Bonaparte a-t-il vraiment crû pouvoir égaler Alexandre, après avoir conquis l'Egypte ? Témoignages...
Bourrienne : « Je soulève et j’arme toute la Syrie, qu’a tant indignée la férocité de Djezzar, dont vous avez vu que la population demandait à chaque assaut la chute à Dieu. Je marche sur Damas et Alep. Je grossis mon armée, en avançant dans tout le pays, de tous les mécontents ; j’annonce au peuple l’abolition de la servitude et des gouvernements tyranniques des pachas. J’arrive à Constantinople avec des masses armées. Je renverse l’empire turc. Je fonde dans l’Orient un nouvel et grand empire qui fixera ma place dans la postérité, et peut-être retournerai-je à Paris par Andrinople ou par Vienne, après avoir anéanti la maison d’Autriche. »
Napoléon à Sainte-Hélène:
"Si je m'étais emparé d'Acre, je prenais le turban ; je faisais mettre de grandes culottes à mon armée ; je ne l'exposais plus qu'à la dernière extrémité ; j'en faisais mon bataillon sacré, mes immortels ! C'est par des Arabes, des Grecs, des Arméniens que j'eusse achevé la guerre contre les Turcs ! Au lieu d'une bataille en Moravie, je gagnais une bataille d'Issus, je me faisais Empereur d'Orient, et je revenais à Paris par Constantinople !"
(Ségur, Un aide de camp de Napoléon)
Bertrand : « Il espérait qu’à la nouvelle de la prise de Saint-Jean d’Acre, les Mamelouks, les Arabes d’Egypte, les partisans de la maison de Daher, se joindraient à lui ; qu’il serait en juin maître de Damas et d’Alep ; que ses avant-postes seraient sur le mont Taurus, ayant sous ses ordres immédiats, vingt-six mille Français, six mille Mamelouks et Arabes à cheval d’Egypte, dix-huit mile Druses, Maronites et autres troupes de Syrie ; que Desaix serait en Egypte prêt à le seconder, à la tête de vingt mille hommes, dont dix mille Français et dix mille noirs, encadrés. Dans cette situation, il serait en état d’imposer à la Porte, de l’obliger à la paix, et de lui faire agréer sa marche sur l’Inde. Si la fortune se plaisait à favoriser ses projets, il pouvait encore arriver sur l’Indus au mois de mars 1800, avec plus de quarante mille hommes en dépit de la perte de sa flotte. Il avait des intelligences en Perse, il était assuré que le schah ne s’opposerait pas au passage de l’armée par Bassora, Chyraz et le Mékran. Les évènements ont déjoué ses calculs. »
Las Cases : « Saint-Jean dAcre enlevée, l’armée française volait à Damas et à Alep, elle eût été en un clin d’œil sur l’Euphrate ; les Chrétiens de la Syrie, les Druses, les Chrétiens de l’Arménie se fussent joints à elle ; les populations allaient être ébranlées. » Un de nous ayant dit qu’on eût été bientôt renforcé de 100 mille hommes : « Dites de 600 mille » a repris l’Empereur ; « qui peut calculer ce que c’eût été ? J’aurais atteint Constantinople et les Indes ; j’eux changé la face du monde ! »
Toujours sur les pas d’Alexandre, un projet qui va du particulier pour s'élever à l'universel :
« Cette compagnie [de dromadaires] était un essai que je voulais tenter pour reconnaître le moyen d’aller aux Indes. Je désirais acheter 15 000 nègres du Darfour qui, avec de bons cadres, auraient fait d’excellents soldats. J’aurais pu avoir un noyau d’armée de 60 000 à 70 000 hommes. Dans le désert, j’aurais fait des marches de 10 lieues par jour, sur trois colonnes, en échelons, afin de trouver assez d’eau aux puits. J’aurais eu autant de Dromadaires qu’il m’eût fallu. Mes malades, mes munitions auraient été placés sur ces animaux. Je n’aurais eu de voitures que pour les canons. J’aurais tout rallié avant d’entrer sur les terres habitées. Je serais ainsi arrivé sur l’Indus et aurais détruit la puissance des Anglais. Il y a environ 1 000 lieues ; j’aurais fait une grande halte sur l’Euphrate et d’autres, selon les circonstances. J’aurai préparé des rations, portées sur les dromadaires, de riz, de farine, de café, afin de donner une livre par jour à chaque homme.
Je me serais allié de suite avec les Mahrattes, qui auraient donné une excellente cavalerie ; d’ailleurs les Cipayes sont indiens et les Anglais redoutaient fort mon entreprise. C’est pourquoi ils s’étaient emparés dernièrement d’Alexandrie. Mais ils verront plus tard ce qui leur arrivera des Russes ! Ceux-ci n’ont pas beaucoup de chemin pour parvenir aux Indes, ils sont déjà en Perse. La Russie est la puissance qui marche le plus sûrement et à plus grands pas vers la domination universelle. »
(Journal de Sainte-Hélène, Gourgaud)
_________________ "Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."
Napoléon.
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