"-Je n'ai qu'une passion, qu'une maîtresse, c'est la France. Je couche avec elle. Elle ne m'a jamais manqué ..."Lui, d'un côté, elle, de l'autre, les deux ont pu goûter l'ivresse qu'ils n'auraient jamais pu connaître s'ils ne s'étaient rencontrés ...
Et jamais aucune homme ne fit connaître à la France une telle puissance de sentiments ...
Serait-ce ce que l'on appelait jadis .... le patriotisme ?
Je pense que cette ivresse allait encore au-delà du patriotisme, qui, somme toute, pouvait exister quelque soit le nom du Souverain sur le trône.
Mais qu'importe après tout, puisque Lui, le Grand Homme le dit clairement, c'est à l'amour-passion qu'Il se refère pour qualifier cet attachement réciproque ...
Ils se querellent, s'injurient parfois ; Lui l'ensanglante par ce qu'Il nomme "la force des choses", mais Il sait la parer, l'embellir et l'ennivrer de gloire à la moindre occasion !
Bien sûr, il y eût les sourdes révoltes, quand après avoir connu les tortures de la soif sur les sinistres plateaux de Castille, où la guerrila infligeait les pires supplices aux traînards, il fallait encore retraverser l'Europe entière pour aller mourir dans la neige, la faim au ventre, la glace au coeur et la vermine dans les plaies !
Après 1812, après les délires enchanteurs de l'Italie, de Brumaire, du Consulat, d'Austerlitz et de bien d'autres succès encore, les Soldats le haïssaient quand Il n'était pas "là" ...
Mias, dès son apparition, de nouveau l'Armée et le peuple éclataient en véritables cris de passion !
Il y avait ces fameux soirs de victoires, où lors de son apparition dans la bataille qui venait d'être livrée, les acclamations s'élevaient à n'en plus finir !
Il y eût ce non moins sublime cri d'amour qui L'accompagna de Golfe Juan à Paris ...
Amour, sans équivoque, avec ses révoltes indignes et inutiles et son attraction ennivrante ...
C'est le lot des hommes "tout puissants" qui éveillent ainsi, simultanément ou tour à tour, l'enthousiasme et la haine, l'ivresse et et la souffrance, souvent la première dans la seconde ...
D'indifférence, Il ne connut point et ne connais toujours pas ...
Remuant tous les coeurs,et toutes les intelligences d'une façon ou d'une autre, toutes les forces assoupies, sur son passage, s'éveillent et s'expriment ...
Si les peuples ont parfois espéré sa mort, plus souvent, et secrètement parfois, ils ont souhaité sa victoire : ainsi ces Elbois, brûlant son effigie avant son arrivée, et pris d'un véritable délire de joie dès qu'Il leur apparût ...
Partout, dans toutes les villes où il a fait son entrée, à Milan, à Vienne, à Dresde, à Berlin, à Varsovie, jusque dans les pays ennemis et même dans les villes conquises, on s'étouffait sur son passage pour l'acclamer !
Enfin, lorsque vaincu, et prisonnier de la perfide Albion

il parvînt, désormais seul avec sa gloire immense, en rade de Plymouth à bord du Bellérophon, la mer se couvrit d'une telle multitude de vaisseaux, de canots, de barques, que tous se touchèrent ; et, lorsqu'Il parût sur le pont, on vît toutes les têtes se découvrir dans un silence religieux ...
Les hommes cèdent devant cet Homme, comme l'on s'inclinerait devant les phénomènes naturels ...
Chose pour le moins curieux, cette fascination s'exerçait, non seulement devant l'ennemi, mais aussi devant les hommes qui le haïssaient ...
Il était l'Homme attendu, que tous acceptaient, même s'ils devaient par Lui souffrir ...
Et tous étaient concernés, du plus rude à la plus tendre et jusqu'au plus humble, comme jusqu'au plus haut ...
Lorsque Goethe fut interrogé sur les raisons de cette emprise fascinante, il ne parvînt pas à l'expliquer de façon rationnelle :
-"Il était Lui, et on le regardait parce qu'Il était Lui, voilà tout"...
Connaissez-vous beaucoup d'hommes dans le monde, qui furent capables de susciter le sacrifice pour la Patrie, et en faveur de qui le monde consentît à se sacrifier ?
Cette popularité unanime, d'une grandeur à faire frissonner d'émotion, qui faisait se ruer les foules sur ses pas, arborer aux balcons drapeaux et châles, qui faisait jeter des fleurs sous les sabots sanglants de son cheval, qui remplissait sa rue le soir, quand la nouvelle de sa présence courait la ville, et qui, plus tard, dans des sursauts convulsifs et de brefs délires, elle le fit monter à de telles hauteurs, sans canons, sans fusils et presque sans Soldats, qu'Il faillit refouler l'Europe, et qu'un soir, revenant de son exil, toujours seul face à face avec elle, cette popularité, l'emplissant d'une ivresse étrange, elle manqua de le déchirer !
Que lui importaient alors les fanfares, les couronnes et les ruées fanatiques ?!
Il connaissait cette force, venu de son Peuple, une force qui l'habitait, incomparable énergie qui le berçait tel un navire, sur un Océan parfois tranquille, mais qui ne lui manqua jamais lorsque survînt la tempête !
L'instinct de la foule lui appartenait, et Il lui suffisait, pour s'en rassurer, de se sentir uni à elle par les mouvements intérieurs qu'ils pouvaient ressentir en commun, dans une profonde et réelle communion ...
VIVE L'EMPEREUUUUUUUUUUUUURRRRRRRRRRR !! 