de quitter cette Terre, que leurs corps, bientôt inanimés, n'empêcheront jamais leur âme de rendre hommage à Celui qui fut avant leur Chef, un Soldat, un Père, un Protecteur, un Compagnon, dont la séparation déchire douleureusement ...
