Le 12 mars, cette division partie de la veille d'Ancône, se présente devant le port Saint-Georges à Lissa. En plus des trois frégates françaises et des 3 autres vénitiennes, elle comprend deux goelettes et un chébec. Et transporte 550 soldats.
Les quatre frégates anglaises du commodore Hoste sont à six milles sous le vent. Dubourdieu ordonne de former également une ligne et d'attaquer à petite distance. Mais il commet l'erreur impardonnable de foncer seul avec sa frégate La Favorite, sans attendre les autres bâtiments...
Canonné simultanément par les 3 frégates de têtes des Anglais, il vise la frégate lourde l'Amphion, qui fait fonction de navire amiral et qui porte Hoste. Pour lui, tout va se résoudre par un duel entre les deux navires portant les deux chefs...
Il tente alors d'aborder celle-ci, après lui avoir envoyé la salve de ses pièces de 24. C'est au cours de cette manoeuvre que le pont de sa frégate est balayée par la mitraille des caronades anglaises... On est surpris qu'un chef aussi prometteur que Dubourdieu n'y ait pas songé...
Une partie de l'équipage qui se préparait à sauter sur le pont est couchée par ce feu meurtrier. Dubourdieu lui-même tombe et expire presque aussitôt !
Dès lors, le combat change d'aspect. Très menacées, les frégates anglaises reprennent l'avantage: bien qu'ayant engagées successivement leurs adversaires, nos frégates sont très malmenées. Drossées par les courants vers la côte, les deux lignes virent de bord pour s'en éloigner; la Favorite, désemparée, n'y parvient pas et va s'échouer sur la côte, désormais inutile...
Vers midi, après une vigoureuse défense, la Bellona amène son pavillon; les frégates françaises La Flore et la Danaë, très avariées, s'éloignent pour gagner l'île de Lesina, suivie de la Carolina vénitienne. La Corona, demeurée en arrière, sans mât d'artimon, sans vergues de hune, est prise vers 3 heures après une résistance honorable.
La Favorite est brûlée par son équipage qui n'est pas parvenue à la déséchouer. Sans désemparer, une fois à terre, cet équipage gagne le port de Saint-George et prennent pied sur un petit navire afin de regagner Lésina.
Les frégates anglaises se réparent à Lissa, tandis que La Danaë, la Flore et la Carolina le font à Lésina. Elles rallieront Raguse le 23 mars.
Dubourdieu, audacieux capitaine qui promettait, s'est-il laissé emporter par le désir d'obtenir un succès éclatant ? On peut le penser; sa supériorité numérique aurait dû de toute façon lui donner la victoire. Plutôt que de se mettre en situation de subir le feu des caronades anglaises, il aurait pu essayer un ballet comme sous l'Ancien Régime, de manière à désemparer les frégates ennemies (comme Renaud avec la Cybèle et la Prudente, en 1794).
A tout le moins, il n'aurait pas dû s'avancer isolément et imprudemment sur la frégate amiral portant son adversaire. Certainement que le désir de redorer le blason de la marine impériale aura compté dans son attaque téméraire. Il est mort en brave, mais sans profit pour l'éclat de la marine de Sa Majesté Impériale...
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