On connaît la réponse au prétendant:
"Il vous faudrait marcher sur 100 000 cadavres..."
Pourtant, on peut se poser la question: Bonaparte a-t-il sollicité le comte de Provence pour qu'il abdique en sa faveur ?
Thiers est muet sur cette question. Par contre, Madelin évoque cet épisode:
"A la vérité, les princes fortifient-ils désespérément, leurs espoirs des tentatives, plus ou moins réelles, faites par Bonaparte lui-même, pour obtenir la renonciation du "Roi" à "ses droits"[Note: L'agent des princes, 3 août 1803. Remacle]-- ce qui est, dit-on, les "reconnaître", et il est bien certain qu'en dépit des dénégations de Napoléon à Sainte-Hélène, il y a eu tentative, par le canal de la Prusse plus ou moins actionnée par le Premier Consul et que le président de Meyer, accrédité par celle-ci, a saisi de la question "Louis XVIII" alors à Varsovie, et que le Czar, sollicité par Frédéric-Guillaume de peser sur le prétendant, ne s'y est pas absolument refusé [note: Frédéric-Guillaume au Czar, 11 février 1803, Boulay de la Meurthe, I, 271];
Le président de Meyer a reçu comme instructions de représenter à "Monsieur le comte de Lille" que "le gouvernement qui veut traiter avec les Bourbons n'est point celui qui les a dépouillés", que ,"loin d'avoir renversé le trône, Bonaparte l'a vengé, tous les partis qui ont désolé la France ayant disparu devant sa fortune", qu'au demeurant "la France est toute au nouveau régime et qu'il faut que les Bourbons se hâtent quand leurs résolutions sont encore de quelques poids aux yeux du gouvernement français" [note: Instructions données au président de Meyer, envoyées par le roi de Prusse à Louis XVIII, 3 février 1803, Boulay de la Meurthe, I, 271]
Au fond, les souverains "légitimes" veulent se faire autoriser par l'héritier "légitime" du trône de France à reconnaître, un jour prochain, "l'illégitime". <<Louis XVIII>> a très fermement répondu qu'il n'abdiquerait aucun de ses droits [note: Louis XVIII au président de Meyer, 28 février 1803, BLM, I, 277. Cf. aussi Ernest Daudet, Histoire de l'émigration, III, 294-298]. Les princes de la Maison ont adhéré à ce solennel refus [note: acte d'adhésion des princes. Londres, 23 avril 1803. Boulay de la Meurthe, I, 286], et le comte d'Artois, resté en Angleterre, se montre en public couvert des insignes des anciens ordres, Saint-Esprit et Saint-Louis, et continue à tenir une petite cour.
Mais le peu de partisans que garde la famille sont, autour d'elle, fort divisés: les amis de Louis XVIII prêchant l'abstention provisoire, ceux du comte d'Artois imaginent --pour l'heure, dans le vide-- de nouveaux complots; cependant, certains royalistes, rejetant les frères de Louis XVI qu'ils disent "brûlés", reportent leurs vues sur des princes plus jeunes: le duc d'Orléans --plus capable et moins impopulaire-- ou le duc d'Enghien --plus sympathique parce que soldat [note:cf. Fauriel]
Louis Madelin, le Consulat, chap. XVI, pp. 921 et 922. Collection Bouquins
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